Nouvelles chaînes de TNT et TV connectée : l’année 2012 va chambouler le PAF

Si le paysage audiovisuel français (PAF) a déjà été agité par l’abrogation des chaînes « bonus », l’année prochaine le sera encore plus avec l’arrivée de six nouvelles chaînes gratuites sur la TNT, connues au printemps, et la montée en puissance de la télévision connectée.

Par Christophe Clarenc (photo), associé, et Elsa Pinon, collaboratrice, August & Debouzy

Dans le cadre de la disparition de la télévision analogique au profit du basculement définitif vers la Télévision numérique terrestre (TNT) finalisé le 30 novembre dernier, six canaux avaient été promis aux chaînes historiques (TF1, M6 et Canal+) pour compenser la possible baisse d’audience due à l’arrivée de chaînes concurrentes (1). En 2008, les groupes NRJ, NextRadioTV, Bolloré et AB ont contesté devant la Commission européenne la validité de ces attributions.

Finis les « bonus », place à six nouvelles chaînes
Dans un avis motivé envoyé à la France le 29 septembre 2011, la Commission européenne a porté un coup d’arrêt définitif à l’attribution de ces chaînes « bonus », jugeant le dispositif français contraire au droit de l’Union et aux principes de transparence et de non-discrimination en ce qu’il « pénalise les opérateurs concurrents et prive les téléspectateurs d’une offre plus attractive » (2). Afin d’éviter l’ouverture d’une phase contentieuse à l’encontre de la France susceptible d’aboutir à une amende, le gouvernement a transmis début novembre au Conseil d’Etat et au Conseil supérieur
de l’audiovisuel (CSA) un avant-projet de loi visant à abroger le dispositif législatif qui prévoyait l’octroi de chaînes « bonus ». Conséquence de l’abandon de ces chaînes et
du maintien dans l’immédiat de la norme de diffusion actuelle de la TNT, le DVB-T (voir encadré), le gouvernement a demandé au CSA de procéder à l’attribution non-discriminatoire des six nouvelles chaînes de TNT haute définition (HD) et gratuites, faisant ainsi passer leur nombre de 19 à 25. Le CSA a donc lancé, le 18 octobre dernier, un appel à candidatures. Les résultats devraient être connus au printemps prochain, précisément
« avant fin mai » (3). Des chaînes telles que L’Equipe TV, IDF1 ou encore Allociné, déjà disponibles sur la TNT payante ou sur IPTV, ont fait connaître leur intention d’entrer sur la TNT gratuite. NRJ et NextRadioTV, qui disposent déjà chacun d’une fréquence de TNT gratuite, souhaiteraient également enrichir leur offre puisqu’ils auraient respectivement déposé trois et deux projets de chaînes. Enfin, les chaînes historiques projettent toujours de bénéficier de chaînes additionnelles et ont, dans cette perspective, déposé leur candidature avec une chaîne pour TF1, deux pour M6 et sans doute une pour Canal+.
Ce projet de Canal+ ne manque d’ailleurs pas de préoccuper les acteurs de la TNT gratuite dans la mesure où son aboutissement viendrait renforcer sur la télévision gratuite la présence de l’acteur reconnu comme dominant dans la télévision payante (Canal+ a d’ores et déjà annoncé le rachat des chaînes Direct 8 et Direct Star du groupe Bolloré).
Le lancement des premiers programmes de ces nouvelles chaînes gratuites à l’automne 2012 suscite également des doutes sérieux sur l’avenir de la TNT payante. De nombreux acteurs se sont ainsi inquiétés de l’abondance de chaînes de TNT gratuites qui pourrait entraîner une diminution de l’attractivité – déjà faible –, et une dévalorisation des dix offres de télévision payante qui éprouvent de grandes difficultés à atteindre l’équilibre économique. AB1 et Canal J ont ainsi renoncé à leur autorisation de diffusion sur la TNT payante. En outre, Paris Première, chaîne du groupe M6 et LCI du groupe TF1, ont proposé leur candidature pour passer en clair. Cette solution pourrait être adoptée par l’ensemble des chaînes de TNT payantes face à la montée du gratuit. Ce qui posera
alors la question de l’utilisation future de ces fréquences de TNT.

Les FAI au secours de la TNT payante ?
Le salut pour les chaînes de TNT payante pourrait alors venir d’un élargissement de leur mode de diffusion. Si elles ne sont pas liées par une exclusivité CanalSat, elles pourraient compléter leur diffusion sur la TNT payante par une distribution en mode IPTV via les
« box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), tels que Orange, SFR, Free et Darty, en escomptant sur le fait que cet élargissement de la diffusion s’accompagnerait d’une augmentation de leurs revenus. Les chaînes TNT payantes, mais également les chaînes TNT gratuites, seront par ailleurs confrontées dès le début de l’année prochaine à un autre défi. L’arrivée prévue en Europe en 2012 de Netflix, Apple et Google en tant qu’opérateurs de télévision connectée bouleversera, à n’en pas douter, encore un peu plus le paysage audiovisuel français (PAF). Pour son arrivée sur le marché, Google a ainsi choisi de s’appuyer sur sa filiale YouTube ainsi que sur Disney, News Corp, RTL Group et Time Warner (négociations en cours) afin de disposer d’une offre particulièrement attractive
sur des chaînes thématiques qui seront proposées exclusivement via la Google TV.

La menace de la TV connectée
La montée en débit progressive des réseaux, grâce au déploiement de la fibre optique,
et l’absence de régulation du nouveau secteur de la télévision connectée – contrairement à celui de l’audiovisuel – devraient vraisemblablement mener progressivement à la généralisation de cette dernière. La TV connectée est en effet déjà présente dans près de 50 % des foyers français, soit directement par le biais des téléviseurs, soit indirectement par les box Internet, les ordinateurs ou encore les consoles de jeux Xbox, Playstation et autres. S’il s’agit pour l’essentiel de téléviseurs « connectables », car la connexion indirecte à Internet ne donne pas encore aujourd’hui accès à des services de l’Internet ouvert, nombre d’entre eux devraient incessamment se transformer en téléviseurs connectés de façon effective si les FAI ouvrent leurs box à des services issus de l’Internet. De même, les téléviseurs actuellement vendus deviennent par défaut des téléviseurs connectables (4).
Certains acteurs estiment ainsi que, face à ce développement rapide, la TNT pourrait bientôt ne représenter que 50 % de la consommation de contenus. Afin de prévenir une telle diminution, l’ensemble des chaînes TNT (5) ont signé fin 2010 une charte de la télévision connectée afin de protéger les modalités d’affichage de leurs contenus et services en ligne sur les nouveaux téléviseurs connectés, ainsi que sur les autres matériels vidéo connectés. S’ils sont ouverts à des accords ponctuels avec YouTube,
les opérateurs refusent un accord global qui donnerait accès à l’ensemble de leurs programmes et s’opposent ainsi à « toute démarche visant à tirer profit de leurs programmes ou de leur audience (et notamment des données d’usages) en redirigeant les téléspectateurs vers d’autres contenus et services sans accord préalable de la chaîne concernée » (6). Cette charte n’est, pour l’instant, qu’une note d’intention et n’a aucune portée juridique, mais « elle est déjà l’affirmation d’une volonté forte, et [le président du CSA] souhaite (…) donner encore plus d’ampleur et plus de force à cet acte [, quitte à] un jour aller devant le parlement » (7). Or si ce document était considéré comme ayant pour objet ou pour effet d’exclure les concurrents des signataires de la charte, il serait

ZOOM

Pourquoi l’adoption de la norme DVB-T2 a été repoussée à 2015
Le gouvernement s’est prononcé en octobre dernier sur le passage à la norme DVB-T2, la 2e génération de la TNT, modernisation technologique qui permet la généralisation de la haute définition (HD). L’adoption rapide de cette nouvelle norme de diffusion avait été envisagée en début d’année, puis préconisée par Michel Boyon, le président du CSA, dans son rapport sur l’avenir de la TNT d’août 2011. Cependant, il a finalement été constaté que l’adoption immédiate de la norme DVB-T2 était prématurée puisque pratiquement aucun téléviseur actuel n’est équipé de tuner DVB-T2. Ainsi, le passage au DVB-T2 aurait certes permis de proposer huit nouvelles chaînes HD au lieu de six avec la norme DVB-T, mais les aurait rendues sans intérêt dans la mesure où les foyers français, à peine équipés de dispositifs TNT, auraient à nouveau dû en changer pour pouvoir capter les nouvelles chaînes. Le passage à la norme DVB-T2 a donc finalement été repoussé à fin 2015-début 2016, ce qui permettra aux téléspectateurs de « bénéficier d’un enrichissement de l’offre audiovisuelle sans nécessité de se ré-équiper » (1).. @