BitTorrent lance dès janvier 2012 un protocole de streaming sur réseau peer-to-peer

La société américaine BitTorrent, dont le célèbre protocole peer-to-peer a été créé
il y a maintenant dix ans pour s’affranchir de tout serveur au profit des ordinateurs interconnectés des internautes, va lancer au CES 2012 un streaming fonctionnant en peer-to-peer !

Les industries culturelles se sont méfiées de BitTorrent, soupçonné de favoriser le piratage sur les réseaux peer-to-peer (P2P). Elles vont peut-être être terrifiées à l’idée
que cette société américaine va lancer, lors du prochain Consumer Electronics Show (CES) de janvier 2012 à Las Vegas, un nouveau protocole sur Internet baptisé P2P Live Streaming Protocol. Il permettra aux internautes de s’échanger entre eux des contenus (films, programmes, vidéos, …) comme ils le font actuellement en téléchargement sur réseau peer-to- peer, mais cette fois en streaming.

S’allier à des fournisseurs de contenus
Comme pour le téléchargement, le flux audio ou vidéo sera véhiculé entre les terminaux des utilisateurs via le réseau peer-to-peer, sans avoir à passer par les fourches Caudines d’un serveur centralisé ni d’un site web. Après avoir dépassé cette année les 100 millions d’internautes actifs chaque mois, BitTorrent génèrerait aujourd’hui à lui seul entre un quart et la moitié du trafic Internet mondial selon les régions. Dix ans après avoir créé ce protocole « pair-à-pair », Bram Cohen, le cofondateur de BitTorrent Inc. – aujourd’hui
« scientifique en chef » (1) – a lui-même mis au point ce P2P Live Streaming. Une démonstration en avait été faite en janvier dernier. Actuellement en fin de « phase Alpha », ce nouveau protocole est prêt à révolutionner la gestion de trafic et l’optimisation de la bande passante sur Internet. Son secret de fabrication : un temps de latence optimisé grâce à des algorithmes de « contrôle des congestions ».
Edition Multimédi@ a tenté en vain de joindre Eric Klinker, le directeur général de BitTorrent, Inc. Dans un entretien réalisé par le groupe britannique Informa, organisateur du Broadband World Forum 2011 fin septembre à Paris, ce dernier laisse entendre que le streaming live sur réseau peer-to-peer sera lancé lors du prochain CES. Et d’expliquer :
« Nous travaillons depuis environ un an sur ce protocole live qui la plupart des mêmes avantages que BitTorrent aujourd’hui. C’est réellement basé sur du peer. Aucun serveur n’est nécessaire ». Pour illustrer la puissance du P2P Live Streaming Protocol, il donne une indication : « Un simple téléphone portable peut desservir une audience de millions [d’utilisateurs], sans infrastructure et en moins de 5 secondes de [temps de] latence ». Avec le streaming pair-à-pair, le patron de BitTorrent entend séduire les opérateurs télécoms, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), les médias et les industries culturelles – cinéma et télévision en tête. « C’est un protocole que nous sommes en train d’implanter pour les télévisions linéaires et les événements en direct », précise Eric Klinker. Il vante aussi les mérites d’une « technologie fondamentale qui est parfaite pour les lourds fichiers des films ». Car BitTorrent veut convaincre les fournisseurs de contenus de s’allier avec lui comme c’est le cas de la société américaine Pioneer One qui produit une web-série diffusée gratuitement avec BitTorrent. En mai dernier, le film The Tunnel a aussi été diffusé sur le réseau peer-to-peer avant sa projection en salles et sa vente en DVD par le géant d’Hollywood Paramount Pictures. Cette quête de reconnaissance mondiale passe aussi par un programme de certification de terminaux (téléviseurs connectés, lecteurs DVD/Blue-ray, box, set-top-boxes, serveurs NAS ou disques durs multimedia, etc).
Lors de l’IFA de septembre, la foire internationale de l’électronique à Berlin, BitTorrent
a présenté avec le fabricant turc Vestel un premier téléviseur connecté estampillé
« BitTorrent Certified ».
Mais Eric Klinker reconnaît que le plus grand challenge est moins technologique que marketing. Le plus dur sera de faire comprendre que BitTorrent n’est pas un protocole pour pirater sur Internet mais « une méthode fantastique de distribution de contenus légaux ». « Le défi, c’est le comportement des utilisateurs. Tenir pour responsables les FAI pour les infractions à la propriété intellectuelle (…), ce n’est pas là que le problème
se trouve. Ce sont plutôt les gens qui l’édite [notre logiciel BitTorrent], qui le rendent disponible et donc le consomment », estime Eric Klinker.

Convaincre opérateurs télécoms et FAI
BitTorrent veut convaincre les FAI d’adopter le nouveau protocole comme l’a fait le britannique Virgin Media devenu Partner. Encore faut-il que les opérateurs de réseaux
et les FAI ne bloquent pas le protocole d’échange, comme l’a fait le câblo-opérateur Comcast aux Etats-Unis avant d’être condamné en 2007 par la FCC (2). En France,
Free fait polémique depuis que les ayants droit viennent de découvrir BitTorrent dans
la Freebox (3) … @

Charles de Laubier