Marie Pic-Pâris Allavena, groupe Eyrolles : « Nous sommes parmi les premiers éditeurs français sur l’iPad »

Directrice générale du groupe Eyrolles depuis janvier 2009, Marie Pic-Pâris Allavena explique à Edition Multimédi@ comment elle compte faire de la vente d’ebooks – notamment pour l’iPad et bientôt sur le Kindle – une opportunité prioritaire sur un marché du livre « difficile ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Cela fait un an et demi que vous dirigez le groupe familial Eyrolles. Est-ce que livre numérique est devenu une priorité ?
Marie Pic-Pâris Allavena (photo) :
La part du numérique dans notre chiffre d’affaires pour l’activité « éditions » avoisinera les 3 % cette année. Notre objectif pour l’an prochain est de réaliser 8 % de nos revenus avec nos contenus numériques. Nous avons aujourd’hui 1.000 livres numériques disponibles, principalement au format PDF.
Ils sont commercialisés par de nombreux libraires via des e-distributeurs. Ils sont également disponibles sur le site iZibook. Parmi mes priorités pour l’année 2010,
il est notamment impératif de franchir une nouvelle étape dans le numérique. Depuis
deux ans, nous vendons nos livres numériques en format PDF via un certain nombre de e-distributeurs. Et, depuis le 28 mai, nous sommes parmi les premiers éditeurs français sur l’iPad [avec notamment Albin Michel et Hachette Livre, ndlr]. Etre présent sur tous canaux de diffusion possibles permet de proposer à chacun une offre ebook adaptée à son usage et à son terminal.
Il s’agit aussi en 2010 d’assurer le développement de notre activité dans un marché
du livre difficile (concurrence, crise, …). Ce qui signifie, entre autres, de continuer à produire des livres de qualité sur nos secteurs historiques que sont l’entreprise, l’informatique, le BTP, la photo, l’artisanat, tout en élargissant à d’autres thèmes comme le pratique ou la culture générale. Nous voulons également de façon prioritaire soutenir les libraires, sachant que le groupe Eyrolles possède cinq librairies en direct. Il n’y a pas d’économie du livre sans une présence forte de tous les acteurs de la chaîne. Enfin, nous allons poursuivre notre forte croissance dans la diffusion. Nous sommes en cours de finalisation avec des acteurs prestigieux, nous permettant ainsi de renforcer notre présence dans des rayons porteurs.

« Début juillet, nous lançons notre propre entrepôt numérique. Et ce, afin de pouvoir gérer non seulement nos propres ouvrages mais aussi ceux de nos éditeurs partenaires que nous diffusons. »

EM@ : A quelle date avez-vous signé avec Apple pour l’iPad ? Est-ce que la clé de répartition (70 % pour Apple et 30 % pour vous éditeur) et la grille tarifaire imposée vous conviennent-elles ?
M. P-P. A. :
Le contrat signé avec Apple est totalement confidentiel et nous convient pleinement. Nous avons négocié avec des personnes efficaces et très respectueuses de la création et des auteurs. Nous conservons la maîtrise de nos prix. C’est primordial pour préserver les intérêts de nos auteurs et des libraires. L’arrivée de l’iPad doit également bénéficier aux libraires, dont le rôle de prescripteur demeure primordial.
Le modèle de rémunération des auteurs reste le même que pour le livre papier (pourcentage sur les ventes). Le modèle de diffusion est également similaire à celui du livre papier Nous sommes également présents sur le Store de Sony en France via la Fnac. Nous avons aussi de bonnes relations avec Amazon, dont nous attendons les propositions avec intérêt pour être présent sur le Kindle. Idem avec Google. Nous appliquons la même politique tarifaire sur tous nos canaux de vente numériques : 15 % à 25 % moins chers que nos livres papiers. En réalité, la structure de coût d’un ebook est similaire à celle d’un ouvrage papier : commissions versées aux intermédiaires – diffuseur, distributeur, libraire –, travail éditorial et promotion. L’économie porte sur le papier, l’impression et les invendus. Elle est de l’ordre de 10 % à 17 %. C’est Apple qui vend au client final, c’est donc lui qui maîtrise le fichier clients. Nous proposons d’ores et déjà une centaine de titres sur iBooks Store et l’offre des Editions Eyrolles s’étoffera à raison de 100 titres supplémentaires par mois.

EM@ : Les Editions Eyrolles sont sur le portail ePagine. Le serez-vous sur
la “plateforme commune” avec Eden Livres, Numilog et Eplateforme ?
M. P-P. A. :
N’étant pas e-distributeur, nous n’avons pas vocation à être partie prenante dans cet accord. En effet, Eyrolles a plutôt vocation à être e-diffuseur, c’est-à-dire à ouvrir le maximum de canaux de vente au client final (les e-distributeurs assurant la livraison des fichiers). En revanche, notre catalogue y sera par le biais de nos partenaires Numilog et ePagine. Par ailleurs, début juillet, nous lançons notre propre entrepôt numérique.
Et ce, afin de pouvoir gérer non seulement nos propres ouvrages mais aussi ceux de nos éditeurs partenaires que nous diffusons. Ceci dans un but de sécurité et de rationalisation. Cet outil a pour but de stocker et de délivrer nos fichiers ebooks et ceux de nos diffusés à nos edistributeurs et à certains revendeurs particuliers, tel que Apple iBooks Store. En revanche, il n’a pas comme objectif de délivrer les fichiers au client final comme le font Numilog ou ePagine.

EM@ : En 2009, vous avez été victime de piratage de ebooks ? L’entrepôt numérique sera-t-il plus protecteur ?
M. P-P. A. :
Cela n’est pas la vocation première de l’entrepôt numérique, mais il est prévu un marquage des fichiers envoyés sur chaque canal de e-distribution pour assurer leurs traçabilités.

EM@ : Le groupe Eyrolles va-t-il rejoindre Gallimard dans son action en justice contre Google, aux côtés d’Albin Michel ou Flammarion, avec le soutien du SNE ? Est-ce que votre plainte diffère de celle de La Martinière qui a été jugée le
18 décembre 2009 ?
M. P-P. A. :
Nous n’avons pris aucune décision formelle à ce sujet. Pour l’instant, nous allons regarder [avec Google, ndlr] le nombre de livres concernés. Nous n’avons pas les mêmes enjeux que les éditeurs de littérature. Nous déciderons à partir de septembre.

EM@ : Au-delà du principe admis par tout le monde d’une TVA à 5,5 % sur le livre numérique, êtes-vous favorable à la transposition du prix unique du livre sur le numérique “homothétiques” ? Pensez-vous qu’il faille légiférer dès cette année ? M. P-P. A. : Oui, je suis favorable à ce que la loi Lang s’applique pour le prix unique sur les livres homothétiques. De toute façon, légiférer prendra du temps… Cette loi a largement fait ses preuves et contribué à soutenir le marché en France. Le numérique est un enjeu majeur mais il ne pourra supporter de dérives. C’est pour cette raison que la loi, une fois modifiée, permettra d’organiser et de stabiliser ce nouveau mode de consommation. En revanche, dès que des livres « à contenus enrichis » verront le jour, les fixations de prix deviendront plus compliquées…

EM@ : Vous êtes la nièce de Serge Eyrolles [lire son interview dans EM@10 p. 1 et 2], président du groupe Eyrolles et fils du fondateur des Editions Eyrolles
il y a 100 ans. Il va quitter la présidence du Syndicat national de l’édition (SNE) et pensez-vous y jouer un rôle à votre tour ?
M. P-P. A. :
Serge Eyrolles cessera ses fonctions de président du SNE le 24 juin prochain, à l’issue de l’assemblée générale annuelle et au terme de dix-neuf années
de présidence [C’est Antoine Gallimard qui devrait lui succéder, ndlr]. Pour ce qui me concerne, je n’envisage, pour l’instant, aucun rôle au niveau du SNE mais le groupe Eyrolles restera membre. @