L’âge d’or du d-Cinema

Ce soir, c’est ciné ! Et pas sur notre home cinéma mural.
Ce n’est pas non plus la bonne vielle sortie familiale pour
voir et partager le dernier blockbuster dans une salle à grand spectacle. Non, ce soir, Festival de Cannes oblige, nous allons assister à la diffusion de deux films de la sélection officielle, projetés simultanément dans une centaine de salles réparties sur la planète. Nous pourrons même participer au choix du film auquel sera attribuée la Palme du public, en votant directement sur nos smartphones. Est-ce tout ? Peu de chose aurait donc fondamentalement changé depuis qu’un Platon imagina une séance pour des spectateurs hypnotisés par des images projetées tout au fond d’une caverne symbolique. Si les spectateurs se retrouvent toujours dans une même salle, comme pour la première projection payante au Grand Café à Paris en 1896, les progrès n’ont cessé d’accompagner ce « Septième Art » devenu également une industrie culturelle puissante.

« L’ère digitale a changé la classique salle de cinéma en un véritable lieu de spectacle numérique, largement ouverte sur d’autres domaines (concerts, matchs, théâtres, …) »

Le numérique est ainsi la nouvelle étape, qui, après le parlant, la couleur et le cinémascope, révolutionne et redynamise le cinéma. Mais pour en saisir toute l’ampleur, il est nécessaire de descendre dans les entrailles de cette machine à écrire
le mouvement. En fait, la mutation conduisant au cinéma numérique (digital cinema ou
d-cinema) a été très profonde, touchant l’ensemble des métiers, de la production à la diffusion en salle. Lancée au tournant du siècle, la transition numérique s’est accélérée
en 2010, année où plus de 200 films numériques ont été diffusés sur plus de mille écrans numériques. La France faisait alors la course en tête en Europe, avec un parc de salles déjà numérisées à près de 20 %. Cette première étape, stimulée de manière spectaculaire par le phénomène 3D, a cependant dû, pour se déployer plus largement, prendre en compte la réalité économique de la distribution. Après plus de cent ans de bons et loyaux services, finies les bobines celluloïd faisant le tour des salles, des plus grandes aux plus petites, symboles d’une époque révolue. Un disque dur de 500 grammes suffisait pour loger les 30 kilos des anciennes bobines de 35 millimètres, jusqu’à ce que la distribution par réseaux haut débit, fixe ou satellite, dématérialise tout à fait, après d’autres, la filière du cinéma. Pour faciliter cette transition, chaque pays a mis en place des dispositifs d’accompagnement, souvent différents. Maisles exploitants ont dû supporter de nouveaux investissements dans un réseau de salles diffus, mais dont l’existence est également synonyme de diversité de l’offre sur tout un territoire. Maintenant que la numérisation de la filière est en grande partie effectuée, les spectateurs sont plus intéressés par l’évolution des programmes que par cette mutation des coulisses du cinéma. Ils ont désormais accès à une programmation bien plus riche, avec des films qui changent plus rapidement et des salles qui, dans la même journée, peuvent proposer des œuvres différentes. Mais l’entrée dans l’ère digitale a également changé la classique salle de cinéma en un véritable lieu de spectacle numérique, largement ouverte sur d’autres domaines. Et c’est d’ailleurs assez savoureux d’assister au retour du spectacle vivant dans les salles, à travers des soirées spéciales consacrées aux retransmissions en direct de concerts, de pièces de théâtre ou d’événements sportifs. Il a bien fallu que la profession s’adapte pour faire face
à la concurrence toujours plus forte des autres médias qui proposent un catalogue infini de films, des plus anciens au plus récents.
C’est également la raison pour laquelle l’industrie cinématographique repousse
sans cesse ses frontières. Un cinéma d’un nouveau genre offre désormais plusieurs productions par an, mêlant jeux vidéo et interactivité, comme le fit en son temps
le précurseur “Last Call”, sorti en 2010, qui proposait au spectateur d’interagir directement sur la narration de l’histoire en conversant via son mobile avec le protagoniste du film. Pendant ce temps, le cinéma holographique est en train de sortir des laboratoires et laisse entrevoir la possibilité prochaine de séances de projection de films en relief, sans écran ! @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Menaces sur l’e-dentité
Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et commercial
de l’Idate. Rapport sur le sujet : « Vidéo et Cinéma 3D » par Samuel Ropert.