Pourquoi le livre audio a encore du mal à se faire entendre (sinon écouter) en France

Le succès des livres audio tarde sur l’Hexagone, alors que dans d’autres pays comme aux Etats-Unis les « lecteurs » les ont adoptés. Les jeunes Français s’y mettent, le plus souvent sur leur smartphone. La génération Millénium pourraient convaincre leurs aînés et bousculer les maisons d’édition.

Il y a la notoriété et il y a l’usage. Si les livres audio sont connus en France par presque tous les jeunes – 93 % d’entre eux en ont entendu parler –, ils ne sont encore que 21 % a en avoir déjà écoutés. Pour ces derniers, ils écoutent encore essentiellement des livres audio sur CD (80 % ont écouté sur ce support). Tandis que 28 % d’entre eux ont déjà écouté un livre audio dématérialisé, à savoir sur la forme d’un fichier téléchargé, d’une application mobile ou sur un site web de streaming par exemple (voir graphique ci-dessous). Ils sont même 55 % à opter pour le livre audio dématérialisé lorsqu’ils sont au lycée ou ailleurs (post collège).

Sur smartphone, en voiture, en transport
Ce sondage que l’institut Ipsos a mené l’an dernier pour le compte du Centre national du livre (CNL) démontre que la génération Millénium est le meilleur atout pour le développement en France de ces livres lus à haute voix mais encore très peu écoutés. « Comme pour le livre numérique, l’intérêt pour les livres audio varie fortement selon que le jeune ait déjà testé ou non ce mode de lecture », constate l’étude. Plus que les
« Internet Native » des générations X et Y, les jeunes des années 2000 sont tous dotés d’un smartphone. Les lecteurs de livres audio les écoutent autant pendant les vacances (35 %) que le soir avant de se coucher (33 %). Ils les écoutent principalement chez eux (83 %), dans leur chambre (66 %) ou hors de leur domicile, essentiellement en mobilité (18 % dans les transports). Le smartphone généralisé et transgénérationnel ouvre en grand le marché à ces livres audio dématérialisés destinés à écouter des histoires. D’autant que les transports et la voiture constituent des endroits privilégiés pour que
les adultes écoutent eux aussi des histoires.
Ce sont surtout les téléphones mobiles multimédias qui sont les mieux adaptés pour s’adonner aux livres audio, tout en poursuivant ce que l’on a à faire (activités, travaux, tâches ménagères, joggings, conduites en voiture, vélo, transports en commun, etc). L’audiolivre permet en outre aux yeux de se reposer lorsque son utilisateur a passé
tout ou partie de la journée à travailler devant un écran d’ordinateur… Or, force est de constater que les maisons d’édition françaises restent encore peu enclines à faire la promotion de ce type de lecture peut-être considéré comme « moins noble » que l’écrit et/ou susceptible de cannibaliser les livres imprimés. Alors que les ventes de livres numériques progressent, elles, déjà trop lentement en France (1), celles des livres audio dépassent à peine les 1 % du chiffre d’affaires cumulé des maisons d’édition. Aux Etats-Unis, au contraire, le marché de l’audiobook n’a pas de mal à se faire entendre (écouter) : selon l’Audio Publishers Association (APA), le chiffre d’affaires total de ces ouvrages audio sur le marché américain a atteint 1,77 milliard de dollars, en hausse de 20 % sur un an grâce à 35.574 références qui ont été publiées en 2015 (soit huit fois plus qu’en 2010). Ainsi, l’audiobook pèse environ 10 % des ventes outre-Atlantique. Selon l’APA, les livres audio écrits à la première personne et lus par leurs auteurs – Bruce Springsteen, Bernie Sanders ou encore Carrie Fisher – ont tous rencontré un succès, de même que ceux où des célébrités – Johnny Depp, Kate Winslet ou Meryl Streep – ont prêté leur voix à des ouvrages qui n’étaient pas les leurs. Le smarphone
et la tablette ont donné un nouvel élan – décisif celui-là – à ce marché né dans les années 1970 et 1980 avec respectivement les K7 et les CD. Amazon, qui s’était emparé de la société Audible en 2008, est le numéro un des ventes avec près de 120.000 audiobooks écoulés en un an. En Europe, gageons que l’accord du 5 janvier dernier entre Apple (iTunes) et Amazon (Audible), selon lequel ils mettent fin à leurs exclusivités dans la commercialisation des livres audio téléchargeables, aura des répercutions positives sur le marché. @

Charles de Laubier