Deuxième bulle Internet : après la French Tech, le krach tech nous pend au nez !

Quinze ans après l’éclatement de la 1ère bulle Internet, la question n’est plus de savoir s’il y en aura une 2e mais quand. Malgré des fondamentaux numériques
un peu plus solides qu’il y a quinze ans, la multiplication des levées de fonds
par une pléthore de start-up, d’unicornes et de licornes laisse présager un krach tech.

« C’est le moment le plus enthousiasmant pour être dans les technologies en Europe, qu’on soit investisseur ou entrepreneur. Cette année 2015 a été exceptionnelle »,
a lancé le Suédois Niklas Zennström (photo), le cofondateur de Skype (racheté en 2011 par Microsoft pour 8,5 milliards de dollars). C’était le 11 novembre dernier en Finlande, lors du congrès international Slush consacré aux start-up. Selon sa propre société d’investissement qu’il a fondée en 2006, Atomico, la barre des 10 milliards de dollars en capital-risque est sur le point d’être franchie par les start-up européennes
– contre 9,4 milliards actuellement. C’est sans précédent.

Business angels or devil investors ?
L’Europe compte maintenant pas moins de 5.000angel investors actifs, 25.000 pépinières de start-up, quelque 1,6 million de développeurs, et totalise plus d’une centaine d’introductions en Bourse de sociétés présentes dans les technologies.
« L’année 2015 est une année révolutionnaire et un point de basculement significatif pour un écosystème européen qui se sent très différent de celui de 2010 », s’enthousiasme le fonds de Niklas Zennström, sans pour autant dire s’il y a un risque d’éclatement de cette seconde bulle Internet. Et selon les sociétés d’études CB Insight et KPMG, rien que sur le troisième trimestre de cette année, 37,6 milliards de dollars
de capital-risque ont été injectés au niveau mondial dans 1.799 sociétés, en phase d’amorçage ou déjà matures : un record trimestriel depuis 2001 ! Et au total, sur l’année 2015, l’enveloppe allouée dépassera les 100 milliards de dollars, soit une hausse de
10 % sur un an mais surtout le double par rapport à 2013… Au-delà de l’accumulation des levées de fonds, dont on se demande laquelle sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase, il y a la bulle spéculative sur les sociétés technologiques non-cotées en Bourse – donc sans obligation de faire preuve de transparence financière – mais valorisées plus de 1 milliard de dollars (start-up dites « unicornes ») ou plus de 10 milliards (start-up dites « licorne »). Selon la banque d’investissement britannique GP Bullhound, cité par La Tribune (1), la France compte trois licornes – qu’elles soient cette fois cotées ou pas : Vente-privee, qui arrive en 16e place des valorisations de start-up européennes, suivi de Criteo (2) et de Blablacar. Au total, le Vieux Continent a créé depuis le premier éclatement de la bulle Internet en 2000 une quarantaine de licornes, dont la valorisation cumulée dépasse la barre des 100 milliards de d’euros – sur un total mondial de 124 licornes pesant ensemble aujourd’hui quelque 435 milliard d’euros. Si des licornes telles que Uber (valorisé 50 milliards de dollars) ou Airbnb (25 milliards) n’ont pas encore eu le besoin de lever des fonds en Bourse, c’est qu’elles trouvent à se financer facilement auprès des capitaux-risqueurs ou des banques, à l’heure où le coût de l’argent est au plus bas en Europe (taux proche de zéro). Même si, parmi les start-up, unicornes et licornes, les chiffres d’affaires et les rentabilités laissent dans la plupart des cas à désirer, l’engouement des investisseurs pour la nouvelle économie numérique induite par les réseaux sociaux, les objets connectés, le e-commerce, la publicité en ligne ou encore des biotechnologies relève de l’euphorie qui se le dispute
à l’aveuglement. Qui aura investi dans les GAFA de demain et remporté le jackpot ? Les valorisations multimilliardaires qui dépassent l’entendement servent de catalyseur : Facebook a dépassé pour la première fois, le 5 novembre, les 300 milliards de dollars en Bourse ! Le réseau social se hisse ainsi au niveau du géant du e-commerce, Amazon, les deux dépassant ainsi le géant industriel General Electric… Mais ils sont encore loin des capitalisations boursières d’Apple (645 milliards de dollars) ou d’Alphabet/Google/YouTube (525 milliards).
Pas de raison dans ces conditions que retombe cette fièvre d’investissement frénétique – entretenue par les pouvoirs publics qui, en France, y contribuent largement (French Tech, Bpifrance, CDC, statut JEI, CIR, …). Mais jusqu’où ? Après le French Tech, le krach tech ? Le contexte boursier est actuellement défavorable – Deezer a reporté son introduction en Bourse, Square a réduit d’un tiers sa valeur à moins de 4,5 milliards en vue d’être coté) – dans un environnement économique mondial morose – voire inquiétant au regard de la révision à la baisse des prévisions de l’OCDE. @

Charles de Laubier

ZOOM

Netatmo, Melty : ainsi « fonds, fonds, fonds »…
Les levées de fonds auprès des « zinzins » ou des business angels se suivent et se ressemblent. La start-up française Netatmo, créée en 2011 et spécialisée dans les objets connectés (3), a annoncé le 5 novembre avoir levé 30 millions d’euros auprès de Legrand, Iris Capital, C4 Ventures (4) et le fonds public de Bpifrance, en plus des 4,5 millions obtenu il y a deux ans. Mais son président-cofondateur, Frédéric Pottier, n’a pas souhaité divulguer ses résultats financiers qu’il affirme positifs et en croissance. C’est la dernière grosse levée de fonds en date en France. Quelques jours après, c’était au tour de la start-up française Melty, créée en 2008 et regroupant des médias en ligne pour les 12-30 ans, d’annoncer 10,5 millions d’euros levés auprès d’AccorHotels, de Jaina Capital (5) et d’Artémis (6). Mais la société qui s’internationaliser et mise sur la vidéo perd de l’argent, pour un chiffre d’affaires d’environ 7 millions d’euros. @