L’empire des drones

Si, pendant des millénaires, nos ancêtres se sont satisfaits du fascinant spectacle des astres à contempler au-dessus de leur tête, nos grands parents n’ont eu qu’un siècle seulement pour s’habituer à voir le ciel s’animer des longues traînées blanches d’avions intercontinentaux. Nous, nous devons partager notre espace aérien avec un nouveau peuple d’objets volants, la plupart parfaitement identifiés. La révolution annoncée des drones a bien eu lieu, plus vite qu’attendu. La miniaturisation et la baisse des coûts des composants, accompagnées par l’augmentation régulière des performances des batteries, ont permis un développement accéléré de très nombreuses applications. Les applications militaires ont mis du temps à être véritablement au point. Les premiers prototypes d’avions sans pilote ne sont-ils pas apparus dès 1916 pour être finalement de tous les conflits à partir des années 2000 ? Depuis, les forces armées sont restées
à la pointe avec ces nouvelles générations de drones stratosphériques ou ces essaims de nano-drones, redoutables espions indétectables. Les UAV (Unmanned Aerial Vehicle) ont su se rendre irremplaçables.

« Le drone personnel miniature, qui nous indique
notre chemin, est également doté de fonctions de
base (photo, musique, traduction simultanée, …). »

Parmi les nombreux types de robots qui envahissent notre vie quotidienne, les flying robots occupent une place particulière. Ces drones de loisirs ont très vite conquis un marché prometteur que le français Parrot a su exploiter avec succès en sortant dès 2014 une gamme de mini-drones pilotés par smartphone. Mais ce sont les drones à usages civils et professionnels qui sont devenus des auxiliaires indispensables, car souples et peu onéreux : pour les prises de vues dans la télévision ou le cinéma, pour la surveillance d’infrastructures (rails, oléoducs, lignes à haute tension, etc.), pour la protection civile, pour la cartographie 2D et 3D, ou encore pour la gestion des exploitations agricoles.
Google les utilisa même pour compléter son réseau planétaire d’accès à Internet qu’il s’est constitué grâce à une flotte de mini-satellites. En rachetant le pionnier Titan Aerospace, il lança ses premiers drones atmosphériques en 2015. Propulsés grâce
à l’énergie photovoltaïque produite par de larges panneaux solaires placés sur leurs ailes, ces UAV étaient capables de voler pendant cinq ans sans avoir besoin d’atterrir ou d’être ravitaillés. Mais cette technologie n’a pas pu être déployée à grande échelle.

Le pilotage de drones, à vue ou en automatique, a très tôt été soumis à la réglementation stricte de l’aviation civile, comme tous les autres aéronefs. Une législation contraignante que la France, pionnière en la matière, adopta dès 2012,
ce qui favorisa la mise en place d’une véritable activité de services autour de 20 constructeurs et quelques 300 opérateurs de drones. Une activité sur mesure pour d’anciens pilotes professionnels, souvent à l’origine des nombreuses start-up aujourd’hui réunies autour de puissants groupes d’opérateurs de flottes entières de drones. Les contraintes limitent encore actuellement le développement de nombreuses autres activités commerciales, certaines étant testées depuis des années. Amazon défraya la chronique en livrant des pizzas par drones dès 2013 ! L’année suivante, DroneCast, première start-up de drones équipés de bannières publicitaires lança,
sa petite flotte à l’assaut des rues de Philadelphie. Aujourd’hui, quelques couloirs aériens de basse altitude sont réservés à des services de livraison, notamment pour
les hôpitaux. Mais on s’attend à une généralisation pour les grandes villes dans les
cinq prochaines années : plus de 80 % des commandes traitées par Amazon et 75 % de celles d’UPS pèsent moins de 2,5 kilos. Un poids à la portée des drones actuels.

Mais le produit qui fait fureur en ce moment, c’est ce drôle de drone personnel miniature qui vole autour de nous et nous accompagne partout. Ce guide qui nous devance pour nous indiquer le chemin, est également doté de nombreuses fonctions
de base comme la photo, la musique ou la traduction simultanée. Véritable totem des temps modernes, ces petits assistants personnalisables, sont comme autant de dæmons, doubles identitaires des personnages imaginés par Philip Pullman dans
sa fameuse série des Royaumes du Nord. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Smart Toys.
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 » (http://lc.cx/b2025).