Hi-Fi Nostalgie

Noooooooooon ! Laissez-moi encore un peu mes vinyles. Ma vielle platine Thorens et son fidèle ampli Onkyo, même s’ils n’ont jamais fait partie de la haute aristocratie de la Hi-Fi, ne m’ont jamais trahi et délivrent depuis des dizaines d’années un son chaud, complexe et rond, que les pauvres MP3 n’ont jamais pu égaler. Mais qui s’en soucie encore ? C’est encore un miracle que l’on puisse encore en écouter de nos jours. C’est au tour des CD, après presque 40 ans d’existence, de perdre leur statut de produits de masse. Marginalisés, peu regrettés, leurs cotes commencent néanmoins à monter sérieusement, mais seulement chez les collectionneurs. Le mouvement s’accélère, puisque c’est au
tour du MP3, pourtant devenu le format quasi-universel dix ans seulement après son lancement en 1992, d’avancer vers sa fin. Il est finalement victime des faiblesses qui
ont pourtant fait son succès : les performances de cet algorithme de compression audio, lequel a permis le développement fulgurant du téléchargement puis du streaming, a également des limites en termes de qualité.

« Je profite de l’arrivée à la maison de ma
toute dernière imprimante 3D pour compléter
ma collection de quelques vinyles inédits. »

Facilité d’usage contre qualité d’écoute : ce « deal » a longtemps été plébiscité par les internautes, jusqu’à ce que la chaîne de distribution audio se modifie en profondeur en offrant de nouvelles expériences d’écoute aux utilisateurs. Les réseaux haut débit puis très haut débit ont d’abord fait sauter la contrainte initiale du poids des fichiers. Au moment où des acteurs bien en place se battaient encore pour imposer leurs modèles techniques et leurs business models, comme les européens Deezer, Spotify, Last.FM ou encore 7digital, quelques pionniers remettaient la qualité des formats au coeur du débat, en faisant le pari de l’avènement d’une nouvelle étape du marché de la musique en ligne :
un marché devenant adulte, proposant à la fois plus de quantité, de diversité et de qualité.
De manière assez inattendue ce sont des artistes reconnus qui ont ouvert la voie. Neil Young annonça en 2012 le lancement de Pono, un service musical HD destiné à améliorer la qualité des fichiers MP3 avec l’accord de trois majors prêts à convertir quelques milliers de titres de leurs fonds. Dr Dre, rappeur et serial entrepreneur à succès, lança Daisy, système de streaming donnant accès à plus de 12 millions de titres en qualité HD, sur
un modèle payant reposant sur les recommandations des utilisateurs. Il fut adopté avec succès par la start-up française Qobuz, qui défraya la chronique en annonçant début 2013 « la mort du MP3 ». Elle cessa en effet de vendre ce format encore dominant pour privilégier les téléchargements en qualité CD sans compression et se concentrer sur une offre exclusivement payante haut de gamme. Ce fut un précurseur qui choisit, dès 2008, de se démarquer de ses puissants concurrents qui, eux, continuaient de miser sur une audience toujours plus large via des offres gratuites avec publicité.
Aujourd’hui, le catalogue accessible ne cesse de croître. L’offre est de plus en plus diversifiée, en prix et en qualité, et les aides à la navigation sont de plus en plus performantes, grâce à des algorithmes surpuissants : Pandora, Musicrecovery, Mufin (développée par le labo allemand créateur du MP3), ou encore les réseaux de Social Music comme Mog. En musique, l’imagination ne semble pas avoir de limite : la reconnaissance de titres avec Shazam, fort de ses centaines de millions d’utilisateurs,
le succès de plateformes gratuites et illimitées de découverte comme Jamendo, voire
la vente de MP3 d’occasion avec ReDigi. Autant d’innovations que les géants Apple, Google, Amazon ou Facebook – mais aussi Orange avec Deezer – intègrent progressivement à leurs offres pour conserver leur position dominante. Un immense catalogue est désormais disponible, à partir des voitures connectées ou de nos paires
de lunettes à réalité augmentée… Une véritable BO [bande originale] qui rythme nos vies grâce aux dernières technologies d’écoutes immersives – nouvelle révolution en marche de la musique numérique. Pendant ce temps, je profite de l’arrivée à la maison de ma toute dernière imprimante 3D pour compléter ma collection de quelques vinyles inédits, même si ce ne sont pas des exemplaires originaux… @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Social Gaming
* Directeur général adjoint de l’IDATE