Editeurs en ligne cherchent toujours définition à leur métier… désespérément

Six ans après la loi « Confiance dans l’économie numérique », les éditeurs de contenus et de services en ligne, réunis au sein du Geste pour 123 d’entre eux,
ne savent toujours pas définir leur métier. Résultats : insécurité juridique et incompréhension des pouvoirs publics.

« On aimerait bien que les pouvoirs publics nous foutent la paix ; une loi tous les six mois ne nous aide pas ; on aimerait développer tranquillement nos activités sur le marché [des contenus et services en ligne] ». Une fois de plus le président du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), Philippe Jannet, s’en est pris au gouvernement et aux parlementaires comme il l’avait fait il y a près d’un an et demi lors de la présentation de la première version de son ouvrage intitulé « Edition de contenus et de services en ligne ».

Le Geste : trop de diversité des membres ?
A l’époque, début 2008, il avait été encore plus sévère : « Il y a une absence totale
de professionnalisme en face de nous [les éditeurs en ligne]. (…) Des amendements, aussi débiles les uns que les autres [rendent] des textes de loi complètement incompréhensibles. (…) Ce bouquin est aussi pour eux [les politiques], pour qu’ils
sachent de quoi ils parlent ! ». Le problème est que politiques et parlementaires sont quelque peu déroutés par la diversité des acteurs de l’Internet. Quoi de commun en effet entre un moteur de recherche, un site web de presse écrite, un portail d’informations et de services, un espace de e-commerce, un site de paris en ligne et une plateforme de musique ou de cinéma à la demande, voire un hébergeur ? Le Geste regroupe une très (trop ?) grande diversité d’acteurs, avec 123 membres au total à de jour. Cela va des éditeurs de presse écrite (20 Minutes, Hachette Filipacchi, La Tribune, Le Figaro, Le Monde Interactif, Le Nouvel Observateur, Libération, … (1)) aux éditeurs de services audiovisuels (France Télévisions, Canal+ distribution, France 24, INA, M6 Web, eTF1, NetRadioTV, Radio France, Téléfun/Skyrock, RTL Net, …), en passant des éditeurs en ligne aussi éclectiques que Google, Pages Jaunes, Rue89, Wikio, Zeturf, Vivendi Mobile, Cellfish Média, Geny Info ou encore France Télécom, SFR et Bouygues Telecom.
Ce « melting pot » d’éditeurs en ligne fait la richesse du Geste mais aussi sa faiblesse. D’autant que le groupement né avec le Minitel en 1987 (2) – et présidé depuis dix ans par Philippe Jannet (3) – n’a toujours pas trouvé une définition au métier d’éditeur en ligne.
Comme pour la première édition de l’ouvrage, la seconde édition ne livre toujours pas de définition. « Seul problème depuis tout ce temps : comment définir un éditeur en ligne ? Faute de réponse, nous avons fini par décider de livrer aux lecteurs ce guide, ne définissant pas ce qu’est un éditeur en ligne, même si les éditeurs de presse en ligne ont obtenu leur définition (4) », explique le président du Geste dans la préface de l’ouvrage. En face, l’incompréhension peut virer à la suspicion. Ce qui avait amené Philippe Jannet à mettre les choses au clair, lors de l’assemblée générale du Geste
en novembre dernier : « Contrairement à ce que disent en toute immunité certains députés, nous ne sommes ni des proxénètes, ni des escrocs, ni des dealers, nous sommes des professionnels, des experts et des gens passionnés ». Reste que cette absence de définition engendre surtout de l’incertitude juridique, quant aux responsabilités des acteurs. « Qu’est-ce qu’un éditeur en ligne ? Quelles sont ses responsabilités ? Ces deux questions majeures n’ont pas encore trouvé de réponse législative en France, (…). Les débats judiciaires opposent encore l’activité d’édition
en ligne à celle d’hébergement, sans définir l’édition en ligne autrement qu’en creux », écrit Jean-Christophe Defline, directeur associé de Copilot Partners, coordonnateur et rédacteur de l’ouvrage pour le Geste. Et d’ajouter : « Le régime français mériterait d’être amélioré en créant une meilleure reconnaissance de la spécificité juridique des éditeurs qui sont au cœur de la question de la responsabilité sur Internet ». Si la loi du 9 juillet 2004 sur les communications électroniques a défini ce que sont l’hébergeur, d’une part, et le fournisseur d’accès à Internet, d’autre part (et leurs responsabilités respectives), elle fait en revanche l’impasse sur la définition de l’éditeur en ligne. « Six ans après l’adoption du texte fondateur qu’est la LCEN, on peut s’interroger sur la paresse judiciaire à unifier la jurisprudence et sur l’absence d’initiative du législateur pour achever l’édifice juridique », déplore le Geste.

Les frontières des métiers en ligne s’estompent
Le groupement appelle les pouvoirs publics à « clarifier la situation juridique des éditeurs de contenus et de services en ligne, ce qui permettra de les distinguer des hébergeurs ». A cela s’ajoute le fait que la frontière entre éditeurs de contenus et éditeurs de services « s’estompe avec le temps ». Par exemple, « les frontières entre contenus produits par des utilisateurs d’une part et des professionnels d’autre part s’effacent ». Faute d’une « refonte » des textes de loi, la jurisprudence devient de plus en plus « hésitante ». @

Charles de Laubier