Netflix se défend d’introduire de la publicité entre épisodes, seulement de la recommandation de séries

Et si le numéro un mondial de la SVOD se mettait à vendre des espaces de publicité entre les épisodes pour diversifier ses revenus ? C’est ce que craignent certains de ses 130 millions d’abonnés, surpris de voir apparaître en août de l’auto-promotion de séries entre des épisodes. Netflix confirme le test.

Reed Hastings (photo), PDG fondateur de Netflix, a toujours vanté les mérites de son modèle économique sans publicité. C’est même un des fondamentaux de l’entreprise de Los Gatos (Californie) et surtout un confort appréciable pour ses 130 millions d’abonnés dans le monde, lesquels échappent ainsi
– le temps d’un épisode ou de plusieurs d’affilé (1) – à l’intrusion de messages publicitaires qui saucissonnent de plus en plus les films à la télévision.

Flou sur le test « publicitaire »
Mais Reed Hastings n’est-il pas en train de céder aux sirènes du marché publicitaire ? « Nous testons si l’apparition de recommandations entre des épisodes aide des membres à découvrir des histoires qu’ils aimeront plus rapidement », a tenté de rassurer Netflix en répondant le 18 août au site web américain Ars Technica (2) sur les raisons de l’apparition d’auto-promotions de séries entre des épisodes. Ces recommandations de contenus ne seraient qu’expérimentales et limitées à quelques abonnés, aux Etats-Unis et en Grande- Bretagne notamment. Les commentaires des internautes, quelque peu critiques sur cette initiative publicitaire leur imposant environ 15 secondes d’un message promotionnel, se sont propagés sur des réseaux sociaux tels que Reddit ou Twitter depuis mi-août.
Le buzz et les inquiétudes soulevés par ces insertions ont amené un porte-parole de Netflix à qualifier ces apparitions de « test », pratiqué sur un
« segment » seulement de la base d’abonnés, et « uniquement pour du contenu de Netflix », donc en aucun cas sur d’autres produits extérieurs. Dans sa communication à Ars Technica, et reprise le lendemain par le site web Vulture (3), la communication de Netflix a indiqué être attentive au
« bavardage sur réseaux sociaux » mais plus concentrée « sur la façon dont les utilisateurs interagissent avec ces nouvelles annonces vidéo ». Autrement dit, si les utilisateurs s’engagent avec ces promotions, Netflix les étendra probablement à beaucoup plus d’utilisateurs. La firme de Los Gatos minimise la portée de telles insertions, expliquant qu’« il y a deux ou trois ans, [elle] a lancé des prévisualisations vidéo » (déclenchement d’une bandeannonce des épisodes à la page d’accueil d’une série) après avoir constaté que cela faisait gagner du temps aux abonnés dans leur recherche et leur permettait de trouver un contenu leur plaisant plus rapidement. Pour autant, le porte-parole de Netflix n’a pas indiqué combien de temps cette période de test durera ni si ces annonces publicitaires (skippable
après quelques secondes) deviendront permanentes sur le service de SVOD. Ce qui laisse planer le doute sur les réelles intentions de la plateforme de streaming vidéo. Certains abonnés ont clairement exprimé leur mécontentement, allant jusqu’à bouder l’application Netflix afin d’éviter
ces vidéos publicitaires sonores et intempestives.
Qu’a Reed Hastings derrière la tête ? Pourrait-il songer à une déclinaison gratuite de Netflix financée par de la publicité ? La plateforme Hulu de télévision et de vidéo, qu’opèrent ensemble NBCUniversal, 21st Century Fox, Disney et Time Warner, a bien une partie gratuite et une autre payante (4). Une chose est sûre : les 130 millions d’abonnés de Netflix ne sont pas en nombre suffisant aux yeux des investisseurs. L’action au Nasdaq à New York a d’ailleurs perdu de sa superbe depuis l’annonce, le 16 juillet, de ses résultats pour le second trimestre de l’année, où la croissance du nombre des nouveaux abonnés a été nettement inférieure aux attentes (5). Le titre est passé de 418 dollars (point haut du 11 juillet) à 316 dollars (point bas du 17 août), Netflix étant valorisé 161,9 milliards de dollars au 30 août. « Les investisseurs sont catastrophés par le flop de la prévision du deuxième trimestre de Netflix. Maintenant, les prévisions sont suspectes. Ce qui sape la valorisation », analyse Eric Schiffer, directeur général du fonds de capital-investissement Patriarch, selon ses propos rapportés par l’agence Reuters. Ce coup de mou dans la croissance des abonnements est à mettre en rapport avec les lourds investissements – jusqu’à 8 milliards de dollars en 2018 dans des séries et des films – que consacre l’entreprise de Reed Hastings pour attirer de nouveaux clients.

« Salto en France », futur concurrent
Cette déception intervient au moment où Netflix fait face à plus de rivaux.
« Nous prévoyons plus de concurrence de la part d’AT&T/Warner Media,
de Fox/Disney [plateforme “Disney Play” prévue pour fin 2019, ndlr] ou de Fox/Comcast ainsi que des acteurs à l’international tels que ProSieben en Allemagne et Salto (6) en France », écrit Reed Hastings le 16 juillet dans sa lettre aux actionnaires. L’été a aussi été marqué pour Netflix par l’annonce, le 13 août, du prochain départ de son directeur financier David Wells (7) –
à ce poste depuis 2010 et présent dans l’entreprise depuis 2004. @

Charles de Laubier