Marissa Mayer, nouvelle PDG de Yahoo, prépare la renaissance du pionnier des moteurs devenu média

Alors que Yahoo France diffuse à partir de ce 17 septembre sa nouvelle « grille
de rentrée », Marissa Mayer – ex-Google et PDG de la maison mère depuis le
17 juillet – va annoncer en octobre sa nouvelle stratégie pour redonner vie au pionnier du Web, et… donner naissance à son premier bébé.

C’est un mois d’octobre décisif qui s’annonce pour le challenger de Google et pour sa nouvelle PDG Marissa
Mayer (notre photo). A part le fait qu’elle donnera naissance
à son premier enfant, cette future jeune maman (37 ans)
– fraîchement débauchée de chez Google, dont elle a été durant treize ans ingénieure, dirigeante en géolocalisation-cartographie et porte-parole – a la lourde tâche de redonner
un second souffle à Yahoo en perte de vitesse. Au deuxième trimestre, les résultats – publiés le jour même de son entrée en fonction – font état d’une baisse du bénéfice net et d’un chiffre d’affaires en stagnation. Déjà, en 2011, les résultats du groupe étaient en berne avec un bénéfice net et un chiffre d’affaires en chute de respectivement 15 % à 1,05 milliard de dollars
et 21% à 4,98 milliards de dollars. Un plan de restructuration a été annoncé en avril dernier : 2.000 emplois supprimés (soit près de 15 % des effectifs), lesquels se sont ajoutés aux 3.000 précédentes suppressions effectuées de 2008 à 2011. Cette fragilité de Yahoo aiguise les appétits : Google n’a-t-il pas étudié l’an dernier son rachat avec deux fonds d’investissement ? AOL n’a-t-il pas exclu il y a deux ans (1) de fusionner avec ? News Corp et Microsoft ne seraient-ils toujours pas intéressés ?

Mois d’octobre décisif et marché de l’e-pub incertain
Alors que les résultats du troisième trimestre du groupe valorisé en Bourse 18 milliards
de dollars seront présentés courant octobre – sans doute après que Marissa Mayer ait accouché –,la nouvelle stratégie mondiale du « media digital » devrait être annoncée dans la foulée. Mais la partie ne sera pas gagnée d’avance pour la jeune maman. Yahoo est déjà confrontée à un recul de ses recettes publicitaires, sur fond de ralentissement de la croissance mondiale du marché publicitaire sur l’année 2012 (2). Sans parler des effets à attendre du durcissement des règles publicitaires, via le consentement préalable des internautes ou, en France, la fiscalité numérique (3).
Or le géant au pieds d’argile est dépendant de la publicité en ligne (display) à hauteur de près de la moitié de ses revenus, tandis que sont moteur de recherche (search) – relégué à la troisième place aux Etats-Unis dernière Google et Bing de Microsoft (selon ComScore (4)) – rapporte à peine plus d’un tiers du chiffre d’affaires.

Acheter ou se faire racheter
C’est dire que les actionnaires (Third Point en tête), investisseurs, publicitaires, annonceurs et médias partenaires – voire les 700 millions d’utilisateurs de Yahoo – ont beaucoup à attendre de la nouvelle dirigeante. Il lui faudra en effet redorer l’image de l’ex-icône du Net et tourner la page des atermoiements stratégiques qui minent Yahoo. Et ce, depuis la tentative de Microsoft de s’en emparer en février 2008 et l’éviction de son co-fondateur Jerry Yang en janvier 2009. Marissa Mayer, qui touchera 90 millions de dollars sur cinq ans, devra aussi mettre un terme à la valse des directeurs généraux – cinq en cinq ans ! (5) – et faire oublier l’échec de l’ancienne patronne Carol Bartz à redresser Yahoo. Il s’agit ni plus ni moins pour le pionnier déchu du Web (créé en 1994), devenu à la fois moteur de recherche, portail média et régie publicitaire, de
sortir de l’ombre de Google et de Facebook. En panne de stratégie depuis cinq ans, le groupe de Sunnyvale (Californie) est condamné à renaître s’il ne veut pas être enterré vivant. Quitte à faire des acquisitions, d’autant que Yahoo a fait savoir le 9 août au gendarme boursier américain que Marissa Mayer réfléchissait l’utilisation une partie
des 7milliards de dollars (cash pour l’essentiel) issus de la vente – finalisée le 19 septembre, selon « AllThingsD » – de la moitié de ses 40 % détenus dans le groupe chinois Alibaba (6). En attendant de céder les 20 % restants…
Le mois d’août n’a déjà pas été de tout repos pour Marissa Mayer puisqu’elle a dû former sa garde rapprochée, en nommant, coup sur coup, Ron Bell comme conseiller général (opérationnel depuis le 13 août), Kathy Savitt directrice marketing (en poste à partir du 14 septembre) et Jacqueline Reses vice-présidente en charge des ressources humaines et du développement (depuis le 7 septembre). La prochaine recrue pourrait être un directeur opérationnel en charge des finances et des restructurations. Ce futur numéro deux pourrait annoncer une vaste réorganisation et d’importantes acquisitions. Il y a près d’un an, Yahoo a tenté en vain de racheter le site de vidéo à la demande Hulu (7). Ce qui en dit long sur les ambitions de Yahoo dans la VOD et la publicité vidéo en plein boom. Des acquisitions – comme celle d’Interclick dans la publicité ciblée fin 2011 – permettraient à Yahoo de trouver des relais de croissance qui lui font défaut aujourd’hui.
Car la stratégie des partenariats a ses limites, comme semble le montrer l’« Alliance Search » passée avec Microsoft en 2009 autour de la recherche et de la publicité de leurs moteurs respectifs Yahoo! Search et Bing (avec partage des recettes à la clé). L’ex-PDG Scott Thomson avait songé à y mettre un terme, avant qu’il ne soit récemment étendu à l’Europe (France, Royaume-Uni et Irlande). Plus récemment,
en juillet, le partenariat publicitaire noué avec Facebook a été prolongé autour d’événements médiatiques mais a été surtout l’occasion pour les deux parties d’enterrer la hache de guerre dans le domaine des brevets publicitaires. D’autres accords ne font pas long feu, comme celui de mai 2010 avec Nokia pour intégrer la messagerie de Yahoo dans Ovi Maps. Et depuis le début de l’année, Yahoo arrêté des services tels que le kiosque numérique Livestand, basé sur des partenariats presse et financé par
la publicité, fermé en mai. Quant à l’alliance avec Samsung dans la TV connectée,
elle peine à s’appliquer à tous les pays – notamment en France où les chaînes de télévision (TF1 en tête) ne veulent pas voir leur signal « parasité » par des OTT (8).
Les accords audiovisuels sont surtout signés aux Etats-Unis (CNBC, ABCNews, …). Les partenariats peuvent aussi s’envenimer, même localement, comme l’a montré le différend qui a opposé en 2009 la régie publicitaire de Yahoo à NextRadioTV (BFM, RMC, 01Net, …). Et il est trop tôt pour dire si le récent accord conclu en juin avec le suédois Spotify portera ses fruits : le site de musique en ligne, qui donnera accès au «media digital », va être intégré à Yahoo! Music et Yahoo! Movies. En Europe, les partenariats se font plus localement comme dans l’Hexagone (France 24, iTélé, Carrefour Média…), où la « grille de rentrée » 2012/2013 a été présentée le 11 septembre à grand renfort de partenariats éditoriaux, de vedettes médiatiques, de
vidéo en ligne et de « brand content » (voir ci-contre). En outre, il y a un an, Yahoo devenait la régie publicitaire en France, Espagne et Italie du site musical Vevo (9).
Mais pour l’heure, le Vieux Continent représente à peine 13 % des revenus globaux
de Yahoo (10). @

FOCUS

Yahoo France : plus de 15 ans et près de 140 salariés
Yahoo est installé rue Guillaume Tell à Paris depuis dix ans, la filiale française ayant
été créé en novembre 1996. Ce site rassemble 130 à 140 salariés, sous la houlette de Brigitte Cantaloube, directrice générale et vice-présidente des ventes de Yahoo France. Elle y est entrée il y a six ans, après avoir été directrice de publicité de L’Expansion et L’Express. En France, Yahoo affiche 20,4 millions de visiteurs uniques (VU) en juillet (ComScore), en baisse par rapport aux mois précédents, et 4,1 millions de VU sur les mobiles en juin (Médiamétrie). @