Cyril Zimmermann, PDG de Hi-Media : « Taxer tous les acteurs du Net sans distinction risque d’être peu efficace »

Alors que le groupe Hi-Media – régie Internet européenne et opérateur de e-paiement – a présenté le 30 août ses résultats semestriels, son PDG fondateur, Cyril Zimmermann, répond à EM@ sur le développement de ses activités et le ralentissement du marché publicitaire online, ainsi que sur la fiscalité numérique en vue.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Il y a un an exactement, vous décidiez de ne pas céder votre activité micro-paiement en ligne (Allopass et Hipay). Avec le recul, était-ce la bonne décision sur un marché dominé par iTunes ou Paypal et l’abandon de One Pass par Google ? Comment évolue cette activité ?
Cyril Zimmermann :
Nous n’avions pas à l’esprit de céder notre activité de paiement en ligne, mais nous avions reçu des marques d’intérêt quant au rachat de celle-ci par des tiers. Et pour respecter notre devoir fiduciaire, nous avons examiné toutes les options. Mais cela ne correspondait en rien à une volonté de la société de céder ce pôle. D’ailleurs, la décision de continuer notre stratégie de développement autour de deux plateformes de monétisation de l’audience (publicité et paiement) a été prise unanimement par tous les membres de notre conseil d’administration, où siègent nos principaux actionnaires. L’activité évolue très bien, avec une forte croissance des volumes de transaction et de nombreux nouveaux contrats signés – notamment avec le Leparisien.fr, Lequipe.fr et le GIE ePresse. Nous travaillons également sur l’extension de notre offre vers le paiement par carte bancaire, en plus du micro-paiement (Allopass) et du porte-monnaie électronique (Hipay).

EM@ : Le groupe Hi-Media que vous avez créé il a 16 ans, est devenu l’une des plus importantes régies publicitaires online en Europe, dont les recettes devraient dépasser en 2012 la moitié de vos revenus 2012. Confirmez-vous la baisse d’activité observée en début d’année ? Ad-Exchange, lancé il y a un an, porte-t-il ses fruits ?
C. Z. :
L’activité publicitaire et l’activité paiement sont des pôles équilibrés en terme de chiffre d’affaires depuis quelques années. Cette année, les recettes publicitaires sont en baisse pour deux raisons. La première est que nous avons effectué des changements de périmètre en adossant nos activités néerlandaises et anglaises à des partenaires locaux, et nous ne consolidons plus le chiffre d’affaires de ces entités. La deuxième est que les marchés publicitaires du sud de l’Europe sont en forte contraction et que cela pèse sur notre activité, alors que les autres pays ont de meilleures performances, mais sont également touchés par la crise économique.Ceci étant dit, l’examen plus détaillé de nos flux d’activités montre une croissance très forte de notre plateforme Ad- Exchange et de ses ventes d’espaces en RTB (real time bidding) [comprenez enchères en temps réel d’espaces publicitaires en ligne, ndlr], qui représentent déjà en juin 9 % du chiffre d’affaires du groupe huit mois après que nous l’ayons lancée. C’est donc très encourageant audelà des questions ponctuelles de ralentissement du marché dans un contexte économique dégradé. Par exemple, Seloger.com, Overblog et Skyrock en France, Filmstart [groupe Allociné, ndlr] et StayFriends en Allemagne, ou encore Kapaza, Aufeminin ou Allocine en Belgique, ont rejoint Ad-Exchange.

EM@ : Que pensez-vous de la « taxe Google 2.0 » proposée depuis juillet par le sénateur Philippe Marini dans son projet de fiscalité numérique ? Qu’avez-vous dit à la ministre Fleur Pellerin avec laquelle vous avez eu un entretien le 29 août ?
C. Z. : Je pense que la proposition de loi de Monsieur Marini ne répond pas au but recherché. Les pouvoirs publics veulent trouver des solutions pour que les acteurs Internet, qui opèrent sur le sol français à partir de sièges sociaux et de centres de facturation localisés dans des pays à plus faible taxation, paient tout de même de l’impôt en France. Et ce, comme les sociétés françaises dont les sièges sociaux sont
en France. La taxation de tous les acteurs de l’Internet sans distinction ne corrige pas cette asymétrie et risque d’être assez peu efficace en terme d’impôt collecté. Il y a d’autres solutions plus spécifiques aux problèmes identifiés par Monsieur Marini et l’ensemble des pouvoirs publics. Nous avons avec d’autres acteurs de l’Internet quelques idées sur le sujet et les portons à la connaissance des décideurs publics.

EM@ : Craignez-vous que Viviane Reding rende obligatoire le consentement explicite des cookies ? Par ailleurs, les Etats-Unis (PIPA/SOPA) et l’Europe envisagent de faire contribuer les « intermédiaires » – dont les régies Internet – à la lutte contre le piratage en coupant tout lien avec des sites pirates : y seriez-vous favorable ?
C. Z. : Il y a beaucoup de discussions entre les services de la Commission européenne et les différentes associations représentant les acteurs de l’Internet en Europe, dont l’IAB Europe où Hi-Media est membre du conseil d’administration. Et j’ai tendance
à penser que les projets supprimant ou réduisant très fortement la pertinence des cookies, ne résistent pas à la phase de mise en oeuvre pratique par des textes d’application précis. Ce sont des sujets aux ramifications multiples et, au-delà de la position d’ordre général, l’application concrète est extrêmement complexe. Cela dit, pour répondre à votre question sur les intermédiaires, je suis tout à fait favorable à
plus de transparence vis-à-vis de l’utilisateur final et plus de responsabilité des acteurs économiques au regard de leurs pratiques et du choix de leurs partenaires.

EM@ : Au-delà de vos deux sites web, Jeuxvideo.com et Toutlecine.com, comment se répartissent vos activités entre les différents médias online,
jeux vidéo, sites d’information, sites audiovisuels ou encore réseaux sociaux ? La publicité vidéo est-elle en progression ?

C. Z. : Nos offres sont structurées autour de trois thématiques : information, féminin
& lifestyle, jeux vidéo-cinémusique. Cette segmentation se retrouve dans notre offre
de régie, dans notre portefeuille client dans le paiement et dans les sites dont nous sommes propriétaires ou actionnaires (Latribune.fr, Vivat.be, Psychonet.fr, Actustar.com, Jeuxvideo.com ou Toutlecine.com). Le jeu vidéo et l’information sont
les domaines où nous sommes clairement les plus développés. Concernant les formats et les types de média, nous avons lancé pendant l’été « Plein Ecran » qui est une offre publicitaire sur la vidéo avec une « business unit » et des équipes dédiées. Nous sommes déjà un acteur important de la vidéo en France, notamment avec Jeuxvideo.com qui diffuse plusieurs dizaines de millions de streams [visionnages de vidéos, ndlr] chaque mois, et dans certains pays étrangers grâce, par exemple, à nos accords de régie avec Dailymotion. Nous avons pour ambition d’aller encore plus loin.

EM@ : Hi-Media a investi, en janvier dernier, 800.000 euros dans La Tribune
(27,8 % du capital) reprise avec France Economie Régions via Hima (66 %) et
JCG Médias (6,2 %). Etes-vous confiants dans l’avenir du concurrent des Echos ? Comment le site Latribune.fr, dont l’audience a augmenté de 41 % depuis la reprise (1.779.000 VU en avril 2012), va-t-il encore évoluer ?

C. Z. : Comme vous le soulignez, les chiffres d’audience sont bons. Le site a très
bien évolué en qualité et en audience, et ce n’est pas fini. Une nouvelle version est
en préparation pour le début de l’année prochaine avec des zones premium, de la
vidéo et des fonctionnalités communautaires. La reprise de la régie publicitaire s’est, par ailleurs, très bien passée. Donc, nous sommes très satisfaits. @

NDLR Le 30 août 2012, le groupe Hi-Media a publié pour le premier semestre un bénéfice net en hausse de 7 % à 5,5 millions d’euros et un chiffre d’affaires en recul de 4,6 % à 100,8 millions d’euros.