Moteur de recherche et concurrence : Google est décidé à poursuivre le bras de fer avec l’Europe

Le 27 juin, le jour même de l’annonce de l’amende record – 2,42 milliards d’euros – qui lui était infligée par la Commission européenne pour abus de position dominante sur son moteur de recherche, Google faisait part de son « désaccord respectueux » et de son intention de faire appel.

« Quand vous utilisez Google pour rechercher des produits, nous essayons de vous donner ce que vous êtes en train de rechercher. Notre capacité pour y parvenir est bien de ne pas nous favoriser nous-mêmes, ou quelconque site [web] ou vendeur – c’est le résultat d’un dur travail et d’innovation constante, basés sur le retour des utilisateurs. De toute évidence, nous ne sommes respectueusement pas d’accord avec les conclusions annoncées aujourd’hui. Nous allons passer en revue la décision de la Commission [européenne] en détail, tandis que nous envisageons de faire appel », a écrit le 27 juin Ken Walker (photo), vice-président et juriste général de Google, sur le blog européen de la firme de Mountain View (1).

Sanction pour avoir favorisé Google Shopping
Mais faire appel ne sera pas suspensif de la condamnation. Le numéro un et quasi-monopole sur le marché des moteurs de recherche, conteste la sanction pécuniaire record – de 2,42 milliards d’euros (2) – que lui a infligée la Commission européenne après plus de sept ans de procédure. « Google a abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix [Google Shopping, ndlr] dans ses résultats de recherche et en rétrogradant ceux de ses concurrents. Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l’UE », a déclaré Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la concurrence. Elle a aussi tenu à préciser qu’elle continuait également à examiner, toujours dans les résultats du premier moteur de recherche, le traitement accordé par Google à d’autres services de recherche spécialisée lui appartenant. Pour l’heure, la sanction porte sur Google Shopping (3) qui, selon Bruxelles, a été avantagé depuis 2008 sur le moteur de recherche. Ce qui est revenu à « détourner artificiellement » le trafic des concurrents tels que LeGuide.com (appartenant alors Lagardère), lequel a racheté en 2012 à Microsoft son concurrent Ciao, Kelkoo (Jamplant), Twenga et bien d’autres. LeGuide.com a finalement été revendu à Kelkoo en 2016. Cela fait plus de deux ans que la Commission européenne a adressé à Google – le 15 avril 2015 – des griefs à son encontre pour pratiques anticoncurrentielles sur son moteur de recherche, lequel pèse 90 % des requêtes en Europe (4). La firme de Mountain View y avait répondu le 27 août 2015, par la voix de Kent Walker. « Nous pensons que les allégations sont incorrectes », avait-il déjà écrit il y a près de deux ans maintenant
sur le même blog européen de Google (5). Pour sa défense, maintenant que la sanction est enfin tombée (6), Google réfute toujours l’accusation selon laquelle son moteur de recherche a favorisé ses propres services. « Quand vous achetez en ligne, vous voulez trouver des produits que vous recherchez rapidement et facilement. Et les annonceurs veulent faire la promotion de ces mêmes produits. C’est pour cela que Google affiche des publicités commerciales, connectant nos utilisateurs avec des milliers d’annonceurs, petits et grands, de manière à ce que cela soit utile pour les deux. Nous estimons que la décision de la Commission européenne sur le commerce en ligne sous-estime la valeur de ces types de connexions rapides et faciles », a expliqué Ken Walker dans sa réplique.
Selon le géant du Net, les internautes préfèrent d’habitude les liens qui les mènent directement aux produits qu’ils veulent, et non aux sites web où ils devront encore poursuivre leurs recherches – alors que des sites marchands voudraient plutôt que Google les mette plus en évidence. « Nous pensons que nos résultats de shopping actuels sont utiles et sont une version bien améliorée par rapport à nos publicités uniquement textuelles que nous montrions il y a une décennie », a-t-il assuré. Selon Google, montrer des publicités qui incluent images, notations et prix profite à lui-même, à ses annonceurs et, plus que tout, à ses utilisateurs. Et le moteur de recherche les montre seulement lorsque le retour d’information ou feedback des internautes lui dit
que c’est pertinent. « Des milliers de commerçants européens utilisent ces publicités afin de concurrencer de plus grandes entreprises telles que Amazon et eBay »,
a encore souligné Ken Walker.

La concurrence d’eBay et surtout d’Amazon
Google considère que la Commission européenne ne prend pas en considération
la concurrence de ses rivaux. Le géant du Net indique que si des sites web de comparaison de prix n’ont pas fait aussi bien que d’autres, c’est que de nombreux comparateurs en ligne sont apparus durant cette période tels que Amazon et eBay.
« Il est naturel que quelques services de comparaison se soient avérés moins populaires que d’autres », a expliqué Ken Walker. @

Charles de Laubier