Metaverse : Facebook Horizon dans le sillage de Second Life, pionnier des univers virtuels

Plus de sept ans après avoir racheté le fabricant de casques de réalité virtuelle Oculus, Facebook a lancé le 19 août une version bêta gratuite de « Horizon Workrooms ». C’est la première pierre de son futur metaverse, un de ces univers virtuels dont Second Life fut le plus médiatique pionnier.

Profitant de l’explosion du télétravail et du distanciel en ces temps de crise sanitaire et de confinements, la firme de Mark Zuckerberg a lancé – via sa filiale Facebook Technologies (ex-Oculus VR) – la version bêta ouverte de « Horizon Workrooms », un univers collaboratif de travail disponible gratuitement pour les casques de réalité virtuelle Oculus Quest 2, lesquels sont disponibles depuis près d’un an. L’annonce a été faite le 19 août sous la marque Oculus (1), héritée de l’entreprise fondée en 2012 et rachetée par Facebook deux ans plus tard pour 2 milliards de dollars.

Seconde vie de Second Life
Workrooms, où les utilisateurs casqués peuvent se réunir dans une même salle de travail virtuelle, est une première étape de ce que pourrait être le metaverse promis par Facebook – comprenez un univers virtuel – et compatible avec le monde réel. Ce réseau social en réalité virtuel (Social VR World) existe en fait depuis un an maintenant, en version bêta là aussi. Il s’appelle « Facebook Horizon », présenté il y a deux ans (2), et n’est accessible depuis août 2020 que sur invitation (3). « Notre mission est de créer des liens significatifs entre les gens et de favoriser un fort sentiment de communauté pour tous ceux qui se joignent à Horizon », explique Facebook. Cet espace a des allures de metaverse, du nom du monde virtuel popularisé par Neal Stephenson (photo), auteur américain de science-fiction, dans son roman « Snow Crash » paru en 1992 et toujours disponible chez Penguin Random House (4).
Ce roman futuriste met en scène un hacker livreur de pizzas, qui a accès au « métavers » (métaverse en anglais, contraction de meta qui signifie « au-delà » et de universe pour univers) où foisonne tout un monde futuriste du savoir en lien ou pas avec la réalité. Metaverse est une anticipation de ce que sera le Web mais en version 3D et en VR (Virtual Reality), à l’instar de Second Life créé en 2003 par la société californienne Linden Lab, alias Linden Research. Gratuit, cet univers virtuel – où évoluent les avatars des utilisateurs disposant de leur propre monnaie virtuelle, le Linden dollar (L$) – a eu son heure de gloire durant ses cinq premières années jusqu’au lancement de nouveaux mondes parallèles concurrents potentiels créés à l’initiative de deux géants : Lively de Google (finalement fermé à la fin de ma première année en 2008) et Home de Sony (également abandonné mais sept ans après). A son apogée, « SL » a dépassé en octobre 2008 les 17 millions de « Resi’s », le petit nom de ses résidents. Son économie a généré jusqu’à 400 millions de dollars en une année. Passé le buzz médiatique du milieu des années 2000, Second Life a ensuite entamé une seconde vie plus discrète (5) et son patron cofondateur Philip Rosendale fut remplacé sur fond de crise interne. Malgré son déclin, Second Life survit encore aujourd’hui et s’est ouvert en 2014 à l’Oculus Rift (déjà aux mains de Facebook), mais sans succès. En juillet 2020, Linden Research et sa filiale de paiement Tilia ont annoncé leur acquisition (6) par un groupe d’investisseur dirigé par Randy Waterfield et Brad Oberwager. Depuis, ce dernier est devenu le président exécutif de Linden Lab. Le 19 août dernier, le jour même où Oculus annonçait la version bêta d’« Horizon Workrooms », Linden Research a annoncé un accord avec l’éditeur de bandes dessinées Zenescope Entertainment, en collaboration avec la principale agence de licences numériques, Epik. Objectif : donner vie à l’univers sombre et tordu de Grimm en tant que métavers Zenescope à l’intérieur de Second Life. « L’expérience virtuelle comprend Cendrillon (alias Cindy, dans “Cinderella: Serial Killer Princess”), principal personnage d’une mini-série de six épisodes. Le monde immersif est plein de jeux, de surprises cachées, d’objets de collection virtuels exclusifs et de marchandises trouvées uniquement dans Second Life », précise le créateur de SL (7).
En outre, la crise sanitaire a en outre profité au pionnier des mondes virtuels qui a vu son audience revigorée. L’amorce du metaverse de Facebook – via son entité FRL (Facebook Reality Labs) – devrait aussi réactiver l’attrait pour les mondes virtuels, à l’heure du très haut débit et de l’ultra-haute définition.

Repousser les limites du réel
Les conditions sont réunies pour un rebond des univers virtuels d’avatars, en conjonction avec la réalité – qu’elle soit augmentée, holographique ou encore téléportée. Les smartphones sont limités à l’Internet mobile. Les métavers, eux, repoussent les limites à l’aide de casques de VR ou de lunettes de AR (Augmented Reality). Mark Zuckerberg, qui parle de « Graal des interactions sociales », en a fait son nouveau cheval de bataille (8). Mais il n’est pas le seul : Second Life est à nouveau en embuscade, tandis que la plateforme de jeux vidéo Roblox et le célèbre jeu coopératif de tir et de survie « Fortnite » (édité par Epic Games) n’ont pas attendu pour lancer leur metaverse (9). @

Charles de Laubier