Alphabet, où Google pèse 99,4 % des revenus 2015, a perdu 3,5 milliards de dollars dans ses « autres paris »

Sur l’année 2015, la holding Alphabet – qui regroupe Google/YouTube (presque 100 % du chiffre d’affaires) et les « autres paris » (sic) – a beau afficher un bénéfice net de 15,8 milliards de dollars en 2015, elle n’en perd pas moins
des milliards dans ses nouvelles aventures technologiques risquées.

ABC.XYZ… C’est ainsi que
la holding, dont Google et YouTube génèrent encore l’essentiel des presque 75 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2015, s’est constituée un nom de domaine original qui a fait le buzz l’an dernier (1) – faute d’avoir pu utiliser alphabet.com qui, lui, appartient au groupe BMW… Au-delà de cette anecdote,
la nouvelle maison mère de Google en a fait son site web institutionnel avec un lien unique : « Investors » ! Le ton a donc été donné : Alphabet s’adresse aux investisseurs.

R&D : 12,2 Mds de $ en 2015
Cette holding, dont la capitalisation a dépassé celle d’Apple (2), a été créée par Larry Page et Sergey Brin (photos) – les cofondateurs du moteur de recherche – pour répondre aux inquiétudes des actionnaires de ne pas savoir ce que représentaient vraiment les dépenses et les pertes du groupe dans les nouveaux projets diversifiés (3). Désormais, depuis le 1er février dernier, ce que la firme de Mountain View appelle singulièrement « Other bets » (autres paris) apparaît pour la première fois sous cette dénomination dans les résultats annuels 2015 d’Alphabet. Google s’était en effet éparpillé dans de multiples projets prometteurs ou incertains, c’est selon, dont les objets connectés dans la maison (Nest), les recherches sur la longévité de la vie (Calico), les sciences de la vie (Verily, ex- Google Life Sciences), les relais-Internet par montgolfières (Loon), le réseau ultra-rapide en fibre optique (Fiber), le réseau 5G construit avec des drones (Skybender), la livraison par des drones (Wing), les lunettes connectées (Glass), les aides à l’innovation (X-Lab) ou encore le fonds d’investissement (GV, ex-Google Ventures). Toutes ces nouvelles aventures et prises de risques, dont certains seront sans lendemains pendant que d’autres rencontreront le succès, ont finalement englouti un peu plus de 3,5 milliards de dollars rien qu’en 2015. Ces pertes opérationnelles sont même en forte augmentation de 83,6 % par rapport à l’année précédent, et même de plus de 500 % par rapport à la perte opérationnelle des « autres paris » en 2013 ! Et ce n’est pas fini, car les dépenses en recherche et développement (R&D) continuent elles aussi de croître fortement d’année en année : 12,2 milliards de dollars en 2015, soit un bond de 25 % par rapport à l’année précédente.

Il n’y a pas de doute : la holding Alphabet – que Eric Schmidt dirige désormais comme président exécutif du conseil d’administration – a les moyens de ses paris et de sa R&D. Dirigée par l’Indien Sundar Pichar, sa principale filiale Google – qui regroupe le moteur de recherche éponyme, l’activité de publicités en ligne, le site de partage vidéo YouTube, la cartographie Maps, les applications mobile, le cloud, la réalité virtuelle, ainsi que Android, Chrome, Google Play, Chromecast, Chromebooks et Nexus – est une vache à lait : 23,4 milliards de dollars de résultat opérationnel en 2015, en augmentation de 23,2 % sur un an, ce qui permet à Alphabet d’afficher un insolent bénéfice net de 15,8 milliards de dollars, lui même en croissance 12 %. Qui dit mieux ? Le niveau élevé de ces pertes opérationnelles est inversement proportionnel au petit chiffre d’affaires générés par les nouvelles aventures technologiques d’Alphabet :
il n’a été que de 448 millions de dollars en 2015, une goutte d’eau dans l’océan des 74,9 milliards de dollars de revenus consolidés par la maison mère – en croissance de 17,8 % sur un an. « Notre très forte croissance des revenus (…) reflète la vibration de notre activité, tirée par la recherche sur mobile ainsi que par YouTube et la publicité programmatique, tous étant des domaines où nous avons investi depuis des années. Nous sommes exités par les opportunités que nous avons à travers Google et les “autres paris” dans l’utilisation de la technologie pour améliorer les vies de milliards
de personnes », s’est félicité Ruth Porat, directrice financière (4).

Des « paris » trop dispendieux
Mieux : les liquidités accumulées par le géant du Net dépassent les 73 milliards de dollars ! Si une partie conséquente de ce cash sera reversée aux actionnaires, dont 5milliards de dollars via des rachats d’actions, « la première utilisation restera cependant des investissements et des acquisitions », avait prévenu Ruth Porat le 22 octobre dernier. Celle qui tient les cordons de la bourse d’Alphabet avait appelé l’été d’avant à « une discipline dans les dépenses opérationnelles », en particulier dans les développements des nouvelles activités « en faisant très attention à l’allocation des ressources [à] prioritiser ». Les paris dispendieux démontrent qu’elle a encore du pain sur la planche pour éviter que les investissements dans le futur n’hypothèquent l’avenir de la galaxie Google. @

Charles de Laubier