A 40 ans, Microsoft lance Windows 10 fin juillet : un nouvel « OS » devenant écosystème multimédia

C’est en juillet 1975 que Bill Gates et Paul Allen ont créé Microsoft. Quarante
ans après, le groupe dirigé par Satya Nadella cherche un nouveau souffle avec Windows 10, le mobile et le cloud – sur fond de déclin des PC. Son objectif est d’atteindre 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires d’ici trois ans, pour l’année fiscale se terminant le 30 juin 2018.

Microsoft devient un fournisseur de services de télécommunications et de contenus. D’éditeur de logiciels, la firme de Redmond (Etat de Washington aux Etats- Unis) opère sa mue à 40 ans. Le groupe fondé en 1975 par Bill Gates et Paul Allen abandonne progressivement la vente de Windows en boîte pour miser sur les logiciels et services en ligne jusque dans le nuage informatique (cloud).

1 milliard de Windows 10 d’ici 2018
La nouvelle version de son système d’exploitation – Windows 10 – va étendre plus
que jamais l’écosystème de Microsoft – jusqu’alors très OS (Operating System) et bureautique – au divertissement, aux communications et au multimédia. Multi-terminaux, Windows 10 sera lancé le 29 juillet au niveau mondial pour les ordinateurs
et tablettes, puis par la suite sur les smartphones, les consoles de jeu Xbox et autres appareils. Microsoft, dont la campagne marketing commence dès le 20 juillet, table sur 1 milliard de terminaux dotés de Windows 10 d’ici 2018. Cette nouvelle version sera proposée gratuitement sur une période limitée aux centaines de millions d’utilisateurs de Windows 7 et Windows 8.1 dans 190 pays. Windows 10 sera censé tourner la page de Windows 8 qui avait déçu après son lancement en 2012.
Windows 10 sera le « tout-en-un » online de cette mutation. Skype y sera intégré,
tout comme un nouveau navigateur Internet baptisé Edge, la reconnaissance vocale Cortana (concurrent de Siri d’Apple) ou encore la reconnaissance faciale et de mouvement de type Kinect (pour notamment être identifié sans mot de passe). La nouvelle version du système d’exploitation intègrera aussi non seulement un nouveau Minecraft mais aussi d’autres jeux en ligne, ainsi que de nouvelles applications (Hello, Continuum, …). Groove (ex-Xbox Music) et Movies & TV (ex- Xbox Video) seront intégrés au nouvel OS (Operating System), comme l’a annoncé le 6 juillet dernier Brandon LeBlanc, responsable de la communication marketing chez Microsoft, sur le blog officiel de l’entreprise (1). Pour la musique, l’écoute et la gestion des titres comme des playlists sont simplifiées. Et le mélomane peut aussi adapter la musique en fonction de son humeur. Les musiques téléchargées en MP3 pourront être stockées et réécoutées facilement à partir du cloud OneDrive. L’abonnement mensuel (Groove Music Pass) donne accès à plus de 40 millions de titres et permet en outre de créer sa radio en fonction de ses préférences. Quant au service Movies & TV, il offrira un catalogue de films et séries. Que cela soit pour la musique ou le cinéma, des achats pourront être faits en connexion avec la boutique en ligne Windows Store. Microsoft, dirigé par Satya Nadella (photo) depuis février 2014 (après avoir succédé à Steve Ballmer), s’est fixé deux objectifs ambitieux : que le chiffre d’affaires global du groupe atteigne les 20 milliards de dollars à l’issue de son année fiscale se terminant le 30 juin 2018. Pour y parvenir, le géant américain doit séduire un plus grand nombre de développeurs d’applications afin de rivaliser avec les écosystèmes Android de Google et iOS d’Apple. Depuis l’annonce de Windows 10 en septembre 2014, Microsoft a mis en place le programme « Windows Insider » qui permet aux développeurs, experts informatiques et créateurs numériques (5 millions d’inscrits à ce jour) de contribuer à l’amélioration et aux avant-premières du nouveau système (bêta, build ou preview) – y compris pour la version mobile depuis février. Ce sont ceux-là qui seront prioritaires à partir du 29 juillet, suivis progressivement par les autres qui se sont déjà pré-inscrits à la mise à jour vers Windows 10.

Applis compatibles Android et iOS
Lors de sa conférence des développeurs « Build », qui s’est tenue en avril dernier, Microsoft leur a même promis de fournir les outils pour rendre compatibles leurs applications conçues initialement sur Android et iOS. « Windows est le seul écosystème qui vous permet de porter vos applications sur tous les appareils », martèle depuis la firme de Redmond, afin de se démarquer des autres environnements plus walled gardens. Il va sans dire que les applications développées pour Windows 10 s’adapteront automatique aux différentes tailles d’écran sans lignes de codes supplémentaires à faire par la suite, ainsi qu’aux lunettes de réalité augmentée HoloLens. Par ailleurs, un adaptateur est prévu cette année pour pourvoir jouer avec une nouvelle manette « Xbox One » sur ordinateur.
Toujours par souci de pragmatisme, Microsoft a en outre prévu de permettre d’ici la fin de l’année d’installer sur ses propre smartphones Lumia sous Windows le système d’exploitation Android de son rival, lequel est plébiscité par les mobinautes – via notamment les smartphones Samsung. Le sud-coréen détient plus de 80 % de parts de marché du téléphone mobile multimédias dans le monde, contre 15 % pour Apple et seulement 3% pour Microsoft (selon le cabinet d’étude Strategy Analytics). Microsoft peine à imposer sur le marché ses smartphones Lumia, lesquels sont issus de la gamme du même nom qui appartenait au finlandais Nokia avant que celui-ci ne lui cède cette activité mobile en octobre 2014.

L’heure de vérité pour Satya Nadella
Satya Nadella joue avec Windows 10 sa crédibilité. Le 8 juillet, Microsoft a annoncé
la suppression de 7.800 emplois qui viennent s’ajouter aux 18.000 décidés il y a un
an – soit près de 22 % des effectifs qui étaient de 118.000 employés au 31 mars (2).
Ce « dégraissage » s’accompagne d’une simplification de l’organigramme et d’un changement de culture de l’entreprise en pleine crise de la quarantaine face aux biens plus jeunes GAFA – mis à part Apple qui a un an de moins que Microsoft. Face à Google, la firme cofondée par Bill Gates a pris un coup de vieux. Has been Microsoft ? Victime du déclin des PC (personal computer) qui lui assuraient une rente de situation, grâce notamment à la vente liée « ordinateur- système d’exploitation », le géant de l’informatique doit faire face aux géants de l’Internet (Google en tête) et des mobiles (dont Samsung et Apple) – deux virages qu’il n’a pas su prendre à temps.
Pris au piège de l’immobilisme et du confort de ses lauriers, l’éditeur de Windows s’est réveillé avec un nouveau patron décidé à rattraper son retard. Quitte à se raccrocher
à ses rivaux : au-delà de ses smartphones Lumia qui s’ouvriront à Android, la suite bureautique Office va de son côté être proposée sur l’iPad d’Apple et l’écosystème de Google.

C’est historique : Microsoft capitule dans la guerre des systèmes d’exploitation. Tandis que ses lunettes de réalité augmentée HoloLens vont directement concurrencer Oculus de Facebook, tout en attirant de jeunes développeurs. C’est dans cette optique qu’a été racheté à prix d’or (2,5 milliards de dollars) en septembre 2014 le jeu vidéo massivement multijoueurs (3) Minecraft (cédé par la société suédoise Mojang), très prisé des adolescents séduit par le free-to-play (jouez gratuitement et ne payez que
des options). Microsoft renforce ainsi sa division jeux vidéo et console Xbox (4). Côté musique et vidéo, Microsoft est bousculé par Apple Music et YouTube – au point de rebaptiser Xbox Music et Xbox Video qui deviennent respectivement « Groove » et
« Movies & TV ».
Satya Nadella, qui aura 48 ans le 19 août prochain, était – avant de devenir directeur général – vice-président de l’activité cloud de Microsoft. C’est sur ce terrain là que le numéro un mondial du logiciel doit continuer à se développer. Le cloud est devenu le mantra de cet Indo-américain (né à Hyderabad en Inde). Avec lui, les revenus de cette division ont franchi en 2013 la barre des 20 milliards de dollars. Fini la vente de logiciels sur CD en boîte ; place à l’abonnement logiciel en ligne. Mais le succès de la plateforme Azure, nuage informatique pour entreprises présent à l’échelle mondial, n’est pas suffisant. Et le cloud grand public One Drive n’a pas encore la notoriété souhaitée. Il faut aller plus loin dans la dématérialisation des logiciels et des services, avec le risque de voir les revenus baisser – car tout coûte moins cher sur le cloud – et devenir irréguliers.
Financièrement, Microsoft dispose d’environ de 8 milliards d’euros de trésorerie qui lui permettrait de faire de nouvelles acquisitions (après celle de Minecraft). A cela s’ajoute le fait que la firme de Redmond emprunte en plus à taux bas sur le marché des obligations et à longue échéance, comme elle l’a fait en février dernier pour la somme record de 10,75 milliards (bien plus que les 6,6 milliards de dollars empruntés par Apple juste avant). Au total, Microsoft dispose d’un encours de trésorerie de quelque 90 milliards de dollars ! Au-là des dépenses courantes du groupe en pleine restructuration (une charge de 7,6 milliards de dollars vient d’être annoncée), des investissements en capital, de la rémunération des actionnaires et du remboursement de la dette, Microsoft prévoit des acquisitions et il ne serait pas étonnant que les cibles se trouvent dans le mobile et/ou le cloud. @

Charles de Laubier

ZOOM

Microsoft confie sa régie e-pub à AOL
Pour se concentrer sur son nouvel « écosystème d’exploitation » Windows 10, le
géant du logiciel renforce et prolonge de dix ans son accord international avec AOL – fraîchement racheté par Verizon en juin (5) – dans la publicité en ligne, y compris pour son moteur de recherche Bing. Annoncé fin juin, ce partenariat consiste à ce qu’AOL gère la publicité en ligne et programmatique sur tous types de supports pour le compte de Microsoft. Cela concernera l’« inventaire » publicitaire de Microsoft, c’est-àdire
les espaces disponibles sur la page d’accueil MSN, sur la messagerie Outlook, les consoles connectées Xbox Live, les communications Skype et les publicités dans
les applications mobiles. Et ce, dans plusieurs pays dont la France. Pour cela, AOL
va embaucher 1.200 employés de Microsoft. Revendiquant plus de 380 millions de visiteurs sur ses différents sites web, les sites d’AOL (AOL.com, TechCrunch, The Huffington Post, …) adopteront en outre Bing à partir du 1er janvier 2016 dans le cadre de ce partenariat étendu aux liens sponsorisés. Là encore, il s’agit pour Satya Nadella de continuer à exister face à Google. @