Satellite : les nouveaux FAI

Vous êtes déjà en 2020, Par Jean-Dominique Séval*

Pour les amateurs de Science fiction, l’espace est bien plus que le ciel au-dessus de nos têtes ou qu’un objet d’étude repoussant les limites de l’univers aux confins de la métaphysique. C’est aussi un lieu familier où des vaisseaux spatiaux imaginaires relient entre elles de lointaines planètes. Un rêve encore, même si la conquête de l’espace a encore progressé.
Le voyage spatial séduit de plus en plus de passagers, qui embarquent dans des astroports flambant neufs. L’antique station spatiale internationale, l’IIS vient de terminer sa vie au fond d’un océan, tandis qu’une nouvelle station chinoise est en cours d’assemblage. De nombreuses sondes ont continué à être envoyées dans tout le système solaire et, au-delà, pendant que les programmes d’expéditions lunaires et martiennes continuent de mobiliser les grandes agences nord-américaine, européenne, russe et asiatique.

« Les opérateurs de satellites se sont bien transformés en FAI. Mais ils s’inscrivent – pour l’instant ? – dans une logique d’offre complémentaire pour les zones mal desservies. »

Mais, parmi les très nombreuses promesses offertes par la conquête spatiale, la plus concrète reste encore celle proposée par l’utilisation intensive d’un espace restreint au modeste périmètre de l’attraction terrestre : entre 200 et 36.000 kilomètres autour de la terre. Un espace saturé aujourd’hui par plus de 3.000 satellites, opérationnels ou non.
L’odyssée du satellite artificiel a commencé dans l’imaginaire fertile d’auteurs comme Edward Everett Hale, dans sa nouvelle The Brick Moon (1869), ou Jules Verne, dans Les 500 millions de la Bégum (1879). Moins d’un siècle plus tard, la course était lancée avec le précurseur soviétique Spoutnik I (1957), aussitôt suivi par l’américain Explorer 1 (toujours en orbite depuis 1958).

Les satellites, dans leur ronde silencieuse, ont dès lors progressivement rempli des missions de plus en plus variées : observation, localisation, télédiffusion ou communication. Mais, alors qu’ils commençaient à saturer l’espace orbital disponible, tout en atteignant une certaine maturité commerciale marquée par une diversification croissante de leur gamme de services à forte valeur ajoutée, la compétition avec des services terrestres faisait rage.
La promesse théorique du satellite est pourtant sans égale : pouvoir délivrer partout sur la planète, et quel que soit le relief, des services de télévision et de communication incluant désormais l’accès haut débit à Internet. Si la plupart des pays développés ont adopté des plans nationaux très haut débit à horizon 2020, les solutions technologiques retenues furent d’abord en faveur de réseaux terrestres fixes (FTTx) associés au réseau mobile 4G (LTE), la Corée du Sud et le Japon étant pionniers en la matière.
Seuls quelques pays, dont la France et l’Australie, envisagèrent de mettre le satellite à contribution comme solution crédible pour délivrer des services très haut débit à 50 Mbits/s à partir de 2015, privilégiant l’utilisation de la bande Q/V en substitution à la bande Ka.

Dans cette bataille qui l’opposa aux technologies mobiles terrestres, le satellite ne manquait pas d’atouts technologiques et économiques.

En retard par rapport à la concurrence terrestre en 2011, les opérateurs de satellites ont rapidement renforcé leurs offres « bundlées » en intégrant des offres TV, qui étaient un de leurs points forts historiques. Eutelsat, via sa filiale Skylogic et son satellite européen multifaisceaux Ka- Sat, développa une offre multiplay disponible (Tooway) et du haut débit à des tarifs comparables à ceux des accès ADSL ou fibre optique. Au final, les opérateurs satellite se sont bien transformés en FAI. Mais leur part de marché est encore limitée et ils s’inscrivent – pour l’instant ? – dans une logique d’offre complémentaire pour des habitants de zones mal desservies.
Le nombre d’abonnés haut débit par satellite sur l’Europe et l’Afrique du Nord est quand même, en 2020, de plus de 1 million (contre moins de 150.000 dix ans plus tôt). En regardant la place limitée qu’occupe aujourd’hui le satellite et en s’interrogeant sur la pertinence des choix techniques et économiques retenus, me prend l’envie de convoquer les mânes de William S. Burroughs qui déclarait : « Après un regard sur cette planète, n’importe quel visiteur de l’espace demanderait : ‘’je veux parler au directeur’’». @

* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut publie chaque année son étude « Très haut débit par satellite », par Maxime Baudry.
Prochaine chronique « 2020 » : Câble : la révolte des cord-cutters