Stéphane Bodier, président de l’OJD : « Nous pourrions aboutir fin 2011 à une mesure hybride avec trois instituts »

En tant que seul organisme de contrôle de la fréquentation sur Internet en France, le président de l’OJD – reconduit pour deux ans – explique à EM@ comment il se prépare à la mesure hybride (quantitative et qualitative), ainsi
qu’à la diffusion de « super procès verbaux » prenant en compte tous les supports d’une marque.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Cela fait dix ans cette année que l’OJD certifie l’audience des sites web : quel bilan faites-vous ?
Stéphane Bodier :
Nous approchons en effet les 10 ans
de certification Internet. En novembre 2001 était diffusé le premier communiqué comportant les quatre premiers sites web (1) contrôlés et certifiés sur le mois précédent. Nous sommes aujourd’hui à plus de 250 sites web majeurs certifiés tous les mois et nous continuons d’enregistrer de nouvelles adhésions. Ces dix dernières années nous ont enseigné qu’il n’est pas toujours facile de proposer à un marché jeune et en croissance de se faire contrôler par un tiers, afin de lui permettre de se professionnaliser. L’OJD a pu passer et passe encore, aux yeux de certains éditeurs, pour l’empêcheur de tourner en rond et surtout celui qui pourrait divulguer au marché les vrais chiffres de fréquentation de leurs sites web. « Je suis OJD, je n’ai rien à cacher », titrait un quotidien national en 1978. Ce slogan est toujours d’actualité et peut s’appliquer à ces nouveaux médias.

EM@ : Et depuis dix ans aussi (février 2011), l’OJD certifie les outils de mesure d’audience : comment ont-ils évolué ?
S. B. :
La labellisation des outils de mesure du marché – tels que ceux de XiTi, de Médiamétrie ou encore Weborama et plus récemment ComScore – a permis à ce marché de s’organiser et de rassurer ses clients. Les outils se sont perfectionnés au fil du temps et notre audit technologique s’est renforcé. Nous avons d’ailleurs, dès 2006, nettement modifié le mode de contrôle pour qu’il soit plus accessible à tous les sites web et surtout plus draconiens. L’histoire confirme notre choix méthodologique de départ, puisque les outils de mesure sur lesquels nous appuyons nos contrôles sont devenus incontournables et capables de mesurer tous les supports numériques : mobiles, tablettes mais également vidéo. Ces mesures dites « site-centric » sont aujourd’hui au cœur de la mesure des médias. Toutefois, seul le contrôle de l’OJD peut assurer que la mesure concerne bien le périmètre de l’éditeur en question et qu’il ne s’agit pas de vulgaires dopages marketing de la fréquentation du site. Nos chiffres sont indiscutables.

EM@ : Il y a presque un an, le 26 avril, l’OJD publiait la première fréquentation certifiée de cinq applications mobiles (2). Combien sont volontaires aujourd’hui ?
S. B. :
Trente-six applications mobiles ont été contrôlées en février 2011, sachant que le lancement officiel ne s’est fait qu’en septembre 2010 après une phase de test qui a, en effet, débutée en mars avec cinq applications. Nous enregistrons donc sur ce média une très forte adhésion des éditeurs. Car tout nouveau marché qui croit fortement a besoin de gagner en crédibilité rapidement auprès des annonceurs, l’OJD étant le seul institut à ce jour capable de fournir des données détaillées chaque mois.

EM@ : Par rapport aux audiences web, voyez-vous une redistribution des cartes avec les applis mobiles ?
S. B. :
Il est difficile de comparer les niveaux d’usages des sites web de ceux du mobile. Nous n’utilisons pas ces médias de la même façon. Néanmoins, on retrouve une certaine équité puisque dans les deux cas des applications mobile de contenus, telles que celles du Monde, de L’Equipe ou de La Chaîne Météo [groupe Le Figaro, ndlr], trustent les premières places de nos classements.

EM@ : L’OJD discute avec Médiamétrie et ComScore pour créer une mesure
« hybride », alliant les approches « user centric » (panel) et « site centric » (tag).
En quoi cela va consister ?
S. B. :
Il existe deux types de mesures : la mesure quantitative de la diffusion et de la consommation d’un média (nombre exact d’exemplaires vendus, nombre de pages
vues par visites, etc) et la mesure qualitative de l’audience (âge, sexe, CSP (3), …).
Sur Internet, ces deux mesures sont parallèles mais complémentaires. La mesure OJD va fournir les chiffres de la consommation réelle du site, alors que la mesure d’audience fournit la couverture de la marque (4). Les instituts référents – Médiamétrie et ComScore – travaillent à rapprocher les deux méthodes pour combler les lacunes de l’un, qui ne dispose pas d’informations qualitatives de son audience, et de l’autre, qui ne dispose pas de chiffres exhaustifs d’usages. Et nous avons eu une première prise de contact avec un troisième institut, Ipsos, qui a manifesté également auprès de l’OJD un intérêt pour la mesure hybride L’OJD fournira aux instituts de mesure d’audience qui le solliciteront, l’ensemble de ses données quantitatives nécessaires au rapprochement. La réconciliation sera, elle, réalisée par les instituts selon leur propre méthode. De notre côté, nous nous assurons juste que les données OJD seront respectées, afin de rendre au moins le socle comparable. Les dates de sorties de ces mesures divergent en fonction des instituts, mais il se pourrait que des premiers chiffres sortent avant la fin 2011.

EM@ : 70 % des consommateurs refusent que leurs données personnelles soient utilisées par les annonceurs (ETO/Market Audit) et la France doit donner le droit
à l’utilisateur d’accepter ou refuser un cookie : cela compromet-il la mesure d’audience ?
S. B. :
Le problème vient du manque d’information, voire de la désinformation : si le grand public savait ce que contient un cookie, cette polémique n’existerait pas. Un cookie ne détient justement aucune donnée personnelle. De plus, la durée de vie d’un cookie est limitée, car on estime à 30 % ou 35 % le taux d’effacement des cookies chaque mois. Aussi, personne n’est capable de suivre le comportement d’un internaute très longtemps et, d’ailleurs, cela a peu d’intérêt (5). Pour la mesure, ce cookie sert uniquement à dé-dupliquer un visiteur d’un autre visiteur sur le site d’un de nos membres au cours d’une période, rien de plus. D’ailleurs, nous avons depuis bien longtemps abandonné la mesure des visiteurs mensuels. Nous continuerons à identifier les visiteurs sur la journée ou sur la semaine puisqu’il existe bien d’autres méthodes techniques, même si elles sont légèrement moins performantes. Reste que si la directive européenne devait être appliquée, cela aurait un effet néfaste sur le marché de la publicité en ligne.

EM@ : Avec les sites web, les applis mobiles et les « éditions numériques » (type PDF), va-t-on vers une certification d’audience « universelle » ? Quand publiez-vous des « PV de Marque » ?
S. B. :
Nous venons justement de recevoir les chiffres de la presse quotidienne nationale payante pour le mois de janvier 2011, et ceux-ci comprennent pour la première fois le nombre d’exemplaires de versions numériques vendues sur le mois de janvier 2011. L’OJD est un des pionniers au niveau mondial à prendre en compte dans la mesure de la diffusion de la presse les versions numériques diffusées sur Internet et sur les tablettes, type iPad. A ce jour, l’OJD est capable de suivre une marque – presse, audiovisuel, web et mobile – sur la plupart de ces supports de diffusion (papier, Web, mobile et tablette). Nous travaillons effectivement à un « Super PV », qui est un procès-verbal reprenant les principaux chiffres d’une même marque pour faciliter la lecture, pour les annonceurs, les agences, en somme les professionnels du marché, de leurs capacités. Ce PV de marque est en finalisation. @