Search : la (re)quête du Graal

Au moment de lancer ma requête, comme cela m’arrive plusieurs fois par jour, je cherche dans ma tête la bonne phrase. C’est elle que je projette vers mon écran qui presque aussitôt affiche une sélection de réponses précises et organisées, rapportées des quatre coins du Web, mais également du fond de ma mémoire et de mes souvenirs enfouis. Bon, je suis d’accord, j’en rajoute un peu… Le nouveau moteur Brain Search, dont tout le monde parle, n’est encore disponible qu’en version Bêta, mais ses premiers pas sont vraiment aussi prometteurs… qu’inquiétants. Pas de répit dans cette course effrénée lancée très peu de temps après la naissance de l’Internet : à la suite du tout premier moteur de recherche, Archie, créé par des étudiants à la McGill University de Montréal, s’est ouverte une décennie d’incessantes innovations. Sont par exemple apparus : Aliweb et Excite dès 1993, suivis par dmoz, Webcrawler, Lycos, Infoseek et Yahoo! Directory en 1994. Alors qu’Altavista – cocréé en 1995 par le Français Louis Monier – nous donnait nos premières leçons de recherche appliquée, deux étudiants se rencontraient à Stanford pour créer trois ans plus tard une société qui allait mettre tout le monde d’accord. Google, non content de son leadership quasi-planétaire, trouva la recette d’un modèle économique original en devenant l’un des plus grands gestionnaires d’espaces publicitaires. Sa puissance lui fournit en retour les ressources nécessaires pour nourrir cet ogre insatiable qu’est le Net, à travers des initiatives visant – sans modestie – à « organiser l’information du monde » ! De la Terre avec ses villes et ses rues, à la Lune et à la planète Mars, en passant par les bibliothèques du monde et leurs livres, les musées et leurs œuvres,
les musiques et les vidéos, … Tout cela est accessible dans un très grand nombre de langues, selon un cercle vertueux qui permet
à l’outil d’être toujours plus performant.

« Les progrès du Web sémantique et des commandes vocales permettent de lancer des requêtes énoncées à voix haute. »

Mais les places sont rares pour des challengers qui tentent d’exister à l’ombre du géant
de Menlo Park. Certains pays, à l’instar de la Chine, de la Corée du Sud ou de la Russie, se distinguent encore par des moteurs leaders à domicile : Yandex, Seznam, Naver ou Baidu. Ils résistent encore à Google, Yahoo! ou Microsoft. La recherche reste en tout cas l’une des activités préférées des internautes, comme en 2010 où elle arrivait en tête des applications, tant sur l’Internet fixe que sur mobile. C’est pourquoi toujours autant de start-up se lancent, souvent en se concentrant sur des poches de connaissances spécialisées encore à l’écart des visées universelles des géants. La recherche verticale a ainsi été à l’origine d’une nouvelle vague d’innovations, par format (images, vidéos, podcasts, données, …), par type (livres, blogs, favoris, …) ou bien par thème (finance, marque, comparaison de prix, voyage, …). Certains ont eu l’idée d’applications originales, comme Waybackmachine qui retrouve pour vous les archives des pages web du passé. D’autres, comme Simplexo, proposent de simplifier la recherche de nos propres informations sur tous nos terminaux : ordinateurs, mobiles
ou tablettes. La décennie qui vient de s’écouler a aussi été très animée par l’apparition de nouvelles techniques algorithmiques, rendant les recherches plus fluides et plus efficaces. Les suggestions permettent d’afficher des résultats avant même que le mot-clé ne soit écrit ! Les recherches des autres internautes ou de leurs recommandations augmentent la pertinence de certains résultats. Les progrès du Web sémantique et des commandes vocales permettent de lancer des requêtes sous forme de phrases complexes énoncées à voix haute. Il est également possible de choisir le format des résultats en fonction de l’utilisation que nous en feront : une liste, un rapport, une présentation, …
Mais malgré tous ces progrès, les nouveaux chevaliers du Search s’investissent plus que jamais dans la quête de leur Graal : l’outil qui réalisera la synthèse entre toutes les sources, tous les contenus et tous les terminaux, avec comme terrain de jeu un Web dont la taille n’en finit pas d’augmenter sous la pressions des milliards d’utilisateurs de l’Internet devenu mobile. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Monde virtuel
* Jean-Dominique Séval est directeur général adjoint de
l’Idate, qui réalise un service de veille permanente sur le
sujet : « Le futur du Web », par Vincent Bonneau.