Huawei, de plus en plus ostracisé dans monde, a trouvé en France un certain asile économique

Au pays d’Ericsson, la justice a débouté le 22 juin dernier Huawei de son action contre son éviction du marché suédois de la 5G. C’est le premier pays de l’Union européenne à bannir le chinois, après les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Unis. En France, c’est du « Je t’aime, moi non plus ».

Le chinois Huawei, numéro un des équipements télécoms 5G et numéro trois mondial des fabricants de smartphones, va-t-il demander l’asile économique à la France pour continuer ses activités en Occident où il est de plus en plus banni ? La question peut prêter à sourire, mais elle n’est pas loin de refléter la réalité de ce qui arrive à la firme de Shenzhen que de nombreux pays dans le monde excluent sous des prétextes de « sécurité nationale » et d’accusations non prouvées de cybersurveillance (Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni, Suède, Inde, …) – mais pas totalement la France.

Débouté aux Etats-Unis et en Suède
« C’était vraiment bien de parler avec Maurice. Merci de m’avoir invité ! VivaTech est une plateforme incroyable pour l’innovation, et elle fait exactement ce dont le monde a besoin en ce moment : rassembler de grands esprits passionnés pour faire un changement », a twitté l’actuel président du groupe Huawei Technologies, Ken Hu (photo), après son échange le 18 juin avec Maurice Lévy, président du conseil de surveillance de Publicis et cofondateur du salon VivaTech. « L’innovation et l’inclusion technologique sont les principaux moteurs d’un monde meilleur après la pandémie », a-t-il aussi lancé (1).
Le même jour, aux Etats-Unis, Huawei Technologies perdait devant une cour d’appel contre une décision prise par la Federal Communications Commission (FCC) le 10 décembre 2020 considérant le fabricant chinois comme « une menace pour la sécurité nationale » (2) et après avoir interdit auparavant aux entreprises américaines d’utiliser les subventions publiques pour financer les achats de la technologie 5G de Huawei. La firme de Shenzhen avait dénoncé devant la justice américaine une décision prise « sans preuves substantielles » et « préjudiciable à l’industrie américaine » (3). De plus, l’entreprise chinoise n’avait pas eu le temps de se défendre et surtout considère comme « inconstitutionnelle » la décision prise fin 2020 sous l’ère Trump de la mettre sur liste noire au nom de la « sécurité nationale » (4). Quatre jours après avoir été débouté à la Nouvelle-Orléans, ce fut cette fois en Suède qu’un nouveau déboire judiciaire est intervenu : le 22 juin dernier, le tribunal administratif de Stockholm a débouté Huawei qui contestait une décision de l’autorité de régulation des télécoms suédoise (PTS), laquelle, en octobre 2020, excluait les chinois Huawei et ZTE des réseaux 5G en Suède au nom là aussi de la « sécurité nationale ». Le jugement suédois ordonne que les équipements télécoms des chinois déjà en place soient enlevés avant le 1er janvier 2025. Huawei devrait faire appel de ce jugement basé uniquement sur des suppositions. L’on comprend, dans ce contexte de bannissement et de revers judiciaires, que Ken Hu ait pu trouver un peu de réconfort en France où le «en même temps » d’Emmanuel Macron permet à Huawei – présent sur l’Hexagone depuis 18 ans (effectif d’un millier d’employés) – de ne pas être complètement ostracisé. Pendant que le Conseil constitutionnel validait début février la loi française « anti-Huawei » du 1er août 2019 au nom des « intérêts de la défense et de la sécurité nationale » (5), le géant chinois des télécoms confirmait son engagement exprimé l’an dernier d’investir 200 millions d’euros dans un nouvelle usine sur l’Hexagone. Il s’agit de sa première usine hors de Chine et celle-ci sera – avec l’aval du gouvernement français – implantée à Brumath, ville alsacienne de 10.000 habitants dans le Bas-Rhin (région Grand-Est), à proximité de Strasbourg – pour y fabriquer des produits sans fil (5G comprise).
Cette usine « Made in France » de Huawei sera opérationnelle dans le courant de l’année 2023 et prévoit de produire l’équivalent de 1 milliard d’euros par an d’équipements télécoms à destination des marchés européens, avec la création « à terme » de 500 emplois direct. Le chinois, qui participait physiquement au Mobile World Congress de Barcelone cette année, a déjà inauguré en octobre 2020 un centre de recherche à Paris « en mathématiques et calculs », avec une trentaine de scientifiques dirigés par le professeur Merouane Debbah, directeur de la R&D chez Huawei France. Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, n’avait pas manqué de « féliciter » Huawei pour cette implantation (6).

Huawei investit aussi dans Qwant
La firme de Shenzhen renforce par ailleurs son partenariat avec le moteur de recherche français Qwant, lequel est préinstallé depuis plus d’un an sur les nouveaux smartphones du fabricant chinois – désormais dotés du système d’exploitation-maison, HarmonyOS. Cette fois, le 18 mai dernier, Qwant – que dirige Jean-Claude Ghinozzi depuis début 2020 sous la présidence de Jacques Biot (7) – a approuvé une « émission d’obligations convertibles », dont 8 millions d’euros ont été souscrits par Huawei. Cet investissement obligataire avait été révélé le 12 juin par Politico (8) puis confirmé par Qwant. @

Charles de Laubier