Altice Europe est valorisé 6,7 milliards d’euros à la Bourse d’Amsterdam, mais plus pour longtemps

Le 21 janvier est la date limite de l’offre de rachat du solde d’Altice Europe par son actionnaire majoritaire, Patrick Drahi. La maison mère de SFR et BFM TV sera ensuite retirée de la cote pour ne plus être pénalisée par les investisseurs inquiets de sa dette, bien que ramenée à 28,5 milliards d’euros.

Après l’assemblée générale extraordinaire d’Altice Europe, qui s’est tenue le 7 janvier dernier, Patrick Drahi (photo) a obtenu l’autorisation des actionnaires pour racheter les dernières actions de son groupe coté à la Bourse d’Amsterdam depuis près de sept ans. Le milliardaire franco-israélien veut fuir les marchés financiers volatiles qui ont joué au yoyo avec son titre en fonction des humeurs versatiles des investisseurs, plus ou moins inquiets par le quasi-surendettement d’Altice Europe.

Patrick Drahi, seul maître à bord
Si la dette fut un temps abyssale, dépassant les 50 milliards d’euros en 2016, elle reste encore préoccupante aujourd’hui – même si elle a été ramenée à 28,5 milliards au 30 septembre dernier, contre plus de 31 milliards d’euros six mois plus tôt. Alors que d’importantes échéances de remboursement sont prévues d’ici 2025, autrement dit pas de « ligne de crédit majeure arrivant à maturité » avant cinq ans, Patrick Drahi espère pouvoir gérer sa dette plus sereinement sans être sous la pression permanente de la Bourse. Pour vivre heureux, vivons cachés ?
« La structure de propriété proposée va permettre de renforcer l’attention sur l’exécution de notre stratégie de long terme », avait justifié le président d’Altice Europe, faisant un pied de nez au courtermisme qui, d’après lui, caractérise les marchés financiers. Le fondateur d’Altice aurait surtout été échaudé par la dévalorisation de son titre en Bourse durant l’annus horribilis 2020, tiré vers le bas notamment par la crise économique provoquée par la pandémie du coronavirus. Malgré ses efforts sur le long chemin du désendettement, le boulet de près de 30 milliards d’euros a été perçu par bon nombre d’investisseurs comme un handicap supplémentaire dans l’actuel contexte de récession. Il suffit de voir l’évolution du cours de Bourse d’Altice Europe N.V. à Amsterdam pour constater les montagnes russes qu’a dû subir le titre « ATC » (1). Après être descendu au plus bas, à 1,56 euros le 23 novembre 2018, l’action de la maison mère de l’opérateur télécoms SFR, de la chaîne de télévision BFM TV et de la radio RMC avait tout de même réussi à rebondir pour atteindre son plus haut niveau le 6 février 2020 à 6,74 euros. Hélas, plus dure a été la chute libre : la dégringolade vertigineuse du titre – sombrant en un mois et demi à 2,50 euros le 18 mars 2020, soit une perte de 63 % de sa valeur ! – aura sans doute donné des sueurs froides à Patrick Drahi, pourtant un aguerri de la finance. Le divorce entre Altice et la Bourse était virtuellement prononcé. La convalescence boursière fut poussive au cours des six mois suivants, jusqu’au jour où – le 11 septembre 2020 et après une nouvelle rechute débutée fin août – l’actionnaire majoritaire d’Altice Europe et président du conseil d’administration a annoncé une offre publique de rachat des actions qu’il ne possède pas afin de prendre le contrôle total de son groupe de télécoms et de médias. Patrick Drahi possède déjà 77,6 % du capital d’Altice Europe. Le milliardaire veut s’approprier via sa holding personnelle Next Private le reste en mettant d’abord sur la table un total de 2,5 milliards d’euros, à raison de 4,11 euros par action, ce qui valorise le groupe près de 5 milliards d’euros. Aussitôt, l’action enlisée à 3,21 euros se ressaisie en passant au-dessus de 4,10 euros. Mais c’était sans compter les exigences de nombreux petits actionnaires, emmenés par des fonds d’investissement (2), qui ont reproché à Patrick Drahi de sous-évaluer la valeur du titre. Revendiquant ensemble environ 9,1 % du capital d’Altice Europe, les contestataires avaient pointé la valorisation de leur « expropriation » largement sousestimée par Patrick Drahi. Dans une lettre adressée le 29 novembre dernier par email à Jurgen van Breukelen, chairman du conseil d’administration d’Altice Europe – Patrick Drahi en étant le président, le fonds Lucerne accuse même ce dernier de pratique quelque peu illégale : « L’offre publique n’est rien de plus qu’une tentative illicite de M. Drahi d’exploiter la pandémie de covid-19 pour se transférer à nouveau une valeur massive, au détriment des actionnaires minoritaires » (3). Et Lucerne de rappeler que les analystes de la Deutsche Bank et de Kempen ont fixé leur objectif de cours, respectivement de 9,5 euros et de 6,8 euros (4).

Next Private face aux actionnaires
Lucerne en Europe et Winterbrook aux Etats-Unis avaient donc engagé des poursuites à l’encontre de l’homme d’affaires. Finalement, le 16 décembre dernier, celui-ci – toujours via Next Private – a cédé en relevant à 5,35 euros par action le prix de son offre sur Altice Europe. Comme par enchantement, le cours de Bourse a repris d’un coup des couleurs, à 5,32 euros… Au 7 janvier, Altice Europe N.V. était valorisé 6,7 milliards d’euros. Les actionnaires s’en tirent à bon compte. @

Charles de Laubier