Pourquoi Le Monde s’offre un directeur « bi-média »

En fait. Le 30 juin, Jérôme Fenoglio – ex-rédacteur en chef du site web Lemonde.fr devenu directeur des rédactions – a été élu directeur du « Monde »
à 68,4 % des votes, après avoir échoué en mai dernier avec 55 %. C’est le sixième directeur du « Monde » depuis son rachat, fin 2010, par le trio « BNP ».

En clair. « Je veux transformer le journal vers davantage de numérique, parce que l’avenir se joue de ce côté-là et qu’il faut penser à atteindre de nouveaux publics », a déclaré Jérôme Fenoglio à l’AFP, aussitôt après avoir été élu directeur du « Monde » (1). C’est justement parce qu’il était notamment perçu par la rédaction comme « trop numérique » qu’il n’avait pas été élu en mai dernier. La mutation digitale à marche forcée et la précipitation dans cette évolution ont été mal perçues par les journalistes.
Il est l’un des rares dans le journal à avoir exercé des responsabilités tant sur l’édition papier que sur le site web. On lui a aussi reproché d’être sollicité par les trois actionnaires « BNP » (Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse), alors que lui-même n’était pas candidat. D’autant que les relations houleuses avec Pierre Bergé (contre la règle électorale interne des 60 %, insultant vis-à-vis de deux journalistes
du Monde, Eric Chevillard et Denis Cosnard, etc) vont à l’encontre du « pacte d’indépendance ». Le rejet de sa candidature en mai dernier, après la démission en mai 2014 de Natalie Nougayrède (restée seulement un an à ce poste), a ravivé le malaise au sein de la rédaction.

Durant son mandat de six ans, Jérôme Fenoglio entend « transformer le journal » qui souffre comme les autres de la crise historique de la presse (2). En 2017, le groupe Le Monde va déménager dans son futur siège dans le sud de Paris, où se réuniront les 1.400 salariés des différentes publications : Le Monde, Télérama, L’Obs, Rue89, Huffington Post, Courrier international et La Vie. Le (seul) quotidien du soir, qui a lancé en mai « La Matinale » pour être diffusée sur les cinq jours de la semaine auprès des mobinautes, va étendre au samedi cette édition mobile dans le cadre d’une offre du week-end que Jérôme Fenoglio veut plus étoffée.
L’enjeu est de taille : il s’agit de séduire la jeune génération X, Y ou Z très présente sur les smartphones et tablettes, mais piètres lecteurs de journaux imprimés (mis à part les magazines). Car le défi de Jérôme Fenoglio sera de rajeunir le lectorat vieillissant du Monde. Pour être attractif, environ un tiers des contenus seront gratuits et les deux tiers restants réservés aux abonnés. Les abonnés à l’édition numérique du quotidien du soir y ont accès sans supplément, tandis que les autres pourront s’abonner pour 6,99 euros par mois. @