Télécoms, audiovisuels, Internet,… : quels sont les services taxés dans le pays du client depuis le 1er janvier 2015

Depuis 1er janvier 2015, les prestations de services de télécoms, de radiodiffusion et de télévision, ainsi que les services délivrés par voie électronique (via Internet ou par e-mail), sont désormais imposables au
lieu de consommation. Le e-commerce de biens physiques en est exlu.

Jusqu’à maintenant, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) était appliquée en fonction du pays du vendeur. Ce qui a créé des distorsions de concurrence entre les différents prestataires de l’Internet, certains comme Amazon, iTunes d’Apple ou Netflix au Luxembourg, ainsi que Google ou encore Apple en Irlande, bénéficiant d’avantages fiscaux grâce à une TVA moins élevée que pour les autres prestataires basés, eux, dans des pays fiscalement moins avantageux comme la France.

Distorsion, évasion et manque à gagner
Le taux normal de TVA variant de 15 % à 27 % à travers l’Union européenne (UE), les entreprises se sont souvent implantés dans un Etat membre où le taux est le plus faible pour des raisons dites d’« optimisation fiscale » – pour ne pas dire d’« évasion fiscale » tout à fait légale… Résultat, d’après une étude du cabinet Greenwich Consulting en 2013, le manque à gagner rien que pour l’Etat français s’est élevé en 2011 entre 377 millions et 754 millions d’euros sur un montant de 7,5 milliards de produits culturels dématérialisés et certaines prestations en ligne.
Depuis le 1er janvier 2015, la TVA est appliquée en fonction du pays de l’acquéreur – qu’il s’agisse d’un particulier (1) ou d’une entreprise (2). Chaque prestataire, qu’il soit établi ou pas sur le territoire de l’UE, devra en conséquence déclarer et payer la TVA dans chaque Etat membre de consommation. Pour ce faire, une simplification des obligations déclaratives est prévue grâce à un guichet électronique unique. Cette nouvelle règle fiscale européenne s’applique à tout fournisseur en ligne, pour peu
que les biens ou les services achetés ne soient pas physiques. Ne sont en effet pas concernées les ventes à distance de biens physiques tels que CD/DVD/Blu-ray, livres au format papier, jeux vidéo sur supports physiques ou tout autre article non délivré par voie électronique.
Les « GAFA » américains et tous les services télécoms, audiovisuels et électroniques du monde entier – les services OTT (Over-The-Top) compris – y sont assujettis s’ils vendent dans l’un des vingt-huit pays de l’UE : ils seront dans ce cas imposables au taux de TVA en vigueur dans l’Etat membre où est domicilié le consommateur. Dans les services de télécommunication, cela concerne par exemple la téléphonie fixe ou mobile, la vidéophonie, la VoIP, la radiomessagerie, la télécopie et télex, ou encore la fourniture d’accès à Internet et au Web. Parmi les services de radiodiffusion et de télévision concernés, il y a la diffusion de programmes audiovisuels sur des réseaux de télévision ou de radio, ainsi que les programmes de radio ou de télévision diffusés via Internet ou un réseau IP analogue « s’ils sont retransmis simultanément à leur transmission ou retransmission sur un réseau de radiodiffusion ou de télévision » (3) ou encore les retransmissions en direct sur Internet. Quant aux services électroniques, il s’agit notamment de la vidéo à la demande (VOD), des applications téléchargées, de la musique en ligne (téléchargeable ou en streaming), les jeux vidéos dématérialisés, les livres numériques, ou encore les logiciels utilisés en ligne ou téléchargés (applications, antivirus, adblockers, pilotes d’imprimante ou d’autres périphériques). « Lorsque le prestataire de services et le preneur communiquent par courrier électronique, cela ne signifie pas en soi que le service est un service fourni par voie électronique », précise cependant la directive européenne du 12 février 2008 qui a modifié – en ce qui concerne le lieu des prestations de services – celle du 28 novembre 2006 portant sur
le système commun de TVA. En fait, le compromis trouvé fin 2007 à la demande du Luxembourg prévoit un échelonnement progressive de cette règle du lieu de consommation, de 2015 à 2019, à savoir : 30 % conservés par le pays d’établissement en 2015-2016, 15 % en 2017-2018 et enfin 0% à partir du 1er janvier 2019. Ce n’est donc qu’en 2019 – dans cinq ans – que la perception de la totalité de la TVA sur les services électroniques par l’Etat de résidence du consommateur final sera effective.

Plein effet seulement en 2019
Or, il aurait été souhaitable de raccourcir ce délai compte tenu notamment de l’iniquité fiscale entre les opérateurs nationaux et les acteurs internationaux établis à l’étranger, lesquels peuvent encore échapper en partie à la fiscalité française (4). « Alors que la révision de la directive TVA résulte d’un compromis délicat, il parait aujourd’hui difficile d’envisager une anticipation du calendrier prévu. A l’inverse, la France veillera scrupuleusement à ce que le calendrier de mise en oeuvre soit respecté », avait répondu en septembre 2013 le ministère des Affaires européennes à une question (5)
à l’Assemblée nationale. @

Charles de Laubier