La TV connectée menace les chaînes de télévision et les opérateurs Internet

Le salon est le théâtre d’une bataille inédite pour prendre le contrôle des abonnés équipés d’un téléviseur connecté à Internet. Cet écran interactif bouscule déjà la chaîne de valeur où s’étaient confortablement installés les éditeurs de télévision
et les fournisseurs d’accès à Internet.

Haro sur les téléviseurs connectés. Philips, Samsung, Sony, LG, Sharp, Toshiba, Panasonic ou encore Technicolor : depuis que les fabricants de postes de télévisions commercialisent des modèles connectables et nouent des partenariats éditoriaux
avec des fournisseurs de contenus interactifs (Yahoo, Google, Amazon, Dailymotion, Apple, …), rien ne va plus dans le nouveau paysage audiovisuel français. D’autant qu’il
se sera vendu en France – Noël aidant – quelque 2 millions de téléviseurs connectés cette année, selon les estimations du Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec). Tandis que le cabinet d’études DisplaySearch table sur la vente de
40 millions d’unités dans le monde, toujours cette année.

Pourquoi une « charte » ?
Cette nouvelle génération de téléviseurs interactifs et ouverts sur Internet suscite l’inquiétude des chaînes de télévision mais aussi des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Les TF1, M6, Canal+ ou France Télévisions redoutent qu’une partie de leur audience soit détournée au profit de contenus et services à la demande proposés
« en surimpression ou autour de leurs programmes diffusés ». Depuis plusieurs mois (1), les chaînes françaises tentent d’élaborer une « charte de bonne conduite » censée être signée par les fabricants de téléviseurs connectés ou de terminaux interactifs (décodeurs, magnétoscope numérique, consoles de jeux, …). Objectif : garder le contrôle « total et exclusif » sur les contenus et services proposés en superposition à leurs programmes audiovisuels ou en incrustation du signal TV. Contacté, Bernard Héger, le délégué général du Simavelec, indique à Edition Multimédi@ ne pas avoir
eu connaissance de cette charte ! Sera-t-elle suivie ? Les « TV@ » de type Philips Net TV, Sony Bravia, Samsung Internet@TV ou encore Panasonic VieraCast bénéficient déjà de multiples partenariats avec des éditeurs de contenus ou des sites web. Les nouveaux services sont présentés à l’écran, soit par un portail dédié sans interférer avec le signal télévisuel, soit par des « widgets » en incrustation sur le signal. TF1
avec Samsung, M6 avec Sony, Canal+ avec LG ou encore Arte avec Philips : de nombreuses chaînes françaises ont déjà noué des partenariats avec des fabricants
de téléviseurs. Mais elles entendent garder le contrôle de l’écran et s’opposent – à l’instar de TF1 qui a empêché Samsung de nouer un accord avec Yahoo en France
– à ce que d’autres applications interactives ne viennent « perturber » ou « parasiter » leur signal, voire ne « canibalisent » leur audience. Mais cette mainmise des chaînes sur l’écran de télévision ne sera pas forcément du goût de tous les éditeurs de contenus, qui voudront eux aussi proposer leurs services jusque dans le salon du téléspectateur. La réglementation et la régulation, notamment dans l’arbitrage de différends ou de litiges, ne sont pas encore prêtes. « Le téléviseur connecté remet un peu l’écran traditionnel au cœur de l’accès aux nouveaux services. C’est un point auquel on n’a pas prêté suffisamment attention. Sa conséquence, plus discutable peut-être, est qu’il va entraîner un bouleversement dans l’organisation de la chaîne de valeur », a expliqué Michel Boyon, le président du CSA (2), lors du colloque NPA Conseil le 26 octobre 2010. Mais les chaînes de télévision ne sont pas les seules à craindre le risque d’être court-circuitées. Les FAI pourraient eux-aussi être déstabilisés par l’arrivée des fabricants de téléviseurs dans la chaîne de valeur. « A long terme, TV connectées et boîtier hybrides constituent une menace potentielle sur la valorisation des offres triple play à 30 euros (dont 50 % de la valeur est attribuée aux services de télévision). Le FAI se contente de transporter les signaux et contenus via ses tuyaux (« dumb pipe ») qui connectent le terminal aux serveurs web », explique le cabinet d’etude NPA Conseil.
Si les Philips, Sony et autres Samsung avancent prudemment vis-à-vis des FAI en
se présentant comme partenaires et non concurrents, les choses pourraient changer
à l’avenir.

Google TV et Apple TV en vue
Face à ces nouveaux distributeurs de contenus et aux acteurs de vidéo à la demande (VOD), les FAI sont pris entre deux feux. Par exemple, Video Futur est présent sur Philips Net TV, Blockbuster on demand sur Samsung Internet @TV, et Netflix sur Panasonic VieraCast. Et l’arrivée prochaine de Google TV et d’Apple TV est annoncée dans ce nouveau PAF (3). Pour Marc Tessier, président de Video Futur et président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVD), passer par la TV connectée est un moyen de proposer Video Futur que les FAI rechignent à mettre dans leur bouquet. La bataille du salon est engagée. @