Hyper Social

Cela fait peu de temps que mon notebook s’allume sur un écran d’accueil véritablement nouveau : à la place d’un portail standard ou d’un moteur de recherche zen, j’ai enfin accès en un coup d’oeil aux informationsclés dont j’ai le plus besoin. J’y trouve mes rendezvous et ma liste de tâches, ma revue de presse personnalisée, un aperçu de mes comptes bancaires
et bien sûr, au tout premier plan, la vie de mon réseau social. Comme pour les moteurs de recherche, l’idée à la base des réseaux sociaux est extrêmement simple : offrir un outil de gestion d’une liste de personnes ayant un intérêt commun. Tout a commencé avec la mise en ligne de l’annuaire de l’université d’Harvard par Facebook.

« Nous voici désormais à la tête d’annuaires de toutes natures, d’amis, de lieux, de photos, de vidéos, de livres, comme autant de listes, qui donne à notre époque un statut particulier ».

Depuis leur apparition spectaculaire, les réseaux sociaux n’en finissent pas de déployer leur potentiel à travers tous les autres usages du web. Après une courte période pionnière qui dura moins de dix ans, entre les premiers pas du disparu Sixdegrees.com dès 1997 au lancement de MySpace en 2003 et de Thefacebook.com en 2004, les réseaux sociaux ont conquis la planète à une vitesse record : Facebook a dépassé les 400 millions d’utilisateurs début 2010 et de nombreux autres sites ont proposé des services identiques comme Bebo et Google Buzz, localisés comme QQ en Chine et Copains d’avant en France, spécialisés comme Linkedin pour les pros, Flickr pour les photos et Youtube pour les vidéos, sans oublier le microblogging de Twitter, véritable agence de presse pour tous, et bien d’autres encore qui couvrent le large spectre des professions et des hobbies. Aujourd’hui, le réseau social est avant tout un véritable mode de communication, maintenant qu’une part importante des emails a été remplacée par la communication via les réseaux sociaux. C’est aussi devenu un média à part entière, que les médias classiques ont intégré dans leurs outils afin de diffuser leurs contenus et leurs programmes. Les jeux occasionnels et les vidéos courtes furent les premiers concernés, de plus en plus d’internautes jouant via leur réseau social ou souhaitant faire découvrir à leur communauté une vidéo jugée irrésistible ou exemplaire. Les réseaux sociaux sont vite apparus comme des partenaires naturels
des acteurs de la télévision, qui peuvent à la fois leur permettre d’accroître leur chiffre d’affaires publicitaire et leur procurer de nouvelles sources de revenus en les rémunérant comme fournisseurs de solutions communautaires. Ce sont enfin de nombreux outils qui apparaissent sans cesse à la faveur du croisement de plusieurs applications. Ainsi mon DVR (Digital Video Recorder) enregistre automatiquement un programme de télévision dont parlent entre eux la plupart de mes amis sur notre réseau social commun. Hier soir, en entrant dans ma voiture, le système de navigation a proposé de me conduire directement à l’adresse d’une amie qui organisait une soirée notée dans mon agenda. Elle sera bien sûr prévenue que je suis en chemin comme les autres invités.
La semaine dernière, assistant à une conférence, il m’a suffi d’un simple clic sur mon mobile braqué sur un intervenant à la tribune et un groupe de personnes dans la salle
pour recevoir automatiquement, après reconnaissance des visages sur leurs comptes Facebook ou Viadeo, les informations les concernant. Cette effervescence et notre engouement collectif, qui se sont traduits par une utilisation de tous, quels que soient l’âge ou la culture, sont venus avec leurs lots de complications : multiplication des outils spécifiques, éclatement de l’identité numérique en autant de codes et de mots de passe que de services, perte progressive de la notion de confidentialité et augmentation corollaire de la cyber-insécurité. Le chemin a été long depuis les premiers services d’agrégation de réseaux sociaux comme Friendfeed et Yonoo, avant que l’interopérabilité et la sécurité des plateformes soient effectives.Nous voici désormais à la tête d’annuaires de toutes natures, d’amis, de lieux, de photos, de vidéos, de livres, comme autant de listes qui, comme l’analyse Umberto Eco dans son étonnant “ Vertige de la Liste “, donne à notre époque un statut particulier. Si, comme l’écrivain le montre, une civilisation se définit aussi par sa relation aux listes qu’elle produit, alors, la nôtre, qui a inventé la liste infinie, multiforme et interactive, donne une saveur particulière à l’une des citations de l’ouvrage : “Nous aimons les listes parce que nous ne voulons pas mourir”. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : La quasi-neutralité du Net
Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et
commercial de l’Idate. Rapport sur le sujet : « VoIP Mobile » par Soichi
Nakajima et « The Online Content Distribution Market » par Vincent
Bonneau, s’appuyant sur les travaux conduit par Yves Gassot.