Légère hausse du tarif du dégroupage : l’Arcep ne voulait pas de « rente temporaire au profit d’Orange »

Pour tenter d’inciter les Français à basculer du réseau ADSL/VDSL2 (cuivre) vers le réseau FTTH (fibre), le régulateur propose d’augmenter le tarif du dégroupage total que facture Orange – soit 1,1 milliard d’euros en 2019 – aux autres opérateurs télécoms qui louent la boucle locale téléphonique.

La rente historique de l’ex- France Télécom ne va pas grossir. Non seulement en raison d’une hausse très modérée du tarif 2021-2023 proposée par l’Arcep, mais aussi et surtout parce que le nombre de ligne en dégroupage total en France ne cesse de décliner. C’est ce que montrent les chiffres du rapport financier 2019 d’Orange (publié en avril dernier) : sur les 29,2 millions de lignes téléphoniques fixes gérées par l’opérateur télécoms historique (en baisse de 5,6 % sur un an, passant sous la barre des 30 millions), 9,7 millions d’entre elles étaient en dégroupage total (en chute de 9,9 % en an, passant sous la barre des 10 millions).

Certains clients préfèrent le cuivre à la fibre Selon les calculs de Edition Multimédi@, le dégroupage total du réseau de cuivre a donc rapporté à Orange l’an dernier un total hors taxe de 1,1 milliard d’euros en 2019 (à raison de 9,46 euros par mois et par ligne), contre 1,2 milliard d’euros en 2018 (à raison de 9,31 euros par mois et par ligne). Alors que l’ex-France Télécom, aujourd’hui dirigé par Stéphane Richard (photo de gauche), réclamait une augmentation de deux à trois euros par ligne de cuivre louée, le régulateur des communications électroniques présidé par Sébastien Soriano (photo de droite) ne lui a concédé un gain d’à peine une vingtaine de centimes d’euros : le tarif de chaque ligne téléphonique louée par les opérateurs alternatifs (SFR, Bouygues Telecom et Free principalement) à l’opérateur télécoms historique (aujourd’hui Orange) passera de 9,46 euros hors taxe par mois à 9,65 euros par mois pour la période 2021-2023 (après celle de 2018-2020 qui va s’achever). Toujours selon nos calculs, en tenant compte d’une probable baisse de 10 % du nombre de lignes en dégroupage total (à 8,7 millions de lignes), le chiffre d’affaires correspondant attendu pour l’an prochain serait de tout juste 1 milliard d’euros. Si l’Arcep n’a pas accédé à la demande du détenteur de la boucle locale de cuivre, c’est notamment parce qu’elle craignait « la création d’une rente temporaire au profit d’Orange » en cas de hausse significative du tarif du dégroupage des lignes téléphoniques et en raison de « l’existence [d’]aléas ». Les aléas que le régulateur évoque résident dans le fait que « certains [clients] se montrent réticents face aux travaux d’installation de la fibre » et que « l’offre et la demande des marchés de détails ne basculent pas vers la fibre dans certains cas », lorsque ce n’est pas « une frange de clients [qui] préfèrent le cuivre ou refusent une migration pour des raisons non tarifaires ». Dans son projet de décision – soumis à consultation publique jusqu’au 12 octobre prochain (1) –, le régulateur estime tout de même que « la hausse du tarif du dégroupage cuivre pourrait être à même d’inciter les opérateurs tiers à migrer plus rapidement leur clientèle vers l’infrastructure fibre pour éviter de leur faire subir une hausse des prix de détail sur le cuivre ».
Comparée au reste de l’Europe, d’après le cabinet indépendant de « renseignements réglementaires » Cullen International (utilisé par l’Arcep), la France se situe en sixième position des pays européens les plus chers en matière de tarifs du dégroupage total, derrière la Finlande, la Suisse, l’Irlande, l’Allemagne et le Danemark. Et largement au-dessus de la moyenne de l’Europe qui est de 8 euros hors taxe par mois et par ligne de cuivre. Les pays les moins chers sont, par ordre décroissant tarifaire : le Slovénie, la Macédoine du Nord, la Lituanie et la Turquie – la Bulgarie et la Roumanie n’étant pas régulées (voir graphique ci-contre). « Les niveaux tarifaires ainsi déterminés ne sont pas dépositionnés par rapport aux niveaux pratiqués au sein des pays européens. Parmi les principaux autres pays européens (Allemagne, Royaume- Uni, Italie, Espagne), la fourchette des niveaux tarifaires se situe entre 8,50 euros par mois et 11,19 euros par mois », constate le régulateur. @

Charles de Laubier