Vivendi hésite à séparer « réseaux » et « contenus » : faut-il le faire pour Orange ?

Près de trois ans après le spin-off entre Time Warner et AOL, suite à l’échec de la méga fusion historique de 2001, voilà que Vivendi doute sur l’idée de scinder ses activités télécoms et médias. Tandis que le spectre de la séparation structurelle plane toujours sur France Télécom.

Conglomérat n’est plus synonyme de convergence. L’heure semble être au démantèlement plutôt qu’à l’intégration des grands groupes de médias et de communication. En annonçant, ce 20 août, la création d’un poste de « directeur général des activités télécoms » (Jean-Yves Charlier) et d’une mission de « réflexion pour le développement des médias et des contenus » (Bertrand Méheut), Vivendi ferait-il un pas de plus vers la scission ou le spin-off entre ses activités réseaux (SFR fixe et mobile, Maroc Télécom, GVT) et celles des contenus (Canal+, Universal Music, Activision Blizzard) ?

Entre la Bourse et la régulation La perspective de couper en deux Vivendi n’était plus taboue depuis le départ fin juin de Jean-Bernard Lévy, opposé à un démantèlement du groupe. Le cours de l’action Vivendi, sous-évalué selon Jean-René Fourtou, a précipité son éviction. « Faut-il vendre des activités ou séparer le groupe en deux, voire trois ? Cette question n’est pas taboue », a écrit ce dernier aux actionnaires, fin mars (1).
Le problème réside dans le fait que Vivendi a toujours été en mal de synergies, malgré
la volonté affichée de son ex-président du directoire de les créer (2). « Nos investissements dans les réseaux, les plateformes et les contenus s’accompagnent d’efforts soutenus pour développer les partages d’expertises et les projets communs
entre nos métiers », prêchait-il… en vain. Victime du syndrome AOL-Time Warner ?
Celui qui voulait « déplacer les frontières de ses activités, pour accroître la valeur
ajoutée » (3), a finalement échoué. La filiale Activision Blizzard, numéro un mondial des jeux vidéo ou GVT, opérateur télécoms brésilien, pourraient être cédés. Encore faut-il
qu’il y ait des acquéreurs au prix fort… La présentation le 30 août des résultats du premier semestre, lesquels sont pénalisés par SFR (4), n’a pas permis d’y voir plus clair, si ce n’est que le directeur financier Philippe Carpon s’est prononcé le 30 août contre une « scission brutale ».
Il y a par ailleurs les démêlés de Vivendi avec les autorités anti-trusts qui reprochent
à certaines de ses activités, soit d’être un « monopole durable » au détriment des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), selon l’Autorité de la concurrence au sujet de Canal+ depuis la fusion TPS (voir notre article p. 5), soit de présenter un risque
d’« abus de position dominante » sur le marché de la musique en ligne, selon la Commission européenne à propos de l’acquisition envisagée de EMI par Universal Music (lire EM@55, p. 4). Bref, il ne fait pas bon être un groupe intégré et puissant
dans un monde soumis
aux contrôles, voire aux sanctions, des régulateurs. Mais il en va de la préservation de
la diversité concurrentielle comme de la diversité culturelle : il faut laisser leur chance
aux nouveaux entrants face aux oligopoles, voire aux quasi monopoles.
Dans cette logique, certains – du côté du Sénat – verraient bien l’Arcep exiger la séparation fonctionnelle, voire structurelle, de France Télécom (d’un côté les réseaux
et de l’autre, les services) comme « remède » qui permettrait aux FAI concurrents d’accéder plus facilement (sans risque de discrimination) et à des tarifs moins élevés (prix orientés vers les coûts) à ses « infrastructures essentielles » (réseaux haut débit
et fibre optique). Mais la ministre Fleur Pellerin a affirmé le 24 juillet que François Hollande écarte cette hypothèse. Pourtant, depuis l’ordonnance de transposition du Paquet télécom, publiée il y a un an maintenant au « Journal Officiel » du 26 août 2011, le gendarme des télécoms a le pouvoir – en « dernier recours » – d’imposer la séparation fonctionnelle à France Télécom verticalement intégré (5). En mars 2011, l’Autorité de la concurrence avait pressé l’Arcep d’« entamer les travaux préalables » sur cette séparation. Mais l’Arcep n’est pas seule à pouvoir couper en deux Orange, comme l’a rappelé le 22 mars son président, Jean-Ludovic Silicani, devant le Club parlementaire du numérique (6). « Le gouvernement, en tant qu’actionnaire [à hauteur de 27 %, ndlr], peut proposer au conseil d’administration de France Télécom d’opérer une telle séparation », a-t-il dit. Mais le président de l’Arcep prévient que dans ce cas,
il faudra revoir toute la régulation depuis 15 ans !

Hollande : couper l’« Orange » en deux ?
Durant la campagne présidentielle, François Hollande, l’actuel chef de « l’Etat action-
naire », avait écrit le 16 février aux salariés de France Télécom pour démentir une information selon laquelle il se prononçait pour la scission fonctionnelle de l’opérateur historique (7). De plus, Stéphane Richard n’est pas Jean-René Fourtou. Le PDG du groupe Orange ne veut pas entendre parler de « cette perspective » qui pourrait, selon
lui, « briser la volonté des opérateurs qui veulent déployer la fibre optique jusqu’aux
foyers » (8). @

Charles de Laubier