Mon mobile méga store

Hier soir, en faisant mes courses avec mon mobile… Oh ! Pardon, peut-être vais-je un peu trop vite pour une pratique
qui ne vous est pas encore familière. Mon mobile m’ait en
effet devenu indispensable pour mes achats : c’est grâce
à sa caméra que je visualise, par exemple, l’ensemble du rayon qui me fait face, tandis que des applications connectées à Internet identifient les produits sur les étagères, comparent leurs prix en ligne et sélectionnent pour moi les bonnes affaires. Tout cela en temps réel. La transparence des prix, qui fut rendue possible par les premières générations de boutiques et comparateurs en ligne, vient de franchir un nouveau pas. Ces services sur mobile démontrent la puissance du m-commerce, qui existe depuis maintenant plus de dix ans : une application comme RedLaser, contrôlée par eBay, permettait déjà de lire en 2010 les codes barres des produits ; Amazon Remenbers permettait leur identification. Et Layar est une de ces applications en réalité augmentée qui ajoutent des informations aux images visionnées en temps réel par votre téléphone. Mais il a fallu attendre un peu pour que l’interconnexion de ces applications et leur adaptation
à la puissance des smartphones les rendent faciles à utiliser.

« La carte bancaire laisse peu à peu sa place aux paiements via le terminal mobile. »

Si j’essaie de me remémorer le premier magasin mobile que j’ai eu l’occasion de rencontrer, mes souvenirs me ramènent immédiatement à ce camion d’épicerie qui faisait le tour des fermes éparpillées sur le causse isolé où je passais une partie de mes vacances, klaxonnant pour signaler de son arrivée. L’ouverture du haillon transformé en comptoir, laissait entrevoir un bric-à-brac de marchandises qui m’apparaissaient comme un trésor insolite dans ce désert minéral. La seconde image, qui me vient juste après, est celle de ces imposants catalogues encombrant nos boîtes aux lettres, envoyés par ces lointains magasins perdus aux confins septentrionaux du pays. A l’heure d’Internet, tout se passe comme si mon estafette avait chargé tous ces catalogues avant de s’engager sur ces nouvelles autoroutes de l’information pour resurgir du fond des âges sur mon téléphone mobile. C’est un fait : à chaque fois que je me sers de ma tablette pour passer une commande, je suis saisi du même émerveillement. Mais le m-commerce est bien plus que le commerce sur Internet. La force du terminal personnel et portatif, conjugué à la puissance des applications embarquées, est à l’origine d’une véritable révolution, qui ne se limite pas à la vente sur mobile. Un commerçant dans sa boutique peut, en vous localisant précisément dans son magasin, vous proposer une offre personnalisée tenant compte de ce qui est déjà dans votre panier. En ligne ou dans nos rues, les boutiques n’en finissent pas d’innover. Mais la brique essentielle,
qui a été la plus longue à poser, a été celle des moyens de paiement. L’écosystème complexe – impliquant les équipementiers, les opérateurs, les banquiers, les commerçants et les clients – a été long à mettre en place. Souvenons-nous de la lutte sans merci qui opposa entre 2010 et 2015, Apple et son App Store, Google et son Androïd et les grands opérateurs télécoms qui tentèrent de reprendre la main en mettant en place un système d’exploitation commun. L’un des résultats les plus spectaculaires a été l’apparition d’un nouveau moyen de paiement, rien de moins.
La carte bancaire, qui pendant des décennies, fut le symbole triomphant de la dématérialisation de la monnaie, laisse peu à peu sa place aux paiements via le terminal mobile. Les chiffres donnent le vertige : de moins de 500 millions en 2010,
le nombre d’utilisateurs est désormais passé à plus de 2 milliards dans le monde. Ils génèrent plus de 2 trillions de paiements : services vendus par SMS, règlements NFC, marchandises vendues sur mobile, transferts d’argent par mobile ou achats ticketing ou de contenus numériques. Avec le m-commerce, nous entrons de plain-pied dans une ère nouvelle du capitalisme marchand. A un point tel, qu’un émule de Fernand Braudel nous manque pour analyser les effets de la diffusion des mobile stores sur cette nouvelle phase de la mondialisation des échanges, alors que nous ne savons plus nous-mêmes où se termine le centre et où commence la périphérie. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : TV connectée
Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing
et commercial de l’Idate. Rapport sur le sujet : « Mobile
Platforms and Application Stores » par Soichi Nakajima