Opérateurs : l’ère des géants

Assis à mon bureau, j’ouvre comme chaque matin le courrier de la nuit d’un ordre vocal bref. Le premier message de la liste, déjà triée par genre, est ma facture mensuelle de communication. L’entête du courriel, au nom de Google Network, me surprend… Aurais-je changé mon abonnement pour choisir un opérateur d’un genre nouveau ? La sonnerie de réveil de mon téléphone, en déchirant les derniers lambeaux de mon rêve, m’apporte une réponse définitive à cette question. Cet épisode singulier me ramène pensif, dix ans en arrière, à une époque où des débats houleux animaient les conférences internationales des acteurs-clés de la filière des télécoms, d’où émergeaient des termes souvent ésotériques pour le commun des utilisateurs : réseaux hybrides, spectre, capex, neutralité, services managés, over-the-top, … De manière plus prosaïque, cela revient à dire que les opérateurs télécoms devaient faire face à des enjeux colossaux : mettre en place parallèlement les réseaux fixes de fibre optique et les réseaux mobiles de 4e génération, assurer la diffusion d’un ensemble de services et de terminaux de plus en plus nombreux et complexes, tout en déployant
des stratégies internationales ambitieuses. Comment s’étonner dès lors que les plus puissants d’entre eux ont rassemblé leurs forces, poursuivant une course à une taille critique sans cesse croissante. Comme s’ils s’abandonnaient à une force centrifuge les poussant sans cesse à la concentration.

« Je viens de souscrire auprès de ma banque habituelle, chef de file d’une de ces nouvelles alliances, la dernière offre septuple-play »

Cela fut par exemple le cas en 2011 aux Etats-Unis avec le rachat de T-Mobile par l’emblématique AT&T. Le relais a ensuite été pris par les opérateurs télécoms européens, qui ont fait difficilement émerger cinq champions continentaux là où dix
ans auparavant ils étaient encore près de quarante largement enfermés dans leurs territoires historiques. Ces leaders ont poussé très loin l’intégration verticale de leurs offres d’accès, de contenus médias délivrés et de services managés au sein d’un écosystème de transaction hautement fiabilisé. Il y avait d’ailleurs une certaine urgence puisque, dans le même temps, se lançaient hors de leurs frontières de nouveaux compétiteurs venus des marchés asiatiques, lesquels donnèrent naissance à des géants taillés pour gérer des centaines de millions d’abonnés.
Dans ce contexte, les opérateurs encore dans la course ont cependant su mettre en oeuvre des stratégies très différentes et faire mentir tous ceux tentés de réduire le débat à quelques slogans trop réducteurs, du genre : « Pas de salut pour les dumb
pipe ! ». C’est ainsi que l’on a vu des opérateurs investir massivement dans les réseaux pour devenir des références incontournables et être en mesure de fournir également
à l’ensemble des acteurs du Web et du Cloud des fonctions de connectivité et d’interfaces de programmation ouvertes. D’autres, à l’autre bout du spectre, ont su devenir de véritables experts en marketing avancé d’offres de communication, en composant des gammes de services et de contenus pouvant aller jusqu’à l’hyperspécialisation.
Il est une bataille, une question hautement stratégique, qui n’a toujours pas trouvé d’issue : qui sera le gestionnaire du foyer numérique ? Les fournisseurs d’accès, les plus proches de leurs clients et détenteurs des fameuses « box » à tout faire, ont su tirer leur avantage, lié à leur proximité, sans encore l’emporter face à des challengeurs. De grandes alliances se mettent en place, afin de proposer des services désormais essentiels pour gérer de manière unifiée la facturation, l’identité numérique, l’interopérabilité des services et des équipements et la sécurisation des données-clés des clients. L’opérateur télécoms de nos rêves – qui se ferait oublier derrières des offres simples à comprendre et à installer, presque transparentes, sans interruption de services et à des prix toujours très abordables – est sans doute encore à venir. Mais indubitablement les choses changent, puisque je viens de souscrire auprès de ma banque habituelle, chef de file d’une de ces nouvelles alliances, la dernière offre septupleplay qui m’assure, en plus des abonnements classiques à mes services de communication et de contenus, un service très attendu permettant de sécuriser la gestion de mon identité et de mon coffre-fort numérique. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Cloud content
* Jean-Dominique Séval est directeur général adjoint
de l’Idate. Sur le même thème l’Idate publie
son rapport « Future Telecom : Stratégies 2020 »,
par Steven Andlauer.