TV Connection

Dix ans exactement se sont écoulés depuis le début de
ce qu’il est convenu d’appeler la guerre des téléviseurs connectés. Décennie mouvementée durant laquelle nous sommes passés du tube cathodique passif venu du 20e siècle à l’écran plat désormais interactif par la grâce d’une toute simple connexion à l’Internet. Tout aurait pu être très simple, mais tout fut en fait très compliqué. Les technologies disponibles ont d’abord pu faire croire que la TV interactive était pour bientôt.
On était alors en 2000 et on entrait seulement dans une longue phase expérimentale. Celle des pionniers qui, comme le groupe Sky au Royaume-Uni, proposèrent les premiers contenus interactifs. Le must était alors de pouvoir commander sa pizza en un clic sur une télécommande. Mais c’est Google qui mit le feu aux poudres en 2010 en lançant, en même temps que sa Google TV, une grande manœuvre visant à faire main basse sur les recettes publicitaires, après avoir capté la publicité sur Internet et posé ses jalons sur les mobiles. Un véritable feu d’artifice. Avec le recul, il semble bien que cette frénésie était justifiée. Nous étions arrivés au point de rupture : celui où les équilibres du passé cèdent avec fracas sous les pressions conjuguées de l’innovation technologique et de nouveaux venus tentant de faire leur place au soleil.

« Le téléviseur est demeuré l’écran central du divertissement au sein du foyer et le point d’accès unifié à tous les contenus »

Les éditeurs de chaînes ont joué leur partie, en lançant dans l’urgence – et souvent
dos au mur – des initiatives comme YouView au Royaume-Uni ou HbbTV à l’échelle européenne, dans le but de créer des univers TV fermé où le flux broadcast était enrichi (mais pas concurrencé) par des contenus haut débit. Des francs tireurs, nationaux comme Roku et Vudu aux Etats-Unis ou globaux comme Apple avec son boîtier connecté Apple TV, ont lancé des offres combinant un accès à des services de vidéo premium et un “best of” du divertissement multimédia en ligne (musique, réseaux sociaux, photos, etc.) via un boîtier propriétaire ou un terminal connecté tiers. Les rois de l’équipement, comme Sony, ont encore une fois tenté leur chance avec leur media center censé gérer l’ensemble des contenus domestiques sur tous les écrans du foyer numérique. D’autres, comme Samsung, en s’associant avec des grands de l’Internet comme Yahoo !, ont voulu au plus vite mettre sur pied un « TV App Store » et reproduire le miracle des plates-formes d’applications en les adaptant au téléviseur. D’autres enfin, avec Google TV comme chef de file, sont restés fidèles à des idées simples en proposant un accès sans couture à tous les contenus accessibles. Et ce, sur un téléviseur qui demeure l’écran central du divertissement au sein du foyer et le point d’accès unifié à tous les contenus, quelle que soit leur provenance (flux broadcast, VOD, catch-up TV, Web, mobile, …). Alors que certains avaient annoncé la fin du téléviseur, banalisé dans une mer d’écrans, ce dernier ne cessait de se transformer dans un tourbillon d’innovations, poussant à un renouvellement accéléré d’un parc
en évolution constante : tour à tour plat, HD, ultra HD, 3D ou connecté. Même les télécommandes, qui n’étaient au mieux que des objets inélégants, envahissants et un peu stupides, se sont mises en tête de devenir intelligentes – en se dotant d’un clavier ou d’un écran –, tout en luttant avec les téléphones mobiles qui se voyaient bien prendre le contrôle du domicile en tant que commande universelle. Le retour à une certaine simplicité que nous avions presque oubliée est finalement en train
de se produire après la tempête numérique qui souffla sur le poste de télé. Les écrans, à force de devenir fins, seront bientôt souples et ultra légers, dotés des ressources
des plus puissants ordinateurs, portables ou muraux, et le plus souvent invisibles. C’est au tour des télécommandes de disparaître, maintenant que nos écrans nous obéissent au geste et à la parole, facilitant le tri et l’accès à un univers, sans cesse en extension, d’images, de vidéos et de millions de chaînes et de programmes, enfin accessibles depuis que la barrière de la langue est tombée grâce au sous-titrage en temps réel proposé par mon service Internet préféré. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Foyer numérique
*Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing
et commercial de l’Idate. Rapport sur le sujet : « TV Connectée :
Qui contrôlera l’interface client ? » par Sophie Girieud