Neutralité des réseaux : l’Internet mobile aussi ?

Le débat épineux sur l’avenir de la neutralité de l’Internet – que doit intensifier l’Arcep au printemps avec un colloque, en vue d’un rapport gouvernemental attendu « d’ici l’été » – semble s’en tenir aux réseaux fixes. Mais les réseaux mobiles n’y échapperont pas.

Si le débat sur la neutralité de l’Internet a été lancé à propos des réseaux fixes, il est
en passe de s’étendre aux réseaux mobiles jusqu’alors épargnés. « A l’occasion de la consultation publique [de l’Arcep]sur les licences dites 4G, plusieurs opérateurs se sont publiquement opposés au principe de neutralité de l’Internet », s’est inquiétée début février l’Association des services Internet communautaires (ASIC), créée en décembre 2007 par Google, Yahoo, Dailymotion, PriceMinister et AOL (1). Ce principe de neutralité du réseau des réseaux consiste à interdire aux opérateurs télécoms et aux fournisseurs d’accès à Internet (FA) de bloquer ou de restreindre l’accès des internautes et des mobinautes à des contenus en ligne, voire d’en réduire la bande passante de façon discriminatoire et anticoncurrentielle. Si les réseaux fixes qui composent l’Internet semblent relativement protégés par ce principe, du moins en Europe, les réseaux mobiles sont encore loin de le respecter. Tolérées de la première
à la troisième génération de mobiles, les restrictions opérées sur les réseaux mobiles soulèvent débat avec le lancement prochain de la 4G. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et le gouvernement préparent en effet l’avènement en France du très haut débit mobile, lequel devrait concerner bien plus de mobinautes que d’internautes connectés à de la fibre optique. Les procédures d’attribution des fréquences à 800 Mhz et 2,6 Ghz destinées au déploiement des réseaux mobile de quatrième génération (4G) seront lancé « au cours du deuxième semestre 2010 ».

« Prioritisation » des flux
Or, c’est dans les contributions à la consultation publique – dont l’Arcep a publié mi-janvier la synthèse de 35 réponses obtenues – que l’on trouve les premières prises
de position des opérateurs télécoms vis-à-vis de la neutralité de l’Internet. « Comment analysez-vous les enjeux concernant les problématiques d’ouverture et de neutralité des réseaux à l’égard des services et contenus ? », leur a demandé le régulateur. Si SFR s’est bien gardé de rendre publique sa réponse – préférant la garder confidentielle – et si Iliad Free et Bouygues Telecom ont choisi de faire l’impasse sur cette question sensible, France Télécom a en revanche décidé d’avancer à visage découvert : « Il n’y a pas matière à spécialiser la réglementation en matière de Net Neutrality pour les services ouverts sur ces fréquences. Il ne serait donc pas opportun de créer des dispositions spécifiques aux fréquences 800 Mhz ou 2,6 Ghz ».

Niveau de qualité minimal
La direction d’Orange renvoie au nouveau Paquet télécom qui doit être transposé d’ici à juin 2011 et qui prévoit un niveau de qualité minimal susceptible d’être imposé – par les régulateurs nationaux – aux opérateurs et FAI (lire EM@1 p. 1 et 2). « Dans le cadre des travaux législatifs européens de révision du cadre réglementaire communautaire,
la question de la “Net Neutrality” a fait l’objet de débats très approfondis. (…) Les textes qui [en] résultent sont équilibrés, sans rupture par rapport aux pratiques existantes », souligne l’opérateur historique français qui demande à s’en tenir là, il est hostile à l’idée de faire de la neutralité des réseaux à haut débit mobile un critère du futur cahier des charges des opérateurs 4G. Autre opérateur télécom à émettre des réserves : Omer Telecom, d’origine britannique (2). Le premier opérateur mobiles virtuels (MVNO) en France, exploitant les marques Virgin Mobile, Breizh Mobile, Tele2 et Casino Mobile, met en garde :
« L’adaptation du principe de neutralité à l’accès très haut débit mobile doit donc être envisagée avec beaucoup de précaution. A cet égard, il paraît pertinent de ne pas l’ajouter comme un critère au cahier des charges de l’opérateur ». Ce qui justifierait ce… traitement de faveur envers les réseaux mobiles réside, selon Omer Telecom, dans « des contraintes différentes de celles auxquelles sont soumis les réseaux fixes » (3).
Ces deux opérateurs télécoms donnent ainsi un avant-goût de ce que sera le débat,
voire la polémique, sur la Net Neutrality en France. D’autant que, selon l’Arcep, « une large majorité des contributeurs (4) mettent en avant l’importance d’une ouverture et d’une neutralité complètes des réseaux vis-à-vis des contenus, des applications et des services afin de bénéficier du vaste potentiel d’Internet ». Et l’ASIC, Google et Skype estiment que « la neutralité des réseaux et l’adoption d’un modèle ouvert du type de celui d’Internet – en termes de contenus, d’applications et de services – garantiraient l’attractivité et le succès des réseaux à très haut débit mobile auprès du grand public
et des entreprises, et la maximalisation des retombées économiques ». @