Les nouvelles normes de compression vidéo ne suffiront pas à éviter l’engorgement des réseaux

Malgré l’arrivée de nouvelles générations de codages de compression multimédia pour optimiser la diffusion en haute définition, voire en 3D, Internet reste sous la menace d’une saturation des « tuyaux », notamment sur les derniers kilomètres.

Par Charles de Laubier

« La compression est l’une des clés pour répondre aux risques d’engorgement des réseaux, mais elle ne les résoudra pas pour autant, dans la mesure où la demande des utilisateurs pour de la vidéo en ligne et de la qualité toujours meilleure va aller croissant », nous a expliqué Eric Rosier, responsable des solutions TV pour les opérateurs télécoms et audiovisuels chez Ericsson, à l’occasion d’une tournée européenne sur les dernières innovations en la matière (1).

Après le Mpeg-Dash, le HEVC
Déployer des infrastructures réseaux ne suffit plus, même en très haut débit, s’il faut faire face à l’explosion sur Internet de la vidéo, de la télévision, de la catch up TV ou encore de la diffusion en live, sur fond de réception multiscreen, HD, ultra-HD voire 3D dans les foyers. L’année 2012 a pourtant bien commencé avec la publication, par l’organisation internationale de normalisation ISO (2) en avril dernier, des spécifications techniques du nouveau standard de diffusion multimédia sur Internet : le Mpeg- Dash, que le Moving Picture Experts Group a finalisé à la fin de l’année dernière (3) – soit près de vingt ans après la publication du premier standard de compression Mpeg-1 (vidéo CD et MP3), lequel fut suivi de Mpeg-2 (box et DVD) puis de Mpeg-4 (web multimédia fixe et mobile). Le Mpeg- Dash, lui, n’est pas un système de compression numérique mais plutôt un format dynamique de diffusion multimédia sur Internet – d’où son signe Dash (4), pour Dynamic Adaptive Streaming over HTTP. Le Mpeg-Dash fournit en effet un ensemble de caractéristiques techniques capables de supporter – sur le célèbre protocole de l’Internet développé par le W3C – la vidéo à la demande (VOD), le streaming live ou encore la gestion de légers différés (time shifting). Le streaming sur Internet – vidéo et télé en tête, mais également animations, graphiques, 2D ou encore 3D – a ainsi enfin sa norme de transmission « parapluie », vers laquelle les technologies propriétaires des Apple, Microsoft, Adobe, Google et autres Rovi (5) devraient toutes converger à terme. Tout comme des organisations professionnelles telles que l’Open IPTV Forum (OIPF), le 3GPP (opérateurs mobile), le HbbTV (6) (initiative européenne pour la TV connectée) et le HD Forum créé en France par TF1, M6, TDF, Numericable, Technicolor, Eutelsat et des fabricants de téléviseurs connectés. Les fournisseurs de contenus et les industries de la culture voient aussi dans Mpeg-Dash le moyen d’implémenter des protections DRM (7) qui deviennent ainsi opérantes entre elles. Le Mpeg-Dash apparaît surtout comme le metteur en scène de la prochaine génération de technologies de compression. Alors que la haute définition du Mpeg-4 n’a pas encore totalement remplacé la simple définition Mpeg-2 (encore présente sur TNT et ADSL), voilà qu’une super-norme de compression arrive pour lui succéder : le HEVC (High Efficiency Video Coding), qui permettra d’aller jusqu’à l’ultra-haute définition en 1080p (versus 720p), en 4K (8) ou en 3D – tout en divisant par deux la consommation de débits sur les réseaux (9), sans pertes de données visibles. « HEVC (H265) permet d’atteindre des gains de 50 % par rapport au Mpeg-4 (H264), ce qui devrait lui permettre de s’imposer rapidement », prévoit Eric Rosier. En février dernier, le projet de description a été finalisé. En juillet, il sera proposé comme standard international, avant d’être approuvé en janvier 2013. Les premiers équipements HEVC pourraient être prêts dès mi- 2013, mais les réseaux ne seront vraiment soulagés qu’à partir de 2014. Un autre équipementier télécom, l’américain Cisco, a publié fin mai une étude montrant que le trafic Internet allait être multiplié par quatre d’ici 2016 pour atteindre 1,3 zetta-octets, un « Zo » équivalant à mille milliards de giga-octets ! Au-delà de l’augmentation exponentielle de terminaux connectés, lesquels seront dans quatre ans presque 20 milliards en nombre pour près de 3,5 milliards d’internautes, c’est la vidéo qui sera prédominante. Cisco calcule qu’à ce moment-là 1,2 million de minutes de vidéo, soit l’équivalent de 833 jours de visionnage, circuleront chaque seconde sur Internet, auprès de 1,5 milliard de vidéonautes dans le monde (contre 792 millions en 2011). La vidéo mobile devrait être le service multimédia le plus dynamique, passant de 271 millions de « vidéomobinautes » en 2011 à 1,6 milliard en 2016. Le trafic des vidéos et des télévisions en HD et/ou en 3D connaîtra une augmentation multipliée par cinq entre 2011 et 2016.

« Tsunami » vidéo sur les réseaux
Quant aux téléviseurs connectés, ils devraient contribuer – toujours d’ici quatre ans – pour 6 % au trafic Internet mondial grand public et 18 % au trafic vidéo sur le Web. Face à ce « tsunami » vidéo, il y a donc urgence à trouver de nouveaux algorithmes d’encodage et décodage en temps réel encore plus performants. @