Les 13 chaînes YouTube ont signé une « exclu » pour 3 ans, avec un revenu garanti la première année

Les contrats de YouTube France avec les 13 chaînes, presque toutes lancées depuis octobre 2012, sont confidentiels. Mais, selon nos informations, ils portent sur trois ans avec une exclusivité mondiale pour la filiale de Google et un minimum garanti de revenu aux ayants droits la première année.

Ils sont en fait onze éditeurs à avoir signé fin 2012 avec YouTube France pour lancer treize chaînes « originales », AuFeminin du groupe Axel Springer et le producteur indépendant Troisième Oeil ayant chacun lancé deux chaînes (voir notre tableau ci-dessous).
Ces onze ayants droits ont signé un contrat sur trois ans avec l’exclusivité mondiale
– sur tous supports – accordée à YouTube et avec l’assurance pour les éditeurs de percevoir un minimum garanti la première année, sur un budget total de quelques centaines de milliers d’euros consenti comme avance sur recettes.

12 des 13 chaînes YouTube France ont été lancées
Les reversements aux éditeurs de chaînes sont calculés sur un partage des revenus publicitaires, selon une clé de répartition tenue secrète et établie en fonction du nombre
de vidéos visionnées et du taux de publicités vidéo cliquées.
« C’est un partage de la valeur équilibré entre la chaîne et YouTube », assure Virginie Courtieu, directrice des partenariats de la filiale française (en charge de la stratégie concernant les contenus et des partenariats locaux), intervenue le 15 février dernier devant la commission TV connectée du Groupement des éditeurs de services en
ligne (Geste).

Entre 0,50 euro et 2 euros les 1.000 vues
Les reversements aux éditeurs de chaînes sont calculés sur un partage des revenus publicitaires, selon une clé de répartition tenue secrète et établie en fonction du nombre
de vidéos visionnées et du taux de publicités vidéo cliquées. « C’est un partage de la valeur équilibré entre la chaîne et YouTube », assure Virginie Courtieu, directrice des partenariats de la filiale française (en charge de la stratégie concernant les contenus
et des partenariats locaux), intervenue le 15 février dernier devant la commission TV connectée du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste). Mais l’on sait par ailleurs que la plateforme de partage vidéo de Google rémunère les éditeurs de vidéos ou de chaînes entre 0,50 euro et 2 euros les 1.000 vues, ou RPM (1), et selon le nombre de clics enregistrés sur les vidéos publicitaires (2). Encore faut-il faire de l’audience. Or, à ce stade, force est de constater que les 12 chaînes originales YouTube actuellement disponibles en France sur les 13 – Euronews Knowledge devrait l’être « avant le printemps », nous indique-t-on – comptent encore seulement quelques milliers d’abonnés (non payants) pour des nombres de vues encore modestes. La meilleure performance revient à la chaîne Studio Bagel de Black Dynamite, avec 188.598 abonnés (relevé le 21 fév. par EM@) pour près de 13 millions de vidéos vues. Si la chaîne « X-Treme Video » produite par la société du même nom arrive en seconde position avec 138.597 abonnés, elle caracole en tête avec plus de 203 millions de vues. Virginie Courtieu a indiqué que YouTube en France enregistre par mois 30 millions de visiteurs uniques et 25 milliards de vidéos vues, dont 25 % à partir des mobiles (smartphones et tablettes).
Lancer une chaîne sur YouTube est-il alors viable économiquement ? « Aujourd’hui, il n’y a pas de business model », dit clairement Claire Leproust, directrice des développements numériques du groupe Capa et de la chaîne Rendezvous à Paris (3), laquelle vient de dépasser les 10.000 abonnés pour quelques 779.614 vues. En devenant pour la première fois éditeur de chaîne sur la sollicitation de YouTube (qui plus est dans le divertissement et non dans son journalisme habituel), Capa reste sur sa faim : « On n’est pas encore satisfait de l’audience », reconnaît Claire Leproust qui espère cependant dépasser le million de vues courant février. La question de la monétisation des chaînes YouTube se pose d’autant plus que les chaînes se sont engagées auprès de YouTube à produire au moins trente heures par an. Ce qui est beaucoup, à raison de courtes vidéos originales de 3 à 7 minutes qui coûtent pour Capa « entre 800 et 3.500 euros » chacune. Le contrat triennal exclusif avec YouTube n’empêche pas l’éditeur de la chaîne originale d’aller cherche des financements complémentaires comme auprès du « web Cosip », le fond de soutien aux productions financées par une plateforme Internet mais sans diffuseur télévisé. Ce dispositif, géré par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), existe depuis maintenant près de deux ans (4). @

Charles de Laubier

Commission « TV connectée » du CSA… sans Apple

Le 16 février, le CSA a installé la Commission de suivi des usages de la télévision connectée, dont c’était la première réunion plénière en présence de 70 membres représentant chaînes, FAI, fabricants, ayants droits, opérateurs consommateurs et pouvoirs publics. Mais un seul être vous manque…

… et tout est dépeuplé. Apple – redevenu le 13 février la première capitalisation boursière mondiale (1) – s’apprête, d’ici à cet été, à repartir à l’offensive avec son Apple TV (ou iTV). La Commission de suivi des usages de la télévision connectée peut-elle faire l’impasse la marque à la pomme ? « Nous ne faisons pas l’impasse sur Apple. On arrive jamais à les faire venir. Apple interdit à ses bureaux à l’étranger d’y participer. Déjà, lors du colloque sur la TV connectée que nous avions organisé [le 28 avril 2011, ndlr], ils n’avaient pas été là. Mais la politique de la chaise vide n’a jamais profité à celui qui la pratique ! », a répondu Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), à Edition Multimédi@, en marge de l’installation de la commission. Nous avons voulu demander à Stéphane Thirion, le dirigeant d’Apple France, les raisons de cet absentéisme récurant. « Stéphane Thirion n’est pas porte-parole pour la presse. (…) Nous ne communiquons pas et necommentons pas sur les points que vous abordez », nous a-t-on répondu. Les auteurs du rapport TV connectée, remis fin novembre, n’avaient pas non plus réussi à auditionner Apple (2). L’absence et le silence d’Apple sont d’autant plus fâcheux que la firme de Cupertino prépare pour le second ou troisième trimestre (3) un vrai téléviseur connecté et à commande vocale – iTV – pour tenter de réussir là où son décodeur Apple TV n’a pas donné les résultats escomptés. Google est aussi très attendu dans le PAF avec sa Google TV. Le géant du Web était-il parmi les 70 membres de la première plénière de la commission TV connectée présidée par Emmanuel Gabla ? Non plus ! Pas plus que les autres acteurs du Web (Yahoo, Dailymotion, Facebook, …), pourtant très attendus sur le petit écran. « Les représentants du Web sont présents à travers l’Association de services Internet communautaires (Asic), laquelle est membre de la commission, même s’ils n’ont pas pu être présents aujourd’hui », a assuré Michel Boyon, en se tournant vers le carton « Asic » isolé sur la table. Contacté, le co-président de l’Asic, Giuseppe de Martino (Dailymotion), nous a répondu : « Nous avons apparemment été invités mais n’avons pas pris de décision quant à une éventuelle participation ». En cours de réunion, Michel Boyon a parlé de « télévision contestée » avant de corriger pour « connectée ». Un lapsus révélateur ? @

Allociné : « La convergence Internet-téléviseurs nous ouvre des horizons intéressants »

Claude Esclatine et Grégoire Lassalle, respectivement PDG et cofondateur d’Allociné, expliquent à Edition Multimédi@ comment leur site web est devenu le numéro 2 mondial de l’information et de la vidéo sur le cinéma. Ils lèvent le voile sur leur projet de chaîne de télévision.

Edition Multimédi@ : Le site Allociné est crédité de 7,6 millions de visites uniques en décembre 2009 pour 30 millions de vidéos diffusées. Que recherchent vos internautes ?
Claude Esclatine (photo) et Grégoire Lassalle :
Au cœur de ce record établi pendant deux mois consécutifs fin 2009 et qui traduit un bond de 25 % de notre audience, la vidéo occupe une place croissante. Les utilisateurs réguliers d’AlloCiné – plus d’un internaute sur cinq en France – attendent beaucoup d’informations et de services, mais aussi beaucoup
d’images. AlloCiné ne diffuse aucune oeuvre dans son intégralité. C’est avant tout un media, dont la mission est de faire la promotion du Septième Art. Les quelque 100 millions de vidéos diffusées au cours du quatrième trimestre de l’an dernier concernent, toutes, des bandes annonces, y compris celles diffusées en post-roll [clip publicitaire après une vidéo, ndlr], des extraits de films, des making off [film sur le film], des interviews. En outre, les émissions en propre d’AlloCiné pèsent dorénavant plus de
10 % de ce volume, pourcentage lui-même en forte hausse. Par contre, les téléchargements en vidéo à la demande (VOD) – gérés depuis octobre 2009 via la plate-forme de CanalPlay – ne sont pas pris en compte dans ces chiffres, pas plus que les spots vidéo publicitaires. Quant au nouveau player video d’AlloCiné, mis en ligne
– y compris via les players « exportés » vers nos partenaires – à l’occasion de la nouvelle version du site en octobre dernier, il est accessible en haute qualité.

« Le projet Cinéstore prévoit de valoriser l’offre légale d’un maximum de films français, mais aussi européens. »

EM@ : Après avoir revendu Allociné Télévision en 2001 et expérimenté Allociné Info sur câble et satellite en 2004, puis testé la webTV Tivimi en 2008, Allociné aura une chaîne de télévision en 2010…
C. E. et G. L. :
Le projet de « chaîne » AlloCiné n’en est qu’à sa première phase de préparation. Il ne s’agit pas d’investir tous les canaux de diffusion. L’ambition actuelle ne porte ni sur la télévision numérique terrestre (TNT), ni sur la télévision mobile personnelle (TMP), ni sur le satellite. L’ADSL d’une part, et la convergence Internet-téléviseurs de nouvelle génération d’autre part, ouvrent déjà des horizons intéressants pour AlloCiné. Allociné TV, via les « boxes » ou via des « applis TV » (widget), sera totalement complémentaire à notre activité de base sur Internet fixe, sur mobiles, podcasts, écrans de cinéma, productions vidéos, etc… Depuis 2004, le numérique a simplifié les perspectives de production et de post-production internes, ainsi que de distribution. Il rend plus évidents les liens avec les offres de VOD. En tant que base de données d’informations cinématographique, la deuxième au monde [derrière IMDb du groupe Amazon, ndlr], et en tant que producteur de contenus, AlloCiné dispose d’une carte à jouer.

EM@ : Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) apporte son soutien financier à Cinéstore, votre site de référencement des offres de films
qui sera lancé en juin 2010. Y a-t-il des quotas ?
C. E. et G. L. :
Le projet Cinéstore prévoit de valoriser l’offre légale d’un maximum
de films français, mais aussi européens. Il ne s’agit surtout pas d’établir des quotas. Cinéstore marie au contraire le maximum de films déjà référencés dans la base internationale d’AlloCiné – environ 83 000 films à ce jour – avec l’offre des diverses plateformes d’accès à ces films (VOD, réseaux de salles, DVD, Blu-ray, autres plateformes numériques et chaînes TV). C’est une contribution concrète de la part d’AlloCiné au débat réglementaire et législatif en cours. Nous sommes favorables à toute initiative qui valorise l’accès légal aux œuvres, dans le respect des droits de tous leurs « auteurs » et autres ayant-droits. Notre contribution à la mission Zelnik va dans ce sens. Le CNC a accordé son soutien financier sur la phase de conception. L’exploitation du nouveau site est placée sous la seule responsabilité d’AlloCiné, suivant un modèle économique mixte publicités/redevances d’affiliation.

EM@ : Allociné produit de plus en plus d’émission en propre (« La Minute »,
« Merci qui », « Faux raccord », …). Rêvez-vous de produire des films ?
C. E. et G. L. :
A ce jour, AlloCiné produit quotidiennement ou à un rythme pluri hebdomadaire six émissions régulières : de flux tout d’abord, sur l’actualité du cinéma
et par extension naturelle des séries TV. De stock ensuite pour des productions, plus récentes, destinées à des formes plus originales de promotion de films, diffusés soit en salles, soit en VOD ou DVD. Dans ces deux catégories, la liste des projets, en cours de conception, de tests ou de pilotes, est longue : plus d’une douzaine sont dans les cartons et la plupart devrait voir le jour progressivement au cours de l’année à venir. Par contre, AlloCiné ne caresse toujours pas le rêve d’être producteur de films mais il soutient l’action menée par des structures spécialisées, comme Peopleforcinema qui permet à des internautes de participer au financement de films et d’éventuellement gagner de l’argent sur leur exploitation.

EM@ : Allociné dépend de la publicité en ligne, qui est en croissance de 16 %
sur un an. Or le marché de la pub sur le Net a ralenti et une « taxe Google » est envisagée. Cela vous inquiète-t-il ?
C. E. et G. L. :
Certes, AlloCiné est dépendante – majoritairement, mais pas totalement – du marché de la publicité en ligne, appelée display. En 2009, le display a subi la
crise : il est en retrait d’environ 8 % en France. Dans ce secteur en berne, AlloCiné tire donc son épingle du jeu. Nous abordons la période à venir avec réalisme et beaucoup de confiance. En ce qui concerne l’éventuelle taxe « Zelnik » [sur les revenus publicitaires, ndlr], le législateur décidera d’abord, puis nous analyserons comment nous adapter. Il serait néanmoins judicieux de prendre en compte, dans ce souci de
« redistribution », la différence entre les moteurs de recherche agissant en situation
de quasi-monopole, et les médias sur Internet qui, dans un contexte éminemment concurrentiel, bataillent pour préserver leur équilibre d’exploitation.

EM@ : Détenu à 80 % par le fonds américain Tiger Global et par le fonds allemand EFF, aux côtés des dirigeants, Allociné a-t-il les moyens de ses ambitions… avec un chiffre d’affaires de 22,4 millions d’euros en 2009 ?
C. E. et G. L. :
AlloCiné n’est pas une société cotée et ne publie pas ses résultats. Pour la septième année consécutive, le résultat net d’exploitation est positif. La bonne tenue de ses activités en 2009 a permis au groupe de dégager un résultat net d’exploitation à deux chiffres et de l’autoriser à financer tous ses projets de diversification, de développement et de participation dans ses nouvelles filiales, tant en France qu’à l’étranger.

EM@ : Allociné utilise de plus en plus de bande passante. Faut-il préserver la neutralité de l’Internet ?
C. E. et G. L. :
Même si les volumes sont importants, ils sont sans commune mesure avec ceux des sites de partage vidéo ou des moteurs de recherche. Le principe de Net Neutrality est porteur de prises de conscience sûrement utiles. L’économie du Net est encore fragile. Il ne faut pas que la compréhension des mécanismes de la rentabilisation des investissements considérables envisagés dans le très haut débit, n’occulte la prudence propice à maintenir en vie les fournisseurs de contenus. @