TV : l’alliance Orange-Canal+ reste sous surveillance

En fait. Le 15 juillet, France Télécom et Canal+ ont présenté leur projet d’alliance dans la télévision payante : le bouquet de chaînes payantes Orange Cinéma
Séries se retrouvera d’ici la fin de l’année dans une co-entreprise détenue à
66,66 % par l’opérateur télécoms et à 33,33 % par la chaîne cryptée.

En clair. Il n’y aura pas de fusion entre Orange Cinéma Séries et TPS Star au sein d’une joint-venture détenue à parts égales, contrairement à ce qui avait été envisagé en janvier (EM@ 28, p. 5), ni de nouvelle chaîne qui devait s’appeler Orange Ciné Star. Le risque de « monopole » dans la télévision payante et la procédure en cours de l’Autorité de la concurrence sur la « position dominante de Canal+ » sur ce marché (1) ont amené les protagonistes à revoir leur copie. Plus question de fusion mais de
« partenariat », avec transformation de la filiale OCS (Orange Cinéma Séries) en
co-entreprise détenue pour deux tiers par France Télécom et pour le tiers restant par
le groupe Canal+. Pour l’heure, avec seulement 400.000 abonnés, le bouquet a fait perdre à France Télécom 300 millions d’euros par an depuis 2008. Reste à savoir si
les salariés d’OCS, qui avaient manifesté en janvier leurs inquiétudes sur la fusion avec TPS Star, seront pleinement rassurés.
Et si l’Autorité de la concurrence, qui doit faire le bilan des engagements pris par Canal+ jusqu’à fin 2012 lors de la fusion en août 2006 entre TPS et CanalSat, donnera son feu vert sans conditions à ce partenariat qui reste « dominant » sur le marché de la TV payante. Quant aux organisations du cinéma, via le Bloc, elles s’étaient inquiétées
d’« une réduction de 60 millions d’euros des coûts de grille des chaînes concernées » et de « l’absence d’un maintien dans l’avenir des engagements (…) vis-à-vis de la création cinématographique ». Selon nos informations, les producteurs de films se disent rassurés mais restent vigilants sur les engagements pris jusqu’en 2013 : les coûts de grille diminueraient finalement de seulement 20 millions d’euros, à 100 millions. Par ailleurs, des négociations doivent se tenir en septembre sur la TV de rattrapage et les abonnés mobiles. La distribution des cinq chaînes du bouquet OCS (2) sera élargie au-delà des seuls abonnés d’Orange, auprès de « tous les opérateurs que le souhaitent ». Ironie de l’histoire, France Télécom avait porté plainte en novembre 2008 contre Canal+ accusé de « verrouiller le marché de la télévision payante » en évinçant les FAI ! A défaut de pouvoir revenir sur les exclusivités de l’ADSL, des mobiles, de la TNT et du satellite, qui avaient eu la bénédiction de Bercy en 2006, l’Autorité de la concurrence a néanmoins gardé un œil sur Canal+ pour « l’extension des clauses d’exclusivité » à la fibre optique ou à la TV de rattrapage. @

Chaînes ciné d’Orange et de Canal+ : problèmes

En fait. Le 19 janvier, France Télécom et Canal+ ont annoncé un projet de fusion de leurs chaînes de télévision, Orange Cinéma Séries et TPS Star, au sein d’une joint venture détenue à parts égales. Une nouvelle chaîne – Orange Ciné Star – naîtra de cette union. Du moins si le projet aboutit fin 2011.

En clair. Depuis la loi LME du 4 août 2008, c’est aux sages de la rue de l’Echelle qu’Orange et Canal+ devraient notifier le projet de fusion de leur chaînes de cinéma respectives. Mais en raison des seuils de chiffres d’affaires des deux groupes en
question (1), c’est à la Commission européenne que sera présentée cette opération
de concentration. Bruxelles devrait ensuite renvoyer le « cas » à l’Autorité de la concurrence puisque la société commune entre Orange Cinéma Séries et TPS Star concerne essentiellement le marché français de la télévision payante. Or l’Autorité de la concurrence a déjà fait part à plusieurs reprise de ses préoccupations sur la « position dominante de Canal+ » sur ce marché depuis la fusion entre TPS et CanalSat autorisée par Bercy le 30 août 2006. Dernière intervention en date : sa décision du 16 novembre dernier de poursuivre l’instruction sur des exclusivités pratiquées par le groupe Canal+. La fusion « Orange- Canal+ » vient compliquer sa tâche, d’autant que l’opérateur télécoms avait lui-même porté plainte en novembre 2008 contre « le caractère anticoncurrentiel des exclusivités de Canal+ » accusé de « verrouiller le marché de
la télévision payante » en empêchant les distributeurs concurrents que sont les FAI. Faut de pouvoir donner raison aux plaignants (2) sur l’ADSL, les mobiles, la TNT et
le satellite – dont les exclusivités avaient eu la bénédiction de Bercy – l’Autorité de
la concurrence a néanmoins gardé Canal+ dans le collimateur sur «l’extension des clauses d’exclusivité » à la fibre optique ou à la télévision de rattrapage et sur les exclusivités sur ses propres chaînes (TPS Star, Planète, …) ou celles d’autres éditeurs (MTV, Disney Channel, …). Est en outre prévue « au premier semestre 2011 » une décision sur le respect des engagements pris – jusqu’à fin 2012 – par Canal+ lors du rachat de TPS. De son côté, le Bloc (3) a exprimé le 25 janvier ses préoccupations sur « une réduction de 60 millions d’euros des coûts de grille des chaînes concernées et l’absence d’un maintien dans l’avenir des engagements (…) vis-à-vis de la création cinématographique ». Et ce, malgré la promesse des deux parties d’« honorer jusqu’à leur terme » leurs obligations. C’est d’autant plus inquiétant pour le septième art français qui dépend en effet désormais un peu plus de Canal+ (premier pourvoyeur de fonds avec 200 millions d’euros par an investis dans les films français) et maintenant de son associé Orange (nouveau co-producteur via OCS et Studio 37). @

Les exclusivités de Canal+ sur la fibre et la catch up TV restent dans le collimateur

Après trois ans d’instruction, l’Autorité de la concurrence a rendu, le 16 novembre 2010, sa décision de poursuivre l’instruction sur des exclusivités pratiquées par le groupe Canal Plus sur le marché de la télévision payante où
il est en position dominante.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Aucune décision définitive, a fortiori, de sanction n’est prononcée à l’encontre de Canal Plus. Cette décision
d’« étape » permet cependant à l’Autorité de la concurrence, d’une part, de poursuivre ses investigations sur les pratiques
de Canal en matière de distribution de programmes sur la
fibre optique et de télévision de rattrapage, et, d’autre part,
de préciser le champ de l’instruction notamment en écartant les accords signés avec TF1 et M6 qui avaient été validées dans le cadre de l’opération de concentration Canal Plus/TPS autorisée le 30 août 2006 par le ministre de l’Economie (1).

Trois types d’exclusivité contestés
A l’origine de cette longue affaire, l’Autorité de la concurrence (à l’époque Conseil de
la concurrence) avait été saisie en 2007 par les sociétés Groupe AB et RTL 9 (qui se
sont ensuite désistées). Parallèlement, le Conseil de la concurrence s’est autosaisi au début de l’année 2008 puis a reçu en novembre de la même année une plainte de la
part de la société France Télécom. L’ensemble de ces saisines ont été jointes dans
un même dossier.
Trois types d’exclusivité dont bénéficie le Groupe Canal Plus pour la distribution des chaînes de télévision payante sont contestés :
• Celles concernant la distribution des chaînes « propriétaires » de Canal Plus, c’est-à-dire les chaînes éditées par Canal Plus elle-même (à l’exception des dix chaînes mises
à disposition des tiers à l’occasion des opérations de concentration entre TPS et Vivendi Universal en 2006 puis entre SFR et Neuf Cegetel en 2008).
• Celles qui concernent la distribution des chaînes liées, c’est-à-dire des chaînes éditées par les entreprises qui étaient à l’époque actionnaires minoritaires de Canal Plus France (TF1, Métropole Télévision et Lagardère), négociées dans le cadre de l’opération de concentration entre TPS et Vivendi Universal ;
• Celles qui concernent la distribution des chaînes indépendantes, soit une trentaine
de chaînes de télévision payante parmi les plus attractives éditées par des acteurs indépendants du groupe Canal (notamment des chaînes éditées par Universal,
Disney, Fox, Turner, ainsi que la majorité des chaînes musicales du groupe MTV).
Au-delà du caractère anticoncurrentiel en soi de chacune de ces exclusivités, France Télécom a également dénoncé leur effet cumulatif comme constituant une stratégie globale de Canal Plus pour verrouiller le marché de la télévision payante en empêchant les distributeurs concurrents – et notamment les opérateurs de télécommunications – d’accéder au marché de gros des chaînes et de commercialiser des offres de télévision, afin de faire des offres aussi attractives que les bouquets du groupe Canal Plus.
Si la décision du 16 novembre dernier de l’Autorité déçoit par son caractère dilatoire,
elle a cependant le mérite de poser une question de droit intéressante, celle de l’articulation entre le droit des concentrations et celui des pratiques anticoncurrentielles avant la réforme de l’Autorité de la concurrence (2). En effet, pour les affaires plus récentes, la question a perdu de son acuité depuis que les sages de la rue de l’Echelle sont à la fois compétents pour autoriser les opérations de concentration (compétence précédemment dévolue au ministre de l’Economie) et pour se prononcer sur les pratiques anticoncurrentielles.

Pratiques anticoncurrentielles ?
Dans le précédent cadre, le ministre de l’Economie – qui a validé la concentration TF1/Canal Plus et ensuite la fusion de SFR et de Neuf Télécom – ne pouvait pas examiner d’éventuelles restrictions de concurrence liées à l’opération de concentration.
A contrario, en se fondant sur ses nouvelles compétences et sur les lignes directrices (3), lesquelles prévoient un examen des restrictions accessoires notifiées à l’occasion
d’une opération de concentration, l’Autorité de la concurrence peut analyser ensemble
les opérations de concentration et les éventuelles pratiques anticoncurrentielles issues d’autres accords, qui ne font pas partie intégrante de la concentration. Si ces accords comportent des restrictions accessoires (4), celles-ci sont automatiquement couvertes par la décision d’autoriser la concentration dans la mesure où elles sont directement liées et nécessaires à la réalisation de l’opération. En revanche, dans le cas où les restrictions de concurrence excèderaient ce qui est directement lié et nécessaire à la viabilité de l’opération de concentration, le gendarme de la concurrence peut se saisir d’office sur le fondement de pratiques anticoncurrentielles (5). Quoi qu’il en soit aujourd’hui, dans l’affaire des exclusivités de Canal Plus, il n’a pu que se placer sur le terrain de la sécurité juridique pour considérer que les exclusivités négociées dans le cadre des protocoles d’accord avec TF1 et Lagardère (6) créaient des droits acquis interdisant leur réexamen ultérieur.

Ce faisant, l’Autorité de la concurrence a restreint le champ de son examen aux exclusivités :
• concernant les chaînes propriétaires de Canal Plus, dénoncées par France Télécom ;
• faisant partie des accords de distribution signés entre Canal Plus et ses actionnaires minoritaires (les chaînes thématiques de TF1, Métropole Télévision et Lagardère), postérieurement à la concentration et qui n’ont donc pas été notifiées au ministre de l’Economie. Ces accords ont pour objet d’étendre lesdites exclusivités à la distribution
des programmes concernés sur fibre optique et au sein de services de télévision de rattrapage. Ils octroient également à Canal Plus un droit de premier regard sur tout nouveau support de diffusion envisagé par TF1 et Lagardère, et sur tout nouveau
service envisagé par TF1 ;
• les clauses d’exclusivité conclues par Canal Plus avec les éditeurs de chaînes indépendants.

TV payante : risque de verrouillage
Si l’Autorité de la concurrence a également rejeté la plainte d’AB sur les pratiques commerciales de Canal Plus et écarté une partie des plaintes déposées par France Télécom sur d’éventuelles pratiques de dénigrement ainsi que les pratiques de couplage entre Canal Plus et CanalSat, elle a prévu néanmoins de prolonger l’instruction pour vérifier si le cumul de ces exclusivités n’aboutissait pas à un
« verrouillage du marché » par Canal Plus.
Les sages de la rue de l’Echelle ont donc estimé qu’ils se devaient d’examiner de façon plus approfondie l’extension des clauses d’exclusivité avec TF1, M6 et Lagardère à la distribution via un réseau de fibre optique ou dans le cadre de programmes destinés à
la télévision de rattrapage.
Ils vont également approfondir leur examen des exclusivités de commercialisation dont bénéficie Canal Plus sur les chaînes qu’elle édite elle-même (Planète, TPS Star, etc.) ou sur celles déployées par les éditeurs indépendants (Disney Channel, TCM, Fox Kids, MTV etc.).

« Grande victoire » pour Canal ?
Sur ces questions, l’Autorité de la concurrence a confirmé l’existence d’une position dominante de Canal Plus sur le marché aval des services linéaires de télévision payante et a considéré qu’elle n’était pas en possession de toutes les informations nécessaires pour motiver un complément d’instruction avant de rendre sa décision définitive. Il est sans doute probable qu’elle souhaite aussi se donner du temps pour prendre en compte les dernières évolutions du marché, notamment sur les nouveaux modes de distribution que constituent les offres des opérateurs de télécoms sur la fibre optique ou la télévision de rattrapage. Pour mémoire, l’instruction de l’affaire dans laquelle l’Autorité a débouté l’Aforst (7) de sa plainte concernant les exclusivités réservées à France Télécom par France télévisions sur ses programmes pour leur diffusion en télévision de rattrapage (8), témoigne de la difficulté de l’Autorité à apprécier de la dominance d’un opérateur sur des marchés, et donc des usages, émergents. Après le rapport Hagelsteen publié le 11 janvier 2010 et l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence du 7 juillet 2009, il semble donc que le feuilleton sur l’appréciation du caractère anticoncurrentiel des clauses d’exclusivité en matière
de distribution de contenus, notamment sur les réseaux de télécommunications, se poursuive sans offrir de solution. Et ce, probablement, pour de nombreux mois encore.
L’avantage d’une décision qui n’en est pas vraiment une, c’est sans doute de donner satisfaction à toutes les parties concernées. Ainsi, il faut noter les déclarations triomphalistes du groupe Canal Plus selon lequel « c’est une grande victoire car la décision clôture toute une série de procédures dont le but était de démontrer des
abus de position dominante de Canal Plus que l’Autorité [de la concurrence] n’a pas constatés » (9), De l’autre côté, France Télécom a considéré que la décision de l’Autorité de la concurrence pourrait préfigurer « une ouverture du marché de la télévision payante à des distributeurs alternatifs ». L’avenir dira qui avait raison. @