Projet de décret SMAd et futur décret TNT : le paysage audiovisuel français (PAF) fait sa mue

La réforme de l’audiovisuel en France est à un tournant historique. Si les négociations interprofessionnelles et les ajustements des pouvoirs publics ne se bloquent pas, notamment sur la chronologie des médias, un nouveau cadre (décrets SMAd et TNT) pourrait entrer en vigueur le 1er juillet 2021.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats

Alors que l’année 2020 a renforcé les services délinéarisés, les téléspectateurs n’ont pas boudé les 31 chaînes métropolitaines de la TNT (1). Preuve que la distribution numérique via des fréquences attribuées (2) a encore un rôle à jouer – a minima, à titre transitoire. Pour l’heure, la révision prochaine du décret dit TNT nous invite à évoquer les enjeux historiques et structurels mais surtout conjoncturels – pour partie liés à la réforme de l’audiovisuel – de la télévision numérique terrestre.

Enjeux historiques, structurels et conjoncturels
La TNT, encadrée par la loi du 1er août 2000 (3), porte des enjeux historiques. Elle possède en effet certaines caractéristiques qui font sa spécificité auprès des téléspectateurs et des éditeurs de service de télévision – une couverture large, une offre riche et gratuite et une simplicité d’utilisation – qui participent à s’opposer aux effets de la fracture numérique. Les chaînes de la TNT ne peuvent cependant pas ignorer l’impact des changements en cours dans le secteur de l’audiovisuel. En effet, si la TNT reste essentielle pour de nombreux foyers, elle est sujette à la concurrence des nouveaux modes de consommation de biens culturels.
Aussi, depuis quelques années, la question de la modernisation de la TNT est-elle discutée de manière constante au fil des rapports et des consultations de l’Arcep et du CSA (4) (*) (**). La proposition de loi relative à la modernisation de la TNT, déposée le 4 février 2021 au Sénat par Catherine Morin-Desailly va dans ce sens (5). Selon la sénatrice, la modernisation de la TNT est une nécessité qui répond à la fois à « une demande forte » des acteurs du secteur et des téléspectateurs. Elle propose à cette fin : le lancement de services TNT en ultra-haute définition (UHD) ; l’attribution de nouvelles compétences de régulation au CSA ; l’adoption de nouvelles normes pour accroître la qualité des services (notamment des standards d’image et de son) ; le développement de services interactifs enrichis pour les téléspectateurs. Les Jeux olympiques de Paris en 2024 devraient constituer l’horizon auquel une plateforme TNT modernisée serait proposée aux Français. Pour ces raisons, la TNT va, au moins à titre transitoire, conserver un rôle. La TNT porte également des enjeux conjoncturels liés à la réforme du paysage audiovisuel français. Si l’on applique au secteur audiovisuel la citation de Paul Eluard « Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », peuvent s’analyser comme une succession de rendez-vous destinés à donner in fine une « architecture logique et complète » au paysage audiovisuel français : le nouveau décret « SMAd » (pour services de médias audiovisuels à la demande) pris pour transposer la directive européenne SMA et abroger le premier décret SMAd de 2010 ; la renégociation de la chronologie des médias (régissant les fenêtres de diffusion des films sortant en France), et les négociations tenant à revoir le décret TNT datant de 2010 lui-aussi (6).
Premier rendez-vous : la TNT face à la transposition de la directive SMA. La directive européenne de 2018 sur les services de médias audiovisuels, dite SMA (7) et telle que transposée en droit français dans le projet de nouveau décret SMAd, ne régit pas la TNT (8). Pourtant, les changements que ce décret implique sont connexes aux discussions relatives à la révision du futur décret TNT. En effet, le nouveau décret SMAd permettra l’intégration des plateformes de streaming vidéo dans le système de financement de la création, en leur imposant – à l’instar des chaînes de télévision – de consacrer un pourcentage de leur chiffre d’affaires réalisé en France à la production d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques « européennes ou d’expression originale française ». Ainsi, dans le projet de décret SMAd (9) tel que notifié par la France à la Commission européenne le 18 décembre 2020 et en période d’observation à Bruxelles jusqu’au 19 mars 2021, deux taux de contribution à la création différents sont prévus : l’un équivalant à 25 % du chiffre d’affaires des plateformes, l’autre à 20 %.

Adapter la chronologie des médias à Netflix
Deuxième rendez-vous : la TNT dans la renégociation de la chronologie des médias. L’introduction de ces nouvelles obligations de financement rendent nécessaires la renégociation de la chronologie des médias, dernièrement modifiée en janvier 2019 par arrêté (10) à la suite d’un accord interprofessionnel (11) signé fin 2018. En effet, comme le rappelait le Premier ministre Jean Castex l’été dernier : « On ne peut pas exiger beaucoup des plateformes et leur imposer les délais de diffusion aujourd’hui prévus » (12). Le pendant de cette affirmation est que les chaînes de télévision de la TNT, considérées comme des acteurs historiques du financement de l’audiovisuel et bénéficiant, à ce titre, de leur place définie dans la chronologie des médias, se verront davantage encore concurrencées par les services de médias audiovisuels à la demande, les « SMAd », que sont notamment Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou encore Apple TV+.

Négociations jusqu’au 31 mars 2021
Selon la chronologie des médias actuelle, les chaînes – qu’elles soient payantes ou gratuites – disposent d’une avance sur les SMAd avec plusieurs modalités de diffusion comprises entre 8 et 30 mois à compter de sortie en salle des nouveaux films, contrairement aux SMAd qui disposent d’une fenêtre de diffusion allant de 17 à 36 mois. Cependant, la logique de la chronologie des médias – qui met en place des fenêtres d’exclusivité pour la diffusion d’un film après sa sortie en salle, en fonction de la participation au financement d’un film – invite à donner aux SMAd une place prenant en compte de leur participation au financement d’un film. Pour les chaînes de la TNT, les négociations qui se jouent sont donc cruciales puisqu’il en va de la survie de leur modèle. En effet, malgré l’attractivité des plateformes de SMAd, elles conservaient jusqu’à présent une valeur ajoutée liée à des fenêtres de diffusion plus stratégiques.
En l’état actuel, conformément à un décret paru en janvier, les acteurs de l’audiovisuel ont jusqu’au 31 mars 2021 pour négocier un nouvel accord relatif à la chronologie des médias (13). A défaut, un décret fixera, de façon temporaire, les fenêtres d’exploitation qui ne résultent pas de la loi et ce jusqu’à la conclusion d’un nouvel accord interprofessionnel.
Troisième rendez-vous : le lancement de la négociation du décret TNT. La négociation autour du décret TNT de 2010 a fini par s’imposer comme le troisième et dernier rendez-vous pour « garantir l’équité entre services linéaires et non linéaires d’une part et entre opérateurs nationaux et internationaux d’autre part » (14). En effet, si la TNT demeure essentielle à la création puisqu’elle contribue de manière centrale au financement de la production cinématographique et audiovisuelle d’œuvres « européennes ou d’expression originale française », et à leur rayonnement, elle est tributaire d’obligations de production qui s’inscrivent dans un cadre règlementaire lourd et qui rendent les chaînes de la TNT moins compétitives par rapport aux SMAd. Depuis 2010, la contribution obligatoire des éditeurs de télévision diffusés par la TNT à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelle est régie par le décret TNT du 2 juillet 2010. Cette réglementation prévoit notamment : des obligations de quotas de diffusion d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles européennes et en langue française pour les éditeurs de télévision diffusés par la TNT ; des obligations de financement à la production cinématographique différentes selon qu’il s’agit d’une chaîne de cinéma ou non ; des obligations de financement à la production audiovisuelle différentes selon qu’il s’agit d’une chaîne en clair ou avec abonnement spécifiquement cinéma ou non. Par ailleurs, les dépenses prises en compte au titre des obligations de financement diffèrent selon le type de production (audiovisuel ou cinématographique). Par exemple, pour la production d’œuvres cinématographiques, le préachat des droits de diffusion est pris en compte. Ici, le but du législateur est de développer un secteur de production audiovisuelle indépendant. Les dépenses sont donc volontairement fléchées pour que les producteurs gardent un contrôle de la propriété des parts de leurs productions et coproductions, les droits des chaînes d’entrer en coproduction étant limités pour protéger la production indépendante. Dans la logique de préservation de la production indépendante, les chaînes de télévision sont limitées dans la patrimonialisation des droits.
A l’aube des négociations du futur décret TNT, les chaînes de télévision demandent de bénéficier de plus de droits une fois qu’elles ont rempli leur obligation de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques. La question de l’allongement des droits sur les œuvres produites (aujourd’hui limités à trois ans) pourrait cristalliser les débats. Elle implique une négociation sur les parts de coproduction et sur la définition de la part devant être consacrée à la production dépendante et indépendante, sachant que les chaînes de télévision ne cessent d’exiger davantage de droits sur les œuvres qu’elles financent (15). Il s’agit de questions épineuses mais dont la réponse devrait s’attacher à illustrer deux constantes de politique de production audiovisuelle à l’œuvre depuis 1986 : développer et valoriser l’identité française et européenne des programmes, tout en permettant la constitution d’un secteur de production audiovisuelle solide.

Décret TNT révisé : en vigueur le 1er juillet ?
En tout état de cause, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot espère que ce décret TNT révisé entrera en vigueur le 1er juillet 2021 – soit en même temps que le nouveau décret SMAd – et que les négociations s’achèveront le 31 mars 2021 – soit en même temps que la fin des négociations relatives à la chronologie des médias. Et, en définitive, nous voyons, dans la concomitance de ces dates, l’étape-clé du processus logique et complet de la réforme du paysage audiovisuel français. @

* Anne-Marie Pecoraro est avocate spécialisée en droit
de la propriété intellectuelle, des marques, des nouvelles
technologies et de l’exploitation des données personnelles.

La radio numérique par les ondes tient tête à l’audio

En fait. Les 5 et 6 novembre, à Toulouse et Montauban, d’une part, et à Bordeaux et Arcachon, d’autre part, a été lancée la diffusion numérique hertzienne de dizaines de radios nationales et locales. Le DAB+ couvre maintenant 28,8 % de la population française. Un pied de nez aux podcasts, aux webradios et à l’audio du Net.

En clair. « Le DAB+ est aujourd’hui un investissement stratégique de toute première nécessité pour les radios, car il leur permet de préserver l’indépendance de leur mode de distribution historique – la radiodiffusion par les ondes – vis-àvis des fournisseurs d’accès à Internet fixes et mobiles », explique Nicolas Curien, président du groupe de travail radios et audio numérique du CSA, à Edition Multimédi@. Et de poursuivre : « En effet, il n’est pas nécessaire d’être connecté à Internet ni de payer un quelconque abonnement pour écouter la radio en DAB+ : le son passe par les ondes, l’écoute est gratuite et anonyme, exactement comme pour la FM, dont le DAB+ n’est autre que le successeur numérique ».
A l’heure où les podcasts explosent de partout, où les plateformes de musique en ligne (YouTube, Spotify, Deezer, …) s’adonnent au streaming jusque dans les enceintes connectées (les GAFA y donnent de la voix), à l’heure où encore les webradios et l’audio digital consacrent la radio sur IP (via Internet), la radio par voie hertzienne, elle, s’est modernisée avec le DAB+ pour ne pas être disqualifiée. A l’instar de la télévision numérique terrestre (TNT), la radio numérique terrestre (RNT), elle, permet aux éditeurs de stations de garder une part d’indépendance vis-à-vis des plateformes du Net, où dominent les GAFA. L’anonymat offert par le DAB+, comme la FM, est un atout majeur au moment où l’exploitation des données personnelles des internautes se fait dans des conditions parfois illégales. Sans être pisté, du moins tant que les récepteurs ne seront pas connectés à Internet, l’auditeur « DAB+ » peut écouter – avec une qualité de son inédite – des certaines radios en mobilité, sans se soucier des fréquences, tout en obtenant en plus le titre de la chanson, de l’info trafic, etc.
Le code européen des communications électroniques prévoit qu’à partir de décembre 2020 tous les autoradios devront intégrer obligatoirement une puce « DAB+ ». La France fait déjà mieux puisque « cette obligation, indique Nicolas Curien, est en vigueur depuis juillet dernier pour tous les récepteurs y compris les autoradios, et même depuis 2019 pour les récepteurs fixes » (1). Depuis le lancement du DAB+ sur la France en 2014, 564 autorisations d’émettre ont été délivrées par le CSA à des éditeurs, privés ou publics, pour un total de 246 radios différentes. @

Services interactifs et publicités ciblées sur la TNT et en OTT : Amazon adhère à l’association HbbTV

Selon les informations de Edition Multimédi@, la firme de Jeff Bezos vient de devenir membre de l’association HbbTV qui promeut la norme des services interactifs et de la publicité ciblée pour, notamment, la télévision numérique terrestre (TNT). Cette adhésion surprise révèle l’intérêt d’Amazon pour cette technologie audiovisuelle hybride.

Le géant du e-commerce Amazon – également champion mondial de la diffusion audiovisuelle en OTT (Over-the-Top), c’est-à-dire en streaming sur Internet, avec Amazon Prime Video, Prime Video Channels, Fire TV et , aux Etats-Unis, IMDb TV – s’intéresse à la TNT, aux services interactifs associés et à l’arrivée de la publicité TV ciblée. Selon nos informations, son adhésion surprise à l’association HbbTV basée à Genève a été signée le 6 novembre dernier par Amazon à Seattle, où se situe le siège social mondial de la firme américaine (1) fondée par Jeff Bezos (photo). La HbbTV Association, d’origine franco-allemande, fixe et promeut depuis plus de dix ans maintenant les spécifications techniques du standard industriel ouvert : Hybrid Broadcast Broadband Television. Objectif : faciliter la création de services TV innovants associant la diffusion de la télévision sur la TNT (linéaire par voie hertzienne) et la réception de flux Internet (délinéarisés). Et ce, afin que les utilisateurs puissent avoir accès à des services interactifs, à la télévision de rattrapage (replay), à la vidéo à la demande (VOD), ou encore au contrôle du direct (timeshifting), sans oublier la publicité ciblées (targeted advertising) qu’ils peuvent recevoir. Mais, jusqu’à maintenant, le HbbTV n’a pas rencontré le succès espéré auprès des téléspectateurs – du moins en France faute de communication suffisante sur cette norme, les Italiens, les Allemands et les Espagnols y étant, eux, plus réceptifs.

De quoi redonner au HbbTV un second souffle
Sur l’Hexagone, d’après le dernier chiffre connu du CSA, le parc de téléviseurs compatibles HbbTV était l’an dernier d’environ 5 millions – mais deux à trois fois plus selon une source industrielle. L’intérêt porté au HbbTV par un géant mondial de poids comme Amazon pourrait redonner un second souffle à ce standard et, par là même, à la TNT que certains verraient bien disparaître au profit de la fibre optique et de la 5G. La consultation du CSA menée cette année sur « la modernisation de la plateforme TNT » (2) a, au contraire, démontré un regain d’intérêt pour la télévision hertzienne – surtout lorsqu’elle est a, au contraire, démontré un regain d’intérêt pour la télévision hertzienne – surtout lorsqu’elle est couplée aux réseaux IP. En France, d’après Médiamétrie (3), 53,5 % des foyers équipés en téléviseur(s) utilisent la TNT, laquelle est même l’unique mode de réception de la télévision pour près de 22 % d’entre eux. Contacté par Edition Multimédi@, le président de la HbbTV Association, Vincent Grivet (ancien dirigeant de TDF), n’a pas souhaité faire de commentaire sur l’adhésion d’Amazon. A la fois présent dans la diffusion et dans la production audiovisuelles, le géant du e-commerce – et premier rival de Netflix – donne encore plus de crédit au HbbTV.

Fire TV, Fire OS et Prime Video Channels, compatibles ?
Amazon montre qu’il veut maîtriser cette technologie pour accompagner son entrée dans la télévision – même s’il est peu probable que ses chaînes Prime Video – les Prime Video Channels (4) – puissent être un jour diffusées aussi par voie hertzienne. Le standard HbbTV n’étant pas réservé qu’à la TNT, il aurait une utilité pour les services de TV et de SVOD d’Amazon recherchant l’interactivité et la publicité ciblée. Actuellement, les abonnés « Prime » peuvent ajouter des abonnements individuels à des chaînes telles que, en France par exemple, OCS (Orange), Tfou Max (TF1), Filmo TV, StarzPlay, MGM ou encore Action Max. Le géant du Net pourrait rendre compatible HbbTV son décodeur multimédia Fire TV (concurrent d’Apple TV) et son Fire OS (système d’exploitation de téléviseurs).
Les éditeurs de télévision affectionnent tout particulièrement HbbTV car cette technologie leur permet de garder le contrôle de leur signal télévisuel, du petit écran et de la gestion de la publicité ciblée (adressée ou personnalisée) par rapport aux spots publicitaires classiques (hertziens et généralistes). Faire entrer Amazon dans l’association HbbTV, c’est un peu comme faire entrer le loup dans la bergerie. Les enjeux sont non seulement technologiques (services interactifs, multi-écrans, …) mais aussi publicitaires (avec exploitation des données). Publiées en début d’année, les spécifications de HbbTV-TA pour la publicité ciblée télévisuelle – TA pour targeted advertising (5) – ont été définies en collaboration avec le DVB (Digital Video Broadcasting), lequel fixe les normes de la télévision numérique. L’association genevoise, qui est hébergée à l’instar du consortium DVB par l’Union européenne de radiotélévision (UER), compte parmi ses membres des éditeurs de télévision tels que la BBC, ITV, ProSiebenSat.1, la RAI, RTI (Mediaset), RTL Group, Sky ou encore le français TDF qui diffuse la plupart des chaînes françaises. Salto, la plateforme de TV et de SVOD lancée le 20 octobre (6) par France Télévision, TF1 et M6, en est aussi membre. En France, les groupes de télévision de la TNT – TF1, M6, France Télévisions, Canal+, Altice Média, NRJ Group, Arte et l’Equipe – ont créé début avril l’Association technique des éditeurs de la TNT (ATET) qui accorde « la plus grande importance » au déploiement de la norme HbbTV, garante d’une interopérabilité des services interactifs et de la publicité adressée (7). Ce n’est pas la première fois qu’un GAFA rejoint la HbbTV Association, composée de près de quatre-vingts membres (8), lesquels s’acquittent de 8.000 euros par an : Google en est adhérent depuis deux ans (9), étant éditeur d’Android TV qu’utilisent certaines « box » comme la BBox Miami de Bouygues Telecom (10) ou plusieurs Smart TV chez Sony, TCL, Philipps ou encore Sharp. La filiale d’Alphabet est, toujours selon nos informations, très active dans le développement en cours de tests de publicités adressées en mode HbbTV sur les écrans. Les chaînes françaises fondaient de grands espoirs sur le projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel pour obliger les fabricants de téléviseurs à les rendre compatibles HbbTV. Lors de l’examen du texte en février à l’Assemblée nationale, un amendement (11) avait été déposé par le député (LR) Jean-Jacques Gaultier pour imposer le HbbTV (et son extension publicitaire TA) en même temps que l’ultra haute définition (UHD). Mais, à la demande la rapporteure Aurore Bergé craignant «un risque de renchérissement du prix de ces appareils », l’amendement « UHD-HbbTV » a dû être retiré début mars (12). Quelques jours après, c’était tout le projet de loi sur « la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l’ère numérique », voulu par Emmanuel Macron, qui fut abandonné par le gouvernement en raison de l’état d’urgence sanitaire et du plan de relance économique devenu prioritaire. Selon un bon connaisseur de cette industrie, les chaînes de télévision françaises, via l’ATET, cherche encore « le bon véhicule législatif » pour obtenir cette obligation « HbbTV-TA ». L’Espagne a montré la voie en juin 2019 avec l’obligation de vendre les téléviseurs d’au moins 60cm (13) avec la norme HbbTV (à partir de la version 2.0.1). La Pologne a suivi au mois de novembre suivant (14). Le Royaume-Uni et l’Allemagne offrent un « player » unique d’accès à la TNT, respectivement Freeview Play et Freenet TV Connect, qui sont compatibles HbbTV. L’Italie en a fait son standard dès 2016.
Les fabricants de téléviseurs, eux, sont défavorables à une obligation et l’ont fait savoir par leur Alliance française des industries du numérique (Afnum). « Plus la TV sur IP se développe moins HbbTV a d’intérêt », a fait aussi remarquer cette organisation. Les partisans de ce standard arguent au contraire du fait qu’il s’agit un système d’exploitation ouvert et disponible pour les fabricants de téléviseurs qui, comme Panasonic, LG, TP Vision ou Hisense, n’auraient pas forcément les moyens de développer leur propre OS de Smart TV. Samsung s’y intéresse, sans le dire…

En plus de la TNT, le HbbTV vise l’OTT et le satellite
L’association genevoise espère aussi que HbbTV deviennent un standard structurant au-delà de la TNT, avec les spécifications « OpApp » pour les plateformes OTT et satellitaires : HD+ (SES) en Allemagne, M7 (Canal+) au Luxembourg et SVT Play (Sveriges Television) en Suède l’ont adopté. Quant aux opérateurs télécoms, ils voient aussi d’un mauvais oeil cette volonté d’imposer cette norme sur les téléviseurs, craignant que leurs « box » soient les prochaines à être obligées de l’implémenter. « Les réseaux IPTV, construits bien avant que la spécification HbbTV n’existe, utilisent d’autres normes pour fournir ces services interactifs », rappelle Orange qui édite sa plateforme « TV d’Orange ». Reste à savoir si la Commission européenne, dans un souci d’harmonisation, jouera les arbitres. @

Charles de Laubier

La plateforme Salto est payante et… avec publicités

En fait. Le 20 octobre, le groupe public France Télévisions et ses concurrents du privé TF1 et M6 ont enfin lancé leur plateforme commune de TV et de SVOD pour jouer la carte de « l’exception culturelle française » face aux Netflix, Amazon Video et autres Disney+. Salto est payant mais la publicité n’est pas bien loin.

En clair. Pour les abonnés de Salto, il leur en coûtera 6,99 euros par mois pour un seul écran, 9,99 pour deux écrans, ou 12,99 pour quatre écrans. Mais à ce prix-là, y aura-t-il de la publicité sur cette plateforme « publique-privée » de télévision (live ou replay) et de vidéo à la demande (par abonnement donc) ? « Oui et non », diraient les adeptes du « en même temps ». La plateforme que dirige Thomas Follin – transfuge du groupe M6 – assure qu’« il n’y a pas de publicité sur le catalogue Salto, qu’il s’agisse de films et séries en VOD, d’avant-premières, des nouvelles saisons mises à disposition en intégralité ou en US+24 ». Mais, car il y en a un, « en revanche Salto distribue des chaînes et des programmes télé qui seront diffusées avec leur publicité » (1). Autrement dit, sur le bouquet d’une vingtaine de chaînes de télévision proposées par Salto – dont celles déjà accessibles par ailleurs gratuitement sur la TNT (TF1, France 2, France 3, France 4, M6, W9, 6ter, TMC, TFX, LCI ou encore Franceinfo (2) –, les abonnés payants de Salto auront droit à la publicité de ces chaînes-là. Sans parler du fait que les chaînes du groupe public France Télévisions sont, elles, déjà payées par la redevance audiovisuelle – 138 euros en 2020 – dont tout abonné « Salto » est censé déjà s’acquitter. Ils se retrouvent donc à payer deux fois certains contenus de Salto (3). Des chaînes thématiques s’ajoutent au bouquet : TV Breizh, Téva, Paris Première, Ushuaïa TV ou encore Histoire TV.
Concernant cette fois la partie SVOD de Salto, avec son « catalogue en illimité (…) de plus de 10 000 heures [15.000 à terme, ndlr] de séries, films, documentaires et programmes jeunesse », n’y aura-t-il vraiment pas de publicités comme sur Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou encore AppleTV+ ? Si l’on en croit Salto, il n’y en aura pas. Mais si l’on se réfère à son site web, à propos de la dépose de cookies sur le terminal (ou les terminaux) des abonnés, le propos est alors ambigu : « Avec votre consentement, les cookies sont utilisés sur cette plateforme par Salto et ses partenaires aux fins de réaliser des statistiques de visites et vous proposer des publicités, services et offres adaptés à vos centres d’intérêts » (4). Contacté par Edition Multimédi@, Thomas Follin nous répond via une porte-parole : « Pour l’instant aucune (publicité) ; il n’y a pas de projet en ce sens ». @

La chaîne publique Franceinfo n’a pas réussi à faire décoller son audience en quatre ans d’existence

Lancée en grande pompe le 1er septembre 2016 par France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina, la chaîne publique d’actualités en continu Franceinfo est-elle un échec ? La question se pose au vu de ses 0,7 % de parts d’audience seulement, quatre ans après son lancement.

Certes, l’audience de la chaîne Franceinfo a légèrement augmenté depuis son lancement sur le canal 27 de la TNT (1) il y a quatre ans, passant de 0,3 % de part d’audience nationale en janvier 2017, avec un peu plus de 18,4 millions de téléspectateurs dans le mois selon Médiamétrie, à 0,7 % en septembre 2020 avec 24,2 millions de téléspectateurs. Autrement dit, la chaîne publique d’information en continu – cornaquée par France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina – a gagné en quatre ans d’existence seulement 0,4 point à 5,8 millions de téléspectateurs supplémentaires.

Laurent Guimier à la rescousse
Ce n’est pas digne du service public de l’audiovisuel financé par la redevance payée par la plupart des 28 millions de foyers français (2). Pas sûr que cette piètre performance, ne serait-ce que par rapport à ses concurrentes BFM TV (2,5 %), CNews (1,5 %) et LCI (1 %), satisfasse Delphine Ernotte (photo de gauche) qui a été reconduite par le CSA à la présidence de France Télévisions pour un mandat de cinq ans (depuis le 22 août). La petite audience de Franceinfo ne devrait pas non plus réjouir Stéphane Dubun, directeur de la chaîne depuis plus de quatre ans maintenant. Ce journaliste francobritannique- écossais fut nommé par la présidente de France Télévisions en même temps que Célia Mériguet qui, elle, a la charge de la diffusion en ligne de Franceinfo.
Tous deux reportaient depuis deux ans à Alexandre Kara, lequel a cédé sa place en juin à Laurent Guimier (photo de droite) venu reprendre en main la chaîne publique d’information en continu et d’en améliorer l’audience. Cet ancien d’Europe 1 vient d’être promu par Delphine Ernotte directeur de l’information de France Télévisions (3). « Les JT de France 2 et France 3, les magazines, le canal 27 [où est diffusée la chaîne Franceinfo sur la TNT, ndlr] et franceinfo.fr sont placés sous ma responsabilité », indiquet- il à Edition Multimédi@. C’est dire que ce jeu de chaises musicales au niveau de l’état-major de l’ex-directrice générale d’Orange France (4) touche de près Franceinfo. « Depuis 2016, nous sommes passés à l’offensive en unissant les forces de l’audiovisuel public pour créer Franceinfo, premier média numérique d’information en France, qui poursuivra un objectif clair : conquérir aussi la première place en linéaire. Franceinfo est un actif puissant sur lequel il nous faut investir et qu’il faut consolider », a fait valoir Delphine Ernotte dans son projet stratégique exposé au CSA en juillet. Mais avec moins de 25 millions de téléspectateurs par mois, qui est d’ailleurs loin d’être l’audience de la seule TNT puisque sont intégrés à cette mesure de Médiamétrie les audiences en différé et en télévision de rattrapage sur Internet, Franceinfo doit encore trouver son public. « Franceinfo s’est imposée en quelques mois seulement comme le premier support d’information numérique des Français et doit continuer à grandir », convient la présidente de France Télévisions. Cela nécessite pour cette chaîne d’infos en continu de plus en plus délinéarisée « un investissement technologique constant (…), en renforçant ses contenus vidéo, en amplifiant son caractère conversationnel et en inventant un nouveau média social ». Sa ligne éditoriale ? Dans une interview à Forbes, Delphine Ernotte lance : « Pas de boucle, pas de clash, pas de buzz, du décryptage, de la pédagogie de l’info. C’est une chaîne calme (…) » (5). Objectif de son deuxième mandat : « Faire de Franceinfo la première offre d’information sur tous les écrans et 100 % accessible ».
Sur Internet (6), Franceinfo revendique plus de 23,7 millions de visiteurs uniques sur le mois de juillet (dernière mesure disponible), dont 80,2 % sur smartphone, 21,9 % sur ordinateur et 16,1 % sur tablette. Ce qui place la chaîne publique d’info en continu à la onzième place du classement Internet en France, loin devant, tout de même, BFM TV (vingt-deuxième place) et LCI (quarante-neuvième). La présidente de France Télévisions compte en outre investir dans « le datajournalisme et l’intelligence artificielle », notamment en consolidant « l’alliance des services publics née autour de Franceinfo » et en initiant « de nouveaux partenariats technologiques avec l’ensemble des médias d’information ».

Franceinfo remplace France Ô, en HD
Malgré la faible audience de Franceinfo au bout de quatre ans, le CSA a quand même entériné – à la demande de la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot (7) – le retrait au 1er septembre de la chaîne d’outre-mer France Ô de sa fréquence sur la TNT pour y diffuser à place Franceinfo en haute définition en métropole. France Ô est morte à 15 ans, au grand dam de beaucoup, alors qu’elle était allée jusqu’à 0,9 % de part d’audience (en avril et juin 2016) – soit 0,2 point de mieux que Franceinfo, pourtant bien plus mise en avant. @

Charles de Laubier