Conflit avec TF1 sur la diffusion des chaînes gratuites : ni Orange, ni Free, ni Canal+ n’ont saisi le CSA

Le tribunal de commerce de Paris est-il en train de devenir le nouveau régulateur de l’audiovisuel français ? C’est à se le demander après que Orange et Canal+ aient préféré le saisir – plutôt que le CSA – pour porter plainte contre le groupe TF1 qui veut les faire payer pour la diffusion de ses chaînes.

« Le CSA n’a reçu aucune saisine d’Orange, Free ou Canal+ », a indiqué Nicolas Curien (photo), président du CSA depuis le 26 février (1), à Edition Multimédi@. Mais cela ne l’a pas empêché d’appeler dès le 6 mars au téléphone les groupes Canal+ et TF1 après que le premier ait interrompu, à partir de la nuit du 1er au 2 mars, la diffusion des chaînes du second dans ses offres Canal ADSL ou fibre, et son application MyCanal, mais aussi sur TNT Sat (1,5 million de foyers). Ce « dialogue » initié par
le régulateur de l’audiovisuel, lequel a aussi auditionné le 7 mars les deux parties en conflit, a payé : Canal+ a aussitôt rétabli le jour même, dans la soirée, le signal de TF1 – dont l’audience avait fléchi depuis cinq jours.

Tribunal de commerce Paris ou CSA ?
« Nous n’avons pas le pouvoir de nous autosaisir (2), mais nous pouvons être un facilitateur dès lors que l’on nous saisisse », nous a dit Nicolas Curien. Mais toujours aucune plainte devant le CSA ! Et ce n’est pas faute d’avoir faire un appel du pied à toutes les parties impliquées dans ce conflit : Orange, Free et Canal+ s’opposent au groupe TF1, lequel leur demande de payer pour la diffusion de ses chaînes disponibles en clair (TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI) – alors qu’elles étaient diffusées gratuitement jusqu’à présent. Or les contrats sont arrivés à échéances et TF1 saisit l’occasion pour une offre globale « TF1 Premium » payante.
Au moment où les relations s’étaient envenimées entre, cette fois, TF1 et Orange
– l’opérateur télécoms ayant reçu le 1er février une assignation en justice de la part de la filiale audiovisuelle de Bouygues –, le régulateur avait bien proposé le 7 février ses services : « Le CSA a souhaité exprimer sa préoccupation et manifester sa disponibilité pour accompagner et faciliter ces discussions, en prenant en compte de l’intérêt des téléspectateurs et de la situation économique des opérateurs concernés », avait-il fait valoir. Mais ni TF1 ni Orange ne sont s’en remis au CSA, nous a confirmé Nicolas Curien, les deux parties préférant aller ferrailler devant le tribunal de commerce de Paris – avant d’annoncer le 8 mars « un accord de distribution globale ». L’opérateur télécoms historique avait porté plainte en juillet 2017 contre la chaîne pour abus de position dominante dans la télévision (3). Il en est allé de même pour Canal+ qui a confirmé le 27 février les informations de BFM Business révélant que la filiale du groupe Vivendi avait porté plainte contre TF1 devant ce même tribunal – décidément très sollicité – sur le différend commercial qui les oppose sur la diffusion des chaînes de
TF1 dans CanalSat ou sur MyCanal. « Nous saisissons le tribunal de commerce plutôt que le CSA car c’est une question de principe, étant donné que ces chaînes sont déjà disponibles gratuitement partout », nous a répondu une porte-parole de Canal+.
Et comme jamais deux sans trois, il ne resterait plus qu’à Iliad/Free de porter plainte
à son tour devant le tribunal de commerce. C’est à se demander d’ailleurs si cette juridiction-là ne prend pas des allures de nouveau régulateur de l’audiovisuel français ! Pourtant, le CSA a les compétences pour régler ce genre de différend depuis la loi du 15 novembre 2013 sur l’indépendance audiovisuelle qui l’a doté de pouvoirs économiques (4). Son article 5 prévoit bien qu’« en cas de litige, le CSA assure une mission de conciliation (…) ». Cependant, la loi ne parle pas explicitement de conflits avec les FAI (5) ou les diffuseurs TV. SFR (Altice) avait tout de même saisi en mai 2017 le CSA, plutôt que d’aller traîner TF1 devant la justice.
TF1 avait annoncé le 29 juillet 2017 « la fin des accords de distribution de [ses] chaînes en clair et de MyTF1 avec Numericable-SFR ». Mais, après avoir été saisi, le CSA a été « dessaisi » après que SFR et TF1 aient finalement enterré la hache de guerre en annonçant le 6 novembre dernier «un accord global de distribution ». Le régulateur n’a donc eu à se prononcer sur ce litige-là. Le problème était pourtant le même que pour Orange, Canal+ et Free : refus de payer le nouveau service « TF1 Premium » incluant chaînes en clair, télévision de rattrapage MyTF1, et nouvelles fonctions telles que le
« retour au début » (start-over) ou la « catch-up enrichie » (replay au-delà de 7 jours
et HD). Pour cette nouvelle offre «à valeur ajoutée», le groupe TF1 dirigé par Gilles Pélisson – fort d’un accord avec SFR, d’une part, et avec sa propre filiale Bouygues Télécom, d’autre part – réclame à chacun des FAI et à Canal+ « moins de 20 millions d’euros par an ».

Pas de must carry ni de must offer
Les obligations de must carry ou de must offer pourraientils, eux, s’appliquer aux cas d’espèce : le CSA nous répond que « non, car elles ne s’appliquent pas aux chaînes privées, seulement à France Télévisions, Arte et France Médias Monde ». De son côté, le groupe M6 a réussi à signer – sans faire de vagues, lui – de nouveaux contrats de distribution avec Orange, SFR, Canal+ et Bouygues Telecom. @

Charles de Laubier

NRJ ne veut toujours pas voir ses chaînes sur Molotov

En fait. Le 29 janvier, Jean-David Blanc, le cofondateur avec Pierre Lescure de la plateforme de télévision Molotov, était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Les 4,1 millions d’inscrits peuvent y voir et revoir toutes les chaînes gratuites de la TNT sauf… NRJ 12 et Chérie 25.

En clair. « Nous avons toutes les chaînes gratuites de la TNT, sauf celles du groupe NRJ [NRJ 12 et Chérie 25, ndlr] qui pour le moment ne nous a pas rejoint. Mais on
les invite à le faire », a indiqué Jean-David Blanc, cofondateur de la plateforme de télévision Molotov, devant l’AJM. « D’autant que l’audience de Molotov est très proche de la cible du groupe NRJ. Nous sommes toujours en discussion avec eux », a-t-il poursuivi. Lancé en grandes pompes le 11 juillet 2016 (1), le bouquet de chaînes en ligne – cofondé par Jean-David Blanc (ex-Allociné), Pierre Lescure (ex-Canal+),
Jean-Marc Denoual (ex-TF1) et Kevin Kuipers (ex-Allociné) – ne désespère pas de convaincre le groupe de Jean-Paul Baudecroux.
Depuis le début, NRJ interdit à Molotov de reprendre le signal de ses deux chaînes, NRJ 12 et Chérie 25, ainsi que la chaîne musicale NRJ Hits diffusée sur le câble, le satellite et l’ADSL. Il y a bien eu, il y a près d’un an, une tentative de règlement de différend par le CSA qui avait auditionné les deux parties le 15 mars 2017. Mais, selon le régulateur de l’audiovisuel que nous avons contacté, l’arbitrage a échoué et le groupe NRJ a maintenu son refus d’être repris sur Molotov. A la question, posée à Jean-David Blanc par Edition Multimédi@, de savoir s’il n’y avait pas une obligation
de mettre à disposition le signal des chaînes de la TNT gratuite au nom du principe
de must offer, il a répondu : « C’est entre les mains du CSA ». Molotov peut toujours
saisir le tribunal de commerce dans le cas où le blocage s’éterniserait, à moins que NRJ ne revienne à de meilleurs sentiments… « Pour le moment, ils disent non et ils s’interrogent sur l’opportunité d’être sur Molotov. Sur les raisons de leur refus, il faut leur demander directement. Je pense qu’ils ont tort de ne pas y être ; ça leur apporterait un surplus d’audience. Autant avant de démarrer le 11 juillet 2016, nous avions aucun utilisateur. Aujourd’hui, nous en avons 4,1 millions (2), c’est différent. Nous pouvons apporter jusqu’à 5 % d’audience nationale », a expliqué Jean-David Blanc. Molotov propose quelque 115 chaînes, dont 35 gratuites et 80 payantes. Canal+, malgré Pierre Lescure comme « clin d’oeil » (dixit Jean-David Blanc), n’a toujours pas rejoint Molotov. Concernant le replay, que les chaînes monétisent elles-mêmes par la publicité, nombreuses sont celles qui refusent ou négocient encore. @

Box, TV et replay : le différend de TF1 avec Orange et SFR se retrouve devant le régulateur et la justice

Le groupe TF1 veut être rémunéré pour ses chaînes TF1, TMC, NT1, HD1 et LCI diffusées sur les « box », comme c’est le cas pour son service de replay MyTF1. Mais faute d’accord sur sa nouvelle offre « TF1 premium » avec Orange et SFR, c’est au CSA et au tribunal de commerce de trancher.

SFR s’est dit fin juillet « étonné que TF1 ait choisi de ne pas attendre la conclusion des recours en cours, celui formé par SFR devant le CSA (1) comme celui d’Orange devant le tribunal de commerce » pour annoncer qu’« à compter du 29 juillet 2017, Numericable-SFR n’est plus autorisé à exploiter commercialement MyTF1 et les chaînes en clair du groupe TF1 ». SFR avait en effet saisi en mai dernier le CSA sur son différend avec TF1. « Nous attendons la décision du CSA à l’automne », a indiqué le 29 août Alain Weill, DG des médias d’Altice, à Edition Multimédi@. Tandis qu’Orange a porté plainte début juillet contre TF1 devant le tribunal de commerce de Paris pour abus de position dominante dans la télévision et la publicité.

Orange et SFR, mais aussi Free et Canal+
Orange et SFR ne sont pas les seuls fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à qui TF1 demande d’être rémunéré pour la diffusion de ses chaînes sur les « box ». En avril dernier, le groupe audiovisuel – dirigé par Gilles Pélisson (photo) – a également envoyé une lettre recommandée à Free et à Canal+ (CanalSat) pour leur demander de payer, comme ils le font déjà jusque-là pour le replay. En effet, la chaîne la plus regardée en catch up TV (2) perçoit environ 10 millions d’euros par an pour la reprise de MyTF1 par les FAI. L’histoire ne dit pas si Bouygues Telecom, filiale soeur de TF1 au sein du groupe Bouygues paie son tribut pour diffuser la première chaîne… Si les discussions se poursuivent encore aujourd’hui avec Free et Canal+, il n’en va pas de même avec Orange et SFR qui ont aussitôt refusé de payer le nouveau service « TF1 Premium » incluant les chaînes gratuites, le service de télévision de rattrapage MyTF1, et de nouvelles fonctionnalités de « retour au début » (start-over) ou de «catch-up enrichie » (replay au-delà de sept jours et haute définition) (3).
Rien ne dit que SFR (alias Altice) ne porte plainte à son tour devant le tribunal de commerce de Paris, après que TF1 ait annoncé le 29 juillet dernier la « fin des
accords de distribution des chaînes en clair du groupe TF1 et de MyTF1 avec Numericable-SFR ». La filiale audiovisuelle de Bouygues n’a pas mis à exécution sa menace de couper le flux de ses chaînes de télévision en direction des « box » de SFR, elle a tout de même décidé « la coupure unilatérale de MyTF1 pour les seuls abonnés de SFR » (dixit ce dernier).

L’opérateur télécoms d’Altice, qui dénonce une « inique tentative de prise d’otage de ses clients au plein coeur de l’été », a aussitôt répliqué en estimant subir « un préjudice considérable contre lequel [il] étudie toutes les voies de recours possibles [et] engagera dès aujourd’hui toute action judiciaire nécessaire ». Contacté fin août, un porte-parole de SFR a indiqué à Edition Multimédi@ que la situation n’avait pas évolué depuis. En attendant que le CSA et le tribunal de commerce ne rendent leur verdict respectif, les opérateurs télécoms et les chaînes de télévision se regardent en chiens de faïence. Chacun campe sur ses positions :
• Côté SFR, on rappelle que TF1 est diffusé auprès des abonnés depuis la création de l’opérateur télécoms et qu’il reste incompréhensible de vouloir – « après plus de 30 ans » et « pour la première fois depuis la création du câble et de l’ADSL» – être rémunéré pour la diffusion de sa chaîne gratuite. Il est aussi rappelé que TF1 détient plus de 40 % de parts de marché de la publicité télévisée et que la filiale audiovisuelle du groupe Bouygues « jouit d’une position dominante sur le marché français » et qu’« il dispose d’une licence de diffusion hertzienne gratuite », tout en profitant des 20 millions d’abonnés à un service de TV sur ADSL sans reverser une quote-part de leurs recettes publicitaires télévisées aux FAI.
• Côté TF1, on affirme que Numericable-SFR n’a aucun droit à distribuer les chaînes
du groupe sans accord préalable et que les chaînes ont été mises à disposition des opérateurs télécoms et gratuitement que pour une période limitée dans le temps.
Par exemple, est arrivé à échéance fin 2016 l’accord de distribution avec SFR que TF1 a bien voulu prolonger jusqu’au 28 juillet 2017 « afin de favoriser la conclusion d’un nouveau contrat » sur la base de la nouvelle offre « TF1 Premium ». Sans succès puisque Numericable-SFR a suspendu toute discussion en avril et saisi le CSA, tandis qu’il continue de monétiser auprès de ses abonnés les chaînes à son seul profit et à contourner les écrans publicitaires de ces chaînes.

Depuis que Gilles Pélisson est PDG de TF1
Cela fait maintenant dix-sept mois – soit deux mois après l’arrivée de Gilles Pélisson, ancien directeur général de Bouygues Telecom, comme PDG du groupe audiovisuel de Bouygues (4) – que TF1 a lancé la négociation avec les FAI pour trouver un nouveau partage de la valeur. La justice et le régulateur lui donneront-ils gain de cause ? @

Charles de Laubier

Malgré l’absence de films, les revenus du replay franchissent la barre des 100 millions d’euros en 2016

Le chiffre d’affaires publicitaire du replay a progressé en 2016 de 16,7 % sur un an, à 105 millions d’euros. Cette croissance montre que, outre sa monétisation, la consommation délinéarisée de la télé prend de l’ampleur, au détriment de la grille à l’antenne. Mais les films ne jouent pas le jeu.

En pleine expansion, ce marché de la télévision à la demande (catch up TV ou replay) regroupe l’ensemble des services permettant de voir ou de revoir des programmes audiovisuels après leur diffusion à l’antenne sur une chaîne de télévision, pendant une période déterminée – gratuitement ou sans supplément dans le cadre d’un abonnement.

Des chaînes gratuites comme TF1 font payer les FAI
pour qu’ils puissent reprendre sur les boxes leurs
services de replay.

Marché porté par la pub vidéo
Si les recettes publicitaires constituent l’essentiel des revenus de la TV de rattrapage, c’est que les services correspondants sont en général gratuits et émanent des chaînes gratuites (historiques comme TF1 ou M6, TNT comme NRJ12 ou LCP, et TNT HD comme RMC Découverte ou La Chaîne L’Equipe). Sinon, pour les chaînes payantes (comme Canal+ hormis la partie en clair), le replay est inclus dans l’abonnement. En mars 2017, près de 120 chaînes proposent un tel service. Or, pour la première fois, la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires publicitaire a été franchie l’an dernier – à 105 millions d’euros précisément, soit près du double d’il y a trois ans (voir tableau page suivante). Il faut dire que la publicité sur replay est portée par la croissance du marché français de la publicité vidéo, lequel a progressé de 35 % l’an dernier à 417 millions d’euros selon le Syndicat des régies Internet (SRI). « Les recettes publicitaires constituent la principale source de revenus des services de télévision de rattrapage. L’évolution des recettes s’explique par différents facteurs : le nombre d’annonceurs,
le volume de publicité diffusée, le prix de vente de l’espace publicitaire », explique le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), dans son rapport 2016 sur l’économie de la télévision de rattrapage, publié le 22 mars dernier.
La très grande majorité des programmes proposés sont consultables plus de trente jours (72,6 %), suivis de ceux consultables jusqu’à sept jour (20,6 %), lorsqu’ils ne sont pas disponibles de huit à quatorze jours (3,7 %) ou de quinze à trente jours (3 %). L’année 2016 marque aussi le passage en tête des smartphones et des tablettes comme premiers terminaux utilisés pour visionner les vidéos de la TV de rattrapage. Ainsi, sachant que 7,5 milliards de vidéos ont été visionnées en 2016, les mobiles totalisent 38,9 % des vidéos vues (+ 7,3 points), dont 23,6 % pour le téléphone mobile (+ 7,2 points) et 15,3 % pour la tablette (stable). Ils détrônent pour la première fois non seulement le téléviseur mais aussi l’ordinateur, relégués tous les deux à respectivement 31,6 % des vidéos vues (- 3,4 %) et 29,5 % des vidéos vues (- 3,9 %). C’est surtout l’ordinateur, terminal plébiscité ces dernières années pour visionner le replay (voir évolution des supports pages suivantes), qui a perdu le plus de terrain.
Mais il y a un grand absent, ou presque, de la TV de rattrapage : le cinéma. En effet, les films ne représentent que 0,2 % des programmes disponibles pour ce mode de consommation délinéarisé. La part des programmes de flux (divertissement, magazine, information, sport) disponibles en replay est largement plus élevée que celle des programmes de stock (animation, documentaire, fiction, film). Ces programmes de flux accaparent même l’offre de replay puisqu’ils représentent 84,6 % du volume horaire en 2016 (sur les 20.597 heures de programmes disponibles par mois).
Les programmes de stock se partagent donc le reste des 15,4 % du volume horaire, dont 7 % pour la fiction TV, 4,6 % pour le documentaire, 3,5 % pour l’animation et…
0,2 % pour les films cinématographiques. Ainsi, le Septième Art est quasi absent en France de la télévision de rattrapage. Cela paraît d’autant plus surprenant que les chaînes de télévision (Canal+, TF1, France Télévisions, …) contribuent largement au financement des films. De plus, TF1 a été l’an dernier la chaîne la plus regardée en TV de rattrapage avec 62 % du public, suivie de M6 (50,7 %), France 2 (33,7 %), France 3 (24,1 %), Arte (16,8 %), France 5 (14,0 %) et Canal+ (11,2 %).

Le cinéma, grand absent
Et d’après l’étude sur le cinéma que Médiamétrie a publiée le 30 mars dernier, 64 % des spectateurs de 15- 24 ans allant voir un film en salle de cinéma pratiquent le replay chaque mois, et ils sont 59 % à consulter des contenus en streaming. Le fait que le cinéma soit la dernière roue du carrosse de la catch up TV est à aller chercher du côté des producteurs de cinéma qui ne veulent pas voir leurs oeuvres mis gratuitement sur les services de rattrapage des chaînes. Les organisations du Septième Art français posent leurs conditions, comme la société civile des Auteurs-Réalisateurs- Producteurs (ARP) qui souhaite en contrepartie une coproduction des films concernés. Quant à l’Union des producteurs de cinéma (UPC), elle craint « la dévalorisation des films dans le non-linéaire » assimilé au gratuit. C’est du moins ce qu’avait exprimé Xavier Rigault, son co-président, lors des Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), le 22 octobre 2016. Selon nos informations, pas question pour l’UPC de voir des films en replay sur les chaînes gratuites de France Télévisions « sauf sur un délai très court » (durant 2 jours par exemple). Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions,
avait quant à elle plaidé à ces RCD en déclarant : « Il faut mettre du rattrapage sur le cinéma », en estimant que ne pas avoir de films dans le replay « cela dévalue le cinéma ; il n’existe plus et c’est un vrai problème » (Lire EM@158, p. 2.). La catch up de films est donc, à ses yeux, vitale pour le cinéma. Or les négociations avec les producteurs de cinéma n’ont toujours pas abouti. En revanche, cela ne pose pas de problème avec les chaînes payantes Canal+ et OCS qui assure par leurs abonnements une valorisation des films.

Les FAI paient les chaînes
Mais que l’on ne s’y méprenne pas. Les 105 millions d’euros des revenus publicitaires engrangés par le replay en France, tels qu’ils sont présentés par le CNC, ne constituent pas à eux seuls le chiffre d’affaires total de la TV de rattrapage. En effet, des chaînes gratuites font payer les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour qu’ils puissent reprendre sur les boxes leurs services de replay. C’est par exemple ainsi que TF1
– comme nous l’avons vu, la chaîne la plus regardée en catch up TV – percevrait 10 millions d’euros par an pour la reprise de MyTF1.
Ce sont donc plusieurs dizaines de millions d’euros de droits de rediffusion qu’il faudrait ajouter à la centaine de millions d’euros de la publicité pour connaître la réalité de cet écosystème en pleine croissance. Et pour cause : l’usage des services de replay s’intensifie puisque, en 2016 et pour la première fois, ce sont maintenant plus de la moitié des utilisateurs (54,7 %, contre 47,5 % en 2015) qui regardent « au moins une fois par semaine » des programmes en TV de rattrapage. @

Charles de Laubier

Le replay et le différé atteignent pour la première fois 10 minutes par jour sur l’audience TV totale

En 2016, la télévision de rattrapage (replay) et le visionnage en différé (time shifting) ont permis aux chaînes de télé de sauver la face. Grâce à ces deux modes de consommation délinéarisée inclus dans la mesure d’audience TV,
le petit écran compense l’érosion de son audience à l’antenne (live).

Selon nos informations obtenues auprès de Médiamétrie, le replay et le différé ont fait gagner en 2016 aux chaînes de télévision en France 10 minutes supplémentaires de durée d’écoute par individu – en moyenne chaque jour – par rapport à la durée d’écoute classique en live à l’antenne. Ce qui permet aux chaînes d’afficher pour l’an dernier un total de 3h43 par jour en moyenne de durée d’écoute par individu, soit en un an une baisse de seulement 1 minute en moyenne par jour et par individu.

Erosion du live et concurrence du Net
C’est la première fois que la télévision délinéarisée atteint la barre des 10 minutes
en moyenne par jour et par individu, contre 8 minutes en 2015. Cette consommation délinéarisée a représenté l’an dernier 4,5 % du total de l’audience TV, alors qu’elle
en représentait seulement 1,3 % il y a cinq ans (voir graphique ci-dessous). Il faut dire que depuis un an maintenant, le calcul des audiences des chaînes comprend non seulement les audiences des programmes visionnés en live (à l’antenne), mais aussi celles du différé et du replay sur un jour donné « quelle que soit la date de diffusion live initiale des programmes rattrapés ». Auparavant, depuis janvier 2011, Médiamétrie prenait en compte, en plus de l’antenne, le différé du jour même et des sept jours suivants sur les enregistrements personnels (magnétoscope numérique, DVD ou disque dur), auquel est venue s’ajouter, à partir d’octobre 2014, la télévision de rattrapage (replay ou catch up TV). Ce que Médiamétrie appelle « le délinéaire » (replay et différé) confirme la propension du public à s’affranchir de la grille des programmes imposés à heures fixes. Même ceux qui font la télévision se détourne de l’antenne… Lors des Rencontres cinématographiques de Dijon, le 22 octobre dernier, Delphine Ernotte n’a-t-elle pas avoué être de ceux qui ne regardent plus la télévision ? « Je regarde tout en rattrapage. Je suis passée de l’autre côté du miroir », avaient-elle confié (1).

Autrement dit, sans l’apport de la délinéarisation au travers de la télévision de rattrapage et du visionnage en différé (ce time shifting qui permet de regarder en
décalé les programmes enregistrés sur supports numériques), la télévision en France afficherait une chute d’audience bien plus importante. D’aucuns diront cependant que
si le rattrapage et le différé n’avaient pas existé, les téléspectateurs seraient probablement restés devant leur petit écran – dont l’audience live aurait ainsi été maintenue. Rien n’est moins sûr. La télévision perd petit à petit de son aura globale
au profit d’autres médias audiovisuels en ligne (plateformes vidéo, chaînes YouTube/Dailymotion, services de VOD, SVOD, …). C’est flagrant pour les chaînes nationales. Alors que la chaîne TF1 affichait encore 26,1 % de part d’audience (2)
en 2009, elle n’affiche plus que 20,4 % en 2016. France 2, qui était à 16,7 % en 2009,
a reculé à 13,4 % en 2016. Exception qui confirme la règle : M6 a été la seule grande chaîne à voir son audience progresser l’an dernier à 10,2 %, soit à peine en dessous
de sa part d’audience 10,8 % de 2009. Cette tendance à l’érosion de la télévision s’explique aussi par la multiplication des chaînes depuis le lancement de la TNT en novembre 2011 et de six chaînes haute définition en décembre 2012. La France métropolitaine compte à ce jour 31 chaînes nationales dont 9 chaînes nationales publiques, 18 chaînes nationales privées gratuites et 5 chaînes nationales payantes.
Ce PAF (3) comprend aussi 41 chaînes locales ou régionales. @

Charles de Laubier