Fusion CSA-Arcep : grande loi audiovisuelle en vue

En fait. Le 21 août, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a demandé à Arnaud Montebourg (Redressement productif), Aurélie Filippetti (Culture et Communication) et Fleur Pellerin (notamment Economie numérique) de « lui faire [d’ici fin novembre] des propositions de rapprochement entre le CSA et l’Arcep ».

En clair. Dix ans après la loi historique sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982, élaborée par le premier gouvernement socialiste de François Mitterrand, le premier gouvernement socialiste de François Hollande prépare une nouvelle grande loi audiovisuelle qui pourrait, à son tour, marquer son époque. Autant l’ancienne loi portée
par Georges Fillioud (1) – décédé il y a un an – a libéralisé le marché de l’audiovisuel
en abolissant le monopole d’Etat de radiodiffusion, autant la future loi du « PAF » que défendra le gouvernement Ayrault devra, cette fois, s’adapter à la convergence numérique en réformant la réglementation et la régulation, tout en préparant le terrain au financement de la création culturelle par tous les acteurs du Web. C’est dire que les conclusions de trois missions seront très attendues : la première a été confiée avant l’été à Pierre Lescure pour remplacer l’Hadopi et préparer l’« acte II de l’exception culturelle » (lire EM@58) ; la seconde est menée par le duo Pierre Collin-Nicolas Colin pour « créer les conditions d’une contribution à l’effort fiscal du secteur [du numérique] mieux répartie entre ses différents acteurs » (2) ; la dernière en date relève du trio Arnaud Montebourg-Aurélie Filippetti-Fleur Pellerin pour faire des « propositions de rapprochement entre le CSA et l’Arcep ». Alors que les propositions « Lescure » sont initialement prévues pour mars 2013, celles de la mission « Montebourg-Filippetti-Pellerin » sont demandées par le Premier ministre d’ici fin novembre 2012. « Cette réflexion s’appuiera sur les positions de l’Arcep et du CSA et sera coordonnée avec celle conduite par Pierre Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle », précise Matignon. Le calendrier s’accélère donc pour Pierre Lescure.
D’autant que l’Hadopi pourrait être absorbée dans une éventuelle fusion CSA-Arcep (3). Une chose est sûre : il y aura à l’automne un projet de loi audiovisuelle qui portera notamment sur une réforme du CSA et, partant, de l’Arcep. Rappelons que le 3 juillet dernier devant l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault avait promis – dans son discours de politique générale – une loi sur l’audiovisuel « avant la fin de l’année 2012 » (adoption prévue en janvier 2013). Quant à l’acte II de l’exception culturelle, il devrait
aussi faire l’objet d’une grande loi complémentaire au printemps 2013. @

Google prépare son bouquet TV pour l’automne

En fait. Le 6 juillet, Google France a confirmé le lancement d’ici la fin de l’année
de chaînes de télévision thématiques. Mais sans en dire plus que les informations publiées par Le Figaro, lequel parle de 13 chaînes thématiques gratuites lancées en octobre prochain avec différents producteurs.

En clair. « GooTube », pour reprendre l’appellation proposée par Edition Multimédi@
pour désigner la combinaison de la Google TV et de YouTube (1), est en marche. Google prépare le lancement en France de son boîtier de télévision connectée que Sony pourrait commercialiser dès l’automne prochain. Mais cela passe par la production de programmes inédits sur YouTube qui seront ainsi accessibles en ligne.
La filiale vidéo de Google en effet finalise un appel d’offres en France pour sélectionner des producteurs qui recevront chacun entre 500.000 et 1 million d’euros pour créer 20 heures de programmes thématiques par an. « Dans le cas où les recettes publicitaires dépassent ce minimum garanti, elles seront partagées entre l’éditeur de programmes
et YouTube. Dans les contrats en cours de négociation, YouTube imposerait cependant de dépenser la totalité des sommes allouées, ce qui réduit forcément les marges des producteurs », explique Le Figaro, qui cite Endemol, Capa, AuFeminin, Kabo ou encore Troisième Oeil parmi les producteurs retenus. Et c’est en octobre prochain que les 13 premières chaînes thématiques seront lancées. « Les producteurs n’auront pas le droit de commercialiser les programmes sur d’autres supports pendant une durée donnée. Une manière pour YouTube de remettre la notion d’exclusivité au goût du jour », indique encore le quotidien.
Google va aussi s’appuyer sur Disney, News Corp, RTL Group et Time Warner, afin
de disposer d’une offre attractive pour les chaînes thématiques de la Google TV (2).
En mai 2011, Google avait annoncé qu’il consacrerait 100 millions de dollars dans
des contenus audiovisuels originaux pour constituer un bouquet de qualité plus professionnelle sur YouTube. Outre-Atlantique, YouTube Channels propose déjà des dizaines de chaînes, dont certaines drainent plusieurs millions de téléspectateurs.
Lors de l’assemblée générale du Groupement des éditeurs de service en ligne (Geste), le 14 juin, Eric Scherer – directeur de la prospective, de la stratégie et des relations internationales de France Télévisions – s’était inquiété des ambitions télévisuelles
de YouTube : « Avec YouTube qui a pris un virage radical en lançant des chaînes thématiques, dont certaines dépassent déjà en audience des chaînes thématiques classiques aux Etats- Unis, tout le monde peut devenir producteur de télévision ». @

Satellite : les nouveaux FAI

Vous êtes déjà en 2020, Par Jean-Dominique Séval*

Pour les amateurs de Science fiction, l’espace est bien plus que le ciel au-dessus de nos têtes ou qu’un objet d’étude repoussant les limites de l’univers aux confins de la métaphysique. C’est aussi un lieu familier où des vaisseaux spatiaux imaginaires relient entre elles de lointaines planètes. Un rêve encore, même si la conquête de l’espace a encore progressé.
Le voyage spatial séduit de plus en plus de passagers, qui embarquent dans des astroports flambant neufs. L’antique station spatiale internationale, l’IIS vient de terminer sa vie au fond d’un océan, tandis qu’une nouvelle station chinoise est en cours d’assemblage. De nombreuses sondes ont continué à être envoyées dans tout le système solaire et, au-delà, pendant que les programmes d’expéditions lunaires et martiennes continuent de mobiliser les grandes agences nord-américaine, européenne, russe et asiatique.

« Les opérateurs de satellites se sont bien transformés en FAI. Mais ils s’inscrivent – pour l’instant ? – dans une logique d’offre complémentaire pour les zones mal desservies. »

Mais, parmi les très nombreuses promesses offertes par la conquête spatiale, la plus concrète reste encore celle proposée par l’utilisation intensive d’un espace restreint au modeste périmètre de l’attraction terrestre : entre 200 et 36.000 kilomètres autour de la terre. Un espace saturé aujourd’hui par plus de 3.000 satellites, opérationnels ou non.
L’odyssée du satellite artificiel a commencé dans l’imaginaire fertile d’auteurs comme Edward Everett Hale, dans sa nouvelle The Brick Moon (1869), ou Jules Verne, dans Les 500 millions de la Bégum (1879). Moins d’un siècle plus tard, la course était lancée avec le précurseur soviétique Spoutnik I (1957), aussitôt suivi par l’américain Explorer 1 (toujours en orbite depuis 1958).

Les satellites, dans leur ronde silencieuse, ont dès lors progressivement rempli des missions de plus en plus variées : observation, localisation, télédiffusion ou communication. Mais, alors qu’ils commençaient à saturer l’espace orbital disponible, tout en atteignant une certaine maturité commerciale marquée par une diversification croissante de leur gamme de services à forte valeur ajoutée, la compétition avec des services terrestres faisait rage.
La promesse théorique du satellite est pourtant sans égale : pouvoir délivrer partout sur la planète, et quel que soit le relief, des services de télévision et de communication incluant désormais l’accès haut débit à Internet. Si la plupart des pays développés ont adopté des plans nationaux très haut débit à horizon 2020, les solutions technologiques retenues furent d’abord en faveur de réseaux terrestres fixes (FTTx) associés au réseau mobile 4G (LTE), la Corée du Sud et le Japon étant pionniers en la matière.
Seuls quelques pays, dont la France et l’Australie, envisagèrent de mettre le satellite à contribution comme solution crédible pour délivrer des services très haut débit à 50 Mbits/s à partir de 2015, privilégiant l’utilisation de la bande Q/V en substitution à la bande Ka.

Dans cette bataille qui l’opposa aux technologies mobiles terrestres, le satellite ne manquait pas d’atouts technologiques et économiques.

En retard par rapport à la concurrence terrestre en 2011, les opérateurs de satellites ont rapidement renforcé leurs offres « bundlées » en intégrant des offres TV, qui étaient un de leurs points forts historiques. Eutelsat, via sa filiale Skylogic et son satellite européen multifaisceaux Ka- Sat, développa une offre multiplay disponible (Tooway) et du haut débit à des tarifs comparables à ceux des accès ADSL ou fibre optique. Au final, les opérateurs satellite se sont bien transformés en FAI. Mais leur part de marché est encore limitée et ils s’inscrivent – pour l’instant ? – dans une logique d’offre complémentaire pour des habitants de zones mal desservies.
Le nombre d’abonnés haut débit par satellite sur l’Europe et l’Afrique du Nord est quand même, en 2020, de plus de 1 million (contre moins de 150.000 dix ans plus tôt). En regardant la place limitée qu’occupe aujourd’hui le satellite et en s’interrogeant sur la pertinence des choix techniques et économiques retenus, me prend l’envie de convoquer les mânes de William S. Burroughs qui déclarait : « Après un regard sur cette planète, n’importe quel visiteur de l’espace demanderait : ‘’je veux parler au directeur’’». @

* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut publie chaque année son étude « Très haut débit par satellite », par Maxime Baudry.
Prochaine chronique « 2020 » : Câble : la révolte des cord-cutters

Le rapport « TV Connectée » de 2011 sera-t-il suivi d’une réforme du PAF en 2012 ?

Publié le 5 décembre, le rapport de la mission sur la télévision connectée (1) appelle
de ses voeux une réaction rapide des pouvoirs publics afin de préparer au mieux
la France aux conséquences de la révolution audiovisuelle annoncée.
La télécommande est dans les mains du gouvernement…

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

A l’horizon 2015, 100 % des foyers français seront équipés de téléviseurs connectés (2) permettant potentiellement de surfer, via le petit écran, sur l’ensemble du réseau Internet. Ce que le ministre de la Culture et de la Communication a annoncé comme un « tsunami » (3) promet de modifier nos habitudes de consommation. L’arrivée dans la chaîne des contenus des nouveaux acteurs – que sont les fournisseurs d’accès Internet (FAI), les agrégateurs de contenus et les fabricants de téléviseurs – devrait de plus engendrer des bouleversements profonds dans l’économie de l’audiovisuel.

Repenser l’arsenal juridique
Cette révolution induite par le progrès technologique inquiète les acteurs traditionnels du secteur audiovisuel à plus d’un titre et invite à repenser en profondeur l’arsenal juridique qui régit l’économie des contenus. Le rapport de la mission sur la télévision connectée propose en 13 points des axes de réforme pour tenter de résoudre l’équation suivante : comment adapter le marché français à l’ère de la télévision connectée, sauvegarder la compétitivité économique des différents acteurs de la filière et conserver un système viable de soutien à la création, le tout sans perdre de vue la protection du public et du consommateur ?

• Refonte de la régulation. Le PAF (4) a déjà connu de substantielles évolutions :
le passage de la télévision noir et blanc à la couleur, la lente émergence de chaînes thématiques câblées, rapidement démultipliées par l’offre satellitaire moins régulée, …
Ces étapes demeuraient propres au secteur de l’audiovisuel. Les offres triple et quadruple play ont lié plus étroitement les offres télécoms, Internet et audiovisuelles, mais ce lien demeurait pour l’essentiel un « bundle », une offre de distribution groupée de services
qui demeuraient chacun l’objet d’une régulation sectorielle. Certes, plus récemment, les smartphones et les tablettes ont popularisé la consommation de contenus vidéo en ligne. Mais la télévision connectée représente à cet égard un bouleversement d’une autre
nature : cette fois-ci la fusion de l’offre audiovisuelle et de l’offre en ligne est réelle, matérialisée par l’utilisation du même équipement et d’un mode de consommation identique. Le « téléspectateur » surfe sur Internet en utilisant sa télécommande ; l’internaute regarde la télévision d’un clic.
A la fusion des modes de consommation va répondre une nouvelle étape dans la convergence des acteurs. Celle-ci, initiée il y a plus de dix ans (fusion Vivendi- Seagram), se poursuit par touches (« Orange + »), tout en montrant les difficultés liées à des métiers qui demeurent très distincts (contenant/contenu). Les Google, Apple ou Netflix développent leurs offres audiovisuelles ; l’arrivée des opérateurs mondiaux sur le marché français du contenu audiovisuel lève à nouveau le spectre du bouleversement audiovisuel et de la fin de la sacro sainte exception culturelle française. En particulier, les diffuseurs de services audiovisuels soumis à licence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
et à une réglementation contraignante – en particulier en matière fiscale et parafiscale – s’inquiètent de la concurrence déloyale que pourraient exercer de nouveaux entrants non soumis aux contraintes de la réglementation nationale. C’est aussi la filière de la création audiovisuelle et cinématographique française, largement financée par les diffuseurs, qui pourrait s’en trouver affectée.
Sans remettre en cause les principes de la loi du 30 Septembre 1986 relative à la liberté de communication, la mission « TV connectée » propose donc d’alléger drastiquement certaines obligations qui lui paraissent désormais dénuées de légitimité.

Obligations obsolètes à supprimer
La mission suggère par exemple d’alléger les règles sur la programmation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à la télévision (5), en supprimant : les interdictions certains soirs de la semaine, les quotas d’œuvres cinématographiques, et même les quotas d’œuvres européennes et d’expression originale française, ces règles n’ayant selon les auteurs « plus de justification dans un univers où le téléspectateur peut choisir
le programme qu’il souhaite regarder parmi une palette de services qui inclut des services de médias audiovisuels délinéarisés » (6). Le rapport appelle aussi à homogénéiser les règles concernant les messages publicitaires pour l’ensemble des écrans (7). Enfin, à défaut d’apporter des réponses luimême, le rapport invite le CSA à mener une mission d’analyse et de recommandations sur le thème de la protection des publics et des consommateurs.

Chevauchement CSA-Arcep : fusion ?
Le chevauchement probable entre les compétences du CSA et celles de l’Arcep est à nouveau abordé, le sujet de la télévision connectée offrant une nouvelle opportunité aux tenants de la fusion de ces deux autorités de faire valoir leurs arguments. A tout le moins, le rapport recommande une rapide clarification des compétences de chacune des autorités en matière de télévision connectée, le nombre de différends à traiter pouvant s’avérer croissant. Les rapporteurs ne semblent pas oser trancher une question aussi politiquement sensible et se limitent à rappeler deux options : soit confier à l’Arcep l’ensemble des compétences de régulation de l’économie des réseaux en ligne, soit maintenir l’autorité de ces deux entités, en les fusionnant purement et simplement, ou
en délimitant plus clairement leurs domaines de compétences.

• Compétivité. Plusieurs propositions visent à permettre aux entreprises françaises d’avoir la taille et les ressources nécessaires pour renforcer leur compétitivité face à la concurrence d’acteurs internationaux sur un marché désormais plus ouvert. La mission suggère de rapprocher les règles anti-concentration applicables à l’audiovisuel de celles en vigueur dans la presse, en donnant davantage d’importance aux parts d’audience et
de marché réalisées sur les différents supports de diffusion, qu’au nombre de chaînes contrôlées sur le réseau hertzien comme c’est le cas actuellement.
Le rapport envisage également des voies permettant de développer des offres légales plus attractives pour contrer l’impact des offres illégales et des offres légales
« déterritorialisées » qui font concurrence aux fournisseurs de contenus français.
Il propose d’adapter la chronologie des médias aux usages internationaux en raccourcissant le délai de la fenêtre de vidéo à la demande (VOD) par abonnement (elle est actuellement de 36 mois, alors qu’elle n’est que de 4 mois pour la VOD à l’acte).
Et en contrepartie des obligations de coproduction auxquelles les chaînes établies en France sont soumises,
il est préconisé que le diffuseur diffuseur se voit accorder l’ensemble des droits sur les contenus qu’il co-produit, notamment les droits de VOD.

• Interopérabilité. Les fournisseurs locaux de contenus sont tentés de s’allier à des fabricants de téléviseurs en passant des accords d’exclusivité (8). Ceux-ci risquent à terme, si les normes adoptées ne sont pas compatibles entre elles, de créer un marché éclaté dans lequel le consommateur n’aura pas accès à une offre suffisamment riche.
La logique de l’exclusivité peut en outre conduire à une dangereuse remise en question
de la neutralité du Net (9). Le rapport met donc en garde contre ces risques et propose
de travailler à une normalisation, visant à l’interopérabilité des équipements, basée sur
des standards ouverts.

• Soutien à la création. La France se distingue par son système de soutien à la création, qui soumet notamment les éditeurs et diffuseurs de services audiovisuels à des obligations de financement de la production et de diffusion des contenus. Par ailleurs,
« la télévision connectée est une bombe à fragmentation de l’audience » (10), laquelle, selon les rapporteurs, entraînera inéluctablement une baisse des revenus publicitaires des chaînes qui actuellement alimentent le système de soutien à la création. Ce dernier risque donc à terme d’être sous-alimenté si ses règles ne sont pas repensées. Le rapport préconise le maintien du Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (Cosip), mais propose – pour sécuriser les ressources de ce dernier – d’impliquer les acteurs d’Internet. Il est notamment proposé que les FAI collectent pour le Cosip une contribution perçue sur les échanges générés par les services en ligne, ce qui permettrait d’assujettir indirectement l’ensemble des acteurs de la télévision connectée – y compris ceux qui ont déterritorialisé leurs activités et leurs revenus. Enfin, le rapport préconise
une TVA réduite sur les œuvres numériques pour rétablir l’équité concurrentielle avec
les opérateurs extra-territoriaux. Actuellement, la TVA appliquée aux transactions électroniques (par exemple à la VOD) est de 19,6 % en France, alors que certains de nos voisins européens (notamment l’Irlande) parviennent (grâce à un mode de calcul affiné de la TVA) à proposer des taux inférieurs (11).

Un rapport pertinent, et après ?
Au total, ce nouveau rapport d’analyse pertinent et précis revisite, à l’occasion du développement de la télévision connectée, des problématiques connues de longue date
et présente des solutions déjà envisagées. Il ne reste qu’à espérer qu’il sera cette fois-ci suivi d’effet. @

Nouvelles chaînes de TNT et TV connectée : l’année 2012 va chambouler le PAF

Si le paysage audiovisuel français (PAF) a déjà été agité par l’abrogation des chaînes « bonus », l’année prochaine le sera encore plus avec l’arrivée de six nouvelles chaînes gratuites sur la TNT, connues au printemps, et la montée en puissance de la télévision connectée.

Par Christophe Clarenc (photo), associé, et Elsa Pinon, collaboratrice, August & Debouzy

Dans le cadre de la disparition de la télévision analogique au profit du basculement définitif vers la Télévision numérique terrestre (TNT) finalisé le 30 novembre dernier, six canaux avaient été promis aux chaînes historiques (TF1, M6 et Canal+) pour compenser la possible baisse d’audience due à l’arrivée de chaînes concurrentes (1). En 2008, les groupes NRJ, NextRadioTV, Bolloré et AB ont contesté devant la Commission européenne la validité de ces attributions.

Finis les « bonus », place à six nouvelles chaînes
Dans un avis motivé envoyé à la France le 29 septembre 2011, la Commission européenne a porté un coup d’arrêt définitif à l’attribution de ces chaînes « bonus », jugeant le dispositif français contraire au droit de l’Union et aux principes de transparence et de non-discrimination en ce qu’il « pénalise les opérateurs concurrents et prive les téléspectateurs d’une offre plus attractive » (2). Afin d’éviter l’ouverture d’une phase contentieuse à l’encontre de la France susceptible d’aboutir à une amende, le gouvernement a transmis début novembre au Conseil d’Etat et au Conseil supérieur
de l’audiovisuel (CSA) un avant-projet de loi visant à abroger le dispositif législatif qui prévoyait l’octroi de chaînes « bonus ». Conséquence de l’abandon de ces chaînes et
du maintien dans l’immédiat de la norme de diffusion actuelle de la TNT, le DVB-T (voir encadré), le gouvernement a demandé au CSA de procéder à l’attribution non-discriminatoire des six nouvelles chaînes de TNT haute définition (HD) et gratuites, faisant ainsi passer leur nombre de 19 à 25. Le CSA a donc lancé, le 18 octobre dernier, un appel à candidatures. Les résultats devraient être connus au printemps prochain, précisément
« avant fin mai » (3). Des chaînes telles que L’Equipe TV, IDF1 ou encore Allociné, déjà disponibles sur la TNT payante ou sur IPTV, ont fait connaître leur intention d’entrer sur la TNT gratuite. NRJ et NextRadioTV, qui disposent déjà chacun d’une fréquence de TNT gratuite, souhaiteraient également enrichir leur offre puisqu’ils auraient respectivement déposé trois et deux projets de chaînes. Enfin, les chaînes historiques projettent toujours de bénéficier de chaînes additionnelles et ont, dans cette perspective, déposé leur candidature avec une chaîne pour TF1, deux pour M6 et sans doute une pour Canal+.
Ce projet de Canal+ ne manque d’ailleurs pas de préoccuper les acteurs de la TNT gratuite dans la mesure où son aboutissement viendrait renforcer sur la télévision gratuite la présence de l’acteur reconnu comme dominant dans la télévision payante (Canal+ a d’ores et déjà annoncé le rachat des chaînes Direct 8 et Direct Star du groupe Bolloré).
Le lancement des premiers programmes de ces nouvelles chaînes gratuites à l’automne 2012 suscite également des doutes sérieux sur l’avenir de la TNT payante. De nombreux acteurs se sont ainsi inquiétés de l’abondance de chaînes de TNT gratuites qui pourrait entraîner une diminution de l’attractivité – déjà faible –, et une dévalorisation des dix offres de télévision payante qui éprouvent de grandes difficultés à atteindre l’équilibre économique. AB1 et Canal J ont ainsi renoncé à leur autorisation de diffusion sur la TNT payante. En outre, Paris Première, chaîne du groupe M6 et LCI du groupe TF1, ont proposé leur candidature pour passer en clair. Cette solution pourrait être adoptée par l’ensemble des chaînes de TNT payantes face à la montée du gratuit. Ce qui posera
alors la question de l’utilisation future de ces fréquences de TNT.

Les FAI au secours de la TNT payante ?
Le salut pour les chaînes de TNT payante pourrait alors venir d’un élargissement de leur mode de diffusion. Si elles ne sont pas liées par une exclusivité CanalSat, elles pourraient compléter leur diffusion sur la TNT payante par une distribution en mode IPTV via les
« box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), tels que Orange, SFR, Free et Darty, en escomptant sur le fait que cet élargissement de la diffusion s’accompagnerait d’une augmentation de leurs revenus. Les chaînes TNT payantes, mais également les chaînes TNT gratuites, seront par ailleurs confrontées dès le début de l’année prochaine à un autre défi. L’arrivée prévue en Europe en 2012 de Netflix, Apple et Google en tant qu’opérateurs de télévision connectée bouleversera, à n’en pas douter, encore un peu plus le paysage audiovisuel français (PAF). Pour son arrivée sur le marché, Google a ainsi choisi de s’appuyer sur sa filiale YouTube ainsi que sur Disney, News Corp, RTL Group et Time Warner (négociations en cours) afin de disposer d’une offre particulièrement attractive
sur des chaînes thématiques qui seront proposées exclusivement via la Google TV.

La menace de la TV connectée
La montée en débit progressive des réseaux, grâce au déploiement de la fibre optique,
et l’absence de régulation du nouveau secteur de la télévision connectée – contrairement à celui de l’audiovisuel – devraient vraisemblablement mener progressivement à la généralisation de cette dernière. La TV connectée est en effet déjà présente dans près de 50 % des foyers français, soit directement par le biais des téléviseurs, soit indirectement par les box Internet, les ordinateurs ou encore les consoles de jeux Xbox, Playstation et autres. S’il s’agit pour l’essentiel de téléviseurs « connectables », car la connexion indirecte à Internet ne donne pas encore aujourd’hui accès à des services de l’Internet ouvert, nombre d’entre eux devraient incessamment se transformer en téléviseurs connectés de façon effective si les FAI ouvrent leurs box à des services issus de l’Internet. De même, les téléviseurs actuellement vendus deviennent par défaut des téléviseurs connectables (4).
Certains acteurs estiment ainsi que, face à ce développement rapide, la TNT pourrait bientôt ne représenter que 50 % de la consommation de contenus. Afin de prévenir une telle diminution, l’ensemble des chaînes TNT (5) ont signé fin 2010 une charte de la télévision connectée afin de protéger les modalités d’affichage de leurs contenus et services en ligne sur les nouveaux téléviseurs connectés, ainsi que sur les autres matériels vidéo connectés. S’ils sont ouverts à des accords ponctuels avec YouTube,
les opérateurs refusent un accord global qui donnerait accès à l’ensemble de leurs programmes et s’opposent ainsi à « toute démarche visant à tirer profit de leurs programmes ou de leur audience (et notamment des données d’usages) en redirigeant les téléspectateurs vers d’autres contenus et services sans accord préalable de la chaîne concernée » (6). Cette charte n’est, pour l’instant, qu’une note d’intention et n’a aucune portée juridique, mais « elle est déjà l’affirmation d’une volonté forte, et [le président du CSA] souhaite (…) donner encore plus d’ampleur et plus de force à cet acte [, quitte à] un jour aller devant le parlement » (7). Or si ce document était considéré comme ayant pour objet ou pour effet d’exclure les concurrents des signataires de la charte, il serait

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Pourquoi l’adoption de la norme DVB-T2 a été repoussée à 2015
Le gouvernement s’est prononcé en octobre dernier sur le passage à la norme DVB-T2, la 2e génération de la TNT, modernisation technologique qui permet la généralisation de la haute définition (HD). L’adoption rapide de cette nouvelle norme de diffusion avait été envisagée en début d’année, puis préconisée par Michel Boyon, le président du CSA, dans son rapport sur l’avenir de la TNT d’août 2011. Cependant, il a finalement été constaté que l’adoption immédiate de la norme DVB-T2 était prématurée puisque pratiquement aucun téléviseur actuel n’est équipé de tuner DVB-T2. Ainsi, le passage au DVB-T2 aurait certes permis de proposer huit nouvelles chaînes HD au lieu de six avec la norme DVB-T, mais les aurait rendues sans intérêt dans la mesure où les foyers français, à peine équipés de dispositifs TNT, auraient à nouveau dû en changer pour pouvoir capter les nouvelles chaînes. Le passage à la norme DVB-T2 a donc finalement été repoussé à fin 2015-début 2016, ce qui permettra aux téléspectateurs de « bénéficier d’un enrichissement de l’offre audiovisuelle sans nécessité de se ré-équiper » (1).. @