Copie privée : les micro-ordinateurs vont-ils être taxés avant ou après l’élection présidentielle ?

Le conseiller d’Etat Thomas Andrieu, nommé en novembre 2021 président de la commission « pour la rémunération de la copie privée », débute son mandat avec un dossier très sensible politiquement : taxer les ordinateurs portables et de bureau pour les enregistrements d’œuvres qui y sont faits.

Avoir le droit d’enregistrer sur le disque dur interne d’un micro-ordinateur des copies numériques d’œuvres multimédias – que cela soit de la musique, des films, des jeux vidéo, des livres numériques ou encore des images – fera-t-il l’objet en 2022 d’une taxe lors de l’achat d’un nouvel équipement (PC portable, PC de bureau ou disque dur interne vendu séparément) ? Cette année devrait être décisive, puisque la commission « pour la rémunération de la copie privée » – rattachée au ministère de la Culture (1) – est censée analyser les résultats inédits d’une étude d’usage que l’institut de sondage CSA a finalisée et remise en octobre 2021.

Dossier sensible pour Thomas Andrieu
Le problème est que cette commission « copie privée » a beau avoir un nouveau président depuis le 6 novembre dernier (2), en la personne de Thomas Andrieu (photo), conseiller d’Etat, elle ne peut reprendre ses travaux tant que ses autres membres ne sont pas nommés eux aussi. « Nous réunirons la commission une fois que l’arrêté de sa nouvelle composition – pas encore signé à ma connaissance [au 27 janvier, ndlr] – sera publié au Journal Officiel », indiquait il à Edition Multimédi@. Les mandats sont d’une durée de trois ans : celui du précédent président, Jean Musitelli, s’est achevé fin septembre, tandis que ceux des vingt-quatre membres (représentant les fabricants et importateurs de supports, les consommateurs et ayants droit) se sont arrêtés fin novembre (3). « Cette désignation relève de la compétence des ministères en charge de la Culture, de l’Economie et de la Consommation. Elle est indispensable pour que la commission [copie privée] puisse poursuivre ses travaux, et notamment procéder à l’analyse des résultats des études d’usages des pratiques de copie privée sur les microordinateurs », s’est impatientée la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), le 18 janvier à l’occasion de son bilan annuel (4). Elle est membre de Copie France, l’unique organisme français mandaté pour collecter la redevance pour la copie privée (5) et occupant pas moins de dix sièges au sein de la commission « copie privé ». Celle-ci fixe les barèmes des taxes sur les appareils high-tech dotés d’un support de stockage numérique (smartphones, tablettes, disques de sauvegarde externe, clés USB, box, etc.). Cette « redevance pour rémunération de la copie privée », présentée comme une contrepartie au droit des utilisateurs d’enregistrer des œuvres et de les partager dans un cercle restreint (entendez « familial »), s’applique au nouveaux appareils vendus (montant pouvant atteindre plusieurs dizaines d’euros en fonction de la capacité de stockage). Prochains sur la liste : les micro-ordinateurs. Cela fait près de trois ans que la commission « copie privée » prépare le terrain à cette taxation des ordinateurs personnels (portables ou fixes) et des disques durs internes vendus « nus » : c’est-à-dire pouvant être installés à l’intérieur d’un PC, d’un Mac, d’une box ou d’un boîtier NAS (6).
Mais, fraîchement nommé par Roselyne Bachelot (ministre de la Culture) et Bruno Le Maire (ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance), Thomas Andrieu (45 ans) se retrouve avec ce dossier sensible politiquement. Car, contrairement à l’Allemagne, à l’Italie et aux Pays-Bas qui assujettissent depuis quelques années les micro-ordinateurs de leurs compatriotes, la France, elle, n’a encore jamais franchi le pas. Aucun des gouvernements français qui se sont succédés ne se sont risqués à étendre cette redevance « copie privée » aux ordinateurs des Français. Non seulement cela serait malvenu au moment où l’on incite les foyers à s’équiper d’un ordinateur personnel – voire familial – pour faire les démarches administratives en ligne, télétravailler en période de crise sanitaire ou encore permettre aux enfants de suivre l’école en distanciel. De plus, alors que l’élection présidentielle est programmée pour les 10 et 24 avril prochains et que les législatives suivront les 12 juin et 19 juin, une telle taxe ne serait pas vraiment perçue comme populaire auprès de l’électorat… Pas sûr non plus que l’actuel chef d’Etat Emmanuel Macron – donné partant pour un second mandat et ancien ministre de l’Economie, de l’Industrie et… du Numérique (2014-2016) – donne son aval à une mesure qui grèverait le pouvoir d’achat des Français. Sans parler de la lutte contre la fracture numérique…

« Préjudice » pour les ayants droit ?
Une fois les vingt-quatre membres de la la commission « copie privée » désignés, Thomas Andrieu fixera une séance plénière pour tirer les conclusions des résultats de l’étude d’usage CSA (achevée depuis six mois). Selon NextInpact, 1.017 possesseurs de ces appareils ont été interrogés et, sans surprise, la copie d’œuvres sur ces supports est avérée (7). Pour les ayants droit, il y a donc « préjudice ». L’arbitre sera sans doute à l’Elysée. @

Charles de Laubier

L’intelligence artificielle s’immisce dans l’industrie du livre, assise sur un tas d’or : ses données

La 22e édition des Assises du livre numérique, organisées le 6 décembre par le Syndicat national de l’édition (SNE), a pour thème « l’application de l’intelligence artificielle (IA) dans l’édition de livres ». Avec comme « invité inaugural » : Tom Lebrun, co-auteur en 2020 d’un livre blanc sur l’IA.

Ce n’est pas la première fois que les Assises du livre numérique (1) traitent de la question de l’intelligence artificielle (IA) dans l’industrie du livre. Déjà en 2017, lors de l’édition de 2017, une table-ronde avait été consacrés à ce sujet et avait fait l’objet d’une synthèse (2). Celle-ci relevait plus d’un défrichage de la part de la commission numérique que préside depuis plus de sept ans Virginie Clayssen (photo) au sein du Syndicat national de l’édition (SNE), elle-même étant par ailleurs directrice du patrimoine et de la numérisation chez Editis (groupe Vivendi).

Apprivoiser les data de l’IA
Quatre ans après cette table-ronde, le SNE muscle son approche de l’IA en lui consacrant pour la première fois – le 6 décembre pour cette 22e édition et « uniquement en distanciel » – la totalité du programme de ses Assises du livre numérique. « Comment l’intelligence artificielle peut-elle intervenir dans les différentes étapes de la chaîne du livre, de la traduction à la diffusion en passant par la fabrication ? », s’interrogent l’industrie du livre. Un invité inaugural de cette journée doit répondre à la question plus sensible : « Comment l’intelligence artificielle peut-elle transformer le monde de l’édition ? ». Cet intervenant est Tom Lebrun (photo page suivante), juriste et doctorant à l’université Laval (UL), au Québec (Canada), spécialiste en droit et intelligence artificielle, ainsi que co-auteur avec René Audet du livre blanc « L’intelligence artificielle dans le monde de l’édition » publié en septembre 2020 sous licence libre creative commons (3). Tom Lebrun est spécialisé en droit du numérique et en droit d’auteur. Ses travaux de recherche portent actuellement sur la question de « la génération de textes par intelligence artificielle ». Il publie régulièrement sur les questions de droit d’auteur, de culture numérique et de rapport entre droit et IA. Ses recherches sont financées par un fonds québécois (4). « L’intelligence artificielle fait l’objet de fantasmes et de craintes souvent irraisonnées. Elle trouve à s’insérer dans toutes les sphères de notre société : consommation, médecine, industrie, vie quotidienne, … Pourtant, encore peu de travaux ont été consacrés à sa mobilisation par les différents acteurs de l’écosystème du livre. Ce manque est d’autant plus critique que les grands acteurs du numérique – Amazon en tête – s’engouffrent très largement dans cette voie depuis un certain nombre d’années », font justement remarquer Tom Lebrun et René Audet dans l’introduction de leur livre blanc d’une trentaine de pages et mis en ligne gratuitement (5). Contacté par Edition Multimédi@, Tom Lebrun indique que depuis sa parution il y a un an, « les différences sont mineures et strictement quantitatives ». Et aujourd’hui, « les systèmes sont simplement plus performants et plus convaincants ». Les deux auteurs relèvent que le monde de l’édition – habitué jusqu’alors à la « rétroaction entre ses différents acteurs (le libraire informant le diffuseur, ce dernier informant l’éditeur, etc.) » – évolue désormais dans « un contexte de pressurisation économique croissante provoquée par la mainmise de quelques acteurs de la vente en ligne, particulièrement Amazon ». Aussi, la raison d’être de ce livre blanc est d’esquisser pour l’écosystème du livre « une possible piste à suivre », à savoir « l’idée d’une concertation de certains de ses acteurs sur l’utilisation d’IA (voire l’éventuelle mise en commun des données collectées) ». Dans leur conclusion, les deux auteurs québécois appellent toute la filière du livre (maisons d’édition, distributeurs, librairies, plateformes, …) à investir dans les technologies IA si elle n’a pas déjà commencé à le faire car « face à cette concurrence [des acteurs comme Amazon], chacun des acteurs de la chaîne du livre doit se demander comment faire face à ce mouvement de fond, qui s’apprête à modifier en profondeur de nombreux métiers du livre ». Le mieux pour l’introduction d’IA dans les différents maillons de la chaîne est, d’après eux, d’exploiter les différentes « données déjà disponibles et que ne possède pas la concurrence, quitte à nouer des accords asymétriques entre les différents acteurs intéressés pour y accéder ».

La chaîne du livre impactée
D’autant que ces données existent – statistiques centralisées des distributeurs, données des éditeurs ou encore celles collectées par les bibliothèques et les libraires – et sont des actifs précieux que tous les acteurs du milieu du livre possèdent, en particulier dans les bibliothèques, car « diversifier ses ressources en données peut constituer une stratégie payante ». Ces data constituent en tant que telles des ressources stratégiques considérables. Cela suppose que les maisons d’édition et l’ensemble des acteurs qui gravitent autour d’elles se mettent à « récolter » de façon optimale la data du livre, y compris les données qui ne sont pas « moissonnées » car, rappellent les auteurs du livre blanc de l’Université Laval, « le fonctionnement des applications d’IA [est] lié au volume et à la qualité des données disponibles ». Le succès des solutions d’IA dépendra surtout de la compatibilité des données entre elles. Pour ce faire, les auteurs recommandent d’« établir un protocole de normalisation des données en accord avec tous les acteurs concernés est un préalable nécessaire, sur lequel les pouvoirs publics ont un rôle à jouer ».

L’IA se met à écrire livres et articles !
Encore faut-il « catégoriser et étiqueter les données en fonction des objectifs visés », sans quoi, préviennent-ils, « les données collectées sont à peu près inutiles sans cette étape fondamentale de préparation des données ». Cela passe aussi par des chantiers communs entre des acteurs de la filière du livre, y compris avec des plateformes numériques, ainsi que par la mobilisation d’institutions et d’acteurs gouvernementaux pour contribuer au financement du développement de prototypes ou d’éléments logiciels partagés.« La mise en commun de données appelle une concertation, notamment dans le développement de ressources logicielles (aussi rendu possible par la création d’un cadre réglementaire favorable) », est-il souligné. Mais qui dit data dit cyberattaque : la cybersécurité des données « livrées » va devenir primordiale pour l’industrie du livre jusqu’alors épargnée par sa matière première historique qu’est le papier. La dématérialisation des ouvrages en tout genre fait basculer les maisons d’édition, parfois centenaires, dans le nuage informatique et ses fléaux.
Même si le livre blanc n’aborde pas le sujet du nuage informatique liés à l’IA, le cloud va pourtant permettre à l’industrie du livre de créer elle aussi des « lacs de données », des « Data Lake », à savoir le stockage des données dans leurs formats originaux ou peu modifiés, et à partir duquel leur analyse et leur valorisation peuvent s’opérer sous plusieurs formes révolutionnaires pour l’édition : data mining, text and data mining, marchine learning, business intelligence, cognitive search, master data management, etc. Encore fautil que l’industrie du livre sache ce qu’elle veut faire de cet « or noir du XXIe siècle » : des algorithmes de recommandation de livres ? de la traduction automatique d’ouvrage pour l’international (comme avec DeepL, l’IA utilisée par l’éditeur scientifique Springer) ? de l’animation de robots conversationnels (chatbots) pour interagir avec les lecteurs à la place de l’auteur et/ou de l’éditeur ? des réseaux de neurones artificiels afin par exemple de connaître les lecteurs d’un livre ? de la fouille intelligente de textes numérisés ? ou encore de la génération de romans ou d’essais à l’aide d’une IA créative ? Sur cette dernière possibilité, le juriste Tom Lebrun travaille justement en ce moment sur la question de la génération de textes par intelligence artificielle. « Au-delà du fantasme, beaucoup d’outils actuels permettent déjà d’écrire », écrit-il dans le livre blanc. La maîtrise du langage naturel – « et donc de l’écriture » – ne relève plus de la science-fiction. Et le livre blanc de mentionner la société OpenAI qui, cofondée par le milliardaire sud-africano-canadoaméricain Elon Musk il y a six ans, a développé en 2019 une IA nommée « GPT-2 » – devenue le 18 novembre dernier « GPT-3 » (6) – et capable de générer des textes de fiction ou de journalisme. Si la bêta 2 donnait des résultats « à peu près crédibles pour une lecture rapide et superficielle », la bêta 3 devrait avoir appris de ses erreurs. Et du livre à la presse, il n’y a qu’un pas : « L’écriture générée par IA est également utilisée dans le journalisme. Environ un tiers des dépêches publiées par [l’agence de presse] Bloomberg est ainsi générée par des machines », affirment les auteurs. Tom Lebrun signale à EM@ un modèle de génération de texte francophone développé par la société suisse Coteries et appelé Cedille, en version bêta (7). Le livre blanc aurait pu évoquer Dreamwriter, un algorithme conçu par le chinois Tencent, qui avait même écrit un article financier reproduit ensuite sans autorisation par un tiers. Un tribunal de Shenzhen en Chine avait reconnu fin 2019 et pour la première fois que Dreamwriter pouvait bénéficier de la protection du droit d’auteur (8). « L’IA pourrait conduire à développer des assistants créatifs personnifiés, de façon à aider à écrire ou même de dessiner “à la manière” d’un auteur, par exemple », estiment Tom Lebrun et René Audet. Tout au long de la vie d’un livre, de son écriture à sa lecture en passant par son édition, l’intelligence artificielle est amenée à y mettre son grain de sel, voire plus si affinités. Dans son roman « Exemplaire de démonstration » (Fayard, 2002), son auteur Philippe Vasset imaginait Scriptgenerator, un logiciel rédacteur de best-sellers, personnalisable par l’éditeur en fonction d’un public lecteur cible (9).

Encore beaucoup de progrès à faire
« Le risque d’une écriture entièrement algorithmisée existe bel et bien, mais pas exactement de la manière dont on l’imagine. Les auteurs de nouvelles strictement informatives, de récits tenant du divertissement, ont peutêtre effectivement du souci à se faire », ont déjà prévenu Tom Lebrun et René Audet dans une interview accordée en octobre 2020 à la Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH). Mais d’ajouter : « A l’inverse, celles et ceux qui pratiquent du journalisme d’investigation, celles et ceux qui travaillent à un art littéraire (…), en bref, toutes celles et ceux qui proposent un rapport critique et construit au texte, celles et ceux-là entrent dans une catégorie de production textuelle que la machine a encore du mal à investir » (10). Ouf ! @

Charles de Laubier

Lignes directrices de l’article 17 : ménager chèvre (droit d’auteur) et chou (liberté d’expression)

La lutte contre le piratage sur Internet en Europe prend un tournant décisif avec la transposition – censée l’être depuis le 7 juin dernier par les Etats membres – de la directive « Droit d’auteur et droits voisins ». Mais les orientations de son article 17 déplaisent aux industries culturelles.

Par Véronique Dahan, avocate associée, Joffe & Associés

Le 4 juin dernier, la Commission européenne a publié des lignes directrices (1) sur l’application de l’article 17 controversé de la directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché numérique » (2). Pour l’exécutif européen « l’objectif des lignes directrices [sur l’article 17 de cette directive censée avoir été transposée depuis le 7 juin 2021 au plus tard] est de parvenir à une transposition correcte et cohérente de cet article dans les Etats membres, en portant attention à la nécessité d’équilibrer les droits fondamentaux et le recours aux exceptions et limitations [au droit d’auteur] » (3).

Œuvres protégées et liberté de création
Ces « orientations » sur l’article 17 étaient très attendues, même si de nombreux Etats membres ont d’ores et déjà transposé la directive « Copyright » en question dans leur droit national, ou sont en phase finale de transposition. La rédaction de ces lignes directrices a provoqué des craintes de la part des titulaires de droits qui redoutaient que la Commission européenne recommande aux Etats membres de restreindre l’application et les effets de l’article 17. Rappelons que l’intention du législateur est d’assurer un niveau élevé de protection aux titulaires de droits d’auteur en Europe. Aussi, toute recommandation qui viserait à restreindre la portée de la directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché numérique » serait contraire à l’intention du législateur. Et ce, d’autant qu’une protection élevée des droits d’auteur est essentielle non seulement pour la création mais aussi pour son financement – tout en maintenant l’équilibre entre les intérêts des auteurs (propriété intellectuelle sur leurs œuvres) et ceux des utilisateurs (liberté d’expression et de création).
Seule une transposition uniforme dans tous les pays européens permettra une application efficace de cette directive « Copyright ». Son article 17 propose un nouveau régime juridique de responsabilité pour les plateformes de partage de contenus en ligne, lesquelles mettent à disposition, à des fins lucratives, une quantité importante de contenus protégés que leurs utilisateurs ont souvent directement mis en ligne. Ce texte législatif, qui a suscité de nombreux débats, répond à l’un des objectifs que s’était fixée la Commission européenne, à savoir : améliorer le fonctionnement du marché de la diffusion en ligne des biens culturels protégés, en mettant en place un système d’autorisation et de responsabilité des plateformes de services de partage de contenus en ligne. L’article 17 de la directive, intitulé justement « Utilisation de contenus protégés par des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne », pose un régime de responsabilité hybride qui conduit les plateformes à répondre à deux types d’obligations : fournir leurs meilleurs efforts pour obtenir les autorisations nécessaires auprès des titulaires de droits et assurer une rémunération appropriée au profit de ces derniers ; fournir également leurs meilleurs efforts afin de garantir l’indisponibilité des contenus non autorisés par les titulaires de droits.
Ainsi, cet article 17 est inédit en ce qu’il impose désormais aux services de partage de contenus en ligne d’obtenir les autorisations des ayants droit pour diffuser leurs œuvres, et de les rémunérer en conséquence. Sans accord préalable, ces plateformes numériques devront faire état de l’indisponibilité des œuvres non-autorisées. Les lignes directrices de la Commission européenne font suite aux dialogues mis en place entre les fournisseurs de services de partages de contenus en ligne et les titulaires de droits, afin d’examiner les meilleures pratiques pour une coopération. L’objectif principal étant d’apporter une aide aux Etats membres dans le cadre de la transposition de cette directive. Ces « orientations » – terme employé dans la traduction en français de ce guidance, plutôt que « lignes directrice » qui n’apparaît pas dans le texte – apportent, tout d’abord, des précisions quant au champ d’application de l’article 17.

Le streaming illicite dans le collimateur
Le « fournisseur de services de partage de contenus en ligne » concerné par la directive « Copyright » est défini par celle-ci (4) comme étant « le fournisseur d’un service de la société de l’information dont l’objectif principal […] est de stocker et de donner au public l’accès à une quantité importante d’œuvres protégées par le droit d’auteur ou d’autres objets protégés qui ont été téléversés par ses utilisateurs qu’il organise et promeut à des fins lucratives ». Cette directive de 2019 vise notamment ceux qui « jouent un rôle important sur le marché des contenus en ligne en étant en concurrence pour les mêmes publics avec d’autres services de contenus en ligne, comme les services de diffusion audio et vidéo en flux continu ». Autant dire que les GAFAM et toutes plateformes de streaming vidéo, de musique en ligne ou de réseau social sont visés. La Commission européenne recommande aux Etats membres, par souci de sécurité juridique, de transposer explicitement, sans modification, cette définition dans leur législation nationale et précise, par ailleurs, que ce champ ne peut être augmenté ou réduit.

Pas de surveillance généralisée du Net
Une analyse au cas par cas devra être menée afin de déterminer si le fournisseur tombe dans le champ de l’article ou non. En outre, ces lignes directrices apportent des précisions au regard de l’« autorisation des titulaires de droits » (5). Le terme « autorisation » n’est pas défini par la directive « Copyright ». Dès lors, il est conseillé aux Etats membres de mettre en place des moyens visant à encourager le développement de licences (modèles d’autorisation, mécanisme volontaire de facilitation d’accord, licences collectives, …). Par ailleurs, il est spécifié que les autorisations octroyées aux fournisseurs couvrent également les usages non-commerciaux ou ne générant pas de revenus significatifs réalisés par les utilisateurs.
Ainsi, les plateformes numériques de partage de contenus en ligne deviennent directement responsables de la mise à disposition d’un contenu non autorisé par son auteur, sans que le régime de responsabilité limitée de l’hébergeur ne puisse s’appliquer. Toutefois, le service en ligne sera exonéré de toute responsabilité s’il démontre avoir satisfait aux trois conditions cumulatives suivantes : fournir ses meilleurs efforts pour obtenir une autorisation ; (1) fournir ses meilleurs efforts pour assurer l’indisponibilité des œuvres protégées pour lesquelles les titulaires de droit ont fourni les informations nécessaires ; (2) faire preuve de réactivité dès la réception d’une notification motivée pour bloquer l’accès aux contenus protégés (3-a) et mettre en œuvre ses meilleurs efforts pour éviter dans le futur un scénario similaire (3-b). Ces conditions sont appréciées selon un principe de proportionnalité (6), détaillé par l’article 17 justement (7), et qui est rappelé à de nombreuses reprises par Bruxelles. La première condition – meilleurs efforts d’obtention d’une autorisation – se doit d’être évaluée au cas par cas au regard des spécificités du marché. Sans définition, là aussi, de la notion de « meilleurs efforts », la Commission européenne ajoute que cela s’entend par des démarches proactives et de bonne foi de la part des plateformes numériques concernées pour engager et poursuivre les négociations avec les titulaires de droit. L’objectif de la deuxième condition – fournir ses meilleurs efforts pour assurer l’indisponibilité des œuvres protégées pour lesquelles les titulaires de droit ont fourni les informations nécessaires – n’est pas de recommander l’usage de technologies spécifiques pour parvenir à rendre indisponibles les œuvres protégées. L’idée est de favoriser la coopération entre les fournisseurs en ligne et les titulaires de droits en leur laissant une certaine flexibilité, et que les acteurs du Net en question procèdent à un examen humain rapide pour décider si le contenu doit rester en ligne ou être supprimé. La Commission européenne tient à rappeler que l’objectif de la troisième et dernière condition – faire preuve de réactivité dès la réception d’une notification motivée pour bloquer l’accès aux contenus protégés et mettre en œuvre ses meilleurs efforts pour éviter dans le futur un scénario similaire – n’est pas de créer une obligation générale de surveillance pour les plateformes numériques.
Ce régime de responsabilité se veut pragmatique et prévoit un système particulier pour les fournisseurs qui proposent du contenu en ligne depuis moins de trois ans et qui ont un chiffre d’affaires annuel de moins de 10 millions d’euros. Il s’agit de critères que les Etats membres ne peuvent pas modifier. Parmi ces fournisseurs, les conditions qu’ils doivent respecter vont dépendre de leur audience : ceux réunissant moins de 5 millions de visiteurs devront respecter les conditions (1) (2) et (3-a) susvisées, tandis que ceux qui réunissent plus de 5millions de visiteurs devront respecter les conditions (1), (2), (3-a) et (3-b).
Enfin, la Commission européenne rappelle que le régime instauré par l’article 17 se veut souple. Une souplesse marquée par l’essence même du texte qui tend à protéger les usages légitimes ne portant pas atteinte aux droits d’auteur. L’article 17 n’affecte en rien la possibilité pour les utilisateurs et les plateformes de se prévaloir des exceptions existantes relatives notamment au droit de critique et de citation, à la caricature, à la parodie et au pastiche. Des notions non-définies qui doivent, selon la Commission européenne, être analysées dans leur sens commun et au regard du contexte dans lequel elles interviennent. Ainsi, elle ajoute que les Etats membres devraient adapter ces exceptions ou limitations obligatoires de manière à ce qu’elles s’appliquent de façon cohérente avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (8), « notamment la liberté d’expression et la liberté des arts ».

Expression des internautes et titulaires de droits
Toujours dans une logique de souplesse, ce régime de responsabilité des plateformes numériques impose la mise en place d’un mécanisme de traitement des plaintes des utilisateurs. La Commission européenne préconise un mécanisme simple et sans frais pour garantir son efficacité. En ce sens, il est proposé que les plateformes pourraient fournir des formulaires en ligne aux utilisateurs. Ce mécanisme pourrait également aller plus loin en permettant directement aux titulaires de droits et utilisateurs d’échanger. En définitive, l’article 17 et les récentes lignes directrices de la Commission européenne tentent de trouver un équilibre entre protection des titulaires de droits et la liberté d’expression. @

La taxe « copie privée » a rapporté aux industries culturelles plus de 4 milliards d’euros en 20 ans

C’est une manne dont les ayants droit de la musique, de l’audiovisuel, de l’écrit (presse-édition) et de la photo (image fixe) ne peuvent plus se passer. De 2002 (taxe sur les CD/DVD) jusqu’à 2020 (taxation de presque tous les appareils de stockage), la « rémunération pour copie privée » fait recette.

La « rémunération pour copie privée », qui est une taxe prélevée sur le prix de ventes des supports et appareils de stockage numérique (smartphone, tablettes, box, clés USB, disques durs externes, cartes mémoires, disques optiques, …), est appliquée pour « compenser le préjudice subi par les auteurs, artistes, éditeurs et producteurs du manque à gagner résultant de l’utilisation de leurs oeuvres ». Cette taxe « copie privée » est la contrepartie du droit de copie privée, permettant à chacun d’enregistrer des musiques, des films, des livres ou des photos pour un usage privé, dans le cadre du cercle restreint familial (1).

Musique : 2 milliards d’euros cumulés
Selon les calculs de Edition Multimédi@, à partir des chiffres enfin rendus publics par Copie France, qui est l’unique organisme chargé de percevoir la rémunération pour copie privée, l’année 2020 a franchi deux seuils symboliques : la barre des 4 milliards d’euros pour le total cumulé des sommes perçues depuis près de vingt ans (2002-2020), dont le cap des 2 milliards d’euros dépassé rien que pour la musique (part sonore au sens large). Ces deux dernières décennies « digitales » (2) ont ainsi vu les recettes de la taxe «copie privée» grimper au fur et à mesure de la généralisation des usages numériques et des appareils et/ou support de stockage associés.
En Europe, la France est le pays qui taxe le plus : sur plus de 1 milliard d’euros collectés sur 2020 au titre du private copying levy dans l’Union européenne (4), l’Hexagone pèse à lui seul plus d’un quart (26,8 %) de ces recettes totales. En effet, Copie France a collecté l’an dernier 273 millions d’euros, soit 5 % de mieux que l’année précédente. Et les industries culturelles et les ayants droit (auteurs, artistes, éditeurs et producteurs) n’entendent pas en rester là puisque d’autres appareils vont être assujettis à leur tour par la « commission pour la rémunération de la copie privée », laquelle est rattachée au ministère de la Culture et présidée jusqu’en septembre 2021 par le conseiller d’Etat Jean Musitelli (photo). Ainsi, à partir du 1er juillet prochain seront taxés eux aussi les smartphones et les tablettes revendus reconditionnés – à moins que la polémique suscitée par l’exonération à la taxe « copie privée » envisagée un temps dans le projet de loi « Empreinte numérique » (5) n’ait raison de ce nouveau barème déjà publié au J.O. du 6 juin (6). Autre taxation en vue : celle des ordinateurs (fixes et portables) pour leurs disques durs internes, jusque-là épargnés pour des raisons politiques d’inclusion numérique (7). La commission « Musitelli » y travaille, comme le confirme son président à Edition Multimédi@ : « Le CSA [l’institut d’études, pas le régulateur de l’audiovisuel, ndlr] a pu lancer le sondage dans la deuxième quinzaine de mai. Il est en cours de réalisation et devrait s’achever début juillet. Il est prévu que les résultats de l’enquête soient présentés à la commission vers la mi-septembre ». A suivre. @

Charles de Laubier

Généraliser « à la va-vite » le Pass Culture ne passe pas vraiment en temps de restrictions culturelles

La généralisation du Pass Culture décidée pour 2021 par le gouvernement ne passe toujours pas pour certains. Le Sénat s’était dit « étonné » de tant de précipitation sans « évaluation préalable d’ampleur ». La musique en streaming en profite le plus et les disquaires physiques vont l’intégrer.

Sur le Pass Culture, la musique est plébiscitée par ses utilisateurs et se retrouve au premier rang des pratiques culturelles. C’est un outil de relance très utile. Il y a le spectacle vivant, le streaming, et l’idée serait d’intégrer les disquaires, notamment les indépendants, qui représentent l’achat physique, soit 40 % du marché de la musique enregistré [36,8 % précisément en 2019, soit 230 millions d’euros, bien moins en 2020, ndlr]. C’est beaucoup d’argent », a relevé le président du Centre national de la musique (CNM), Jean-Philippe Thiellay, lors de son audition au Sénat le 3 février dernier.

Généralisation à 300 euros au lieu de 500
Le Sénat justement est très regardant sur le déploiement du Pass Culture, pour lequel il a créé dès 2018 un « groupe de travail » transpartisan, composé d’un sénateur de chaque groupe politique et présidé par Jean-Raymond Hugonet (photo). Il reporte à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de la chambre haute. Dans sa configuration actuelle qui va évoluer cette année, ce Pass Culture permet à des jeunes de 18 ans de bénéficier d’une application sur laquelle chacun d’eux disposent de 500 euros pendant deux ans, afin de découvrir et de réserver parmi les offres culturelles de proximité et offres numériques proposées (livres, concerts, théâtres, musées, cours de musique, abonnements numériques, etc.). Pour l’instant, quatorze départements (1) sont éligibles au Pass Culture. « Les personnes de 18 ans n’ayant pas la nationalité française mais vivant dans l’un des départements de l’expérimentation depuis un an sont éligibles au Pass Culture », précise la société Pass Culture. Le 19 janvier dernier, ce groupe de travail avait fait part de son étonnement à la suite de l’annonce sept jours plus tôt de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, de la décision de généraliser le Pass Culture. Elle l’avait confirmé le 12 janvier dernier devant les députés qui l’auditionnaient au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, sans donner de date précise de la sortie de l’expérimentation. « L’année 2021 devrait permettre la généralisation du Pass Culture sur l’ensemble du territoire, avec un montant réajusté au regard des comportements constatés dans le cadre de l’expérimentation. La date de cette généralisation doit encore être définie au regard de la situation sanitaire et de la réouverture des établissements et des lieux de culture. Cette généralisation sera accompagnée d’un dispositif complémentaire pour les moins de 18 ans dans le cadre scolaire, afin de les préparer à cette démarche d’autonomisation », avait annoncé la ministre de la rue de Valois (2). Cette généralisation sera accompagnée d’une vaste campagne de publicité.
Pour les sénateurs, c’est incompréhensible non seulement parce qu’il n’a été réalisé « aucune évaluation d’ampleur de ce dispositif », mais aussi en raison de « la fermeture au public de la plupart des établissements culturels ». Surtout que généraliser le Pass Culture à ce stade, c’est pour les sénateurs mettre la charrue avant les bœufs… Le groupe de travail très critique rappelle au passage que la première génération de bêta-testeurs – car le Pass Culture est encore dans une phase d’expérimentation – n’arriveront à la fin de leur période de test qu’en juin prochain. Et c’est auprès d’eux qu’une étude d’évaluation devra être conduite pour savoir de quoi il retourne. Les sénateurs demandent d’ailleurs « que ces résultats soient rendus publics et donnent lieu à un débat devant le Parlement ».
Pour tenter d’expliquer la précipitation du gouvernement à décider la généralisation de ce Pass Culture dès cette année, le groupe de travail avance une piste plutôt politicienne : « Cette annonce apparaît avant tout motivée par la volonté de concrétiser, avant l’élection présidentielle de 2022, la promesse faite par Emmanuel Macron en mars 2017 alors qu’il était candidat à la présidence de la République. Elle s’inscrit dans la droite ligne du vote d’un budget de 59 millions d’euros en faveur de cet instrument dans le cadre de la loi de finances pour 2021, contre l’avis du Sénat ».

1,5 % du budget de la culture en 2021
Le budget du Pass Culture cette année est donc en hause de 7,6 % par rapport aux 40 millions d’euros de l’an dernier, lequel était déjà en augmentation de 2 % par rapport aux 24 millions d’euros de 2019. Ces enveloppes budgétaires et le train de vie de la société Pass Culture avaient d’ailleurs été épinglés, notamment début novembre 2019 par le site d’investigation Mediapart (3) qui avait dénoncé les rémunérations élevées non seulement de son président Damien Cuier (revue à la baisse depuis), mais aussi les émoluments du conseiller Eric Garandeau soupçonné de conflit d’intérêts (renonçant alors à présider la société).
Le Pass Culture reste cependant une goutte d’eau dans le budget 2021 de la culture (lequel est un record de 3,8 milliards d’euros, hors audiovisuel et sans compter les 880 millions d’euros issus cette année du plan de relance et dans une moindre mesure des investissements d’avenir (4)). Il ne représente en effet que 1,5 % de ce budget culturel, ce qui reste tout de même non négligeable en période de crise sanitaire et d’effondrement économique des activités culturelles.

Les disquaires entrent dans la danse
Rappelons que la mission de service public « Pass Culture » (pass.culture.fr) s’est réorganisée en juillet 2019 autour d’une société par actions simplifiées (SAS), dont les actionnaires sont le ministère de la Culture et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) par le biais de son activité Banque des Territoires. Cette SAS, qui compte aujourd’hui une soixantaine de collaborateurs (5), assure la gestion et le développement du dispositif Pass Culture dans toute la France.
Le dispositif va donc s’ouvrir aux disquaires ayant pignon sur rue, notamment aux indépendants qui sont au nombre d’environ 300 en France selon leur syndicat Gredin (6). D’autant que le Pass Culture a vocation à « encourager la rencontre entre les acteurs culturels et les utilisateurs ». Il n’est donc pas possible de se faire livrer des biens matériels. De plus, les achats de biens numériques (VOD, ebook, jeux vidéo, …) sont plafonnés à 200 euros, tout comme les achats de biens physiques (livre, CD, …) d’ailleurs.
Les « lieux » culturels semblent au rendez-vous de l’expérimentation malgré la crise sanitaire : 28.256 recensés au 18 février. Les jeunes bénéficiaires aussi : ils étaient à cette date 141.061 majeurs de 18 ans à en profiter, contre 117.260 trois mois plus tôt, sur un total potentiel de 150.000 potentiellement concernés dans les quatorze départements expérimentaux. Sans attendre de bilan ni d’étude d’impact sur les expérimentations, Roselyne Bachelot avait surprise tout son monde en indiquant – lors de la présentation du budget 2021 de la culture 28 septembre dernier – le montant de 500 euros alloué à chacun des jeunes heureux élus était « sans doute excessif » dans la mesure où il est, d’après elle, « sous-consommé ». Mais n’est-ce pas à mettre sur le compte des fermetures d’établissements culturels qui ont commencé à être imposées il y a un an, en mars 2020 ? Les restrictions, couvre-feux et confinements ont entraîné une fermeture administrative des cinémas, des théâtres, des libraires, des disquaires ou encore des endroits du spectacle vivant. Alors qu’en juin dernier encore, l’association Tous pour la musique (TPLM) – réunissant les professions de la musique (7) – soumettait aux pouvoir publics une dizaine de propositions face au covid-19 dont celle-ci : « Réorienter le Pass Culture vers les arts vivants et les productions locales ». Les détenteurs du fameux sésame se sont retrouvés le bec dans l’eau face aux portes closes et annulations en tout genre.
Pour le groupe de travail « Pass Culture » du Sénat, qui se plaint d’ailleurs de n’avoir que des informations « au compte-gouttes » du dispositif, débloquer 1,5 % du budget de la culture cette année sans réellement connaître les résultats d’une telle expérimentation n’est pas justifiable à ce stade. « Nous avons nous-mêmes suivi l’expérimentation dans les territoires de test et constaté que les résultats y sont inégaux », a prévenu le sénateur Jean-Raymond Hugonet dans La Gazette des communes, le 21 janvier. Et de s’insurger : « Alors que le monde de la culture est aux arrêts de rigueur, on voit ici une oasis aux visées électorales arrosée abondamment de 59 millions d’euros. C’est insupportable. On demande au gouvernement de la décence ! Ce dispositif, c’est de la communication » (8).
Le président du groupe de travail sénatorial estime en outre que l’exécutif ferait donc mieux de mettre l’accent sur l’éducation artistique et culturelle (EAC), plutôt que de « se focaliser sur des projets pseudo-modernes ». En ces temps de restrictions sanitaires et de couvre-feux, et encore plus en période de confinement, le Pass Culture gagnerait cependant à privilégier la dématérialisation culturelle. Le gouvernement n’encourage-t-il pas le télétravail ? Alors pourquoi pas la « téléculture ».

Les plateformes numériques donnent le change
Si les GAFAN, excepté Audible d’Amazon (podcasts et audiobooks), restent écartés du dispositif franco-français, de nombreuses plateformes numériques sont néanmoins au rendez-vous : Deezer, Ubisoft, Majelan (podcasts), OCS (chaîne payante d’Orange), Blacknut (jeux vidéo), Youboox (ebooks et e-presse), Iznéo (e-BD), Sybel (séries audio), Madelen (SVOD de l’Ina), UniversCiné (films), FilmoTV (films), LaCinetek (films), Le Vidéo Club (films), Shadowz (films), Spicee (documentaires) ou encore QueerScreen (LGBTQ+). Il y en a pour tous les goûts. @

Charles de Laubier