La TNT 2.0 n’attend plus qu’un appel à candidatures

En fait. Le 9 mars, l’Association pour le développement des services TV évolués
et interactifs (Afdesi) a présenté les premiers résultats de l’expérimentation
« Mes Services TV » diffusé sur la TNT avec le standard HbbTV (1). Une quinzaine d’éditeurs ont joué le jeu. La balle est maintenant dans le camp du CSA.

En clair. Selon nos informations, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devrait lancer au printemps, un appel à candidatures en vue d’ouvrir commercialement à l’automne prochain un portail de services et de publicités interactifs sur la TNT. L’Association pour le développement des services TV évolués et interactifs (Afdesi)
est en train de convaincre le CSA de la viabilité du projet et de l’existence d’un nouveau marché audiovisuel interactif. L’appétence des téléspectateurs connectés semble au rendez-vous. L’association Mes Services TV, créée pour accueillir les partenaires, a
testé de juillet 2011 à fin février 2012 avec TDF (2) à Auxerre (canal 29) le premier
portail estampillé « TNT 2.0 » (3). Son rapport d’expérimentation, remis au CSA, analyse les usages sur un panel d’utilisateurs constitué en début d’année en Bourgogne. Une quinzaine d’éditeurs de contenus ont participé à ce premier bouquet interactif de TV connectée : TV5Monde pour la vidéo à la demande (VOD), Rovi (DivX compris) pour un guide programme, Playin TV pour des jeux en ligne, RFI pour la radio, L’Equipe TV (Amaury) et Equidia (PMU) pour le sport, France 24 et La Chaîne Météo (Le Figaro) pour l’actualité, Infotrafic, Cadremploi et BNP Paribas pour des services pratiques, Only Lifestyle et Casino pour la vie pratique, ainsi que Figaro Classifieds pour les petites annonces.
Toujours selon nos informations, pour être présents sur le portail HbbTV de l’Afdesi, chaque éditeur participe à la plateforme à hauteur de 7.000 euros (auxquels s’ajoutent 1.050 euros d’adhésion à l’association Mes Services TV). L’Afdesi participe, en outre,
au groupe de travail de Cap Digital sur la publicité interactive. Une étude menée l’an dernier par MPanel montre que les téléspectateurs sont demandeurs de services pratiques (météo, trafic info) à 56 %, de fiches techniques de films ou de séries à 55 %, d’accès à des sites pour 54 % d’entre eux, et d’affichage d’informations complémentaires pour 50 %. En attendant plus de VOD et l’arrivée de la
catch up TV sur la TNT. D’ici la fin 2012, 2 millions de téléviseurs devraient avoir le label « TNT 2.0 ». @

La TV connectée, le gouvernement et le régulateur

En fait. Le 18 janvier, en marge des vœux de l’Arcep, Bernard Benhamou – à la Délégation aux usages de l’Internet (DUI) – a indiqué à EM@ le lancement mi-février du « premier labo des usages de la TV connectée ». Tandis que le CSA,
lui, installe une « commission de suivi de l’usage de la TV connectée ».

En clair. Le gouvernement et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) prennent les devants pour tenter de maîtriser les usages qui pourraient être faits de la télévision connectée, en vue d’établir un cadre réglementaire adapté et de mettre en place une co-régulation entre les différents acteurs (chaînes, fabricants, fournisseurs de contenus, …). « Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [dont dépend la Délégation des usages de l’Internet (DUI), ndlr] et le ministère de l’Industrie vont lancer mi-février le premier “labo” des usages de la TV connectée. Il s’agit d’étudier les interactions entre les différents écrans capables de recevoir des programmes audiovisuels », a expliqué Bernard Benhamou à Edition Multimédi@, tout en brandissant une tablette… Cette initiative de la DUI se veut la plus large possible et complémentaire à celle du CSA qui avait prévu d’installer dès janvier 2012 une
« commission de suivi de l’usage de la télévision connectée », associant pouvoirs publics, professionnels de l’audiovisuel et société civile. Interrogé sur ce point, Emmanuel Gabla, membre du CSA (1) présent également aux vœux de l’Arcep,
nous a précisé que cette commission ne sera pas prête en janvier mais d’ici
« mifévrier ». C’est le 5 décembre dernier, lors du premier « symposium » sur la TV connectée – co-organisé par le HD Forum et le consortium HbbTV – que le président
du CSA, Michel Boyon, avait annoncé cette commission pour janvier. Il avait alors
défini « quatre principes » pour préparer l’arrivée de la TV connectée :
• 1 – Refus de tout recul dans la définition des domaines justifiant une régulation (protection de l’enfance, dignité de la personne, protection du consommateur, pluralisme, etc.).
• 2 – Allègement de certaines réglementations pesant sur les chaînes (chronologie
des médias, plafond de concentration, circulation des œuvres) sans porter atteinte
aux intérêts des créateurs.
• 3 – Obligation pour toute entreprise tirant un revenu de l’exploitation d’une oeuvre
de participer au financement de la création.
• 4 – Elaboration d’une co-régulation avec les professionnels pour les contenus audiovisuels circulant sur l’Internet. La plupart de ces orientations se retrouvaient dans
le rapport « Tessier-Levrier-Candilis-Rogard-Manigne » (2) sur la TV connectée. @

Comment la TV connectée s’ouvrira aux éditeurs

En fait. Le 19 octobre, le rapporteur de la mission sur la TV connectée, Mohammed Adnène Trojette, a indiqué à EM@ que le rapport demandé à Marc Tessier, Philippe Levrier, Takis Candilis, Martin Rogard et Jérémie Manigne « ne sera pas rendu avant mi-novembre ». Le grand défi est de lever les obstacles.

En clair. Lancée il y a maintenant six mois, la mission confiée par Frédéric Mitterrand
et Eric Besson devait rendre ses « recommandations » le 1er octobre. Or, selon nos informations, le rapport ne sera rendu que vers la mi-novembre. Des « auditions
électives » ont été nécessaires, suite à l’appel à contribution ouvert jusqu’au 15 septembre par les DGMIC (1) et DGCIS (2). Car la TV connectée fait entrer dans la chaîne de valeur du PAF (3) des acteurs aux intérêts parfois radicalement divergents (chaînes de télévision, fabricants de téléviseurs, sites web, plateformes de VOD,
éditeurs de services, FAI, opérateurs télécoms, fabricants de consoles de jeux, etc).
Les recommandations des « cinq » – Marc Tessier (Vidéo Futur), Philippe Levrier (CNC), Takis Candilis (Lagardère Active), Martin Rogard (Dailymotion) et Jérémie Manigne
(SFR) – vont tenter de ménager les chaînes et les nouveaux entrants. La contribution du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) exprime bien les préoccupations.
Les éditeurs estiment en effet qu’ils « se heurte[nt] à la réalité d’un marché fragmenté
où chaque constructeur déploie une norme propriétaire propre, contraignant ainsi potentiellement les éditeurs à décliner leurs offres en développant autant de services connectés que de téléviseurs disponibles sur le marché ou que de set-top-boxes proposées par les opérateurs en IPTV ». La fragmentation technique des terminaux constitue « frein » et « barrière à l’entrée », en faisant « exploser les coûts de développement ». Il y a bien le HbbTV. « Mais, déplore le Geste, ce standard concerne essentiellement les perspectives d’enrichissement des flux vidéos des chaînes de télévision par des services connectés et ignore le cas des applications, tierces aux chaînes de télévision, référencées dans les portails constructeurs ou opérateurs ».
Serait donc salutaire une normalisation de la TV connectée au sein du W3C (4), lequel
y travaille. Et la neutralité du Net ? Le Geste craint « un risque majeur pour l’utilisateur
de voir sa liberté d’accès aux contenus et services de son choix fortement restreinte au profit des seuls services maîtrisés (portails) ou gérés (TV sur IP) par les opérateurs et constructeurs de terminaux ». Sans parler des risques de « cloisonnement vertical » (exclusivités) ou de « modèles fermés à l’instar d’Apple ». @

Régis Ravanas et Gilles Maugars, TF1 : « Nous sommes précurseurs dans la TV connectée et la TNT 2.0 »

Pour Régis Ravanas et Gilles Maugars, directeurs généraux adjoints du groupe TF1 – l’un des diversifications, l’autre des technologies et des systèmes d’information –, la TV connectée est déjà une réalité. Mais ils s’interrogent sur
les « obligations allégées » des acteurs du Net.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous présidez e-TF1 mais aussi, depuis janvier 2011, TF1 Vidéo (1). Et ce, en plus de TF1 Entreprises et Téléshopping. TF1 Vidéo offre de plus en plus de services en ligne : va-t-on vers une fusion entre e-TF1 et TF1 Vidéo ? Quelles seront les synergies ? Régis Ravanas : Avec l’évolution des usages, le développement de notre activité de vidéo à la demande (VOD) s’accélère et TF1 Vision bénéficie des rebonds possibles avec eTF1, à l’image des nombreuses synergies déjà en place. Par exemple, avec le portail IPTV de TF1 [diffusé via le réseau ADSL, ndlr], MyTF1 est disponible sur la Freebox, la Bbox et la Livebox, proposant un accès direct à la VOD de TF1 Vision et à de nombreux rebonds éditoriaux. Des synergies existent aussi entre les sites web Tf1.fr et Tf1Vision.fr. Par ailleurs, on retrouve sur la TV connectée de Samsung une application dédiée à la VOD, aux cotés des applications sport, news, météo, grille et événement. Les produits les plus concernés par ces synergies sont les séries américaines. TF1 Vision a, en effet, été
le premier acteur à proposer des séries « US » en premium VOD avec son offre « en direct des USA ». Elle propose une consommation légale des séries américaines au lendemain de leurs diffusions outre-Atlantique. On couvre ainsi l’ensemble de la proposition depuis la diffusion en premium VOD, grâce à cette offre, puis avec la diffusion à l’antenne de TF1, suivie ensuite de la disponibilité en catch up TV [télévision de rattrapage, ndlr] gratuite, et enfin à nouveau en VOD traditionnelle. Il y a donc de nombreuses passerelles possibles entre ces entités pour proposer une offre complète à nos publics. Le sujet n’est pas de fusionner, mais de favoriser et accélérer les synergies et le partage d’expérience entre toutes les filiales du groupe.

EM@ : Pensez-vous que la multiplication des services délinéarisés contribue à l’érosion de l’antenne ? Compensent-ils cette légère baisse de l’audience linéaire ?
R. R. : Non absolument pas, au contraire, l’expérience de la télévision de rattrapage sur TF1.fr et MyTF1 nous prouve la complémentarité des écrans. Proposer Mentalist en catch up TV, par exemple, n’empêche pas la série d’atteindre 10 millions de téléspectateurs à l’antenne et de faire de très bons scores en rattrapage. C’est sur les programmes de télé réalité que le phénomène est encore plus visible, comme sur Secret Story. Il n’y a donc pas de « compensation », mais une réelle complémentarité entre ces deux médias, TV et Web. La durée d’écoute de la télévision n’a jamais été aussi importante, et celle de la consommation vidéo online ne cesse de croître.

EM@ : En décembre 2009, TF1 et Samsung ont signé un accord « TV connectée » sur trois ans (2010-2012). Quels services sont proposés et quels autres vont l’être d’ici à fin 2012 ? A quand la VOD par abonnement (SVOD) ?
R. R. :
Nous souhaitons nous inscrire en précurseurs et nous avons été les premiers à proposer ce type de développement sur les TV connectées. Il est naturel qu’un leader comme TF1 s’associe avec le leader du marché Samsung. Nous avons mis en place
une offre de six applications sur des thèmes où les attentes de notre public sont fortes : bulletin météo en vidéo ou simplement accès aux cartes, dernières dépêches d’information avec TF1 News, tous les résultats et news sportifs sous la marque Eurosport, application « événement » reprenant les temps forts de l’antenne de TF1,
grille des programmes de TF1. Une nouvelle étape a été franchie avec l’arrivée, depuis quelques jours, de l’application TF1 Vision permettant de louer de la VOD ; son développement a demandé un travail spécifique, notamment concernant le micro-paiement et la protection des DRM [Digital Rights Management ou gestion des droits numériques, ndlr]. Nous avons été en un an très dynamiques sur cette activité, dont les usages et les pratiques du public sont encore en développement. Il est aujourd’hui prématuré de parler de la SVOD.

EM@ : TF1 dénonce la réglementation « asymétrique », contraignante pour les chaînes et allégée pour les plates-formes vidéo – YouTube, Dailymotion (2), bientôt Hulu ou Netflix. Le décret SMAd est-il insuffisant ?
R. R. :
Les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) constituent un secteur émergent, dont le modèle économique est soit non défini à ce stade, soit encore fragile – notamment en raison des coûts liés à l’acquisition de droits spécifiques, des coûts techniques élevés et du piratage des contenus proposés. L’objectif des pouvoirs publics était de favoriser l’essor des offres légales. Or, le niveau d’obligations fixé par le décret SMAd rendra difficile le maintien de cette offre légale. De plus, les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) tirent largement bénéfice de ces services, mais ne sont soumis à aucune obligation de contribution au financement de la création. Surtout, les SMAd français sont confrontés à la concurrence des acteurs étrangers, lesquels ne sont pas soumis aux mêmes obligations. Ces dernières sont pénalisantes pour les acteurs français et favorisent les services étrangers aux obligations allégées.
De fait, pour les SMAd, notamment ceux accessibles depuis Internet, les barrières géographiques sont inexistantes. Cette disparité de règles conduira à un affaiblissement des opérateurs nationaux, alors que l’objectif visé par le décret est de trouver dans les SMAd des relais de financement du secteur de la création nationale
et européenne.

EM@ : Après le standard HbbTV (3) en déploiement, TF1 discute avec des fabricants de téléviseurs au sein du HD Forum d’un projet de « label TNT 2.0 ».
Quel est l’objectif de ce label et quand sera-t-il apposé sur les postes ?
Gilles Maugars :
Le label TNT 2.0, en cours d’élaboration au HD Forum, est un label destiné à la TNT (4) de deuxième génération, après la fin de l’analogique qui aura lieu
en novembre 2011. Dès le début 2012, ce label sur les téléviseurs devrait inclure : l’intégration de la norme HbbTV, des compléments à la norme HbbTV comme l’utilisation de touches de la télécommande ou des DRM (moyens de protection des signaux et de paiement), l’accès à un guide TNT diffusé, quelques améliorations dans les mots d’usages de la TNT actuellement hétérogènes (scanning, reset, mise à jour des chaînes, installation, … chacun a inventé le sien !). Il y aura une compatibilité complète avec les flux TNT (pas de gène pour ceux qui ne sont pas labellisés, simplement du plus pour ceux qui le sont) et une mise à niveau des caractéristiques des téléviseurs (nombre de chaînes, complexité du réseau, …).

EM@ : Pourquoi les fabricants de téléviseurs ne veulent pas de la charte « TV connectée » (5) du 19 octobre 2010 ? A qui « appartient » la surimpression du flux ? G. M. : Les chaînes ont en effet publié une charte en 2010. Cela ne veut pas dire que
le respect de la charte sera dans le label TNT 2.0, ce point peut être bloquant. Mais les industriels restent prudents, ce qui était déjà le sens de la charte. La surimpression n’appartient pas vraiment à un acteur, c’est ce qui pose problème. Dans le pire des
cas, cette surimpression serait « rendue possible » par les outils des téléviseurs eux-mêmes, puis « utilisée » par des services en ligne non contrôlés. Mais c’est ce genre
de mécanisme que les industriels sont prêts à éviter, dans une discussion permanente avec les chaînes. La complémentarité chaînes/industriels a permis depuis quelques années de renouveler tout le parc français de téléviseurs, les chaînes diffusant tant en TNT qu’en HD, pendant que les industriels adaptaient leurs modèles. Ce processus de coopération entre éditeurs de chaînes de télévision et fabricants de téléviseurs est assurément le plus efficace. @