FTTH : deux propositions de loi « coercitives » envers les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants

Juillet fut dense sur le front du déploiement de la fibre en France, entaché de malfaçons, dégradations, négligences, déconnexions, mises en danger et/ou imprévoyances. Les Assises du Très haut débit et deux propositions de loi mettent les opérateurs télécoms devant leurs responsabilités.

« J’ai du mal, et je l’ai déjà exprimé à plusieurs reprises, à affirmer qu’il [le déploiement de la fibre sur tout le territoire] soit une vraie réussite. Parce que tous ces efforts sont entachés par des problèmes de qualité de réseau fibre, liés d’une part à un manque de contrôle des opérateurs (télécoms) sur les processus de raccordement, et à un déficit de formation et d’équipements des agents intervenant sur le terrain en sous-traitance des opérateurs, et d’autre part – sur certains réseaux bien spécifiques et maintenant bien identifiés – à des dégradations, des malfaçons des équipements rendant les raccordements très délicats », a déclaré le 7 juillet la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière (photo), lors des 16èmes Assises du Très haut débit, organisées par l’agence Aromates.

Depuis le scandale des « plats de nouilles »
Laure de La Raudière (LDLR) a assuré que le gendarme des télécoms « travaille activement pour mettre les opérateurs devant leurs responsabilités afin qu’ils conduisent les évolutions nécessaires ». Et de mettre en garde Orange, SFR (Altice), Bouygues Telecom, Free (Iliad), Altitude, Axione et les autres opérateurs télécoms intervenant dans le déploiement en France du FTTH (Fiber-To-The-Home) : « Mon attention sur ce sujet ne faiblira pas tant que la situation ne s’améliorera pas. C’est important d’avoir un réseau FTTH partout et de qualité, dans la perspective notamment de la fermeture du réseau cuivre – dont le plan d’Orange nous a été notifié fin janvier de cette année pour se dérouler progressivement jusqu’en 2030 » (1).
En marge de ces 16èmes Assises du Très haut débit, à la Maison de la Chimie à Paris, Edition Multimédi@ a demandé à LDLR pourquoi l’Arcep n’avait toujours pas mis en demeure les opérateurs télécoms dont les manquements sont avérés et connus depuis au moins 2020 – notamment depuis le scandale des « plats de nouilles » (comprenez des sacs de nœuds dans le raccordement des fibres optiques et leurs branchements anarchiques dans les locaux techniques ou les armoires de mutualisation du réseau). La présidente du régulateur des télécoms nous a répondu que « le pouvoir de l’Arcep de mise en demeure et de sanction prévu par la loi vis-à-vis des opérateurs télécoms ne couvre que leurs obligations inscrites à leur cahier des charge respectif », à savoir la qualité des réseaux seulement mais pas la qualité de couverture. Les problèmes de déploiement des réseaux par des sous-traitant n’entrent donc pas dans son champ de compétence. « Il faut faire évoluer la loi pour que l’Arcep puisse intervenir », a ajouté Laure de La Raudière, en présence de Luc Lamirault, député d’Eure-et-Loir, qui l’a remplacée depuis le 22 janvier 2021, quand cette dernière a été officiellement nommée présidente de l’Arcep. A Edition Multimédi@, Luc Lamirault a indiqué que la députée de l’Essonne Marie-Pierre Rixain déposait à l’Assemblée nationale le 8 juillet – soit le lendemain des Assises du Très haut débit – une proposition de loi « visant à responsabiliser les opérateurs en charge du déploiement de la fibre optique » (2). Il fait écho à la même proposition de loi qui avait déjà été déposée à la virgule près par la même Marie- Pierre Rixain le 5 avril dernier (3). Son premier article vise à mieux contrôler l’activité des intervenants dans le déploiement et le raccordement de la fibre optique, en « encadr[ant] leur formation par l’établissement d’une certification obligatoire pour toute personne intervenant sur les réseaux à même de garantir leurs compétences, notamment de raccordement ». Il vise aussi à éviter la sous-traitance en cascade, qui peut atteindre actuellement jusqu’à huit niveaux de sous-traitance, en définissant « des modalités par décret » et en limitant « les rangs de sous-traitance des opérateurs à un niveau défini par décret ».
Son deuxième article ajoute des indicateurs sur la qualité des réseaux déployés au sein du relevé géographique établi par l’Arcep « afin que soit connue la couverture du territoire comme la qualité de la couverture ». En clair, il s’agit de renforcer les pouvoirs de l’Arcep envers les opérateurs télécoms et de leurs sous-traitants dans de tels affaires de dysfonctionnements dans les déploiements et les raccordements. En cause en effet : les opérateurs télécoms qui ne veillent suffisamment pas à ce que leurs sous-traitants respectent leurs obligations dans le déploiement de la fibre et le raccordement des abonnés.

Les opérateurs « devant leurs responsabilités »
« Malfaçons », « dégradations », « négligence », « déconnexions », «mises en danger d’autrui », « imprévoyances », … La pléthore de griefs envers les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants – digne d’un véritable fibre-gate (4) – perdurent malgré un nouveau contrat national dits « Stoc » (sous-traitance opérateur commercial) qui a été signé par les opérateurs début 2021 dans l’objectif de mieux encadrer ces pratiques. Depuis, la situation ne s’est pas vraiment améliorée sur le front de la fibre optique. « Les opérations techniques sont intégralement sous-traitées sans contrôle, mal rémunérées et, pour certaines, réalisées en dépit des règles de l’art et de la sécurité des personnes », avaient dénoncé dès le 4 avril dernier une trentaine de collectivités locales – membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca), en lançant un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants. Cette fois, cette organisation présidée par le sénateur (de l’Ain) Patrick Chaize – et fédérant 15 villes, 72 intercommunalités et syndicats de communes, 112 structures départementales et 22 régionales, représentant 67.000.000 d’habitants – est remonté au créneau et y va aussi de sa proposition législative, déposée, celle-ci, au Sénat par Patrick Chaize le 19 juillet dernier (5).

Contestation : l’Avicca aux avant-postes
« Alerte sur les raccordements des Français à la fibre via les réseaux publics », a lancé l’Avicca lors d’une « conférence de presse exceptionnelle » organisée le 7 juillet dans ses locaux à Paris trois heures après la clôture des 16èmes Assises du Très haut débit et à l’issue de son conseil d’administration. « Avec l’Etat, l’Arcep et les collectivités, a déploré Patrick Chaize,nous faisons le triste constat que la situation nationale des réseaux publics fibre optique ne s’améliore pas, malgré nos alertes et demandes réitérées. Pire encore, elle s’est dégradée dans certains territoires qui, régulièrement, appellent à l’aide l’Avicca. Il est intolérable de constater que les investissements réalisés avec de l’argent public se dégradent au fil du temps ». Le plan de bataille de l’Avicca présenté comme « inédit » et « à double détente » consiste en une proposition de loi « visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique » et en une enquête parlementaire « éventuelle ». La proposition de loi « à visée coercitive » entend « obliger la filière à changer radicalement ses pratiques ».
Il s’agit de contraindre les opérateurs et leurs sous-traitants à « réaliser les raccordements à la fibre optique dans les règles de l’art et de sécurité, et garantir aux consommateurs leur droit à une connexion Internet de qualité ». Cela consiste aussi à entretenir les équipements nécessaires (armoires techniques, câbles, poteaux, …) pour que les abonnés ne subissent plus de pannes ni de connexions intempestives. « En cas de manquement de leurs obligations de qualité, des sanctions seront prises à leur encontre », prévient le président de l’Avicca. La proposition de loi du sénateur Patrick Chaize (Les Républicains), vice-président de la commission des affaires économiques du Sénat, est ainsi distincte de celle déposée par la députée Marie-Pierre Rixain (Renaissance) et le député Luc Lamirault (Horizons), ces derniers étant membres de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale. Le but de ces deux textes législatifs est de sanctionner les acteurs de la filière (les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants) en cas de « manquement à leurs obligations de qualité ».
La proposition de loi initiée par l’Avicca et déposée au Sénat prévoit que :
L’opérateur d’infrastructures FTTH peut confier la réalisation du raccordement permettant de desservir l’utilisateur final à un opérateur qui en demande l’accès dans des conditions non discriminatoires. Seront précisés le nombre maximum de rangs de sous-traitance, les règles de prévenance pour les interventions, les exigences relatives à la qualification des intervenants et aux comptes rendus d’intervention, etc (article 1er).
Le titulaire d’un contrat de la commande publique s’assure de la bonne réalisation des raccordements au réseau en fibre optique qui lui est confiée et propose à cet effet qu’au titre de l’exécution d’un marché public, d’une concession et d’un marché ou contrat de partenariat, le versement du prix ou d’une subvention pour compensation d’obligation de service public relatif à la réalisation d’un tel raccordement soit conditionné à la vérification par l’acheteur public ou le concédant, du certificat de conformité (article 2).
Les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep – sur tous les opérateurs intervenant sur le réseau – sont renforcés, par plusieurs moyens : pouvoir de police spéciale des communications électroniques, pouvoirs de contrôle technique, pouvoirs d’astreinte, pouvoirs spécifiques sur la qualité des raccordements des utilisateurs finals aux réseaux en fibre optique (article 4).
Reste que pour la première fois en France, le nombre d’abonnés à la fibre jusqu’au domicile ou au local correspond à plus de la moitié (50,2 %) des prises FTTH « raccordables ». Car si les prises FTTH ont été déployées en France à coup de milliards d’investissement pour atteindre au 31 mars 2022 (dernier chiffre en date de l’Arcep) les 30,8 millions de prises, moins de la moitié d’entre elles faisaient jusqu’alors l’objet d’un abonnement (6).

Le FTTH peut devenir un cauchemar
A la fin du premier trimestre 2022, plus de 15,4 millions de prises de fibre optique jusqu’à domicile ont trouvé preneur. Pour autant, le scénario catastrophe peut faire de la fibre optique un cauchemar. Alors que l’extinction progressive du réseau de cuivre « à partir de 2023 » va forcer les 11,6 millions d’abonnés ADSL/VDSL2, à ce jour, à basculer vers la fibre optique. Et c’est depuis fin 2021 que pour la première fois en France le nombre d’abonnements à la fibre optique de bout en bout (FTTH/FTTx) dépasse (7) le nombre d’accès Internet à haut débit et très haut débit sur réseaux cuivre (ADSL/xDSL). @

Charles de Laubier

Pour la première fois en France, plus de la moitié des prises FTTH disponibles ont trouvé un abonné

C’est un point de bascule que l’Arcep relève dans son dernier observatoire du haut et du très haut débit, publié le 9 juin dernier : pour la première fois en France, le nombre d’abonnés à la fibre jusqu’au domicile ou au local correspond à plus de la moitié (50,2 %) des prises FTTH « raccordables ».

« On ne parle pas suffisamment du taux de pénétration de la fibre optique : la différence entre le raccordable et le raccordé (…). Cela doit être un de nos chantiers dans les prochains mois », avait prévenu il y a deux ans – le 2 juillet 2020 aux Assises du Très haut débit (1) – Julien Denormandie, alors ministre de la Ville et du Logement, quelques jours avant d’être nommé ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (fonction qu’il a quittée le 20 mai dernier).

Les abonnés « FTTH » se sont fait désirer
Car si les prises FTTH – Fiber-To-The-Home – ont été déployées en France à coup de milliards d’investissement pour atteindre au 31 mars 2022 (dernier chiffre en date de l’Arcep) les 30,8 millions de prises, moins de la moitié d’entre elles faisaient jusqu’alors l’objet d’un abonnement. Or – et c’est une première en France – le taux d’abonnés par rapport au parc de prises FTTH raccordables a dépassé le taux des 50 %, à 50,2 % précisément. Autrement dit, sur ces 30,8 millions de lignes de fibre optique de bout-en bout, 15,470 millions d’entre elles ont trouvé preneur. C’est-à-dire que ces dernières ont chacune fait l’objet d’un contrat effectif d’abonnement auprès d’un opérateur télécoms. Pour autant, près de la moitié des autres prises de fibre optique déployées sur le territoire restent inactives, faute de clients. Depuis près de quinze ans que la fibre de bout-en-bout est commercialisée en France, la montée en charge en termes d’abonnements contractés se fait laborieusement. Les Français n’ont pas vu l’intérêt de se précipiter sur le très haut débit optique, puisque la qualité du réseau haut débit ADSL – voire du très haut débit VDSL2 (près de 6 millions de lignes sur les 11,6 millions d’abonnés « xDSL », – leur suffisait amplement. Et ce, au grand dam des opérateurs télécoms (Orange, SFR, Bouygues Telecom et free en tête) qui ont investi ensemble entre 20 et 30 milliards d’euros – voire 35 milliards selon des estimations – pour déployer la coûteuse fibre optique sur tout le territoire national dans le cadre de l’ambitieux plan « France Très haut débit ».
La commercialisation de la fibre optique de bout-en-bout a vraiment commencé courant 2008, l’Arcep faisant état des premiers abonnés FTTH au 30 juin de cette année-là avec les premiers 36.000 clients. Le seuil de 100.000 abonnés FTTH n’est atteint que deux ans plus tard, au 30 juin 2010. Il faudra attendre le 31 décembre 2011 pour voir ce nombre doubler à 200.000 abonnés. Le demi-million d’abonnés à la fibre de bout-en-bout sera franchi seulement deux ans plus tard, au 31 décembre 2013, à 540.000 abonnements. La fibre optique a beau être ultra-rapide en débit ; elle séduit très lentement les clients. La barre du million sera enfin franchie plus d’un an après, soit au cours du premier trimestre 2015 à 1.038.000 abonnés FTTH précisément. Quant à la barre des deux millions, elle sera à son tour franchie mais presque deux plus tard : au quatrième trimestre 2016 à 2.185.000 abonnés FTTH. Ce n’est qu’à partir de l’année 2017 que la fibre optique de bout-en-bout en France commence vraiment à décoller – quoique toujours très progressivement – comme le montre le graphique ci-contre. Bien que la fibre de bout-en bout ait trouvé preneur en termes d’abonnés pour plus de la moitié de ses prises raccordables, ses un peu plus de 15,4 millions d’abonnements représentent encore moins de la moitié (48,9 % au 31 mars 2022) du total de tous les abonnements « haut débit et très haut débit » confondus, lesquels atteignent un global de 31,6 millions d’abonnés. Mais si l’on s’en tient aux abonnements « très haut débits », le FTTH atteint tout de même 80 % dans cette catégorie. « Ainsi, le nombre d’abonnements FTTH représente 80 % du nombre total d’abonnements à très haut débit et 49 % du nombre d’accès Internet (+12 points en un an). L’accroissement du nombre de ces abonnements se fait toujours à un rythme très soutenu avec +1 million d’abonnements en un trimestre. Par ailleurs, la moitié des locaux éligibles à la fibre disposent d’un abonnement actif à fin mars 2022 », relève donc l’Arcep.

Fibre et 5G lorgnent les abonnés du cuivre
Il n’en reste pas moins que près de la moitié des 30,8 millions de prises FTTH raccordables ne le sont toujours pas. Et encore, à ce stade, toutes les prises du plan « France Très haut débit » – lequel vise « la fibre pour tous » d’ici 2025 – ne sont pas encore posées. Le président-candidat de 2022 n’a-t-il pas promis à nouveau d’« achever la couverture numérique du territoire par la fibre d’ici 2025 » (2) ?
Le rythme d’augmentation annuelle des prises raccordables est actuellement de plus de 20 % et devrait atteindre au milieu de la décennie en cours (2025) jusqu’à 44 millions de prises « optiques », d’après l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca). Ce sont les réseaux d’initiative publique (RIP) qui déploient le plus ces prises FTTH, devant les zones d’initiative privée (ZIP). Les RIP sont cofinancés par les collectivités territoriales, avec notamment la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts (CDC), via des appels à manifestation « d’intention d’investissement » (AMII) ou « d’engagements locaux » (AMEL). Ces investissements coûtent très chers aux collectivités locales. D’autant qu’il reste encore beaucoup de prises FTTH à poser pour rester dans les clous « 2025 » du plan France Très haut débit, comme le montre le graphique ci-contre. Les zones moins denses d’initiative publique ont le plus prises « optiques » à poser, suivies par les zones moins denses d’initiative privée. Les abonnés, eux, seront-ils tous au rendez-vous ? Rien n’est moins sûr. Les problèmes récurrents rencontrés par les clients lors de leur raccordement effectif à la fibre optiques ont renvoyé une image dégradée sur le FTTH. Le 4 avril dernier, 28 collectivités locales – parmi les membres de l’Avicca (3) – ont cosigné un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants accusés de « mauvaises pratiques pour raccorder à la fibre optique les Français ». L’Avicca regroupe 15 villes, 72 intercommunalités et syndicats de communes, 112 structures départementales et 22 régionales, représentant 67.000.000 d’habitants. Et début juin, en ouverture de son colloque Territoires et réseaux d’initiative publique (Trip) soutenu par la Banque des Territoires (CDC), l’Avicca a lancé – par la voix de son président et sénateur Patrick Chaize (photo page précédente) : « Il s’agit d’un “mauvais film” ! ».
Le scénario catastrophe peut faire de la fibre optique un cauchemar. Alors que l’extinction progressive du réseau de cuivre « à partir de 2023 », sur lequel prospèrent encore aujourd’hui plus de 11,6 millions d’abonnés ADSL/VDSL2, a été décidé par l’opérateur télécoms historique Orange pour inciter fortement à basculer vers la fibre optique. Car déployer le coûteux FTTH, c’est bien. Mais rentabiliser ces investissements colossaux, c’est mieux. Pour l’heure, le cuivre perd du terrain au profit de la fibre. Pour la première fois, depuis fin 2021, le nombre d’abonnements Internet par la fibre optique de bout-en-bout a dépassé le nombre abonnement Internet sur réseaux cuivre. @

Charles de Laubier

Toujours en position dominante dans la diffusion audiovisuelle en France, TDF va encore changer de main

C’est la plus grosse opération financière attendue en France dans les télécoms cette année. Le canadien Brookfield – premier actionnaire de TDF depuis 2015 – vient de lancer le processus de vente de ses 45 % du capital de l’opérateur d’infrastructures dirigé depuis 2010 par Olivier Huart. Orange est parmi les intéressés.

La « tour-mania » qui agite les investisseurs depuis quelques années devrait permettre au premier actionnaire de TDF, le canadien Brookfield Asset Management, de sortir par le haut. Après avoir formé en 2014 un consortium avec des partenaires institutionnels pour s’emparer en mars 2015 des 100 % de l’ancien monopole public français de radiotélédiffusion, dont 45 % détenus depuis par sa filiale Brookfield Infrastructure Partners dirigée par Sam Pollock (photo), le fonds de Toronto veut maintenant céder sa participation.
Cette sortie à forte plus-value au bout de sept ans pourrait même s’accompagner de la cession du contrôle de l’ex-Télédiffusion de France, en convergence avec d’autres membres du consortium comme le fonds de pension canadien PSP Investments (1) qui détient 22,5 %. Même si les deux canadiens n’ont toujours rien officialisé sur leurs intentions de vendre leur actif devenu « poule aux œufs d’or », leur décision est prise depuis au moins 2018. Des discussions avec un repreneur potentiel – l’opérateur Axione et son actionnaire Mirova (filiale de Natixis) – n’avaient pas abouti l’année suivante (2). Une nouvelle tentative avait été lancée à l’automne 2021 par les deux canadiens, mais sans lendemain. L’année 2022, après deux ans de crise « covid-19 », se présente sous de meilleurs auspices malgré les conséquences de la guerre en Ukraine.

Valses des fonds autour des « towerco »
Cette fois, les fuites sur de nouvelles négociations des fonds actionnaires se font plus insistantes et la valorisation évoquée de l’ensemble de TDF pourrait atteindre des sommets : jusqu’à 10 milliards d’euros, dont près de 4,5 milliards pour les 45 % de Brookfield. Ce serait une véritable « culbute » pour les investisseurs actuels qui ont acquis fin 2014 l’opérateur historique français de la diffusion audiovisuelle – diversifié dans les télécoms – pour la « modique » somme de 3,6 milliards d’euros (dont 1,4 milliard de dette). Cet engouement pour les 19.200 sites physiques du premier opérateur français d’infrastructure de diffusion audiovisuelle et de téléphonie mobile – les fameux « points hauts » (pylônes, toitsterrasses, châteaux d’eaux, gares, voire clochers d’églises) – s’inscrit dans la valse des fusions et acquisitions autour des « towerco ». Ces opérateurs d’infrastructures réseaux sont portés partout dans le monde par les mobiles (dont la 5G), la télévision (avec la TNT) ou encore la radio (numérisée en DAB+). Même des opérateurs télécoms se séparent de leurs tours pour se désendetter, plombés par de lourds investissements dans la fibre et la 5G (3).

TDF, toujours dominant et convoité
En obtenant une forte valorisation de TDF, qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 731,7 millions d’euros (+ 6,4% sur un an) pour un résultat brut d’exploitation de 416,2 millions d’euros (+ 5,8 %), le meneur canadien Brookfield pourrait entraîner non seulement son compatriote PSP mais aussi tous les autres membres du consortium : le néerlandais APG Asset Management, le britannique Arcus Infrastructure Partners et, pourquoi pas, « l’investisseur français de référence » ayant rejoint le consortium : la filiale Predica du français Crédit Agricole Assurances qui détient 10 % du capital de TDF.
Les vendeurs en 2014 étaient déjà des fonds d’investisseurs qui avaient dégagé une plus-value malgré le surendettement de l’entreprises : TPG Capital détenait 42 %, Bpifrance 24 %, Ardian à 18 % et Charterhouse 14 %. Ils avaient racheté TDF à France Télécom entre 2002 et 2004 pour à peine 2 milliards de d’euros. Cette « privatisation » de cette filiale s’était faite en même temps que celle, partielle, de la maison mère, futur Orange. Aujourd’hui, Orange est cité parmi les repreneurs potentiels face à de nombreux fonds d’infrastructures.
L’ancien monopole public de diffusion audiovisuelle, dirigé depuis douze ans par Olivier Huart, est ainsi un bon parti pour les fonds d’investissement depuis vingt ans maintenant. Sa position dominante fait leurs affaires et explique pourquoi ces fonds tournoient autour des antennes de cet opérateur d’infrastructure incontournable. Aujourd’hui, avec ses 1.800 salariés, TDF a diversifié ses sources de revenus : 56 % proviennent des télécoms en 2021, 23 % de la diffusion de télévision, 15 % de la radio, 5 % de la fibre et 1 % de l’informatique.
L’ex-Télédiffusion de France reste d’autant plus un « opérateur dominant » face à ses concurrents qu’il exerce « une influence significative » sur le marché français de la diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre. Selon la Commission européenne, « une part de marché supérieure à 50 %, détenue par une entreprise, constitue en soi la preuve de l’existence d’une position dominante ». Aussi, l’Arcep a dû encore constater dans une décision du 10 mai dernier que « les parts de marché de TDF sont largement supérieures à ce seuil ». En conséquence, elle poursuit la régulation du marché de gros des services de diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre « en rendant opposables les engagements » pris par TDF le 25 mars 2022. Et ce, pour une durée de cinq ans (2022-2026), tout en maintenant « une pression tarifaire suffisante » sur cet opérateur dominant (4). Si l’on considère les services de diffusion des chaînes de la TNT, seuls deux acteurs sont présents sur le marché français : l’historique TDF, lequel a racheté en octobre 2016 son concurrent Itas Tim (absorbé en février 2021), et l’alternatif TowerCast (filiale du groupe NRJ). Auparavant, en 2014, Itas Tim avait absorbé OneCast, alors filiale de TF1.
Mais il y a un an, un nouvel entrant est venu bousculer ce duopole : la société Valocast, filiale de Valocîme (alias Omoyo, sa holding). Cornaquée financièrement par le fonds d’investissement américain KKR, le français Valocîme est déjà présent en tant que « towerco » avec aujourd’hui plus de 1.600 sites (terrains, terrasses) proposés en location aux opérateurs télécoms. Et depuis un accord annoncé le 1er juin dernier avec TowerCast, celui-ci a accès à ses sites pour la diffusion de télévisions et de radios (TNT, DAB+ et FM). Inversement, TowerCast « héberge » Valocîme sur ses 600 sites pour les clients opérateurs mobiles de ce dernier. « Nous sommes un caillou dans la chaussure de TDF, en rémunérant mieux le propriétaire foncier qui loue son terrain occupé par une antenne, et l’opérateur télécoms qui l’exploite. Avec nous, ce n’est plus le towerco qui capte la plus grosse part de la valeur créée », explique à Edition Multimédi@, Frédéric Zimer, président de Valocîme. TowerCast, lui, est un habitué des bras de fer avec TDF, même si Jean-Paul Beaudecroux, le patron fondateur de NRJ, a songé par trois fois (2008, 2014 et 2017) à vendre cette activité. Alors que l’Arcep avait prévu la « dérégulation » de TDF en 2019, voire « l’arrêt de la TNT » (5), TowerCast a tout fait à l’époque pour faire changer d’avis le régulateur (6) – y compris en le faisant condamner fin 2020 par le Conseil d’Etat pour « excès de pouvoir » (7). En prenant la décision le 10 mai dernier de maintenir une régulation ex ante sur TDF, son rival s’en est encore félicité.

Plus de 70 sites physiques non-réplicables
Pour autant, a déploré TowerCast dans sa réponse à l’Arcep en décembre 2021, « seules 241 zones font l’objet d’une concurrence totale par les infrastructures, soit 15,4 % des sites réputées réplicables ». Et de dénoncer « une rente [de TDF] sur les sites non-réplicables » – au nombre de plus de 70, dont la Tour Eiffel, l’Aiguille-du-Midi, le Picdu- Midi ou encore Fourvière à Lyon. Résultat : « Le marché est ainsi toujours fortement déséquilibré et à l’avantage de l’opérateur historique, ce qui traduit de forts dysfonctionnements ». Mais tant que TDF reste fort et dominateur, les fonds d’investissement s’en mettent plein les poches. @

Charles de Laubier

Le statut juridique et le régime applicable aux câbles sous-marins gagnent à être assouplis

Véritable « pont entre les hommes », les réseaux de câbles sous-marins en fibre optique font partie des infrastructures internationales qui se singularisent par leur technicité, leur importance vitale pour l’économie et la sécurité nationale, et leur vulnérabilité. Leur régulation hétérogène s’assouplit.

Par Marta Lahuerta Escolano, avocate counsel, Jones Day

D’après l’Union internationale des télécommunications (UIT), le câble sous-marin de communication est « un câble posé dans le fond marin, ou ensouillé à faible profondeur, destiné à acheminer des communications » (1). Les câbles sous-marins utilisent la fibre optique pour transmettre les données à la vitesse de la lumière. Un peu plus de 420 câbles sont enfouis dans les profondeurs des océans à travers le monde (2) et assurent 99 % des communications mondiales via les échanges téléphoniques et l’accès à Internet.

Plusieurs problématiques demeurent
Malgré la pose du premier câble sous-marin avec succès durant le XIXe siècle, ces infrastructures restent peu connues et plusieurs problématiques demeurent quant à leur statut juridique et au régime régissant leur construction, pose et atterrissement. Un câble sous-marin a vocation à traverser de multiples milieux : terrestre ou maritime, d’une part, et espace cyber ou physique, d’autre part. Cette hétérogénéité d’environnements rencontrés par le réseau de câble sous-marin se matérialise par un encadrement juridique dispersé (3). Le caractère international des câbles sous-marins qui relient souvent plusieurs Etats – à titre illustratif, le câble sous-marin « 2Africa » s’étend sur 45.000 km et a pour but de relier 33 pays – créé des difficultés juridiques à maints niveaux. A la question des droits conférés et obligations imposées aux constructeurs, propriétaires et poseurs de câbles traversant plusieurs Etats, se rajoute celle de la protection de ces infrastructures critiques.
L’essentiel du droit international applicable à la pose des câbles sous-marins est issu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer – Convention de Montego Bay (CMB) du 10 décembre 1982. Elle reprend et complète les dispositions essentielles des conventions de Paris de 1884 sur la protection des câbles sous-marins et de Genève de 1958 sur le droit de la mer. La CMB fournit une division juridique de la mer en plusieurs espaces maritimes, le régime juridique international applicable étant différent dans chacun de ces espaces (4). La mer territoriale (5) fait partie intégrante du territoire souverain des Etats. En conséquence, l’Etat côtier a le droit de légiférer et règlementer la pose de câbles dans cette zone. La pose de câbles sous-marins dans la mer territoriale est souvent soumise à une autorisation administrative de l’autorité compétente pour l’utilisation du domaine public maritime. A tout le moins, les Etats côtiers exigent une demande formelle de pose de câble sous-marin émise par le poseur avec l’assistance du propriétaire du câble sous-marins. Cette autorisation peut également être assortie du paiement d’une taxe ou redevance. Ainsi, en France, la redevance applicable aux câbles sous-marins posés dans les eaux sous souveraineté française est établie par mètre linéaire de câble (6). Au-delà de la mer territoriale, la CMB pose un principe de liberté selon lequel tous les Etats ont le droit de poser des câbles sousmarins sur le plateau continental (7) – fonds marins et leur sous-sol au-delà de la mer territoriale de l’Etat côtier (8) – et dans la zone économique exclusive (ZEE) (9). Cependant, cette liberté reste soumise aux pouvoirs réservés à l’Etat côtier qui peut prendre des mesures raisonnables pour protéger ses îles artificielles, ouvrages et installations déployées dans ces zones ou pour garantir l’exercice de son droit d’exploration et d’exploitation du plateau continental (10).
En principe, l’Etat côtier ne devrait pas soumettre la pose de câbles sous-marins à une autorisation dans cette zone. Il peut en revanche demander à ce que le tracé des câbles sousmarins dans cette zone lui soit communiqué. Il pourra ainsi demander sa modification le cas échéant. En conséquence, dans cette zone, la pose de câble est libre en prenant en compte les droits et obligations de l’Etat côtier.
La liberté en matière de pose de câbles sous-marins n’est totale qu’en haute mer ou dans les eaux internationales – tout l’espace maritime qui s’étend au-delà de la ZEE et du plateau continental (11) – où tous les Etats, côtiers ou non, ont « la liberté de poser des câbles et des pipelines sous-marins » (12).

Droits régional, national et privé
Les sources internationales du droit applicable aux câbles sous-marins sont complétées par un ensemble de sources régionales, bilatérales et multilatérales.
Droit régional. Des organismes régionaux se sont intéressés à l’encadrement des câbles sous-marins en formulant des lignes et directives à l’attention de leurs Etats membres. Tel est le cas de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui à travers un règlement de 2012, a adopté un ensemble de règles fixant les conditions d’accès aux stations d’atterrissement des câbles sous-marins (13). Ainsi, en son article 4.1, le règlement impose aux Etats membres d’encourager l’octroi des licences aux nouvelles stations d’atterrissement des câbles sousmarins. Afin de favoriser un accès équitable à la bande passante, les Etats membres doivent veiller, lorsqu’ils attribuent des licences aux opérateurs, à y insérer des dispositions sur l’accès ouvert aux stations d’atterrissement de câbles et sur la mise à disposition de capacités internationales sur une base non discriminatoire (14).
Certaines conventions bilatérales et multilatérales organisent également les rapports des Etats en matière de pose de câbles sous-marins. On pourra citer, à titre d’exemple, l’accord conclu en 2009 entre l’Estonie, la Lettonie la Lituanie et la Suède prévoyant la construction d’un câble sous-marin à haute tension sous la mer Baltique.

La régulation nationale s’assouplie
Droit national.
Les réseaux de câbles sous-marins sont soumis au droit international, mais sont également encadrés par les législations nationales. Dans l’ordre interne, les Etats souverains soumettent la pose, l’atterrissement et l’exploitation des câbles sous-marins à divers régimes juridiques. Les câbles sous-marins sont ainsi régis par divers domaines de droit, en particulier, le droit des communications électroniques (s’agissant de réseaux de communications électroniques), le droit public et immobilier (notamment les règles du domaine public maritime), le droit environnementale (notamment des études l’impact sur l’environnement, le milieu marin ou autre), le droit de la propriété industrielle (droit d’inventeur), le droit de la cybersécurité, le droit de la défense et le droit pénal (dont les sanctions en cas de détérioration du réseau).
Ainsi, en France, la pose des câbles sous-marins s’apparente à l’utilisation du domaine public maritime. Or, il résulte de l’article L.2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) que de telles utilisations doivent se faire par le biais de concessions d’utilisation du domaine public (15). Il existe toutefois une procédure permettant d’obtenir de simples autorisations temporaires lorsque le projet de câble n’a pas vocation à être ouvert au public par exemple. En vertu du CGPPP, la demande doit être adressée au préfet maritime du département dans lequel la pose du câble doit s’opérer et, lorsque la demande concerne plusieurs départements, un seul préfet chargé de coordonner l’instruction de la demande sera nommé suivants les dispositions du décret de 2004 relatif aux pouvoirs des préfets (16).
Aujourd’hui, les législations nationales en matière de pose de câbles sous-marins s’assouplissent de plus en plus dans le but d’offrir le cadre juridique le plus attractif possible pour favoriser l’implantation de nouveaux câbles sous-marins. Cette tendance s’illustre en France par la circulaire du Secrétaire général de la mer du 13 novembre 2020 (17) qui a pour but de rationaliser les procédures administratives en matière de câbles sous-marins de communication. Cet effort de simplification est très bienvenu pour les porteurs de projets de câbles sous-marins internationaux. La complexité d’un dossier n’est pas seulement technique, les négociations peuvent être longues avec les gouvernements et toutes les parties prenantes. Toute initiative visant à faciliter le déploiement du câble sera prise en considération par les propriétaires de câbles pour définir les points d’atterrissage.
Droit privé. Le propriétaire privé d’un câble sous-marin est souvent une entreprise unique, comme c’est le cas du câble sous-marin Equiano de Google, ou bien un consortium d’entreprises, comme pour les câbles « 2Africa », « Africa-1 » ou « ACE ». Le projets de déploiement de câble sous-marin entraînent une architecture contractuelle assez complexe, à commencer par l’accord de confidentialité, suivi par : le protocole d’accord ou Memorandum of Understanding (MoU) ; le Joint Build Agreement (JBA) régissant les relations entre les différents entités faisant partie d’un consortium ; le contrat de construction et maintenance (C&MA) ; le Joint System Maintenance Document (JSMD) expliquant les aspects techniques et de sécurité du câble sous-marin ; le contrat de construction de la branche ; le contrat d’atterrissement (LPA/LSA) ; les accords de croisements d’autres câbles ou de pipelines préexistants.
Quant à la protection des câbles sous-marins, elle résulte d’un régime défini par la Convention internationale relative à la protection des câbles sous-marins signée à Paris en 1884. La CMB (Convention de Montego Bay) reprend certaines de ces dispositions et prévoit notamment l’obligation pour les Etats de sanctionner la détérioration ou la rupture d’un câble (18). Cependant, les mesures de protection prévues dans ces textes ne sont pas suffisantes face aux menaces et à l’importance critique de ces infrastructures. Les câbles sous-marins ont ainsi été des cibles en temps de guerre. La convention de Paris de 1884 laissait une liberté d’action aux belligérants en temps de guerre. Ceux-ci pouvaient alors sectionner des câbles sous-marins. La convention de Paris n’offrait de protection aux câbles sous-marins qu’en dehors des temps de guerre. Cette protection a été reprise par la CMB. Le Comité international de protection des câbles créé en 1958 poursuit cette oeuvre de protection en édictant des recommandations internationales pour l’installation, la protection et la maintenance des câbles.

Guerres : renforcer le cadre juridique
En août 2014, la Russie a sectionné des câbles sous-marins ukrainiens au cours de l’opération d’annexion de la Crimée. L’intensité du conflit en cours entre l’Ukraine et la Russie et la menace d’une occupation par la Russie d’Odessa, le plus grand port maritime d’Ukraine, fait ressurgir les craintes liées au risque de section des câbles sous-marins. Dans ce contexte, il est essentiel de renforcer le cadre juridique protégeant les câbles sous-marins. L’exercice ne sera pas facile, étant donnée la nature hybride de ces infrastructures qui peuvent être utilisées à des fins tant civiles que militaires. @

Fibre-gate : l’Arcep pressée de mettre en demeure

En fait. Le 4 avril, 28 collectivités locales – parmi les membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca) – ont cosigné un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants accusés de « mauvaises pratiques pour raccorder à la fibre optique les Français ». L’Arcep va-t-elle les mettre en demeure ?

En clair. La pression augmente sur l’Arcep, appelée par des collectivités locales et agglomérations à mettre en demeure les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants pour non-respect de leurs obligations dans le déploiement de la fibre et le raccordement des abonnés. « Malfaçons », « dégradations », « négligence », « déconnexions », « mises en danger », « imprévoyances », … lorsque les branchements anarchiques des fibres optiques dans les armoires de mutualisation du réseau ne se transforment pas en « plats de nouilles » : les territoires sont plus que jamais excédés par le manque de contrôle des opérateurs télécoms – Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free et Altitude en tête – sur les raccordements finaux des abonnés à la fibre. « Les opérations techniques sont intégralement sous-traitées sans contrôle, mal rémunérées et, pour certaines, réalisées en dépit des règles de l’art et de la sécurité des personnes », ont dénoncé le 4 avril une trentaine de collectivités locales – membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca), en lançant un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants (1). En cause : le non-respect des contrats dits « Stoc » (sous-traitance opérateur commercial), auxquels s’étaient pourtant engagés il y a plus d’un an les différents intervenants du Plan France Très haut débit. Cela fait près de deux ans maintenant, notamment depuis le scandale des « plates de nouilles » (sac de nœuds dans le raccordement des fibres dans les locaux techniques), qu’il y a manquements flagrants.
Or le gendarme des télécoms a le pouvoir de « sanctionner les manquements » des intervenants sur le réseau. L’Arcep peut même, après mise en demeure, décider « la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d’établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans » (2). C’est ce à quoi a fait référence Grégoire de Lasteyrie, président de l‘agglomération de Paris-Saclay et maire de Palaiseau, dans sa saisine de l’Arcep remise le 30 mars (3) à la présidente de cette dernière, Laure de La Raudière. Elle-même a « de plus en plus de mal à dire que ce formidable projet de déploiement de la fibre, pour tous et partout, est une réussite, tant il y a des problèmes de qualité sur certains territoires » (4). @