Les « CSA » européens veulent plus de la Commission européenne contre les fake news

Les Google, Facebook et autres Twitter ont été contraints de se constituer en « police privée » pour chasser sur Internet les fausses informations. Liberté d’expression et liberté d’informer sont passées au crible pour supprimer les infox. Mais pour les « CSA » européens, cela ne pas assez loin.

Le groupe des régulateurs européens des médias audiovisuels, l’Erga (1), a publié le 6 mai son « rapport sur la désinformation et l’évaluation de la mise en œuvre du code de pratique » pour lutter contre les fake news. Ce rapport final intervient deux ans après l’adoption par la Commission européenne de mesures fondées sur les conclusions et les recommandations présentées le 12 mars 2018 par « un groupe d’experts de haut niveau » pour lutter contre la désinformation en ligne (2).

Autorégulation des acteurs du Net
Dans la foulée, le 24 avril 2018, la Commission européenne publiait une communication intitulée « Lutter contre la désinformation en ligne : une approche européenne » (3), qui préconisait un code de bonnes pratiques et de nouvelles règles visant à accroître la transparence et l’équité des plateformes en ligne, notamment la mise en place d’un réseau indépendant de vérificateurs de faits dans le cadre d’une démarche d’autorégulation des acteurs du Net. Ces derniers ont été fermement invités à coopérer avec l’exécutif européen dans cette croisade contre les mensonges, les manipulations et les informations erronées. Le 16 octobre 2018, les premiers signataires de ce « code de bonne conduite » furent Facebook, Google, Twitter et Mozilla (éditeur du navigateur Firefox).
Dans le même temps, l’Edima (European Digital Media Association) – lobby basé à Bruxelles et représentant les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) ainsi que Airbnb, Allegro, eBay, Expedia, Mozilla Mozilla, OLX, Snap, TripAdvisor, Twitter, Verizon Media, Yelp et Spotify – signait également ce code « anti-fake news », tout comme les associations professionnelles représentant l’industrie de la publicité et les annonceurs (EACA, IAB Europe, WFA et UBA). Microsoft a également rejoint le 22 mai 2019 les entreprises signataires. C’est lors des élections européennes de mai 2019 que les plateformes numériques participantes – Facebook, Google et Twitter en tête – ont publié des rapports mensuels sur la mise en œuvre de leurs actions dans le cadre de ce « code de pratique sur la désinformation » et dans un souci de « transparence de la publicité politique ». Cinq relevés mensuels ont été publiés sur cette période électorale, de janvier à mai 2019, dont le dernier publié il y a un an, le 14 juin (4). L’Erga en a fait la synthèse dans un rapport « monitoring » intermédiaire, en concluant que les GAFAM pouvaient mieux faire. « Google, Twitter et Facebook ont fait des progrès évidents dans la mise en œuvre des engagements du “Code of Practice on Disinformation” en créant une procédure ad hoc pour l’identification des publicités politiques et de leurs sponsors, et en rendant accessible au public les publicités en question. Il s’agissait d’un effort sérieux visant à accroître la transparence. Cependant, bien que les plateformes aient fourni des informations substantielles qui pouvaient être significatives pour les utilisateurs individuels, le suivi indique que les bases de données auraient dû être davantage développées [notamment plus détaillées, ndlr] afin de fournir les outils et les données nécessaires pour assurer la qualité électorale » (5). Les régulateurs européens de l’audiovisuel avaient en outre déjà constaté que les notions de « désinformation » et de « publicité politique » n’ont pas de définitions partagées par les Etats membres, dont certains n’ont même aucune définition des publicités politiques. A cela s’ajoutait aussi le fait que la plupart des « CSA » en Europe disposaient de compétences, de pouvoirs et de ressources juridiques très limités pour s’engager dans l’activité de surveillance des plateformes en ligne. Il y a un an, l’Erga estimait alors que l’approche de coopération en matière de régulation – appelée aussi co-régulation – adoptée par les institutions européennes ne devait pas empêcher d’aller plus loin en rendant exécutoires ou contraignantes (enforceable) les dispositions du code « anti-infox ».

Renforcer les autorités de surveillance
Cela supposait aussi, selon l’Erga, que les autorités de régulation chargées de surveiller le respect de ces dispositions par les plateformes du Net disposent également d’outils, d’accès aux informations et de l’autonomie nécessaires pour s’acquitter de cette tâche. « Il est crucial que les autorités de surveillance [« monitors », dans le texte, ndlr] aient la possibilité de créer leurs propres requêtes, filtres et outils d’analyse qui devraient être orientés vers les données brutes, non filtrées et non gérées dans les bases de données des plateformes numériques. L’information devrait être fournie de manière à leur permet également d’établir facilement le volume de publicité sur une période de temps définie, de comprendre des informations détaillées sur les pages où les publicités apparaissent, de connaître qui financent ces publicités, et d’identifier le problème pertinent pour chaque annonce en question », avait encore conclu l’Erga. Toujours dans son rapport intermédiaire de juin 2019, le groupe des régulateurs européens des médias audiovisuels avait appelé la Commission européenne à aller plus loin et au-delà de la seule publicité politique, « première étape d’un processus qui, inévitablement, rapprochera les deux parties (régulateurs et plateformes) tant au niveau européen qu’au niveau national ». L’Erga souhaitait « un niveau de coopération plus élevé ». Un an après son rapport intermédiaire, force est de constater que les premières recommandations de l’Erga n’ont toujours pas été suivis d’effet.

Mais respecter la liberté d’expression
Le groupe des régulateurs européens des médias audiovisuels en a donc remis une couche à travers son rapport final publié le 6 mai dernier (6). « Malgré des efforts notables fournis par les plateformes, l’application de ce code n’est pas encore optimale, à ce jour », insiste le groupe des « CSA » européens auprès de la Commission européenne. Il lui recommande d’agir maintenant dans trois directions pour améliorer la lutte contre la dissémination des infox en ligne : « Améliorer le code existant, étendre ses engagements et explorer de nouveaux outils pour tendre vers une régulation plus efficace, cette dernière étant assortie d’obligations claires de rendre compte selon des procédures davantage harmonisées et dans des délais appropriés », résume le communiqué du CSA en France, daté du 6 mai. Et le président de l’Erga, Tobias Schmid (photo) d’enfoncer le clou : « La lutte contre la désinformation est de la plus haute importance pour notre démocratie. Nous devons préserver la valeur du discours public sur Internet en empêchant la diffusion délibérée de fausses informations tout en respectant la liberté d’expression. (…) Mais un danger doit être combattu là où il se présente. Par conséquent, nous devons également trouver des moyens de renforcer les efforts des [plateformes numériques] signataires pour accroître l’efficacité des mesures du code et de leurs activités de reporting ». L’Allemand Tobias Schmid est par ailleurs directeur de l’autorité médiatique du plus puissant Land, la Rhénaniedu- Nord-Westphalie, ainsi que chargé des Affaires européennes de la DLM qui réunit en Allemagne les directeurs des autorités médiatiques. Au-delà des publicités politiques, l’Erga estime que la pandémie du coronavirus démontre qu’il faut aller plus loin dans la lutte contre la désinformation : « La prolifération de fausses nouvelles, guidées par des objectifs politiques et/ou axés sur le profit, qui accompagne la récente éclosion de covid-19, n’est qu’un exemple de la façon dont les stratégies de manipulation de l’information posent de graves menaces à la formation de l’opinion publique. Il est important de démystifier de telles nouvelles pour protéger les valeurs démocratiques et contrer les tentatives d’incitation à la haine et à la violence ». A nouveau, les régulateurs de l’audiovisuel recommandent que l’ensemble des plateformes numérique de contenus sur Internet opérant en Europe adhèrent à ce code contre la désinformation. Et concrètement, ils appellent à une bien plus grande transparence, y compris des données beaucoup plus détaillées (en particulier des données par pays) sur la façon dont les signataires mettent en œuvre le code « antiinfox ». De façon à uniformiser l’application de ce code de bonne conduite, l’Erga suggère que les plateformes mettent à disposition des ensembles de data, des outils de suivi des données et des informations spécifiques à chaque pays donné pour permettre au régulateur national un suivi indépendant. L’Erga propose en outre d’aider la Commission européenne (au niveau de sa DG Connect) à établir des définitions pertinentes, y compris en matière de publicité politique, ainsi que des lignes directrices pour assurer une approche plus cohérente entre les Etats membres.
Et pour que la lutte contre les fake news soit vraiment efficace, se limiter à Google, Facebook ou Twitter ne suffit plus, toujours selon les « CSA » européens : « Le nombre de signataires du code de pratique sur la désinformation est limité et ne comprend pas certaines plateformes importantes, les services d’information et de communication et les acteurs de l’industrie de la publicité qui sont actifs dans l’Union européenne. Par conséquent, tous les efforts possibles doivent être déployés pour augmenter le nombre de plateformes signataires du code, afin d’éviter les asymétries réglementaires ». Quant à l’auto-régulation flexible actuelle, si elle a pu être un premier pas important et nécessaire, elle a montré aussi ses limites et son insuffisante efficacité. Pour contrer la désinformation en ligne, il est aussi suggéré à la Commission européenne de passer à « une approche de co-régulation ». Aussi, l’Erga se propose de l’aider en 2020 à identifier les mesures spécifiques et pour les plateformes les indicateurs de performance-clés – les « KPI », disent les Anglo-saxons, pour Key Performance Indicators. Last but not the least : l’Erga veut aider Bruxelles à définir des outils nécessaires aux activités de surveillance (monitoring) et d’exécution des autorités de régulation nationales.

Vers une loi européenne « anti-infox » ?
Mais les régulateurs européens de l’audiovisuel et des médias veulent que les institutions européennes aillent encore plus loin, quitte « à envisager une régulation fixée par la loi, comme l’ont fait certains Etats membres tels que la France (7) ou l’Allemagne (8) ». Cette régulation pourrait être prévue par le futur Digital Services Act (DSA) que doit présenter (lire p. 3) la Commission européenne d’ici la fin de l’année. @

Charles de Laubier

Le Digital Services Act veut abolir la directive «E-commerce» et responsabiliser les plateformes

La directive « E-commerce » aura 20 ans en juin 2020. La Commission européenne veut la remplacer par le futur « Digital Services Act », une nouvelle législation sur les services numériques où la responsabilité des plateformes sera renforcée. Mais les GAFAM défendent leur statut d’hébergeur.

La vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée d’œuvrer « pour une Europe préparée à l’ère numérique », Margrethe Vestager (photo de gauche), a été missionnée par Ursula von der Leyen – laquelle a succédé il y a près de deux mois à Jean-Claude Juncker – pour coordonner la mise à niveau des règles de responsabilité et de sécurité des plateformes, des services et des produits numériques (1).

Le DSA pour compléter le DSM
Cette réforme d’envergure se fera par une « loi sur les services numériques », appelée Digital Services Act (DSA), que va proposer la Commission européenne cette année pour « compléter » le Digital Single Market (DSM) qui avait été présenté pour la première fois par la Commission « Juncker » il y aura cinq ans en mai prochain. Ce DSA portera sur de nombreux aspects de l’économie numérique et des nouveaux médias, dont la liste n’a pas encore été arrêtée à ce stade. La future proposition de texte, qui sera présentée au Parlement européen (dont la commission juridique prépare un rapport) et au Conseil de l’Union européenne, devrait comporter des mesures de lutte contre les contenus illicites en ligne, d’interdiction de la publicité politique lors de campagnes électorales, ou encore d’action communautaire pour empêcher la cyberhaine et le cyberharcèlement. Pourraient aussi être intégrées dans ce DSA des dispositions pour interdire les fausses nouvelles (fake news) et la désinformation en ligne. Cette future législation européenne sur les services numériques devrait en outre permettre de veiller aux conditions de travail de ceux qui offres leurs services aux plateformes numériques contre rémunération.
Mais le point le plus sensible à traiter par la Commission « Leyen » sera la question des exemptions de responsabilité dont bénéficient les plateformes d’hébergement depuis vingt ans. La directive « E-commerce » de juin 2000, qui est censée être transposée par l’ensemble des Vingt-huit depuis le 17 janvier 2002, prévoit en effet dans son article 15 – intitulé explicitement « Absence d’obligation générale en matière de surveillance » – que « les Etats membres ne doivent pas imposer aux [plateformes d’Internet] une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » (2). Cette responsabilité limitée des GAFAM a été confortée à maintes reprise par la jurisprudence européenne (3) (*) (**) (***) (****) (*****). Pourtant, un mois après sa prise de fonctions, le nouveau commissaire européen en charge du Marché intérieur, le Français Thierry Breton, a mis d’emblée les pieds dans le plat lors de sa première interview à la presse européenne : « Il faut évidemment mettre les plateformes face à leurs responsabilités. Le monde a changé. L’opinion publique aussi. On ne peut continuer à vivre dans un monde dans lequel cinq ou six grands acteurs stockent 80 % des données de la planète sans se considérer responsables des usages qui en sont faits ! », a-t-il lancé dans Les Echos datés du 8 janvier dernier. Et d’enfoncer le clou : « La directive “E-commerce” a longtemps fonctionné mais l’environnement et les usages ont considérablement évolué depuis son adoption. (…) Mon objectif, c’est de renforcer, vite, la responsabilité des grandes plateformes ». Et d’ajouter en plus : « Je préférerais le faire dans le cadre de la directive “E-commerce” mais nous verrons s’il nous faut aller plus loin » (4).
Son propos catégorique dans le quotidien économique français était une réponse à Edima, qui, la veille, a appelé la Commission européenne à préserver ce statut d’hébergeur à responsabilité limitée. Cette organisation (5), basée à Bruxelles, représente les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) ainsi que Airbnb, Allegro, eBay, Expedia, Mozilla Mozilla, OLX, Snap, TripAdvisor, Twitter, Verizon Media, Yelp et un nouveau membre : Spotify). « La responsabilité limitée doit être réaffirmée. (…) Il est essentiel de garder à l’esprit les avantages du régime établi par la directive sur le commerce électronique, notamment (…) l’interdiction d’une obligation générale de surveillance [d’Internet] », déclare Siada El Ramly (photo de droite), directrice générale de Edima.

Les GAFAM attachés à leur régime
Plutôt que d’abolir la directive « E-commerce », Edima propose un nouveau « cadre de responsabilité en ligne », qui permettrait et encouragerait les fournisseurs de services en ligne à faire davantage pour protéger les consommateurs contre les contenus illicites en ligne. Une brèche dans la responsabilité limitée des plateformes a déjà été ouverte avec la nouvelle directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique » promulgué en mai dernier (6). Ainsi, sans accord avec les ayants droits, les GAFAM seront responsables du piratage en ligne (7) sans qu’ils puissent invoquer le régime de responsabilité limité d’hébergeur. @

Charles de Laubier

« Crépuscule », le pamphlet politique qui jette une lumière crue sur une oligarchie médiatique

L’avocat Juan Branco démontre comment trois milliardaires et magnats des médias – Bernard Arnault (Le Parisien, Les Echos, …), Xavier Niel (Free, Le Monde, L’Obs, …) et Arnaud Lagardère (Paris Match, Le JDD, Europe 1, …)
– ont orchestré dans l’ombre la montée au pouvoir d’Emmanuel Macron.

« Le président [de la République] qui veut légiférer sur les fake news est lui-même le produit d’une immense fake news. (…) Emmanuel Macron transparaît dans ce récit comme le produit d’une manipulation de l’opinion », écrit le journaliste Denis Robert dans la préface qu’il consacre au livre « Crépuscule », de l’avocat Juan Branco (photo), paru le 21 mars dernier aux éditions Au diable Vauvert et Massot.

« Le futur président de la République ! » (Niel, 2014)
Dans ce pamphlet politico-médiatico-télécoms, l’auteur y « dénonce et expose les preuves d’une OPA commise sur la démocratie par des oligarques puissants, en
faveur d’intérêts de caste, et comment le président Emmanuel Macron en fut à la fois
la créature et l’instrument ». Juan Branco y entreprend de lever le voile sur les « amis » d’Emmanuel Macron qui l’ont aidé à devenir président de la République. Ces amis-là sont Bernard Arnault, le PDG du groupe LVMH et propriétaire des quotidiens Le Parisien et Les Echos, Xavier Niel, le fondateur de l’opérateur télécoms Free et copropriétaire du Monde et de L’Obs, ainsi qu’Arnaud Lagardère, patron de Paris Match, du Journal du Dimanche (Le JDD) et d’Europe 1.
Cet ouvrage-citoyen jette en même temps une lumière crue sur des milliardaires qui détiennent en France – cas unique au monde (1) – des pans entiers des médias, dont l’indépendance est mise à mal. « Dans un pays où 90 % de la presse est entre les mains de quelques milliardaires, l’exposition de la vérité est affaire complexe. (…) La capacité à dire et se saisir du réel n’a cessé, par ces corruptions, pour les dirigeants comme pour les populations, de se dégrader. (…) La prise de l’information par quelques individus obsédés par l’idée de soi a distordu la vie de la cité (…) », déplore Juan Branco au début de son livre. L’auteur de « Crépuscule » l’affirme pour y « avoir, de l’intérieur, assisté » : « Emmanuel Macron a été “placé” bien plus qu’il n’a été élu.
Et la presse a agi en ce domaine avec complicité, la complicité que l’on ne peut qu’attendre de ceux qui, eux-mêmes placés, subissant cure d’amaigrissement sur
cure d’amaigrissement, n’auront cessé de bêler à leur indépendance par peur de perdre leur place, plutôt que de s’indigner ». Juan Branco relate notamment une première rencontre qu’il a eue en janvier 2014 avec Xavier Niel, lequel l’avait invité « comme
il le fait régulièrement avec des jeunes gens qu’il considère être appelés à de hautes fonctions ». L’hôte est alors âgé de 24 ans, normalien, docteur en droit, chercheur à l’université Yales et auteur en 2010 d’un premier ouvrage intitulé « Réponses à Hadopi » après avoir milité contre la loi Hadopi (2). Le patron de Free est alors déjà à la fois copropriétaire depuis novembre 2010 du journal Le Monde et tout juste coactionnaire majoritaire de L’Obs (depuis janvier 2014). Xavier Niel, treizième fortune professionnelle de France d’après Challenges (3), est réputé non seulement pour intenter des procès à des journalistes, mais aussi pour contrôler financièrement des médias pour, at- il dit, « ne pas être emmerdé ». Il est en outre gendre de Bernard Arnault – le plus fortuné de France et d’Europe, et quatrième mondial (4) – après s’être uni à Delphine Arnault, l’héritière dont il a une fille Elsa née en 2012. Xavier Niel invite donc Juan Branco à déjeuner place de la Madeleine. Et ce dernier de raconter notamment deux de leurs échanges. Le premier : « Je l’entretiens des dangers d’avoir investi dans la presse,
d’un mélange des genres qui risque de l’effondrer. Il balaye d’un revers de main mes réserves, se raidit et découvre pas à pas, là où je croyais encore à une forme d’entièreté, le cynisme d’un être prêt à tout pour ses intérêts ». Second propos rapporté par Juan Branco : « Sur le point de me quitter, il tient cependant à me montrer son téléphone : un certain Emmanuel Macron vient de lui écrire. “Le futur président de la République !”, me dit-il. Nous sommes en janvier 2014. Je le regarde, sévère. Son sourire s’éteint ». Cette prémonition intéressée se réalisera effectivement lors de l’élection présidentielle de 2017, grâce à l’entremise de Jean-Pierre Jouyet qui fut secrétaire général de la présidence de la République sous François Hollande.

Jean-Pierre Jouyet et l’Inspection de finances
C’est cet « homme de l’ombre », Jean-Pierre Jouyet, qui fait intégrer à l’Elysée le jeune Macron, dont il est proche avec l’homme d’affaires millionnaire Henry Hermand (5) et Xavier Niel. « Jean-Pierre Jouyet et l’Inspection des finances propulsent Emmanuel Macron au moment où celui-ci pensait sa carrière politique en berne. Le duopole Niel-Arnault, au mépris de toute règle démocratique, sponsorise. Les médias s’alignent », relate Juan Branco. Le jeune protégé Macron, énarque, inspecteur des finances et banquier d’affaires chez Rothschild & Co devient ainsi secrétaire général adjoint du cabinet du président (mai 2012-juillet 2014), avant que Jean-Pierre Jouyet n’annonce son entrée au gouvernement comme ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (août 2014-août 2016). Il a 36 ans. C’est d’ailleurs au cours de ces deux dernières années ministérielles, où il est donc aussi en charge du numérique, que Edition Multimédi@ rencontrera Emmanuel Macron. Juan Branco a écrit « Crépuscule » en octobre 2018, avant de mettre en ligne le mois suivant sur son blog du Monde la première version de son manuscrit. Les Gilets jaunes, eux, lancent leur « Acte I » le
17 novembre. Son brûlot se propage sur Internet comme une traînée de poudre, téléchargé des dizaines de milliers de fois, faisant de ce jeune avocat (29 ans ; il aura 30 ans en août prochain) l’un des plus célèbres « lanceur d’alerte » sur les réseaux sociaux. Les médias institutionnels, eux, le tiennent à distance.

«Mimi » et « Crépuscule » inquiètent le pouvoir
Malgré cet intérêt confirmé des internautes, les éditeurs contactés – pour leur
proposer de faire paraître le livre dans sa version finalisée et augmentée – refuseront
le manuscrit. Au même moment, Juan Branco fait l’objet d’une plainte de la porte-
parole du parti LREM, la députée Aurore Bergé pour incitation à la « haine » et à la
« violence » ! Un autre livre intitulé « Mimi » trouvera, lui, un éditeur qui le publiera en octobre 2018 : Grasset, filiale d’Hachette Livre, partie intégrante du groupe d’Arnaud Lagardère, également propriétaire de Paris Match et du Journal du Dimanche et d’Europe 1. Ce livre inquiète la présidence « jupitérienne », mais pas trop. Et l’auteur
de « Crépuscule » de relever : « Explosant les opaques frontières jusqu’ici dessinées au nom de l’intimité par une presse compromise et dominée, le texte qui a rompu les frontières classiques de l’oligarchie, “Mini”, oeuvre de deux journalistes d’investigation [Jean-Michel Décugis et Marc Leplongeon] et d’une romancière [Pauline Guéna], mettait étrangement en lumière, à la rentrée 2018, une des principales pièces de la “fabrique du consentement” qui a permis la victoire d’Emmanuel Macron, à travers
un matraquage inédit, quasi-physique, qui fut imposé par une certaine caste aux Français ». Le livre « Mimi » enquête sur Michèle Marchand, professionnelle de la communication et de la presse people, mise au service du couple Macron jusqu’à l’Elysée.
Cette « Mimi » au passé sulfureux apparaît comme une « pièce centrale d’une entreprise de communication mise en place avec de Xavier Niel [qui a rencontré “Mimi” grâce à un avocat commun lors de leurs passages respectifs en prison au début des années 2000, ndlr], dans le but de faire connaître et adouber par le peuple français
un inconnu absolu qui venait d’être coopté par les élites parisiennes : Emmanuel Macron ». Il y est révélé que Xavier Niel et Emmanuel Macron sont amis de longue date, ce que les médias n’avaient pas voulu faire savoir aux Français. «Le premier a mobilisé sa fortune et son réseau pour faire élire le second (…). Que Xavier Niel soit le propriétaire du groupe Le Monde, mais aussi de L’Obs et possède des participations minoritaires dans la quasi-totalité des médias français, y compris Mediapart [fondé par Edwy Plenel et auteur du “Droit de savoir”, ndlr], n’est probablement pas pour rien dans le fait que nos journalistes n’aient jamais révélé ces liens d’amitié, et a fortiori le fait que ces liens aient nourri la mise à disposition de certaines des ressources d’un milliardaire au service de M. Macron », reproche Juan Branco. Il rappelle au passage que Xavier Niel a aussi pris des participations dans bon nombre de nouveaux médias tels que Bakchich, Atlantico, Causeur, Next Inpact ou encore Terraéco. Le patron de Free aurait acheté le silence voire l’autocensure de médias qu’il ne s’y serait pas pris autrement. «On est en droit de s’étonner qu’il ait fallut attendre septembre 2018 (lorsque les jeux sont faits) pour que les liens entre l’un des plus importants oligarques de notre pays
et son président aient été révélés », poursuit l’auteur qui pointe les éventuels conflits d’intérêts. Cette campagne de communication orchestrée par Niel et Marchand s’est notamment traduite par près d’une quarantaine de couvertures de Paris Match et du JDD (publiés par le groupe d’Arnaud Lagardère), ainsi que de L’Obs (copropriété de Xavier Niel) consacrées à Emmanuel et Brigitte Macron. Et encore, le livre « Mimi »
ne s’attarde pas sur les liens Niel- Macron que seul le journaliste indépendant Marc Endeweld avait révélés sur dans son livre « L’ambigu Monsieur Macron », paru en 2015 chez Flammarion (6). Pas plus que n’est soulevé le problème démocratique que cela pose au pays. Il faut dire que « Mimi » est publié chez Grasset, une des nombreuses maisons d’édition détenues par Arnaud Lagardère, lequel, estil indiqué dans
« Crépuscule », a été client d’Emmanuel Macron lorsque celui-ci fut à la banque Rothschild.
Le « petit Paris » est décidément petit. Arnaud Lagardère mettra son conseiller spécial Ramzi Khiroun au service de Macron devenu ministre.Xavier Niel, lui, offrira en outre son école informatique 42 et sa Station F pour start-up, inaugurées respectivement
en mars 2013 et en juin 2017, comme tribune à Emmanuel Macron devenu président. Entre temps, celui qui est encore ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique s’offre en janvier 2016 une sorte pré-campagne présidentielle au CES de Las Vegas, grand-messe de la hightech, sur des fonds confiés sans appel d’offres à l’agence Havas par Business France (BF). En outre, Juan Branco fait remarquer que « la fortune de Xavier Niel est directement dépendante des décisions de nos gouvernants ». Exemple : François Fillon, alors Premier ministre de Nicolas Sarkozy, avait décidé – contre l’avis de ce dernier et en « renvers[ant] une première décision négative de l’Arcep » – d’octroyer en 2009 la quatrième licence de téléphonie mobile (UMTS) à
Free – « faisant exploser la capitalisation boursière de Free, dont M. Niel est encore propriétaire à plus de 50% ».

Macronie : donnant-donnant, limite corruption
Dans cette saga d’oligarques qui a porté au pouvoir le jeune Macron (39 ans lorsqu’il est élu chef de l’Etat français), Patrick Drahi, autre milliardaire, propriétaire d’Altice/SFR devenu en plus lui aussi magnat des médias (Libération, L’Express, BFM, …), a également fait le jeu d’Emmanuel Macron. Ce dernier, lorsqu’il fut secrétaire général adjoint de l’Elysée, lui a demandé de la part de François Hollande de sauver le quotidien Libération. Ce que fit Patrick Drahi à l’été 2014 – Bernard Mourad s’en occupera pour lui et deviendra conseiller de Macron. Ce qui aurait permis à Altice
de racheter SFR au nez et à la barbe de Bouygues… @

Charles de Laubier

Pinterest a 10 ans : entre fake news et la Bourse

En fait. Le 25 février, un porte-parole de Pinterest a confirmé à l’AFP que le réseau social de partage de photos bloquait les recherches d’informations
sur les vaccins relevant de la désinformation « antivaccins ». Pours ses dix ans, Pinterest fait parler de lui – avant son entrée en Bourse prévue fin juin.

En clair. Facebook est né en 2004, Twitter en 2006, Instagram en 2010 (racheté deux après par le premier), et Pinterest en 2010 également – après avoir été créé en 2009 par Paul Sciarra et Ben Silbermann qui avait conçu en 2008 Tote, un catalogue de produits développé par la société Cold Brew Labs (devenue Pinterest), aussitôt abandonné au profit de l’application partage de photos et d’images. Pour ses dix ans,
la société Pinterest, basée à Palo Alto (Californie), est plus que jamais entrée dans la cour des grands réseaux sociaux en étant appelés par le Congrès des Etats-Unis à combattre les fake news en général et les désinformations sur les vaccins en particulier – sur fond de recrudescence de la rougeole outre- Atlantique ! C’est dans ce contexte de suspicion sur les contenus véhiculés par les Google, YouTube, Facebook et autres Twitter que la fièvre monte autour de Pinterest… La « licorne » – appelée ainsi car jusqu’à maintenant non cotée en Bourse mais à la valorisation dépassant 1 milliard de dollars – a déposé « secrètement » auprès du gendarme boursier américain (la SEC) un dossier d’introduction en Bourse justement (1). C’est ce qu’a révélé le 21 février dernier le Wall Street Journal, qui valorise Pinterest de 12 milliards de dollars minimum depuis une levée de 150 millions d’euros en 2017. La cotation est envisagée pour fin juin – et non pour le mois d’avril comme initialement avancé par le journal économique. Il faut dire qu’en dix ans, le petit réseautage de photos est devenu grand et revendique plus de 250 millions d’utilisateurs – dont plus de 50 % hors des Etats-Unis – après avoir franchi la barre des 200 millions en septembre 2017.
Les personnes inscrites peuvent « épingler » – to pin en anglais – sur des tableaux virtuels d’images et de photos en fonction de leurs centres d’intérêt (décoration, voyages, mode, cuisine, …). De nombreuses marques utilisent aussi les tableaux collaboratifs de Pinterest pour y montrer leurs produits et, depuis 2015, les vendre à l’aide d’un bouton « acheter ».  Et depuis février 2018, il est possible de cliquer sur un objet dans une photo (vêtement, meuble, produit, …) pour se le voir proposer à l’achat (2). La montée en charge de Pinterest a de quoi inquiéter Facebook qui tente de donner la réplique avec Instagram, sa filiale depuis 2012. La bataille des photos et images partagées ne fait que commencer. @

Règlementation pour la fiabilité des informations et conseil de presse : sommes-nous tous concernés ?

Les lois de lutte contre les « fausses nouvelles » (1881, 2016, 2018) visent aussi
à faire respecter une certaine déontologie de l’information qui, à l’ère d’Internet, ne concerne plus seulement les médias et les journalistes, mais aussi la société civile qui participe à la diffusion d’« actualités ».

Par Marie-Hélène Tonnellier, avocate associée, Corentin Pallot, avocat, et Elsa Mouly, élève-avocat, cabinet Latournerie Wolfrom Avocats

La confiance dans les médias chute
à des niveaux pour le moins inquiétants. Constat particulièrement marquant, selon une étude Kantar Sofres réalisée début janvier : si le média le plus crédible aux yeux du public serait la radio, seuls 50 % des participants considèrent que les informations y sont fiables ; ce taux de crédibilité tombe à 44 % pour les informations communiquées dans la presse écrite et à 38 % à la télévision (1).

Plusieurs acteurs sont visés
Parallèlement à cette perte de confiance, de nouveaux sites d’information en marge
des médias traditionnels font leur apparition dont l’objectif affiché est souvent d’offrir
un média de proximité et indépendant. Pour tenter de lutter contre cette perte de confiance, le législateur et le pouvoir exécutif sont intervenus à plusieurs reprises
ces derniers mois en prenant des mesures visant en premier lieu les médias et les journalistes, mais pas seulement, puisque certains des textes adoptés concernent d’autres acteurs tels que les annonceurs, les plateformes en ligne, voire la société civile.
• Les médias et journalistes : les premiers concernés. Déjà en 2011, le Syndicat national des journalistes (SNJ) avait élaboré et adopté une charte d’éthique professionnelle. On y retrouvait des principes dont l’objectif est de lutter contre la désinformation : le journaliste « prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, mêmes anonymes » ; de même qu’il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles » (2). Pour autant, malgré les efforts fournis, la déontologie des journalistes – qui reste pour beaucoup un sujet de discussion passionné – ne semble pas pour autant avoir abouti à des règles contraignantes. En 2016, c’est la loi qui est venue cette fois-ci imposer, non pas aux journalistes mais aux sociétés éditrices de presse ou audiovisuelles, de se doter d’une charte de déontologie (3). Cette disposition a pour conséquence de créer autant de chartes de déontologie qu’il y a de sociétés éditrices. Ce qui n’a pas manqué d’inquiéter certains acteurs, d’autant que beaucoup l’ont jugée insuffisante au regard de son objectif de renforcement de l’indépendance des médias vis-à-vis des actionnaires. Tout récemment a été adoptée une loi particulièrement marquante (tout du moins a-t-elle beaucoup fait parler d’elle !), la loi
« Fake News » (4), qui vise directement les médias. Difficilement acquise par la majorité, rejetée deux fois par le Sénat, objet d’une saisine du Conseil constitutionnel, cette loi de « lutte contre la manipulation de l’information » a finalement été publiée le 23 décembre 2018. Elle a pour objectif premier de lutter contre les fausses informations en période électorale. Pour ce faire, elle donne la possibilité au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) d’ordonner la suspension de la diffusion d’un service de télévision contrôlé par un Etat étranger ou placé sous l’influence de cet Etat pour avoir diffusé en période électorale de fausses informations. Cette loi permet également, toujours au CSA, de prononcer la résiliation unilatérale de la convention conclue avec l’éditeur si
ce service a porté atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation – notamment par la diffusion de fausses informations. La loi « Fake News » s’adresse également aux services de communication au public en ligne puisqu‘elle permet en période électorale de saisir le juge des référés, afin qu’il prenne toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser la diffusion d’allégations jugées inexactes ou trompeuses et de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir.

Décision nuancée du Conseil constitutionnel
Si certains ont pu y voir un risque d’atteinte à la liberté d’expression et de la communication, leur crainte n’a pas retenu l’attention du Conseil constitutionnel qui a considéré que cette nouvelle procédure avait pour but de « lutter contre le risque que les citoyens soient trompés ou manipulés dans l’exercice de leur vote par la diffusion massive de fausses informations sur des services de communication au public en
ligne ». Il a d’ailleurs ajouté que les services de communication au public en ligne ciblés par cette procédure « se prêt[aient] plus facilement à des manipulations massives et coordonnées en raison de leur multiplicité et des modalités particulières de la diffusion de leurs contenus » (5). Les sages de la rue de Montpensier ont tout de même nuancé leur décision en précisant que « les allégations ou imputations mises en cause ne sauraient, sans que soit méconnue la liberté d’expression et de communication, justifier une telle mesure que si leur caractère inexact ou trompeur est manifeste ». Il en va de même pour « le risque d’altération de la sincérité du scrutin, qui doit également être manifeste ».

Les géants du Web mis à contribution
• Les plateformes en ligne dans le viseur du législateur. Mais la loi « Fake News » n’a pas seulement la prétention de cibler les médias. Elle vise en effet également à responsabiliser les géants du Web dont les plateformes sont de plus en plus utilisées comme relai d’information ou de désinformation (c’est selon), la loi allant jusqu’à exprimer clairement une obligation de mettre « en oeuvre des mesures en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public ou d’altérer la sincérité d’un des scrutins ». Ces plateformes en ligne devront en particulier, trois mois avant et jusqu’à la fin des élections, fournir une information loyale, claire et transparente sur l’identité de la personne qui finance le contenu de l’information partagée se rattachant au débat d’intérêt général. Elles devront aussi rendre public le montant de ces financements lorsqu’il dépasse un certain seuil. La facilité d’accès à ces plateformes et la possibilité pour tout un chacun d’y publier des contenus rend particulièrement difficile le contrôler les informations y circulant. La multitude d’auteurs et cette absence de contrôle a facilité l’expansion des fake news. Le législateur entend ainsi endiguer ce phénomène et rendre plus aisée la lutte contre la désinformation.
• Les sites favorisant la désinformation attaqués au portefeuille. Avec la digitalisation et l’essor de la publicité en ligne, le phénomène des fake news n’épargne pas non plus les annonceurs publicitaires. Le ciblage comportemental, qui consiste à associer une publicité à une personne déterminée, la multiplication des acteurs ou encore l’automatisation quasi-complète du processus, rend de plus en plus difficile pour l’annonceur de s’assurer de l’environnement dans lequel son annonce est diffusée. Pour éviter que ces derniers n’en perdent complétement la maîtrise, le pouvoir exécutif a mis à la charge des vendeurs d’espaces publicitaires une obligation de transparence. Depuis le 1er janvier 2018, un décret favorisant la transparence dans le monde de la publicité digitale permet en effet aux annonceurs de s’assurer que leurs publicités ne sont pas associées à des sites qui pourraient nuire à leur image (6). Les vendeurs doivent désormais communiquer à l’annonceur un compte rendu qui répertorie notamment : l’univers de diffusion publicitaire, le contenu des messages publicitaires diffusés, les formats utilisés, le montant global facturé pour une même campagne publicitaire, ou encore les mesures mises en oeuvre pour éviter la diffusion de messages publicitaires sur des supports illicites. Les annonceurs pourront ainsi vérifier que leurs publicités ne sont pas diffusées sur des sites propagandistes, entre autres sites web indésirables ou illicites. Ce décret permet donc à la fois pour l’Etat de lutter contre le financement de ces supports et pour les annonceurs de protéger leur image de marque.
• La société civile également impliquée dans la lutte contre les fake news. On relèvera enfin que cette récente règlementation n’a cependant pas complété le catalogue de sanctions visant les émetteurs de fake news, le but étant plutôt d’adapter la loi aux nouveaux canaux d’information. Les dispositions existantes n’ont donc pas été modifiées, telles que l’article L. 97 du code électoral qui prévoit une sanction contre ceux qui utilisent de fausses informations pour détourner des votes ou encore l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 qui punit la diffusion de fausses nouvelles qui auront troublé la paix publique. A noter que d’autres dispositions de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, du code pénal ou du code monétaire et financier viennent également sanctionner une variété de comportements en lien avec la création de fausses informations. Cet arsenal est déjà assez complet. On aurait donc pu reprocher à ces différents textes de ne pas viser les personnes de la société civile, qui pourtant participent et sont finalement les premiers concernés par le désaveu envers les médias. Seule disposition notable, celle insérée dans le code de l’éducation imposant d’informer les élèves sur les « moyens de vérifier la fiabilité d’une information » (7).
Mais c’est là qu’intervient la possible création d’un conseil de déontologie de la presse qui pourrait permettre, selon le ministre de la Culture, Frank Riester, de « retisser le lien de confiance entre les français et les journalistes si tant est qu’il est distendu » (8). Dans cette optique, l’ancienne ministre de la rue de Valois, Françoise Nyssen, a confié à Emmanuel Hoog (ancien PDG de l’Agence France-Presse) la rédaction d’un rapport en vue de la création d’un conseil de déontologie de la presse. Ce rapport, annoncé pour la fin du mois de janvier 2019, n’a néanmoins toujours pas encore été publié.

Conseil de presse pour instruire les plaintes
Ce conseil dit « de presse », mais qui concernerait tous les médias (journaux, télévisions, radios, numérique, …), pourrait réunir des journalistes et des éditeurs, mais aussi des personnes venant de la société civile. Organe de réflexion, de concertation mais aussi de médiation, le conseil aurait pour fonction d’instruire les plaintes des personnes concernant le respect des pratiques professionnelles. C’est en tout cas ainsi que l’a envisagé l’Observatoire de la déontologie de l’information, dans un communiqué (9) publié en janvier dernier. @