La radio numérique par les ondes tient tête à l’audio

En fait. Les 5 et 6 novembre, à Toulouse et Montauban, d’une part, et à Bordeaux et Arcachon, d’autre part, a été lancée la diffusion numérique hertzienne de dizaines de radios nationales et locales. Le DAB+ couvre maintenant 28,8 % de la population française. Un pied de nez aux podcasts, aux webradios et à l’audio du Net.

En clair. « Le DAB+ est aujourd’hui un investissement stratégique de toute première nécessité pour les radios, car il leur permet de préserver l’indépendance de leur mode de distribution historique – la radiodiffusion par les ondes – vis-àvis des fournisseurs d’accès à Internet fixes et mobiles », explique Nicolas Curien, président du groupe de travail radios et audio numérique du CSA, à Edition Multimédi@. Et de poursuivre : « En effet, il n’est pas nécessaire d’être connecté à Internet ni de payer un quelconque abonnement pour écouter la radio en DAB+ : le son passe par les ondes, l’écoute est gratuite et anonyme, exactement comme pour la FM, dont le DAB+ n’est autre que le successeur numérique ».
A l’heure où les podcasts explosent de partout, où les plateformes de musique en ligne (YouTube, Spotify, Deezer, …) s’adonnent au streaming jusque dans les enceintes connectées (les GAFA y donnent de la voix), à l’heure où encore les webradios et l’audio digital consacrent la radio sur IP (via Internet), la radio par voie hertzienne, elle, s’est modernisée avec le DAB+ pour ne pas être disqualifiée. A l’instar de la télévision numérique terrestre (TNT), la radio numérique terrestre (RNT), elle, permet aux éditeurs de stations de garder une part d’indépendance vis-à-vis des plateformes du Net, où dominent les GAFA. L’anonymat offert par le DAB+, comme la FM, est un atout majeur au moment où l’exploitation des données personnelles des internautes se fait dans des conditions parfois illégales. Sans être pisté, du moins tant que les récepteurs ne seront pas connectés à Internet, l’auditeur « DAB+ » peut écouter – avec une qualité de son inédite – des certaines radios en mobilité, sans se soucier des fréquences, tout en obtenant en plus le titre de la chanson, de l’info trafic, etc.
Le code européen des communications électroniques prévoit qu’à partir de décembre 2020 tous les autoradios devront intégrer obligatoirement une puce « DAB+ ». La France fait déjà mieux puisque « cette obligation, indique Nicolas Curien, est en vigueur depuis juillet dernier pour tous les récepteurs y compris les autoradios, et même depuis 2019 pour les récepteurs fixes » (1). Depuis le lancement du DAB+ sur la France en 2014, 564 autorisations d’émettre ont été délivrées par le CSA à des éditeurs, privés ou publics, pour un total de 246 radios différentes. @

DAB+ versus Podcast : la bataille numérique du « temps d’oreilles disponibles » ne fait que commencer

La bataille digitale pour prendre contrôle des oreilles disponibles est engagée. Les forces en présence sont, d’un côté, la radio numérique hertzienne linéaire diffusée en DAB+ et, de l’autre, les podcasts disponibles à la demande. Entre podcast et radio, c’est à celui qui se fera le plus entendre.

L’année 2019 s’annonce comme celle de la revanche de l’audio sur la vidéo. Le numérique redonne de la voix à la diffusion sonore face à la production d’images devenues omniprésentes sur Internet et les réseaux sociaux. Avec la montée en puissance de la radio numérique hertzienne, d’un côté, et des podcasts à la demande, de l’autre, le son et l’audio sont en passe de reprendre le dessus par rapport à l’image et à la vidéo.

DAB+ national : prime aux réseaux privés
Mais comme pour le cerveau vis-à-vis de la publicité, le « temps d’oreilles disponibles » est limité. Le partage de l’audience est inéluctable. Sur le versant linéaire, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient de délivrer les autorisations à l’ensemble des éditeurs des 24 radios « à vocation nationale » qu’il avait retenues le 6 mars dernier,
en assemblée plénière, à la suite de son appel aux candidatures en vue de diffuser
en mode radio numérique terrestre (RNT) et en DAB+ sur l’ensemble du territoire métropolitain. Dans l’ordre alphabétique, les heureux élus sont : Air Zen, BFM Business, BFM Radio, Chérie, Europe 1, FIP, France Culture, France Info, France Inter, France Musique, Fun Radio, Latina, Mouv’, M Radio, Nostalgie, NRJ, Radio Classique, RFM, Rire et Chansons, RMC, RTL, RTL 2, Skyrock, Virgin Radio. Les radios disposent maintenant d’un délai de deux mois pour désigner les opérateurs techniques chargés de l’exploitation des deux multiplex sur lesquels elles seront réparties. « Une fois ces étapes accomplies, les émissions en DAB+ pourront démarrer au premier trimestre 2020 sur 70 % du territoire et seront progressivement étendues », indiqué le CSA, dont le groupe de travail « radios et audio numérique » est présidé par Nicolas Curien et vice-présidé par Hervé Godechot.
Après avoir tiré à boulets rouges sur la RNT qu’ils estimaient trop coûteuse et non rentable, les grands groupes de radios privées – Lagardère/Europe 1, M6/RTL, Altice-NextRadioTV/ RMCet NRJ – se sont finalement portés candidats aux DAB+ national. Les quatre en question ont chacun obtenu sans exception leur sésame pour diffuser numériquement toutes leurs radios au niveau national. Ainsi : Lagardère Active pour Europe 1, RFM et Virgin Radio ; le groupe M6 pour RTL, RTL2 et Fun Radio ; le groupe NextRadioTV/Altice pour RMC, BFM Business et BFM Radio ; le groupe NRJ pour NRJ, Chérie, Nostalgie et Rire & Chansons. Autrement dit, le CSA a fait la part belle aux réseaux radiophoniques nationaux privés – ceux-là même qui avaient voué aux gémonies cette innovation radiophonique, via notamment leur feu Le Bureau de la Radio qui les a longtemps représentés pour discréditer la RNT (1). En dehors des grandes radios privées et mis à part les six radios publiques de Radio France (2) pour lesquelles l’Etat a décidé de préempter des fréquences DAB+, seules quatre radios
« indépendantes » ont obtenu leur autorisation nationale : Latina (Groupe 1981), M Radio (Espace Group), Radio Classique (LVMH), Skyrock (Pierre Bellanger), tandis qu’un seul nouveau projet – Air Zen (groupe Mediameeting) – a été retenu. Ce dernier vise à lancer une radio sur le thème du développement personnel et du mieux-vivre (mieux-être, mieux-consommer et humanisme).
Mais plus d’une dizaine d’autres candidats indépendants n’ont pas eu la chance d’être retenus pour diversifier le paysage radiophonique français : Sud Radio du groupe Fiducial Médias (3), Melody du groupe Secom, Oüi FM (AWPG/Arthur), mais aussi Crooner Radio, Chante France, Jazz Radio, Générations, Radio Bonheur, France Maghreb 2, Virage, Radio Maria France, Radio Pitchoun, et Yin. Au total, une quarantaine de dossiers de candidatures avaient été jugés recevables par le CSA pour les 24 fréquences du DAB+ national. « Nous regrettons que d’autres formats de radios indépendantes n’aient pas été sélectionnés, mais nous comptons sur le CSA pour rétablir l’équilibre lors des appels régionaux où de nombreuses radios indépendantes sont candidates », a déclaré Alain Liberty (photo de gauche), président du Syndicat des radios indépendantes (Sirti). Dans les prochains mois, le CSA doit en effet sélectionner – parmi notamment 130 radios indépendantes – des radios pour émettre en DAB+ dans 17 grandes agglomérations françaises (4) : « La sélection sur les multiplex de 17 nouvelles zones (1 étendu + 1 local par zone), dont Bordeaux et Toulouse, sera effectuée dans environ six semaines, pour un démarrage prévu à la fin du premier trimestre 2020 », indique Nicolas Curien à Edition Multimédi@.

Une centaine de radios DAB+ déjà en région
Mais sans attendre 2020, la RNT (alias DAB+) couvre déjà 21,3 % de la population française avec 26 multiplex diffusant à Lille, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Strasbourg
et dans leurs environs – soit au total environ une centaine de radios diffusant déjà en DAB+ (71 radios indépendantes). Les régions parisienne, niçoise et marseillaise sont ainsi couvertes depuis 2014, les Hauts-de-France, le Grand Lyon et l’Alsace depuis 2018. « Les émissions en DAB+ à Nantes et à Rouen démarreront respectivement
à l’été et à l’automne prochains. Le lancement d’un nouvel appel multi-régional (15 étendus + 15 locaux) est prévu en juillet 2019 », précise Nicolas Curien (5). Le CSA publiera l’été prochain une carte interactive des radios diffusant en DAB+ (6). Or, selon la loi française, le franchissement du seuil de 20 % déclenche l’obligation d’intégrer la technologie DAB+ d’ici fin 2019 dans tous les postes de radio neufs et d’ici mi-2020 dans tous les autoradios neufs.

Audience des podcasts natifs prévue fin mars
Les avantages de la RNT par rapport à la FM résident dans un son de meilleure qualité sans interférence, une meilleure continuité d’écoute en mobilité, une offre enrichie en nouvelles stations de radio, et la possibilité d’un flux audio par des données numériques associées. Malgré le retard chronique qui a caractérisé la France et le lancement tardif en juin 2014 des premières émissions en RNT à Paris, Marseille et Nice (7) où on la promettait pour… fin 2009, l’année 2019 marquera enfin la consécration du DAB+ sur l’Hexagone. Mais cette montée en charge de la radio numérique linéarisée – diffusée selon une programmation d’émissions imposée aux auditeurs, à l’instar des grilles des programmes de télévision diffusés à l’antenne aux téléspectateurs – intervient au moment où les usages des auditeurs sont en train de changer radicalement.
Comme pour la télévision où le replay se substitue de plus en plus à l’antenne, la radio vit à son tour une tendance à la délinéarisation avec l’explosion de l’offre de podcasts. «A l’aube de la révolution de “l’Internet des oreilles” liée au développement des enceintes connectées et autres assistants personnels lancés et contrôlés par les GAFA, la radio doit revendiquer sa place légitime : “la voix” qui s’adresse aux français, c’est elle », assure Alain Liberty, du Sirti, par ailleurs directeur général exécutif du groupe 1981 depuis le début de l’année, après avoir été plus de dix ans directeur général de Radio Scoop (basée à Lyon). Si le DAB+ est présenté comme complémentaire à la FM, deux modes de diffusion hertzienne et linéaires, il en va tout autrement des podcasts qui pourraient soit cannibaliser soit sérieusement grignoter les audiences de la radio. D’autant que les récepteurs radio compatibles DAB+ sont encore peu nombreux. Selon l’institut d’études GfK, près de 116.000 récepteurs DAB+ (hormis les premières montes dans l’automobile) ont été vendus en France en 2018 (8). Selon le CSA, l’intégration de la technologie DAB+ dans les appareils devra se faire d’abord sur les postes de radio haut de gamme (à écran numérique), suivis par les autres postes d’ici à la fin de l’année, puis les autoradios d’ici le milieu de l’année prochaine. Bien que les jeunes aient une image positive de la radio, ils n’en soulignent pas les côtés négatifs : « Ils trouvent la radio parfois répétitive ou redondante notamment en ce qui concerne la programmation musicale, avec trop de publicités mal adressées et pas toujours à la hauteur en termes d’interactions digitales », souligne Médiamétrie dans un sondage paru en janvier. Quant à la mesure d’audience des podcasts, elle se fait attendre,
cet institut ne publiant plus depuis fin 2013 les résultats de la mesure des podcasts reprenant en replay certaines émissions diffusées préalablement à l’antenne. Une mesure d’audience des podcasts dits « natifs » – podcasts originaux produit pour être proposés uniquement à la demande – se fait également désirer (9). Pourtant, 4 millions de français écoutent des podcasts chaque mois, soit une croissance de 25 % selon Médiamétrie. Mais cette mesure date d’il y a près d’un an (10). « La mesure des podcasts natifs fait partie de notre nouveau dispositif “Global Audio”, dont les résultats sortiront d’ici fin mars », indique cependant à Edition Multimédi@ Médiamétrie, où Julie Terrade (photo de droite) est directrice du pôle « Radio » et en charge de la mesure
« Global Audio » (11).
C’est que l’offre s’étoffe comme jamais, non seulement proposée par les radios elles-mêmes mais surtout par des éditeurs indépendants sont de plus en plus nombreux. Ils ne diffusent pas par voie hertzienne mais sur les plateformes d’écoute – Apple, Google, Spotify, Deezer, YouTube, SoundCloud ou encore les françaises Tootak et Elson –,
soit directement, soit par l’intermédiaire d’agrégateurs-producteurs tels que la société française Binge Audio. La plateforme suédoise Acast, elle, a annoncé le 21 mars le lancement de sa filiale française dirigée par Yann Thébault (ex-directeur général de Spotify France). Autres initiatives sur l’Hexagone : la société Sybel, fondée par Virginie Maire (ex-M6 et ex- Finder Studios/Studio 71), va lancer une plateforme de podcasts par abonnement (4,99 euros par mois) ; la société Majelan, créée par Mathieu Gallet (ex-PDG de Radio France et ex-président de l’INA), va lancer sa plateforme dédiée au printemps (modèle freemium) ; la société RadioLike, présidée par Jean-Baptiste Penent d’Izarn, a inventé le réseau social de podcasts que l’on peut découvrir, partager, liker et commenter entre amis.

Les médias et le livre donnent de la voix
Tous les médias, ou presque, se mettent eux-aussi à produire des podcasts. Le groupe Les Echos-Le Parisien (groupe LVMH) a annoncé en décembre 2018 une prise de participation minoritaire dans le capital de Binge Audio (12). La Croix (groupe Bayard) a lancé en début d’année « L’envers du récit » sur les coulisses du métier de journaliste. Madame Figaro et Grazia donnent aussi de la voix, et bien d’autres journaux et magazines tels que Le Monde, L’Obs et le Huffington Post. Mediapart va également lancer un podcast. Le livre audio y voit aussi un débouché, à l’instar de Rakuten Kobo. Décidément, la parole n’est pas sur la même longueur d’onde que la radio. @

Charles de Laubier

RNT : le seuil décisif des 20 % de couverture de la population française sera enfin atteint en 2018

L’année 2018 sera déterminante pour le déploiement de la radio numérique terrestre (RNT) en France. Le seuil des 20 % de couverture de la population française à partir duquel les fabricants de récepteurs auront l’obligation d’y intégrer le DAB+ – et le T-DMB ? – devrait être atteint en septembre.

Le seuil des 20 % de couverture de la population française
à partir duquel les fabricants de récepteurs ont l’obligation d’intégrer la radio numérique terrestre (RNT) dans leurs appareils n’a finalement pas été atteint en 2017, contrairement
à ce qu’avait indiqué Patrice Gélinet à EM@ dans une interview parue en mai 2016 (1), alors qu’il était encore membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Son mandat s’étant achevé il y a un an, en janvier 2017, c’est Nicolas Curien – son successeur depuis lors – qui pourra annoncer le franchissement de ce seuil décisif des 20 % d’ici la fin de l’année.

Déclenchement attendu en septembre
La loi de 2007 sur la modernisation de la diffusion audiovisuelle a en effet fixé ce taux de couverture de la RNT comme le déclencheur de l’intégration obligatoire des normes RNT – DAB+ en tête – dans les récepteurs radios et autoradios. « Le seuil de 20 % de couverture, déclenchant l’obligation légale d’installation du DAB+ dans les récepteurs, sera en tout état de cause atteint avant la fin 2018, après le démarrage des émissions
à Lille, Lyon et Strasbourg », a déjà promis le CSA. Pour l’heure, seules les villes de Paris, Marseille et Nice bénéficient de la RNT depuis le 20 juin 2014, date à laquelle les premières émissions ont pu commencer en France avec plus d’une centaine de radios numériques. Selon son nouveau calendrier accéléré du déploiement de la RNT en France, la région lilloise et une grande partie des Hauts-de-France devraient être couvertes dès le mois d’avril par les premières retransmissions. Elles seront suivies d’ici le mois de septembre par les zones étendues de Lyon et de Strasbourg. C’est à ce moment-là que le seuil des 20 % sera enfin atteint. C’est du moins ce qui devrait arriver si le CSA respecte son « calendrier accéléré ». L’organisme professionnel WorldDAB table sur ce mois de septembre qui sera un tournant industriel pour la RNT. Début 2019 devraient suivre les régions de Rouen et de Nantes (après la sélection des candidatures en janvier 2018), puis vers le milieu de l’année 2019 celles de Toulouse
et de Bordeaux. Quant aux deux prochains appels à candidatures pour de futures nouvelles retransmissions en RNT qui ne débuteront pas avant fin 2020, pour totaliser cette fois 70 % de la population française couverte, ils seront lancés en juillet 2018 pour l’un (Dijon, Poitiers, Pau, Grenoble, Toulon…) et en juillet 2019 pour l’autre (Caen, Clermont-Ferrand, Nancy, Rennes, Montpellier…), portant chacun sur 15 villes et leurs environs. Pour les 30 % restants de la population métropolitaine, il faudra patienter jusqu’en 2022 pour bénéficier des retransmissions RNT, pour peu que les appels à candidatures soient enclenchés l’année précédente. Le président du CSA, Olivier Schrameck (photo), lors de ses vœux du 23 janvier, a bien évoqué le seuil tant attendu des 20 % mais sans être précise sur la période de déclenchement. Et pour cause.
Le CSA n’a pas encore fait connaître sa méthode de calcul de population en RNT permettant de déclarer franchi le seuil de couverture des 20 %. « Le 20 décembre dernier, le Conseil a décidé du lancement d’appels multi-régionaux en 2018 et 2019,
ce qui permettra d’atteindre plus rapidement le seuil de 20 % de couverture de la métropole déclenchant l’obligation d’équipement de tous les récepteurs ». Quand bien même le régulateur de l’audiovisuel aurait trouvé sa méthode, il lui sera difficile de se prononcer sur le taux de couverture de la RNT dès le mois de septembre, une fois les émissions sur Lille, Lyon et Strasbourg démarrées. Car le taux de couverture de la RNT dépend du choix des sites que feront les opérateurs de multiplex, ces derniers ayant des obligations de couverture progressive des allotissements mis en appel et peuvent constituer le réseau de diffusion qu’ils souhaitent. « Dès lors, le taux de couverture ne pourra être connu qu’a posteriori, une fois que les opérateurs de multiplex constitués auront choisi leurs sites », nous avait expliqué Patrice Gélinet en 2016.
Mais la mise en oeuvre industrielle du déploiement des récepteurs RNT va poser un autre problème : celui de la norme que devront intégrer les fabricants dans leurs récepteurs radios et autoradios. En effet, de par la loi française, ils sont obligés d’intégrer dans les dix-huit mois à la suite du seuil déclencheur à la fois la norme DAB+ plébiscitée par les éditeurs de radios mais aussi la technologie T-DMB spécifique à la France et inutilisée ! Imaginez votre radio-réveil doté de deux puces RNT dont l’une moribonde…

T-DMB et DAB+ : deux normes obligatoires ?
C’est d’ailleurs ce qu’avait déjà dénoncé dès 2014 en parlant d’« aberration » (2)
le Syndicat des industriels de matériels audiovisuels et électroniques (Simavelec), fusionné depuis au sein de l’Alliance française des industries du numérique (Afnum). Car dans sa grande bonté, le législateur français a habillé la RNT de deux arrêtés, l’un n’allant pas sans l’autre : l’arrêté du 3 janvier 2008 retenait – il y a dix ans maintenant – la norme technique T-DMB pour la France, tandis qu’un second arrêté du 16 août 2013 modifiant le précédent autorisait – cinq ans après – l’utilisation aussi d’une norme plus populaire en Europe, le DAB+. Ainsi, l’obligation est double pour les industriels qui vont se retrouver avec un surcoût si rien n’est fait pour rectifier le tir. De quoi donner du souci aux membres industriels de l’Afnum qui suit de près la RNT à travers ses deux commissions, « Technique & Services » et « Audio-Vidéo ».

Ne m’appelez plus jamais « RNT »
Quant au Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti), qui réunit 160 radios locales privées, il demande au CSA « d’abord, le retrait de la norme
T-DMB de l’arrêté dit “signal”, et ensuite l’établissement de la méthode de calcul de population en RNT permettant notamment de déclarer franchi le seuil de couverture des 20 %, ce qui permettrait immédiatement la mise en oeuvre industrielle du déploiement des récepteurs ».
Sans attendre le seuil déclencheur, des industriels n’ont pas attendu pour se mettre à la norme. Selon WorldDAB, Jato et l’institut GfK, le nombre cumulé de récepteurs DAB+ vendus à ce jour en France dépasse largement 1,2 million d’unités. Alors que le marché français des « transistors » classiques (les postes de radio) est en recul de près de 10 % sur un an, le segment des récepteurs de radios numériques est, lui, en plein boom avec une croissance annuelle de plus de 20 %. Quant aux autoradios DAB+, ils sont déjà proposés en option par les constructeurs automobiles. Mais si l’on circule hors de Paris, Marseille et Nice, plus de signal numérique. Mais le CSA devrait lancer mi-2018 un appel à candidatures pour deux multiplex nationaux pour couvrir en réception
« outdoor » l’ensemble du territoire et en particulier les grands axes autoroutiers français. Si ce calendrier était respecté, c’est à partir de fin 2019 et début 2020 que les auditeurs conducteurs pourront écouter une station sans interruption et sans réglage durant de longs voyages à travers les routes de France.
Une chose est sûre : le régulateur ne parle plus de T-DMB. Le président du CSA préfère en effet rebaptiser « DAB+ » la radio numérique terrestre, plutôt que de dire
« RNT » – « précisément pour mieux la distinguer de la diffusion hertzienne des services de télévision », la TNT (3). Peut-être aussi pour faire oublier les débuts difficiles et laborieux de la RNT, « alors que sa crédibilité avait été fortement entamée par tant d’analyses sévères, de retards et d’atermoiements et par des expériences jusque-là inégalement satisfaisantes » (dixit Olivier Schrameck lors de ses voeux). Sur la centaine de stations disponibles en DAB+, essentiellement des radios indépendantes ou associative (Radio FG, Latina FM, Skyrock, Sud Radio, MFM, Ouï FM, Nova, etc), force est de constater que les quatre groupes privés nationaux des radios NRJ, RTL Europe 1, et RMC/BFM (entre autres stations) boudent depuis le début les appels à candidatures. Ils craignent une multiplication de l’offre de stations qui constituent pour une nouvelle concurrence, avec le risque d’une baisse de leurs recettes publicitaires. Le gouvernement, lui, a demandé au CSA en novembre 2016 à préempter des fréquences pour Radio France (FIP à Lille et Lyon, Mouv’ à Strasbourg) et pour France Médias Monde (RFI à Lille, Lyon et Strasbourg). Les émissions publiques devraient démarrer en 2018, à moins que les finances publiques et la réforme de l’audiovisuel public ne viennent contrarier cette perspective… Et dire que la RNT avait été promise
– du moins sur les trois premières agglomérations prévues Paris, Marseille et Nice –
« pour fin 2008 » par Nicolas Sarkozy, alors président de la République… Il y a dix ans ; il y a un siècle ! Une décennie et quatre rapports plus tard (Kessler de mars 2011, Tessier de novembre 2009, Hamelin d’octobre 2009 et CSA de 2015), la radio numérique accélère en France à partir de cette année et les trois ans qui viennent.
Et ce, pour le plus grand confort des auditeurs (voir encadré ci-dessous). Reste à savoir si la France rattrapera sont retard « DAB+ » par rapport à ses voisins européens, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse ou les Pays-Bas. La Norvège est le pays le plus avancé après un « Digital Switch Over » (DSO) qui a abouti fin 2017 à l’extinction de la FM (4). La Suisse devrait procéder son DSO entre 2020 et 2024. @

Charles de Laubier

ZOOM

Le DAB+, c’est mieux que la FM
Le Digital Audio Broadcasting amélioré (DAB+) garantit un son numérique de qualité, d’une grande clarté et sans interférences : le signal passe partout et occupe la bande de fréquences VHF, dite « bande III », qui était utilisée par la télévision analogique avant l’avènement de la TNT en 2005. L’écoute est largement améliorée par rapport à la FM.
Cette norme de diffusion numérique permet en outre d’accéder plus simplement aux stations de radio, directement par leur nom. Fini les recherches laborieuses à travers les fréquences. De plus , l’auditeur peut avoir accès à des données associées provenant de la station qu’il écoute : textes d’information affichés sur de petits écrans digitaux pour les postes les plus simples, voire visuels tels que des illustrations d’album, de photo d’un animateur, ou encore d’actualités générales comme la météo ou le trafic routier, à voir sur des postes de radio numérique dotés d’un écran couleur. Le tout : toujours gratuitement comme la FM. Et contrairement aux webradios accessibles sur
IP (Internet), l’écoute du DAB+ a l’avantage de rester entièrement anonyme : pas d’exploitation de données personnelles @

RNT : cherche norme moins coûteuse désespérément

En fait. Le 6 avril, le ministre de la Culture et de la Communication (DGMIC) et
le ministre chargé de l’Economie numérique (DGCIS) ont lancé une consultation publique – jusqu’au 20 mai – sur les normes de la radio numérique, notamment
sur la norme DAB+ que souhaite ajouter le CSA pour la RNT.

En clair. D’une norme moins coûteuse à déployer dépendra la viabilité économique
de la radio numérique terrestre (RNT). Avant de répondre à la demande du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), lequel lui a demandé en décembre 2011 d’ajouter
le DAB+ comme nouvelle norme pour la radio numérique terrestre (RNT), le gouvernement préfère consulter. Il s’agit de savoir si la norme DAB+ doit être autorisée « en complément ou en substitution du DMB déjà autorisé » par l’arrêté du 3 janvier 2008. « Le DAB+ offre la même qualité audio que la norme DMB déjà autorisée dans les bandes III et L, mais permet, comparativement, d’accroître le nombre de radios par multiplex diffusé et de réduire ainsi le coût de diffusion de chacune d’elles », expliquent en effet la DGMIC (1) et la DGCIS (2). Mais le gouvernement rappelle que l’arrêté de 2008 ne se limite pas la norme DMB (appelée aussi T-DMB) et à la radio numérique par voie hertzienne terrestre. Sont également autorisées : les normes DVB-H et DVB-T pour la diffusion par voie hertzienne terrestre de services de radio numérique à destination des récepteurs de télévision numérique terrestre (bandes de fréquences IV et V) ; la norme DRM par voie hertzienne terrestre de services de radio en ondes longues, moyennes et courtes (fréquences inférieures à 30 MHz) ; les normes DVB-SH (bandes L et S) et ETSI SDR (bande L) pour la diffusion radiophonique par voie hybride satellitaire et terrestre des services de radio. Par exemple, Jean-Paul Baudecroux, le président fondateur du groupe NRJ, a indiqué à Edition Multimédi@ (n°55, p. 3) que la norme DVB-T était appropriée pour lancer la RNT à moindre coût.
Ce débat technique intervient au moment où le CSA s’est engagé le 30 mars dernier devant le Conseil d’Etat – saisi en référé par le Syndicat interprofessionnel des radios
et télévisions indépendantes (Sirti) – à ré-ouvrir l’appel aux candidatures dès avril sur Paris, Marseille et Nice où des radios avaient obtenu des fréquences au printemps
2009 (entre 40 et 50 stations selon les zones). Le CSA sélectionnera les candidats avant l’été et délivrera les autorisations aux radios fin octobre 2012. Les premières émissions de RNT pourraient ainsi démarrer d’ici le début 2013. Le CSA s’est en outre engagé à ce que ces autorisations de RNT gratuite soient délivrées avant celles du bouquet de RNT payant (3). @