Solocal (ex-PagesJaunes), désormais 100 % digital, résiste à la crise grâce aux abonnements

Pierre Danon, président du conseil d’administration de Solocal depuis quatre ans, a présenté sa démission qui prendra effet le 30 juin. Son départ intervient près de huit mois après celui d’Eric Boustouller, alors directeur général. L’ex-PagesJaunes devenu 100 % digital est moitié moins endetté.

« Il est temps pour moi de me consacrer à d’autres projets », a déclaré Pierre Danon le 2 juin dernier, lors de l’annonce de sa démission qui sera effective à la fin du mois. « Solocal a beaucoup évolué depuis quatre ans et est ainsi devenue une société 100 % digitale », s’est félicité le président du conseil de surveillance depuis septembre 2017 et également directeur général (soit PDG) depuis le départ d’Eric Boustouller début octobre 2020. A coup de suppression d’emplois, d’économies et de restructuration financière, le groupe Solocal a réduit de plus de moitié son endettement, à 195 millions d’euros (1).

L’année 2020 a été « difficile »
C’est donc une nouvelle ère – post-covid ? – qui s’ouvre pour l’ex-PagesJaunes (2), malmenée par la crise sanitaire et ses confinements. L’année 2020 aura été « difficile », selon le propre aveu de Pierre Danon dans un entretien paru dans le document d’enregistrement universel (rapport annuel 2020) publié par l’Autorité des marchés financiers (AMF) le 30 avril dernier. Le chiffre d’affaires du dernier exercice annuel a chuté de 13,7 % sur un an, à 437,4 millions d’euros, mais le résultat net a, lui, été multiplié par deux, à 65,6 millions d’euros. « Le chiffre d’affaires consolidé du groupe est ainsi 100 % digital en 2020, contre 48 % il y a 10 ans », souligne Solocal. Mais l’année 2021 ne démarre pas sur les chapeaux de roues car le chiffre d’affaires sur le premier trimestre est en baisse de 10 %. La plateforme PagesJaunes, qui constitue « le vaisseau amiral de l’entreprise » (dixit Pierre Danon), a vu son audience baisser l’an dernier (- 7,5 %) ainsi que sur le premier trimestre de cette année (- 3,9 %).
Selon Médiamétrie, l’audience de PagesJaunes a régressé à 19,3 millions visiteurs unique par mois, reléguant la plateforme à la vingt-septième place du classement de l’« Internet global » : trafic provenant de smartphones à 65,5 %, d’ordinateurs pour 38,4 % et de tablettes pour 12,3 %. Il y a trois ans, l’annuaire-média en ligne affichait au compteur presque la trentaine de millions de visiteurs. Avec sa stratégie « mobile first » (3), Solocal a perdu depuis de l’audience en route et le covid-19 n’a pas arrangé les choses. « Le trafic PagesJaunes est (…) impacté par la crise sanitaire ainsi que par les mesures de confinement et de couvre-feu », explique la direction de Solocal, tout en rappelant qu’« en raison de la vente de Mappy [en octobre 2020, voir plus loin, ndlr], une part de cette audience n’apparaîtra plus dans les résultats 2021 ». Il n’y a pas que sa fréquentation qui est en décrue ; la valorisation boursière de l’ex-PagesJaunes – coté à la Bourse de Paris depuis 2004 – ne dépasse pas les 249 millions d’euros (au 17 juin). C’est bien en-deçà des 344 millions d’euros de capitalisation en décembre 2020, des 733 millions d’euros en février 2018, des 475 millions d’euros en juin 2014, des 660 millions en janvier 2013 et à des années lumières des 2,3 milliards d’euros en février 2010. Le tandem Danon-Boustouller n’a pas tenu son objectif affiché en juin 2019 du « milliard d’euros » de valorisation boursière. Aujourd’hui, avec « une stratégie recentrée sur son cœur de métier » qu’est le digital et « l’arrêt total de l’activité “imprimés” » en 2020, le périmètre du groupe s’est réduit après les cessions l’an dernier de la plateforme de cartographie et de mobilité multimodal Mappy (vendue en octobre à la RATP (4)) et de sa filiale espagnole QDQ Media (vendue en février de la même année à AS Equity Partners). Le groupe aux pages jaunes, que dirige Hervé Milcent (ex- Arvato du groupe Bertelsmann) depuis avril dernier, et en attendant un nouveau président du conseil d’administration, vise pour cette année une « hausse modérée du parc clients portée par une réduction du churn et dans une moindre mesure par l’augmentation de l’acquisition clients », par rapport aux 314.000 clients au 31 mars dernier (5) et au taux de churn actuel de 16,7 % (au lieu de 20 % auparavant). Quant au revenu moyen par annonceur (ARPA (6)), un « annonceur » étant une entreprise clientes des prestations Internet et mobile de Solocal, il est « quasiment stable », à 1.320 euros sur une année.

88 % des ventes, par abonnement
Les services digitaux proposés au niveau local le sont actuellement à 88 % par abonnement (en hausse) et accessibles en mode SaaS (7), une sorte de cloud du marketing digital de proximité à l’attention des TPE et PME mais aussi des « grands comptes à réseaux » (création de sites web, référencement en ligne, interactions avec la clientèle, click & collect, etc). Les entreprises locales profitent des audiences naturelles (SEO (8)) des principaux « carrefours d’audience du Web » : au-delà de PagesJaunes et de Mappy : Google, Facebook, Bing/Microsoft, Apple, Yahoo, … Des campagnes de référencement payant (SEA (9)) sont incluses dans l’offre. @

Charles de Laubier

Streaming : le Centre national de la musique (CNM) bute sur « une boîte noire »

En fait. Les 3 février, le président du Centre national de la musique (CNM), Jean-Philippe Thiellay, a été auditionné au Sénat par la commission de la culture. Il est revenu sur le rapport qu’il a publié le 27 janvier sur la répartition des revenus des plateformes de streaming musical. Ses travaux ont buté sur « une boîte noire ».

En clair. En menant cette étude d’impact du passage possible du mode actuel dit « market centric » (1) à un autre mode dit « user centric » (2) pour la répartition des revenus générés par les écoutes de la musique en streaming, le Centre national de la musique (CNM) a buté sur « une boîte noire ». C’est ce que son président Jean-Philippe Thiellay (photo) a reconnu devant les sénateurs lors de son audition le 3 février : « Il y a énormément de questions que l’on n’a pas pu explorer en raison de l’anonymisation des données et au fait que les données s’arrêtent aux distributeurs, même pas aux labels et encore moins à l’artiste. Il y a des questions qu’il faut continuer à explorer : la transparence des données, les algorithmes, les recommandations sur les playlists, les compositions des playlists, … Pour nous, c’est une boîte noire », a-t-il dit. Par ailleurs, la fraude des « fermes à clics » maximise automatiquement l’écoute de certains artistes.

La rémunération des musiciens dépend aussi d’algorithmes opaques
Réalisée avec le cabinet Deloitte, cette étude a aussi buté sur le manque de transparence des plateformes de streaming musical. Spotify et Deezer sont les seuls à avoir répondu au CNM, « tous les autres ont refusé ». Il faut dire que cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), créé le 1er janvier 2020 et placé sous tutelle du ministère de la Culture, n’a pas le pouvoir d’un régulateur ni d’enquête comme l’Arcep, le CSA ou l’Autorité de la concurrence. Le fonctionnement des algorithmes de recommandation est en tout cas « opaque ». Passer du market centric au user centric revaloriserait les fonds de catalogues et accentuerait la diversité des genres musicaux, mais l’impact sur les artistes les moins écoutés serait néanmoins minime. A moins que cette « boîte noire »… Une part non négligeable des rémunérations en dépend, surtout que 10 % à… 80 % des écoutes sont dites « passives », c’est-à-dire issues d’algorithmes de recommandation qu’il reste à expertiser. « Le user centric, ce n’est pas la baguette magique. En revanche, comme le marché est dynamique, cela peut changer et il reste beaucoup de questions à explorer », a prévenu Jean-Philippe Thiellay. Quant au piratage du streaming musical, il réside surtout dans « le piratage des comptes qui, selon le président du CNM, peut être une vraie source de déperdition de valeur ». Une étude va être faite sur ce point avec l’Hadopi. @

Fip, « meilleure radio du monde », fête ses 50 ans et s’internationalise grâce à ses webradios et applis mobiles

La radio locale « France Inter Paris », d’où son nom, fut lancée le 5 janvier 1971. Au fil de cinq décennies, Fip est devenue culte auprès d’un public grandissant et fidèle malgré sa diffusion FM incomplète – à laquelle le DAB+ va remédier. Ses déclinaisons sur Internet (fip.fr, webradios, podcasts) lui ont ouvert une audience internationale.

Née radio locale à Paris il y a 50 ans, en ondes moyennes, Fip s’est progressivement développée sur la bande FM, où elle dispose aujourd’hui de dix fréquences hertziennes sur l’Hexagone (1), avant d’étendre son audience au monde entier via Internet : non seulement sur fip.fr mais aussi sur les smartphones avec ses deux applications mobiles (l’une sous Android, l’autre sous iOS). L’ex-France Inter Paris s’est faite un nom en trois lettres en étant l’unique radio dans le monde à proposer une programmation éclectique de tous les genres musicaux et de tous les pays. Se succèdent à l’antenne ou en ligne rock, jazz, blues, classique, groove, électro, reggae ou encore rap, ainsi que les musiques de tous les horizons (occidentales, africaines, sud-américaines, orientales, asiatiques, …). Sa programmation musicale sans frontières, interrompue sans excès et en douceur par des animatrices (les « fipettes » aux voix suaves) faisant part de rendez-vous culturels ou de coups de cœurs musicaux, séduit de plus en plus à l’international. « Cela tient à la richesse et à la diversité de la programmation de Fip et à l’univers musical qu’elle a su créer en développant ses webradios qui aujourd’hui représentant 30 % de son audience. L’écoute des huit webradios a progressé, à elle seule, de 43 % en un an », explique à Edition Multimédi@ Bérénice Ravache (photo), directrice de Fip depuis août 2017.

Un quart de son audience digitale vient de l’étranger
Car au-delà de ses 680.000 auditeurs qui l’écoutent aujourd’hui sur la FM en France, soit une part d’audience de 1,2 % tout à fait honorable au regard de sa diffusion hertzienne partielle auprès de la population hexagonale, Fip rayonne de plus en plus à l’international. Son site web, créé en 2004 à l’adresse fipradio.fr puis modernisé en 2014 sur fip.fr, draine un public d’internautes grandissant : près de 2,9 millions de visites par mois au total (2), dont 23 % venues hors de France, selon le dernier relevé de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Fip étend aussi son audience sur l’Hexagone et par-delà les frontières grâce à ses deux applications mobiles pour tous les smartphones et tablettes, l’une disponible sur Play Store et l’autre sur App Store (sous iOS) : plus de 1,9 million de visites par mois au total (4), dont plus de 29 % venues là aussi hors de France (5). Ainsi, environ un quart de l’audience de Fip en streaming – site web, webradios et applis mobiles confondus – provient de l’étranger, et comme en témoigne la vidéo postée le 5 janvier : https://lc.cx/50ansFip. Et ce, grâce non seulement à la diffusion numérique en ligne dans le monde du flux audio repris simultanément du flux hertzien (simulcast), mais aussi à ses 8 webradios : Fip Rock, Fip Jazz ; Fip Groove, Fip Electro, Fip Monde, Fip Reggae, Fip Nouveautés et, la toute dernière lancée en juin dernier, Fip Pop.

Nouvelles webradios et nouveaux podcasts en vue
Cette part internationale va continuer à progresser car d’autres déclinaisons thématiques vont être lancées. « Il reste encore beaucoup d’autre genres à explorer et des projets de nouvelles webradios sont en effet à l’étude », nous confie Bérénice Ravache. Le flux audio a l’avantage d’être accessible en ligne de n’importe quel type de terminal numérique : ordinateur, smartphone, tablette, télévision connectée, « box », récepteur radio numérique, autoradio connecté ou encore agrégateurs de flux. « Fip et ses webradios rencontrent des succès sans précédent sur l’ensemble des supports d’écoute », se félicite sa directrice. La production de podcasts n’est pas en reste : « Club jazzafip », « Certains l’aiment Fip » ou encore le tout nouveau « Les années Fip ». « Nous proposons également depuis l’année dernière nos “Fip 360” de concerts électro en son immersif et en podcast avec son 3D : premier podcast de ce genre dans le monde. Et cette année, nous allons mettre en ligne deux séries de podcasts: “Sound of Joy”(6 épisodes) et “Pink Note” (8 épisodes) », dévoile la directrice de Fip. Lorsque le patron de Twitter, Jack Dorsey, a tweeté le 12 septembre 2017 « la meilleure radio du monde » (6) à propos de Fip, le milliardaire du Net a rappelé implicitement que la radio n’avait plus de frontières à l’ère du streaming. « Pourquoi ne venez-vous pas visiter l’équipe @fipradio à Paris ? Ils ne vous diront pas leurs secrets, mais ce sont des gens formidables », lui avait répondu Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France. Jack Dorsey tweeta alors : « Je le ferai la prochaine fois que je serai à Paris » (7). C’est ce que le PDG cofondateur du site de microblogging fit le 7 juin 2019. L’Américain, icône du Net, a même pris le micro de Fip (voir photo ci-contre) et a concocté « sa playlist Fip » diffusée à l’antenne et toujours sur Spotify (8). « @jack » est d’autant plus fan de « @fipradio » qu’il a déclaré ce jourlà sa passion pour Fip en tweetant cette fois une photo de son poignet avec comme « nouveau tatouage » le logo de sa radio préférée, photo (9) et vidéo (10) à l’appui ! Le rayonnement international de Fip, dont la programmation « universelle » porte sur la diffusion de 42.000 titres différents par an, en fait une radio culte atypique. L’ACPM a classé Fip en cinquième position des radios digitales françaises. Avec 13,2 millions d’écoutes actives dans le monde – dont plus de 3,6 millions hors de France – durant le mois de novembre 2020, dernier relevé en date (11), Fip arrive juste derrière France Inter, France Info, RMC et NRJ. Et que cela soit dans ce « Top 5 » de la radio digitale ou dans le « Top 20 », elle est la mieux-disante en termes de durée d’écoute moyenne (12) avec plus de 58 minutes (contre 35 mn pour France Inter ou 34 mn pour NRJ). Cet attachement de ses auditeurs en fait une « radio fétiche » (dixit Fip). Cette fidélité se retrouve d’ailleurs sur la FM où sa durée d’écoute par auditeur (DEA) se situe autour de 2 heures dans le mois selon par Médiamétrie (13). Aucune radio musicale hertzienne en France n’atteint et ne dépasse cette performance, et même de toutes les catégories de radios si l’on excepte RTL (2h19), France Inter (2h10) et à égalité avec France Bleu (1h55). « La radio s’écoute encore majoritairement en FM. Fip y a gagné 100.000 auditeurs en un an », relève Bérénice Ravache, alors que Médiamétrie mesure la station quinquagénaire depuis seulement septembre 2019. Et d’ajouter : « L’audience de Fip a progressé de 250 % en 15 ans, passant de 260.000 en 2006 à près de 680.000 auditeurs en 2020. Peu de radios peuvent en dire autant, en particulier les radios musicales ». Surtout avec seulement dix fréquences FM. En 2015, en pleine grève qui fut la plus longue de l’histoire de Radio France, la Cour des comptes publie son rapport sur le groupe public de radios où, par soucis d’économie, il suggère que Fip « fragilisée par la concurrence » quitte le hertzien pour le seul numérique (avec la petite radio Le Mouv’). Mais après la révocation début 2018 du président de la Maison- Ronde, Mathieu Gallet, auquel a succédé Sibyle Veil, l’idée sera abandonnée. « Fip fait bel et bien partie du paysage radiophonique dans 10 villes et il n’est pas question d’y renoncer. Le déploiement du DAB+ [la diffusion numérique terrestre, ndlr] va permettre à Fip d’être diffusée demain [d’ici à 2028, ndlr] sur 85 % du territoire contre 6% aujourd’hui », nous explique Bérénice Ravache. Sur fond de baisse de dotation de l’Etat, bien que compensée par les aides d’Etat liées à crise sanitaire, des économies restent encore à faire pour Radio France (60 millions d’euros d’ici 2022). Sur 4.400 employés, 340 départs volontaires sont prévus, des recrutements – dans le numérique notamment – aussi.

14 postes supprimés (dont 11 «fipettes»), mais 5 de créés
Fip contribue à son niveau au plan d’économies du groupe. « L’animation locale de Fip à Bordeaux, Nantes et Strasbourg a pris fin le 18 décembre. C’était les trois dernières villes, les précédentes ayant cessé fin 2000. En conséquence,14 postes sont supprimés, dont 11 animatrices, mais 5 postes de déléguées musicales sont créés à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lyon », nous détaille Bérénice Ravache. Quant aux habituels flashs d’actualités à 50 de chaque heure, ils ont aussi été sacrifiés. Avec sa soixantaine de collaborateurs (salariés, 14 animatrices, cachetiers, …), Fip fait moins radio locale mais plus nationale et globale. @

Charles de Laubier

La chaîne publique Franceinfo n’a pas réussi à faire décoller son audience en quatre ans d’existence

Lancée en grande pompe le 1er septembre 2016 par France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina, la chaîne publique d’actualités en continu Franceinfo est-elle un échec ? La question se pose au vu de ses 0,7 % de parts d’audience seulement, quatre ans après son lancement.

Certes, l’audience de la chaîne Franceinfo a légèrement augmenté depuis son lancement sur le canal 27 de la TNT (1) il y a quatre ans, passant de 0,3 % de part d’audience nationale en janvier 2017, avec un peu plus de 18,4 millions de téléspectateurs dans le mois selon Médiamétrie, à 0,7 % en septembre 2020 avec 24,2 millions de téléspectateurs. Autrement dit, la chaîne publique d’information en continu – cornaquée par France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina – a gagné en quatre ans d’existence seulement 0,4 point à 5,8 millions de téléspectateurs supplémentaires.

Laurent Guimier à la rescousse
Ce n’est pas digne du service public de l’audiovisuel financé par la redevance payée par la plupart des 28 millions de foyers français (2). Pas sûr que cette piètre performance, ne serait-ce que par rapport à ses concurrentes BFM TV (2,5 %), CNews (1,5 %) et LCI (1 %), satisfasse Delphine Ernotte (photo de gauche) qui a été reconduite par le CSA à la présidence de France Télévisions pour un mandat de cinq ans (depuis le 22 août). La petite audience de Franceinfo ne devrait pas non plus réjouir Stéphane Dubun, directeur de la chaîne depuis plus de quatre ans maintenant. Ce journaliste francobritannique- écossais fut nommé par la présidente de France Télévisions en même temps que Célia Mériguet qui, elle, a la charge de la diffusion en ligne de Franceinfo.
Tous deux reportaient depuis deux ans à Alexandre Kara, lequel a cédé sa place en juin à Laurent Guimier (photo de droite) venu reprendre en main la chaîne publique d’information en continu et d’en améliorer l’audience. Cet ancien d’Europe 1 vient d’être promu par Delphine Ernotte directeur de l’information de France Télévisions (3). « Les JT de France 2 et France 3, les magazines, le canal 27 [où est diffusée la chaîne Franceinfo sur la TNT, ndlr] et franceinfo.fr sont placés sous ma responsabilité », indiquet- il à Edition Multimédi@. C’est dire que ce jeu de chaises musicales au niveau de l’état-major de l’ex-directrice générale d’Orange France (4) touche de près Franceinfo. « Depuis 2016, nous sommes passés à l’offensive en unissant les forces de l’audiovisuel public pour créer Franceinfo, premier média numérique d’information en France, qui poursuivra un objectif clair : conquérir aussi la première place en linéaire. Franceinfo est un actif puissant sur lequel il nous faut investir et qu’il faut consolider », a fait valoir Delphine Ernotte dans son projet stratégique exposé au CSA en juillet. Mais avec moins de 25 millions de téléspectateurs par mois, qui est d’ailleurs loin d’être l’audience de la seule TNT puisque sont intégrés à cette mesure de Médiamétrie les audiences en différé et en télévision de rattrapage sur Internet, Franceinfo doit encore trouver son public. « Franceinfo s’est imposée en quelques mois seulement comme le premier support d’information numérique des Français et doit continuer à grandir », convient la présidente de France Télévisions. Cela nécessite pour cette chaîne d’infos en continu de plus en plus délinéarisée « un investissement technologique constant (…), en renforçant ses contenus vidéo, en amplifiant son caractère conversationnel et en inventant un nouveau média social ». Sa ligne éditoriale ? Dans une interview à Forbes, Delphine Ernotte lance : « Pas de boucle, pas de clash, pas de buzz, du décryptage, de la pédagogie de l’info. C’est une chaîne calme (…) » (5). Objectif de son deuxième mandat : « Faire de Franceinfo la première offre d’information sur tous les écrans et 100 % accessible ».
Sur Internet (6), Franceinfo revendique plus de 23,7 millions de visiteurs uniques sur le mois de juillet (dernière mesure disponible), dont 80,2 % sur smartphone, 21,9 % sur ordinateur et 16,1 % sur tablette. Ce qui place la chaîne publique d’info en continu à la onzième place du classement Internet en France, loin devant, tout de même, BFM TV (vingt-deuxième place) et LCI (quarante-neuvième). La présidente de France Télévisions compte en outre investir dans « le datajournalisme et l’intelligence artificielle », notamment en consolidant « l’alliance des services publics née autour de Franceinfo » et en initiant « de nouveaux partenariats technologiques avec l’ensemble des médias d’information ».

Franceinfo remplace France Ô, en HD
Malgré la faible audience de Franceinfo au bout de quatre ans, le CSA a quand même entériné – à la demande de la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot (7) – le retrait au 1er septembre de la chaîne d’outre-mer France Ô de sa fréquence sur la TNT pour y diffuser à place Franceinfo en haute définition en métropole. France Ô est morte à 15 ans, au grand dam de beaucoup, alors qu’elle était allée jusqu’à 0,9 % de part d’audience (en avril et juin 2016) – soit 0,2 point de mieux que Franceinfo, pourtant bien plus mise en avant. @

Charles de Laubier

Vivendi a encore déprécié sa filiale Dailymotion, de 68 millions d’euros dans ses résultats 2019

Dailymotion a 15 ans d’existence, la plateforme vidéo française ayant été créée le 15 mars 2005 par Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey. Mais le « YouTube » français, dévalorisé, continue encore de perdre de l’argent. Ses partenariats avec des éditeurs en Europe et aux Etats-Unis se multiplient.

(Après cet article paru dans EM@ n°234, Huawei et Dailymotion ont annoncé le 26 mai que le chinois intègre désormais la solution technologique vidéo du français)

« Vivendi a comptabilisé en 2019 une dotation pour dépréciation du compte courant de Dailymotion à hauteur de 68 millions d’euros », peut-on lire dans le document d’enregistrement universel 2019 de Vivendi, publié le 12 mars dernier. Ce n’est pas la première fois que le groupe multimédia de Vincent Bolloré procède à une dévalorisation de sa filiale Dailymotion. Dans son document de référence 2018 cette fois (1), Vivendi avait déjà dû comptabiliser une dépréciation de Dailymotion d’un montant de 73 millions d’euros, tout en consentant en plus à sa plateforme vidéo « un abandon de créance de 55 millions d’euros ».

Dailymotion a perdu la moitié de sa valeur
Autrement dit, financièrement, le « YouTube » français ne vaudrait plus que 130 millions d’euros au titre de l’année 2019. Soit moins de la moitié de sa valeur d’achat. Car si Dailymotion a 15 ans d’existence maintenant, son rachat par le groupe Vivendi date d’il y a 5 ans maintenant : c’est en juin 2015 qu’Orange lui vend dans un premier temps 90 % du capital de la plateforme vidéo pour 271,25 millions d’euros, avant de lui céder en juillet 2017 les 10 % restants pour 26 millions d’euros supplémentaires. Au total, Dailymotion aura coûté à l’achat à Vivendi près de 300 millions d’euros (2). Et encore, la valorisation de la plateforme française d’agrégation et de diffusion de contenus vidéo est peut-être bien moindre au regard de ses performances financières. Or Vivendi ne publie plus depuis deux ans le chiffre d’affaire de Dailymotion, ni ses pertes qui se sont creusées. Et ce, alors que Maxime Saada (photo), directeur général du groupe Canal+ depuis septembre 2015, est devenu aussi en mars 2017 président du conseil d’administration (3) de la plateforme vidéo qu’il a reprise en main. Les derniers résultats rendus publics de Dailymotion remontent à 2018 dans le document de référence de 2017 : Dailymotion affiche alors un chiffre d’affaires de seulement 43,2 millions d’euros, en chute de 26 % sur un an, avec une perte de 75,2 millions d’euros (contre 42,3 millions l’année précédente). La valeur comptable de Dailymotion dans les comptes de Vivendi était encore de 271,6 millions d’euros (grosso modo le prix d’achat), dont 80 millions d’euros pour la marque « Dailymotion » et 9 millions d’euros pour sa technologie. Depuis deux ans, Dailymotion se retrouve relégué dans les comptes de Vivendi dans les « Nouvelles Initiatives » aux plus de 700 salariés. Outre la plateforme d’agrégation de vidéo, l’on y trouve aussi Flab Prod (société de production vidéo rachetée en 2016 par Vivendi et également présidée par Maxime Saada), Flab Presse (agence de presse affiliée à Flab Prod), Vivendi Content (filiale de création de nouveaux formats, dont des vidéos pour mobile produites par Studio+ jusqu’à sa fermeture de ce dernier sur un échec (5)), ainsi que GVA (filiale du groupe, fournisseur d’accès à Internet en Afrique). Toutes ces entités « Nouvelles Initiatives » très disparates totalisent ensemble un chiffre d’affaires de 71 millions d’euros en 2019 – affichant une croissance assez faible de 7,5 % sur un an. Mais le résultat opérationnel de cet ensemble improbable accuse une perte de 65 millions d’euros, toujours l’an dernier, en amélioration tout de même par rapport à la perte de quelque 100 millions d’euros en 2018. Dailymotion pèse pour une bonne part dans cet agrégat fourre-tout.
Le « YouTube » français revendique à fin 2019 un total de plus de 350 millions d’utilisateurs mensuels dans le monde, en hausse de 20 % en deux ans. Selon la mesure d’audience « Internet global » de Médiamétrie en France, Dailymotion se retrouve à la 39e place avec 16,7 millions de visiteurs uniques sur le mois de mars, dont 63,7 % sur smartphone, 26,9% sur ordinateur et 23,6 sur tablette. Alors que YouTube, la filiale de Google, affiche 47,6 millions de visiteurs uniques sur le même mois – soit le double. Dailymotion entend « se distingu[er] des autres plateformes d’agrégation vidéo », notamment en se concentrant sur les 18-49 ans – « cible non-prioritaire pour les services vidéo en ligne existants mais stratégique pour les annonceurs » – et sur des contenus provenant d’éditeurs (actualités, divertissement, musique et sport).

Le pari des partenariats et de l’international
Vivendi espère sortir Dailymotion de l’ornière en multipliant les partenariats avec « des éditeurs mondiaux de contenus de premier plan » : en 2019, la plateforme vidéo en a noué plus de 280, dont 70 aux Etats-Unis. Parmi eux : Le Monde ou Konbini (6) en France, Gruner+Jahr en Allemagne, Hearst aux Etats-Unis, JPI Media en Grande-Bretagne, Meredith aux Etats-Unis, ou encore côté sports la MLB (baseball), la NHL (hockey) ou la Nascar (courses automobiles). Dailymotion essaie aussi de trouver de nouvelles audiences partout dans le monde, comme en Indonésie, à Taïwan ou encore au Mexique. @

Charles de Laubier