Partouche fête ses 50 ans de « casinotier » en se diversifiant dans les NFT, le Web3 et la blockchain

Le groupe familial Partouche – connu en France pour ses casinos – fête cette année son demi-siècle d’existence, depuis que le patriarche Isidore Partouche l’a fondé en mai 1973. Ce jubilé marque aussi son entrée dans de nouvelles dimensions technologiques : actifs numériques et réalité virtuelle.

« Cinquante années se sont écoulées depuis la reprise du Casino de Saint-Amand-lesEaux en 1973 [dans le nord de la France, ndlr]. Cinquante années de travail acharné mais aussi de beaucoup de joie et de satisfaction. Et cinquante ans, c’est encore très jeune, il nous reste beaucoup à accomplir ! », écrit le fondateur du groupe Partouche, Isidore Partouche, bientôt 92 ans, dans son dernier rapport annuel publié le 17 février. Il est né le 21 avril 1931 en Algérie, d’où il est rapatrié en 1962. Il y fut radioélectricien.

Innovation dans le « divertissement 3.0 »
Ainsi est né le groupe Partouche qui a réalité au cours de son exercice 2021/2022 (clos le 30 octobre) un chiffre d’affaires de 388,8 millions d’euros, dont 90,4 % pour son activité de « casinotier » (exploitation de jeux, restauration et spectacles), 6,4 % dans l’hôtellerie et les 32,1 % restants dans thermes, l’immobilier et les jeux sur Internet. Ce chiffre d’affaires (1) sur un an a fait un bond de 52 % en raison notamment de la sortie de crise covid-19 (marquée par la fermeture des casinos), ce qui a permis au groupe Partouche de redevenir rentable (37,1 millions d’euros de bénéfice net). Cotée à la Bourse de Paris depuis 1995 et valorisée plus de 208 millions d’euros (au 10 mars), l’entreprise toujours familiale possède une quarantaine de casinos physiques, la plupart en France, mais aussi en Belgique, en Suisse et en Tunisie.
Après avoir frôlé le dépôt de bilan il y a dix ans – procédure de sauvegarde ouverte en septembre 2013 puis refermée un an après –, l’entreprise s’en est sortie. Mais le casinotier a été rattrapé par la pandémie de mars 2020 à mars 2022, durant laquelle il a été contraint de fermer deux fois ses établissements. Depuis, l’activité de Partouche a fortement repris. Sa dépendance aux casinos physiques, qu’il doit rénover à grand renfort d’investissements, l’incite de plus en plus à se diversifier – dans le numérique notamment. Dernière innovation en date : le déploiement ce mois-ci du « Joker Club », la première collection NFT de Partouche. Il s’agit de 8.888 jokers sous forme de jetons non-fongibles (2), qui offrent des avantages exclusifs dans les établissements Partouche. La nouvelle filiale Partouche Verse, créée en mars 2022 et dédiée au Web3 et aux actifs numériques, s’appuie sur la blockchain Ethereum. « Partouche Multiverse est le nom commercial de la société Partouche Verse, précise à Edition Multimédi@ Maurice Schulmann, délégué général du groupe. Après la soirée de lancement le 10 mars au casino de Forges-les-Eaux [en Normandie], des préventes exclusives dans une vingtaine de casinos auront lieu du 11 au 19 mars. Et à partir du 20 mars, ce sera l’ouverture du “mint” (3) d’abord pour nos membres les plus actifs puis à partir du 23 mars sur jokerclub.io » (4). Chacun des 8.888 NFT représente une image unique, le « jokers » pouvant être revendu par son propriétaire-joueur (le « holder »). En 2022, Partouche Verse a acquis des NFT pour un total d’un demi-million d’euros. « Le groupe qui fête ses 50 ans a toujours eu comme verticale forte l’innovation. Saisir les opportunités technologiques de la blockchain était donc une évidence, tant elles offrent un terrain de jeu inédit pour vivre le divertissement et se connecter avec de nouveaux publics », est-il expliqué dans le dernier rapport annuel. Le casinotier veut « bâtir un écosystème de divertissement 3.0 de premier plan ».
C’est Patrick Partouche (photo), fils unique du fondateur et lui aussi né en Algérie, qui oriente le groupe Partouche – dont il est président du conseil de surveillance (son père étant vice-président) – vers les nouvelles technologies. Il est en outre président du directoire de Financière Partouche (5), la holding familiale qui détient encore 66,8 % du capital du groupe. La filiale Partouche Interactive que préside aussi Patrick Partouche, dédiée au développement de jeux sur de nouvelles plateformes telles que la télévision, la téléphonie mobile et Internet, a été créée en avril 2006. Elle obtiendra une licence du gouvernement de Gibraltar pour l’exploitation de jeux en ligne. En 2010, elle obtient une licence pour le poker en ligne lors de l’ouverture en France du marché des jeux d’argent et de hasard en ligne – lequel est néanmoins limité au poker et aux paris sportifs sur Internet (6).

France : casinos en ligne toujours interdits
Mais Partouche cessera sur l’Hexagone son activité de poker en ligne en 2013. « La légalisation des jeux en ligne en 2010 n’a pas eu d’impact majeur sur le marché des casinos physiques. (…) En France, les jeux de casinos sont interdits en ligne, à l’exception du poker », souligne le groupe Partouche. Le casinotier s’est aussi lancé dans la réalité virtuelle en 2015 avec des jeux en VR. « L’activité de Partouche Lab (7) est désormais intégrée à sa maison mère Partouche Technologies », nous indique Maurice Schulmann. Faites vos jeux ! @

Charles de Laubier

Copié par les géants du Net, le réseau social audio Clubhouse persévère au bout de trois ans

En mars, cela fera trois ans que la société californienne Alpha Exploration Co a lancé le réseau social audio Clubhouse. Après avoir fait parler de lui, surtout en 2021, cette agora vocale est retombée dans l’oubli. Copiée par Facebook, Twitter, LinkedIn ou Spotify, l’appli tente de rebondir.

La pandémie de coronavirus et les confinements avaient fait de Clubhouse l’application vocale du moment, au point d’atteindre en juin 2021 un pic de 17 mil- lions d’utilisateurs actifs par mois. Deux mois plus tôt, Twitter faisait une offre de 4 milliards de dollars pour l’acquérir. C’est du moins sa valorisation à l’époque après une levée de fonds qui avait porté à 110 millions sa collecte auprès d’investisseurs, dont la société de capital-risque Andreessen Horowitz (1). Mais les discussions entre la licorne Alpha Exploration Co et l’oiseau bleu n’aboutirent pas.

Entre marteau (Big Tech) et enclume (Cnil)
Depuis, d’après la société d’analyse SensorTower, les installations de l’appli (sur Android ou iOS) ont chuté de plus de 80 % depuis son heure de gloire. Disruptif à ses débuts, Clubhouse a très vite été copié par Twitter avec « Spaces », Facebook avec « Live Audio Rooms », LinkedIn avec « Live Audio Events » ou encore Spotify avec « Live » (ex-Greenroom). Snapchat avait subi les conséquences de ce copiage, tout comme BeReal aujourd’hui. Clubhouse sera-t-il racheté par un géant du Net avant d’être fermé, à l’image de Periscope après son rachat en mars 2015 par Twitter ?
Alpha Exploration Co a dû aussi se battre en Europe. Les gendarmes des données personnelles et de la vie privée avaient mis sous surveillance Clubhouse. Cela a abouti en Italie à une amende de 2 millions d’euros infligée en décembre 2022 par la « Cnil » italienne, la GPDP, qui lui a reproché de « nombreuses violations : manque de transparence sur l’utilisation des données des utilisateurs et de leurs “amis” ; possibilité pour les utilisateurs de stocker et de partager des enregistrements audio sans le consentement des personnes enregistrées ; profilage et partage des informations sur les comptes sans qu’une base juridique correcte ne soit trouvée ; temps indéfini de conservation des enregistrements effectués par le réseau social pour lutter contre d’éventuels abus » (2). En France, la Cnil avait ouvert de son côté une enquête dès mars 2021 après avoir été saisie d’une plainte à l’encontre de Clubhouse qui était aussi la cible d’une pétition (3). « Les investigations sont désormais clôturées après plusieurs échanges avec la société [Alpha Exploration Co], indique la Cnil à Edition Multimédi@. Nous restons évidemment vigilants sur les traitements de données à caractère personnel qu’elle met en œuvre, en particulier en cas de nouvelles plaintes ». Pour tenter de se démarquer des Big Tech « copieuses », Clubhouse a fait de son mieux pour offrir une meilleure expérience audio en direct, en ajoutant des fonctionnalités comme le sous-titrage en temps réel et la diffusion audio de haute qualité. Il y a un an, a été ajoutée une messagerie instantanée – des chats – pour ceux qui veulent participer aux discussions mais sans prendre la parole. Cet « in-room chat » (écrits et/ou émoji en direct) permet à ceux qui ne se sentent pas à l’aise à l’oral de participer quand même – « parce que même sur Internet, le trac existe » (4). Clubhouse a aussi lancé Wave pour entamer des échanges plus rapidement autours de « petits moments intimes ou spéciaux » (5). Mais c’est surtout le lancement de Houses qui marque un tournant pour Clubhouse : chacun peut créer son propre « clubhouse » privé. Cette fonctionnalité fut annoncée par le cofondateur Paul Davison (photo de gauche) dans un tweet le 4 août 2022 : « Grande nouvelle 🙂 @clubhouse se divise… en plusieurs clubs. C’est une énorme évolution de l’application sur laquelle @rohanseth [Rohan Seth, l’autre cofondateur (photo de droite), ndlr], l’équipe et moi travaillons depuis des mois » (6).
Autrement dit, chaque utilisateur peut devenir l’administrateur où il instaure ses propres règles. Pour attirer les participants dans sa « maison », le « clubhouseur » dispose d’icônes pour indiquer les sujets (« topics ») abordés. La variété des thèmes a été étoffée depuis le 6 février dernier (7). C’est un change- ment stratégique d’Alpha Exploration Co, alors que – jusqu’au lancement de Houses – Clubhouse était un espace ouvert mais sur invitations seulement en fonction d’intérêts communs. Le réseau social devenu à la fois audio et textuel permet de créer des espaces privés avec des connaissances personnelles.

Des licenciements et des recrutements
Clubhouse se veut moins élitiste et plus démocratisé. Après être sorti d’abord sous iOS uniquement, l’appli a été rendue disponible seulement en mai 2021 sous Android (pourtant le système d’exploitation le plus répandu au monde), puis depuis janvier 2022 en version web (8). Ce changement de stratégie a amené la licorne à licencier du personnel, selon Bloomberg en juin dernier (9), dont la journaliste Nina Gregory qui était responsable de l’information et éditeurs média. Mais depuis, Alpha Exploration Co cherche toujours à recruter (10) mais des profils ingénieurs logiciel, « data scientist » et designers. @

Charles de Laubier

La réalité augmentée n’augmente pas la rentabilité de Snap malgré la hausse des « snapchatteurs »

Le réseau social Snapchat a beau voir le nombre de ses utilisateurs augmenter de 17 % en 2022, à 375 millions de « snapchatteurs », cela n’empêche pas la société Snap d’augmenter son déficit. Et lors de son « Investor Day » le 16 février, elle devra convaincre sur son avenir en réalité augmentée.

En publiant ses résultats 2022 le 31 janvier, la société californienne Snap a déçu, malgré la hausse de 17 % de ses utilisateurs, à 375 millions, et un objectif d’atteindre entre 382 et 384 millions de « snapchatteurs » d’ici la fin de ce premier trimestre 2023. Pour l’exercice de l’an dernier, le chiffre d’affaires est de 4,6 milliards de dollars, certes en hausse de 12 % sur un an, mais les pertes nettes – 1,4 milliard de dollars – se sont creusées de… 193 %. Son cours de Bourse a décroché à Wall Street et sa capitalisation n’est plus de que 19,3 milliards de dollars (au 09-02-23), bien loin du pic des 54 milliards de dollars d’octobre 2020.

R&D : 2,1 milliards de dollars en 2022
Bien qu’ayant terminé 2022 avec 3,9 milliards de dollars de cash, Snap est par ailleurs très endetté, à hauteur de 3,7 milliards avec une première échéance de remboursement en 2025. De tout cela, le PDG cofondateur de Snap, Evan Spiegel (photo), devra s’en expliquer devant les investisseurs lors de l’« Investor Day » qu’il organise le 16 février prochain dans ses locaux de Santa Monica (Californie). Dans la lettre aux actionnaires datée du 31 janvier (1), l’entreprise a d’ores et déjà prévenu que « le chiffre d’affaires du premier trimestre 2023 devrait être en baisse, entre – 10 % et – 2 % sur un an ».
Snap avait lancé au troisième trimestre 2022 un plan de restructuration qui prévoyait « une réduction d’environ 20 % de [son] effectif mondial » – dont 1.300 suppressions d’emploi en août dernier. Les productions « Snap Originals » et le drone Pixy ont été sacrifiés. Au 31 décembre 2022, ses effectifs étaient de 5.288 de salariés. « Nous sommes en voie de réaliser les 500 millions de dollars de réduction des coûts d’ici le premier trimestre de 2023 », assure le groupe au fantôme (2).
Parallèlement, Snap ne lésine pas sur les dépenses de recherche et développement (R&D) qui s’élèvent à 2,1 milliards de dollars rien qu’en 2022, en forte hausse de 34,7 % sur un an. « Nos efforts de R&D sont axés sur le développement de produits, la technologie publicitaire et l’infrastructure à grande échelle », précise l’entreprise dans son rapport annuel publié par la SEC, le gendarme boursier américain, le 1er février dernier (3). Pour se différencier des Facebook, Instagram et autres TikTok, Snap mise gros sur la réalité augmentée (RA) dont l’écosystème dépasse à ce jour plus de 300.000 créateurs et développeurs qui ont construit plus de 3 millions de « lentilles » de RA (« lens » en anglais) pour permettent la créativité et l’expression de soi. Snapchat s’ouvre directement sur l’appareil photo (« camera ») du smartphone ou de la tablette, voire la webcam de l’ordinateur sur le Web, ce qui facilite la création d’un « snap » et l’envoi de photos et de vidéos à des amis (via messagerie, « map » ou « stories »). Snap vend aussi depuis septembre 2016 – et malgré l’échec de la première version – des lunettes de RA, connectées en Bluetooth et appelées « Spectacles », utilisables sur son réseau social (4). Les lentilles se distinguent des « filtres » (« filter » en anglais) par le fait que les premières sont des animations virtuelles – autrement dit un filtre à réalité augmentée. C’est là que le réseau social au fantôme, très prisé de la génération Z, se distingue de ses concurrents. Y compris sur le marché publicitaire d’où Snap tire l’essentiel de ses revenus : ses offres « Snap Ads » et « AR Ads » proposent aux annonceurs et partenaires des filtres sponsorisés (« sponsored filters ») et des lentilles sponsorisées (« sponsored lenses »), pour peu que les marques se familiarisent avec ces technologies visuelles – surtout en RA. « Nous avons ajouté de nouvelles fonctionnalités et capacités à Lens Studio, notre logiciel de développement de réalité augmentée, qui permettent des expériences plus riches et plus immersives, et aident à approfondir l’engagement », assure Snap.
Mais le contexte macroéconomique (crise sanitaire, inflation, guerre en Ukraine, …) amène des entreprises à réduire leur budget publicitaire, notamment ceux orientés vers la RA souvent utilisée à titre expérimental. Sans parler du durcissement de la protection des données (fin des cookies tiers) qui limite le ciblage et l’efficacité publicitaire. Les autres acteurs du Net surveillent Snap comme un thermomètre pour prendre la température de la publicité en ligne (5).

Plus de 2 millions d’abonnés à Snapchat+
Lancé au début de l’été 2022 dans plusieurs pays, dont la France, le service par abonnement payant Snapchat+ – mais toujours avec publicités – a dépassé les 2 millions de souscripteurs (4,59 euros par mois, ou moins selon la durée de l’engagement), lesquels bénéficient d’exclusivités, d’expérimentations et d’avant-premières. L’avenir de Snapchat est entre les mains d’Evan Spiegel, qui détient 53,1 % des droits de vote de l’entreprise mais seulement 3 % du capital de Snap (6) aux côtés des 17,6 % du chinois Tencent. @

Charles de Laubier

The Sandbox, pionnier français du Web3, reprend son souffle et étoffe son écosystème

Après le crypto-krach de 2022 (l’ « hiver crypto »), qui fut une descente aux enfers pour les écosystèmes du Web3, les acteurs reprennent des couleurs comme le monde virtuel décentralisé The Sandbox, cofondé par deux Français. Son écosystème compte plus de 730 partenaires.

The Sandbox n’a pas attendu le métavers pour rencontrer le succès avec sa plateforme décentralisée, qui permet aux joueurs et aux créateurs de créer des mondes 3D immersifs, leurs avatars, des jeux en ligne, des NFT (1) et tout actif numérique original, de les stocker, les échanger et les monétiser en toute sécurité. Cet écosystème propose aussi sa propre cryptomonnaie : « Sand », construite sur la blockchain Ethereum. Aujourd’hui, cette plateforme de mondes virtuels décentralisés du Web3 dépasse les 730 partenaires qui contribuent à son écosystème créatif – soit un doublement en un an. Et ce, malgré le crypto-krach de l’an dernier et le faux départ des métavers.rme de mondes virtuels décentralisés du Web3 dépasse les 730 partenaires qui contribuent à son écosystème créatif – soit un doublement en un an. Et ce, malgré le crypto-krach de l’an dernier et le faux départ des métavers.

La culture Web3 attire les marques
Ce monde virtuel The Sandbox est né à partir d’un jeu mobile en 2D du même nom, de type « bac à sable » (comme Minecraft), créé il y a plus de dix ans par deux Français cofondateurs de la société Pixowl, basée à San Francisco : Arthur Madrid (photo) et Sébastien Borget. Avant qu’il ne devienne un métavers, The Sandbox fut développé en tant que jeu mobile et téléchargé plus de 40 millions de fois dans le monde, jusqu’à ce qu’il soit racheté par la société hongkongaise Animoca Brands en août 2018. Elle en fit une plateforme de monde virtuel en 3D, en gardant le nom et les deux cofondateurs, aujourd’hui respectivement directeur général (CEO) et directeur opérationnel (COO) de The Sandbox. Preuve que les mondes immersifs suscitent toujours un grand intérêt après le « bear market » de l’an dernier : Arthur Madrid et Sébastien Borget sont intervenus le 18 janvier dans le cadre du Forum économique mondial de Davos pour parler de The Sandbox au « Web3 Day@Davos » (2), une cession organisée par le groupe hongkongais AMTD et L’Officiel sur les thèmes de la création de valeur des actifs numériques et de la réinvention de la propriété intellectuelle par le Web3.
Y intervenaient aussi Yat Siu, le cofondateur et président d’Animoca Brands – maison mère de The Sandbox depuis 2018 – ou encore le Français Pascal Gauthier, PDG de The Ledger, lequel propose de sécuriser hors ligne les actifs numériques sur un portefeuille matériel crypté de la taille d’une clé USB et à l’abris des cybermenaces (3). Au sein de l’écosystème The Sandbox, l’on compte plus de 400 marques et ayants droits, plus de 300 agences et studios de création et de marketing, plus de 100 studios indépendants de développement de jeux, plus de 20 partenaires dans la formation, et plus de 10 plateformes technologiques (4). «De Ubisoft ou Atari à Warner Music ou SnoopDog, en passant par Adidas ou Tony Hawk, ou encore à Gucci ou Balenciaga, les marques adoptent les codes du Web3, à savoir une approche communautaire avec une communication bidirectionnelle plus authentique et directe, encourageant la cocréation d’actifs et d’expériences, par exemple avec des Game Jams [hackathon avec pour thème principal les jeux vidéo, ndlr] », a expliqué le 10 janvier Mathieu Cervety, directeur des partenariats de The Sandbox.
Les marques peuvent acquérir des terrains virtuels (des « land »), créer leurs magasins, vendre des produits, et interagir avec les avatars, clients potentiels. Il y a un an, Carrefour achetait pour 300.000 euros de parcelle de terrain virtuel dans ce monde en 3D. Le PDG du groupe d’hypermarchés, Alexandre Bompard, s’en était même félicité (5). Le groupe Casino l’avait devancé. La banque britannique HSBC (fondée à Hong Kong) s’est elle aussi offert des terrains virtuels, comme l’a confirmé en mars 2022 The Sandbox. Pour l’établissement financier, il s’agit d’« interagir et se connecter avec les amateurs de sports, d’e-sports et de jeux » (6). Autre exemple : l’assureur Axa s’est lui-aussi « sandboxisé » en février 2022. Pour aider marques et entreprises à s’installer dans The Sandbox, plus de 300 agences et studios dans plus de 20 pays les aident à adopter une stratégie Web3, à créer des actifs digitaux et marketing. C’est le cas de l’agence créative Wunderman Thompson du géant de la publicité WPP. Coinhouse va aussi aider des marques à y aller. The Sandbox a revendiqué un chiffre d’affaires de 180 millions de dollars en 2021 issus des ventes de « land » ou de NFT, ainsi que des reventes où il ne perçoit plus la totalité mais 5 % des transactions. Si son écosystème a doublé en 2022, les revenus ont dû suivre.

Un « hub » agences-studios en 2023
Les plus de 100 studios indépendants de développement de jeux vidéo peuvent candidater au « Game Maker Fund » doté de 300 millions de « Sand » pour financer leurs projets. Ils ont aussi à leur disposition les logiciels de création Voxedit et Game Maker – dont la V0.8 va améliorer les créations ludiques, sociales et immersives. En 2023, The Sandbox a aussi annoncé (7) un hub de « ressources partenaires » pour aider à informer les agences et les studios, et à les mettre en relation. @

Charles de Laubier

Radio France tourne la page de la redevance et se mue en média social, mais conserve sa PDG

Sibyle Veil avait pris ses fonctions de présidente directrice générale de Radio France le 16 avril 2018. Elle a été reconduite pour cinq autres années à compter du 16 avril 2023. La « Maison ronde » devrait poursuive sa mue en média social mais sans compter sur la redevance audiovisuelle.

Rendez-vous compte : il y aura 90 ans cette année que la redevance a été créée en France par une loi budgétaire datée du 31 mai 1933, laquelle instaurait une redevance destinée à financer la radiodiffusion et assise sur les postes de radio. Elle fut ensuite étendue à la télévision en 1948, qui fut depuis lors le poste de référence. L’année 2023 marque une rupture historique puisque les médias publics, dont Radio France, ne peuvent plus compter sur la manne de cette « contribution à l’audiovisuel public » jusqu’alors payée par près de 23 millions de foyers.

Budget 2023 : 623,4 millions d’euros
Les 138 euros en métropole et les 88 euros en outremer ont rapporté – et pour la dernière fois en 2022 (1) – 3,2 milliards d’euros l’an dernier. Comme pour ses homologues de l’audiovisuel public, la PDG de Radio France, Sibyle Veil (photo), devra faire cette année – et les suivantes – sans la redevance mais avec un budget issu d’une partie de la TVA. Ainsi en avait décidé la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 (2).
L’an dernier, Radio France avait bénéficié de plus de 591,4 millions d’euros d’« avances » de la part de l’Etat. Pour cette année, comme le prévoit la loi de finances 2023, Radio France touchera plus de 623,4 millions d’euros. Cela représente une hausse budgétaire de 5,4 %. Cette même loi de finances 2023 liste des objectifs aux acteurs de l’audiovisuel public : pour Radio France, il s’agit notamment de : « proposer une offre radiophonique de service public, axée sur la culture, dans un univers de média global » ; « s’adresser au public le plus large dans un environnement numérique » ; « assurer la maîtrise de la masse salariale, optimiser la gestion et être une entreprise de média exemplaire » (3). C’est dans ce contexte financier et stratégique que Sibyle Veil achève son premier mandat de cinq ans à la tête de Radio France, avant d’entamer un second « quinquennat » à compter du 16 avril prochain. Cette reconduction a été décidée le 19 décembre par l’Arcom (4) qui « a fait le choix de la poursuite des transformations engagées ces dernières années, dont les résultats en termes d’audience, de développements numériques et d’accès à la culture témoignent de la capacité d’adaptation de [Radio France] à son environnement et aux attentes des publics ». Dans sa décision publiée au Journal Officiel le 21 décembre dernier (5), le régulateur souligne les «mutations profondes du média radio », notamment dans « l’audio numérique ». Sibyle Veil a su convaincre les membres de la Tour Mirabeau lors de son audition le 19 décembre, aussitôt suivie d’une séance plénière du collège la nommant pour un nouveau mandat au détriment des deux autres candidats : Maïa Wirgin (6) et Florent Chatain (7). « A compter de 2023, il nous faudra définir une nouvelle feuille de route pour Radio France dans le cadre qui sera donné par le prochain contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2024 à 2028, avait expliqué la PDG candidate à sa succession. […] D’ici 2028, de nouveaux acteurs, de nouvelles technologies que nous ne connaissons pas auront émergé. L’intelligence artificielle va certainement s’accélérer, créer de nouvelles opportunités, mais aussi demander une plus grande capacité d’adaptation. L’Internet des objets va gagner notre quotidien et amplifier le mouvement vers une connexion permanente ».
Radio France est en outre confronté à la baisse continue de la consommation des médias traditionnels qui n’épargne ni la radio, ni la télévision, ni la presse. La consommation média est de plus en plus fragmentée. Mais la radio publique a, selon Sibyle Veil, un rôle à jouer par rapport à Internet : « Les algorithmes et les réseaux sociaux créent un effet de gravitation autour de silos d’informations cloisonnés entre eux, attirant des personnes partageant des points de vue similaires. […] Cette évolution va rendre à l’avenir encore plus indispensable l’objectif d’universalité qui a sous-tendu la création du service public […] sans avoir à viser des cibles commerciales », assure-t-elle dans son projet stratégique d’une quarantaine de pages remis à l’Arcom dès octobre (8). Radio France entend aussi inspirer confiance face à la défiance envers les médias sur fond d’« infobésité ». FM, DAB+, IP : hybridation audio Pour autant, Radio France va devoir « se préparer à une accélération de la délinéarisation de la radio dans les prochaines années », même si l’écoute en direct pourrait rester majoritaire pour ce média. « Le “temps 2” de notre transformation est à engager pour devenir pleinement un média audio hybridant le flux et le stock, le direct et le temps long en donnant plusieurs vies à nos créations. […] Cette dualité va peser pendant les prochaines années sur notre entreprise », a prévenu la PDG de la « Maison de la radio et de la musique ». Et ce dans un contexte d’hyper concurrence de l’audio : podcasts, livres audio, fictions audio, documentaires sonores, … @

Charles de Laubier