Le réseau social Snapchat ne veut plus être « éphémère » face à Facebook, Twitter et Pinterest

Souvenez-vous : Snapchat avait refusé en 2013 une offre de rachat de 3 milliards de dollars de la part de Facebook, et de 4 milliards proposés par Tencent et autant par Google. Aujourd’hui, le réseau social « éphémère » est valorisé 18 milliards de dollars et compte 150 millions d’utilisateurs. Bienvenue en France !

Snapchat fêtera en septembre ses cinq ans d’existence. C’est devenu l’une des plus célèbres « licornes », du nom de ces start-up non cotées en Bourse et valorisées au-delà du milliards de dollars. Un Ovni numérique venu du cyberespace. Son nouvel atterrissage a lieu sur l’Hexagone, où sa filiale française nouvellement créée sera dirigée par Emmanuel Durand (photo) actuellement vice-président en charge du marketing, de la data et de l’innovation chez Warner Bros. Entertainment France où il était entré en 2009. Contactés par Edition Multimedi@, ni l’intéressé ni Snapchat à Londres n’ont démenti l’information (1).

« Menace fantôme » éphémère ?
Auteur de « La Menace Fantôme. Les industries culturelles face au numérique », livre publié en octobre 2014 par Sciences Po où il enseignait aussi, Emmanuel Durand aura la charge de développer le nouveau réseau social auprès des annonceurs, des médias, des industries culturelles et d’un large public. Ironie de l’histoire : le logo de Snapchat est… un petit fantôme blanc ! Les statuts de la filiale française (2) ont été déposé en juin dernier. L’implantation en France du réseau social « éphémère », dans le sens où la des photos et vidéos partagées sont éphémères (limitée de une à dix secondes au choix), intervient au moment il lance en juillet Memories. Il s’agit d’une fonction de stockage qui permet de garder ses envois (les snaps) : un tournant dans la stratégie
de l’entreprise de Los Angeles. L’Internet mobile est son terrain de jeu : avec son application mobile (3), Snapchat revendique quelque 100 millions d’utilisateurs quotidiens dans le monde. Mais selon l’agence Bloomberg, ils seraient aujourd’hui
150 millions de « snapchatters » – contre 140 millions de « twittos » pour Twitter (4).
Et les « snapchatters » regarderaient plus de 10 milliards de vidéos par jour, « ce qui représente une augmentation de 350 % par rapport à l’année dernière », affirme Snapchat.
En France, ce réseau social nouvelle génération a totalisé un peu plus de 8 millions de visiteurs uniques dans le mois, selon Médiamétrie, ce qui le place à la 14e place du Top 15 des applications mobile – derrière notamment Instagram de Facebook (9,7 millions), Twitter (12,1 millions) et Facebook (32,6 millions). Mieux : il figure en 2e place (5) du Top 5 des applications mobiles dont l’audience est la plus élevée dans le mois auprès des 15-34 ans. La marge d’évolution de Snapchat est d’autant plus grande qu’ils sont aujourd’hui 36,1 millions de Français à s’être rendus sur au moins un site web ou une application à partir de leur smartphone – soit près de 70 % de la population française âgée de 15 ans et plus. Et, ils sont 35 millions de Français, soit plus de trois internautes sur quatre (77 %), à être inscrits sur au moins un réseau social. « Deux réseaux centrés sur la photo se distinguent, Instagram et Snapchat, avec pour chacun un internaute sur dix inscrit. L’attrait pour ces réseaux est favorisé par leur caractère mobile native, combiné à la montée en puissance des écrans mobiles et à la jeunesse de leurs utilisateurs », relève justement Médiamétrie. En effet, 37 % des 15-24 ans – soit 5,9 millions de mobinautes – s’échangent des snaps avec leurs amis et/ou leur famille. Au total, grâce à la génération dite « Millénium », la France constituerait le second marché en Europe pour le réseau social éphémère derrière la Grande-Bretagne.
Avec à peine cinq ans d’existence, depuis sa création en septembre 2011 par Evan Spiegel et Bobby Murphy (6), le réseau social Snapchat veut jouer les trouble-fête auprès des Facebook (Instagram et Messenger), Twitter et Pinterest. Ce n’est pas
une « menace fantôme » pour ces derniers, mais bien réelle. Au-delà du partage multimédia, Snapchat veut non seulement multiplier les contrats publicitaires en France, mais aussi – à l’instar de Facebook ou de Twitter – nouer des partenariats avec les médias en quête d’interactivité « sociale ». C’est le cas avec sa nouvelle fonction Discover consacrée à la diffusion de l’actualité quotidienne, pour aller au-delà de la simple fonction Story qu’utilisent certains médias tels que Le Figaro pour promouvoir leurs articles. Les premiers médias français apparaîtront sur Discover d’ici septembre, dont TF1 ou Le Monde.

Bataille sur la publicitaire vidéo
Le nerf de la guerre publicitaire se jouera sur les vidéos : « Les Snap Ads débutent toujours par une vidéo verticale de 10 secondes maximum, qui apparaît parmi d’autres snaps. Le taux de balayage vers le haut est cinq fois plus élevé que le taux de clic sur les autres plateformes », explique l’entreprise, qui propose en outre des « Geofilters » : des filtres sponsorisés, qui se superposent aux snaps, ainsi que des filtres par reconnaissance d’images. Reste à savoir si l’« éphémère » réussira à bousculer l’ordre établi des réseaux sociaux en France, comme ailleurs. @

Charles de Laubier