Pourquoi le blocage par les FAI de sites web condamnés pour piratage reste inefficace

T411 est mort, vive T411 ! C’est ce que pourraient scander certains internautes après le jugement du 2 avril qui a ordonné à quatre FAI (Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR) de bloquer l’accès à ce site web (de liens BitTorrent) accusé de piratage. Le contournement de cette mesure judiciaire limite sa portée.

Les internautes peuvent utiliser les services offerts par d’autres fournisseurs d’accès
à Internet [FAI] et/ou accéder aux sites en cause par tout autre moyen que leurs compétences techniques et leur désir d’échapper à la loi les inciteraient à rechercher. Ils soulignent la facilité avec laquelle les réseaux sociaux diffusent des conseils permettant à la communauté de leurs membres d’être informée des moyens de contourner les mesures de contrainte susceptibles d’être ordonnées par une juridiction, ce qui risque de rendre inefficace toute décision de cette nature ». Tout est dit.

Sept contournements possibles
C’est ce qu’a soutenu Free devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel
a rendu son jugement le 2 avril. Le site web T411 incriminé, qui depuis a changé de nom de domaine pour orienter les internautes du « t411.me » – visé par cette décision judiciaire (1) – vers un « t411.io », n’a pas manqué d’expliquer à sa communauté d’utilisateurs comment contourner le blocage des FAI (2). Sept solutions ont ainsi été proposées, que le site web ZeroBin détaille de façon la plus pédagogique possible (3). Elles peuvent être résumées ainsi :
• Ajouter une adresse de serveur DNS : en plus de fournir une adresse IP, une box d’un FAI fournit des informations telles qu’une adresse IP de passerelle et une adresse IP de serveur DNS (nom de domaine). Lorsque l’internaute entre une adresse de site web, elle correspond à une adresse IP associée à ce DNS. Pour définir les relations IP-DNS, il faut un serveur DNS. Par défaut, c’est l’adresse IP de la box qui est utilisée. Sa propre liste sera alimentée par les serveurs DNS du FAI correspondant. Si le serveur DNS interrogé ne sait pas à quelle IP correspond le DNS recherché, alors le navigateur de l’internaute ne pourra pas atteindre le site web. La solution consistera donc à remplacer ou ajouter un serveur DNS qui connaisse encore cette relation, au sein des paramètres de la connexion réseau de l’ordinateur. Pour cela il faut entrer dans les propriétés de la connexion réseau utilisée pour accéder à Internet, puis dans celle correspondante au protocole Internet TCP/IP version 4. On laisse la partie « adresse
IP » telle quelle et on ne change que l’adresse du Serveur DNS souhaité.
• Utiliser un WebProxy : il s’agit d’un moyen pour accéder à un site web via un autre site web. Il existe des sites dédiés comme kproxy.com, où l’internaute peut entrer l’adresse du site web désiré, lequel sera atteint en faisant un détour par les Etats-Unis. Ce qui contournera le blocage. L’internaute est anonyme car il utilise l’adresse IP du WebProxy et non la sienne et le protège contre certains malwares ou spywares.
• Utiliser un serveur Proxy : le principe est le même que le WebProxy, à ceci près qu’au lieu de passer par un site web pour une redirection, l’internaute passe directement par un serveur à partir de n’importe quel logiciel (navigateur, logiciel de messagerie, outil de téléchargement, …) disposant d’une option « proxy ». Dans les paramètres du logiciel, l’utilisateur entre les informations du serveur proxy choisi (adresse IP, port, etc). Par exemple, freeproxylists.net donne une liste assez importante de proxies. Une fois configuré, le logiciel passera immanquablement par le serveur proxy. L’internaute peut devenir anonyme et passer les transferts via une connexion cryptée.
• Utiliser un VPN (Virtual Private Network) : la connexion sera créée depuis l’ordinateur de l’internaute et va générer une liaison avec un serveur. Tout ce qui entrera et sortira de son ordinateur sera crypté contrairement au proxy qu’il faut déclarer pour chaque outil utilisé.
• Utiliser un VPS (Virtual Private Server) : il peut jouer un rôle de serveur VPN,
de proxy ou de relais TOR (The Onion Router) et rendre ainsi anonymes tous les échanges Internet.
• Modifier le fichier Hosts : au sein de Windows, il existe un fichier qui agit comme un serveur DNS. L’internaute peut indiquer un DNS puis, en face, une adresse IP, le lien DNSIP étant alors établi. Ces sept points peuvent paraître fastidieux pour la plupart des internautes, mais ne sont pas impossibles à mettre en oeuvre – avec un peu de patience et de persévérance…

Inefficace, mais dissuasif ?
Le TGI de Paris le reconnaît d’ailleurs mais il en limite la portée : « S’il est exact que toute mesure de blocage peut être contournée par une partir des internautes, d’une
part il n’est pas établi que la grande majorité des internautes (…) a la volonté affermie de participer à une piraterie mondialisée et à grande échelle, et d’autre part [les utilisateurs] n’ont pas nécessairement le temps et les compétences pour rechercher les moyens de contournement que les spécialistes trouvent et conservent en mémoire ».
A défaut d’être efficace, le blocage de sites web tente de dissuader. @

Charles de Laubier

Musique : face au streaming, le téléchargement mise sur la qualité sonore, mais avec des tarifs peu lisibles

L’année 2014 aura été celle du « délitement du téléchargement » dans la musique en ligne. Mais la meilleure qualité sonore des fichiers est devenu un nouvel enjeu pour les plateformes. Mais pour l’Observatoire de la musique, cela s’accompagne d’une stratégie commerciale et tarifaire « peu lisible ».

« Le second semestre 2014 confirme le changement de paradigme définitif de l’économie musicale. En effet, semestre après semestre, nous assistons à un délitement du téléchargement. Constaté dès septembre 2013, le recul du téléchargement s’est aggravé au cours de l’année 2014 qui n’a connu en termes de chiffre d’affaires aucune période mensuelle de croissance », constate le rapport semestriel (1) de l’Observatoire de la musique, réalisé avec la collaboration de Xavier Filliol (photo), expert indépendant et par ailleurs trésorier du Syndicat des éditeurs
de services de musique en ligne (ESML), lequel est membre du Geste dont il est coprésident de la commission Musique & Radio.

Nouveau paradigme musical
Après la fermeture en toute discrétion du service de téléchargement chez le suédois Spotify début 2013, ce fut au tour d’Orange d’y mettre un terme – entraînant dans la foulée la fin du téléchargement chez le français Deezer (2). D’autres services ont aussi arrêté le téléchargement de musiques : Rhapsody, Nokia, Rdio ou encore Mog. Lorsque ce ne fut pas la fermeture du service lui-même : We7, VirginMega ou encore Beatport.
« Face à ce délitement, on voit poindre une stratégie commerciale – de nouveau – peu lisible, où l’on joue la qualité sonore, vertu du confort d’écoute, comme la variable d’une politique tarifaire qui n’est pas sans poser problème. Ainsi, le focus prix met en évidence des écarts très significatifs sur un même album, ce qui n’est pas sans rappeler les abus mortifères pour l’économie du disque que nous avons connus il y a
15 ans dans le physique », déplore l’Observatoire de la musique, lui-même créé il y a maintenant 15 ans au sein de la Cité de la musique (3). Le second semestre de l’an dernier est marqué par l’amélioration de la qualité sonore, qui devient un nouvel enjeu pour les plateformes de téléchargement de musique. C’est ainsi que sont apparues de nouvelles offres telles que celles de l’allemand HighResAudio, dont les albums peuvent être téléchargés en très haute résolution sonore (24 bits à des taux d’échantillonnage de 88,2 Khz à 384 Khz), et du label britannique Warp Records et son service Bleep proposant des titres ou des albums au format MP3 encodé à 320 Kbit/s, des versions Flac (4) pour certains téléchargements, ainsi que des versions Wav non compressées.

Il y a aussi la plateforme du label allemand Deutsche Grammophon de musique classique qui intègre iTunes pour le téléchargement. Ils rejoignent ainsi le français Qobuz qui, créé en 2008, a abandonné le format MP3 dès 2012 pour miser exclusivement sur la qualité audio HD. Les hauts niveaux de qualité sonore permettent aux plateformes de téléchargement de proposer des tarifs plus élevés, limitant tant bien que mal la chute des revenus face à la montée en charge du streaming. Les prix pratiqués par Qobuz sont présentés selon le format de fichier proposé au téléchargement : si la qualité CD a remplacé le MP3, l’offre Studio Masters disparaît au bénéfice de l’offre dite Hi-Res (pour haute résolution) qui propose des fichiers encodés 24 bits/44.10 Khz et jusqu’à 192 Khz sans perte. Une autre plateforme, 7Digital, a aussi fait le choix depuis fin 2013 d’améliorer la qualité de ses fichiers audio et d’adopter une nouvelle politique tarifaire avec des prix différents au téléchargement en fonction de la qualité des fichiers (5).
Mais la tendance à la hausse des tarifs justifiés par une meilleure qualité sonore aboutit à « quelques errements » (dixit le rapport), notamment avec un écart maximal de plus de 42 euros sur un album jazz entre sa version normale sur Google Play (à 9,99 euros) et sa version en son HD sur 7Digital (à 52,64 euros). Mais le téléchargement n’a pas le monopole de la meilleure qualité sonore. Le streaming HD, aux tarifs plus lisibles (avec un abonnement de 9,99 euros par mois), se développe lui aussi. Après Spotify, Deezer vient à son tour de lancer la qualité CD au format Flac.

Le retour de la hi-fi hd
Des partenariats se multiplient en outre autour des fabricants de ces appareils hi-fi numériques sans fil tels que l’américain Sonos qui intègre par exemple les plateformes Fnac Jukebox, Soundcloud, Tidal (récemment acquis par l’artiste américain Jay-Z) ou encore Spotify. « Si l’amélioration de la qualité sonore est le nouvel enjeu de bon nombre de plateformes, leur intégration au sein des systèmes audioconnectés n’en est pas moins essentielle, tant l’équipement ou le rééquipement du foyer (de l’écran 4K au système multi-room) est susceptible de constituer l’un des loisirs domestiques des plus prisés », souligne l’Observatoire de la musique. Et la TV connectée devrait accroître la visibilité de ces plateformes musicales dans les foyers. @

Charles de Laubier

Lutte contre le piratage sur Internet : après les mesures nationales, vers une harmonisation européenne ?

Bien que la réponse graduée – dont la France fut pionnière – inspire d’autres pays, son effet reste cantonné aux internautes. Pour la compléter, d’autres mesures de lutte contre le piratage et d’autorégulation sont mises en œuvres.
Il reste à harmoniser au niveau européen.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

En matière de lutte contre le téléchargement illicite, la France est précurseur dans la mise en place d’un système de réponse graduée. Même si l’idée de couper l’accès à l’Internet semble rétrospectivement inappropriée, l’envoi de messages de sensibilisation aux internautes, suivi d’une menace d’amende, semble avoir une influence bénéfique sur le comportement des internautes.

Toujours du piratage malgré l’Hadopi
Un système de réponse graduée similaire est actuellement déployé aux Etats-Unis,
sur la base d’une structure d’autorégulation. Une réponse graduée sera probablement déployée au Royaume-Uni et en Australie. La solution française fait des émules. L’objectif de la réponse graduée est de réduire la demande pour le téléchargement illicite d’oeuvres. Selon les statistiques publiées par l’Hadopi, seulement 10 % des internautes ayant reçu une première notification récidivent. Ainsi, la notification aurait un effet dissuasif. Evidemment, certains internautes déplacent leur consommation vers d’autres sites et technologies afin d’éviter d’être détectés par l’Hadopi. La présence d’offres légales telles que Spotify, Deezer ou encore Netflix contribue pour beaucoup au changement des comportements. Les chiffres publiés par l’Hadopi sont donc à prendre avec prudence. Néanmoins, un rapport publié en février 2015 par le gouvernement britannique indique que la réponse graduée en France est une « réussite relative ».
Le gouvernement français semble tirer le même constat : dans son communiqué de presse du 11 mars 2015, la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, ne propose aucune modification du système de réponse graduée en France. L’Hadopi continuera donc son travail de sensibilisation des internautes. En revanche,
la ministre propose quelques nouvelles actions pour réduire la quantité de contenus illicites disponible sur le réseau : améliorer les systèmes de signalement et de blocage de sites, et impliquer les acteurs de la publicité et du paiement en ligne dans la lutte contre le téléchargement illicite.

• Systèmes de signalement. Lorsqu’il s’agit de contenus postés sur un site de partage tel que Dailymotion ou YouTube, la France applique le système de notification et retrait prévu par la directive européenne « Commerce électronique » et la loi française dite LCEN (1). Ce cadre réglementaire stipule que l’hébergeur n’est pas responsable des contenus postés par les utilisateurs, à condition de retirer les contenus rapidement après avoir reçu un signalement.
La ministre Fleur Pellerin annonce en outre (en référence au rapport Lescure) une réflexion sur la responsabilité de certaines plateformes de partage, qui non seulement hébergent des contenus mais aussi assurent un rôle de distribution et d’éditorialisation des œuvres (2). Dans son rapport récent sur le numérique et les droits fondamentaux (3), le Conseil d’État propose de renforcer la règle de signalement afin d’imposer une obligation de retrait prolongé. Un site d’hébergement aurait l’obligation de mettre en place un dispositif technique qui permettrait de bloquer l’apparition de contenus qui ont déjà fait l’objet de signalements.
L’objectif est d’éviter aux ayants droits de faire de multiples signalements pour le même contenu. La ministre de la Culture et de la Communication propose la mise en place
de procédures de signalement plus efficaces, simples et accessibles aux ayants droits. Elle mentionne en outre la nécessité d’organiser les conditions de suivi d’un signalement, faisant écho des recommandations du Conseil d’Etat sur le retrait durable (4). L’imposition d’une règle de retrait durable (take down and stay down) exigerait une modification de la directive « Commerce électronique ».

Vers un système de signalement européen
Au niveau européen, la Commission européenne souhaite harmoniser les procédures de signalement, qui varient selon les pays. Une procédure harmonisée permettra aux ayants droit d’utiliser les mêmes systèmes de signalement à l’échelle européenne.
• Blocage de sites web. Le signalement (notice and take down) fonctionne pour les hébergeurs situés en France, dans l’Union européenne et aux États-Unis. Pour les
sites situés dans des pays moins regardant sur la propriété intellectuelle, il est parfois nécessaire de demander le blocage des sites par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En France, ces mesures sont ordonnées par un tribunal et reposent souvent sur une technique visant à bloquer l’adresse Internet (URL) dans le serveur DNS (5) du FAI. Deux ordonnances récentes de blocage de ce type ont été émises en décembre 2014 et en avril 2015 à l’encontre de respectivement les sites The Pirate Bay et T411 (lire p. 9). Le nombre de décisions en France ordonnant le blocage de sites est relativement faible par rapport au nombre de décisions analogues rendues au Royaume-Uni (6).

Suivre les décisions et l’argent
La ministre Fleur Pellerin a annoncé l’amélioration des procédures judiciaires de blocage prononcé à l’encontre des intermédiaires techniques et propose notamment des mesures qui aideraient à suivre l’effectivité des décisions dans le temps. Par exemple, une décision de blocage pourrait être suffisamment large pour inclure de nouveaux sites miroirs qui apparaîtraient après la fermeture du premier site. Les tribunaux anglais, eux, sous l’impulsion du Lord Justice Arnold, obligent les FAI à assurer l’efficacité des décisions dans le temps. La France souhaiterait suivre cet exemple.
• Suivi de l’argent. Le troisième volet dans la lutte contre le téléchargement illicite consiste à assécher les sources de financement des sites illégaux (follow the money).
Il s’agit généralement d’impliquer les fournisseurs de services de publicité et de services de paiement en ligne dans la lutte contre le téléchargement illicite. Le 1er juillet 2014, la Commission européenne a annoncé qu’elle souhaitait impliquer davantage ces prestataires dans la lutte contre la contrefaçon. En France, les mêmes préconisations ont été faites par Madame Imbert Quaretta dans son rapport (7) à la ministre de la Culture et de la Communication. Aux États-Unis, les prestataires de paiement et de
la publicité en ligne ont déjà signé des chartes pour contribuer à la lutte contre le téléchargement illicite. En Italie, les professionnels de la publicité ont également signé une charte. Au Royaume-Uni, il existe même un département spécialisé de la police
de Londres qui répertorie les sites manifestement illégaux et les affiche sur un site spécialisé, accessible aux prestataires de la publicité en ligne.
En France, un tel dispositif n’existe pas encore. La ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, a annoncé la signature de deux chartes pour impliquer davantage, respectivement, les prestataires de paiement et ceux de la publicité en ligne dans la lutte contre le téléchargement illicite. Le 23 mars 2015, les principales associations de publicités en ligne ont signé une charte de bonnes pratiques avec les sociétés d’auteur. Dans cette charte, les prestataires de la publicité s’engagent à mettre en oeuvre des moyens pour empêcher l’achat d’espaces publicitaires sur des sites contrevenants. Les signataires de la charte créeront un comité de suivi qui sera chargé de faire circuler des informations sur les sites contrevenants. La liste des sites sera également nourrie par la plate-forme « Pharos » du ministère de l’Intérieur. La ministre de la Culture et de la Communication souhaite qu’une charte similaire soit conclue – en juin prochain – par les prestataires de paiement en ligne. Estce que la nouvelle charte sur la publicité changera quelque chose en France ?

Aux Etats-Unis où ce système existe depuis plusieurs années, très peu de données sont disponibles sur l’efficacité des mesures d’autorégulation prises par les acteurs
de la publicité. Ces mesures d’autorégulation ne concernent que les prestataires et annonceurs ayant pignon sur rue. Avec ou sans la charte, une grande marque souhaitera probablement éviter d’acheter de la publicité sur un site de contrefaçon en ligne. Les agences et régie publicitaires ont généralement des instructions à ce sujet. Pour les annonceurs qui ciblent particulièrement les sites de téléchargement illégaux (services pornographiques, services de jeux en ligne), la charte ne va rien changer puisque ces annonceurs ne sont pas signataires. Ainsi, même si la charte a une valeur symbolique, son effet réel sera difficilement démontrable.
Au Royaume Uni, la police est très impliquée dans l’identification de sites web diffusant des oeuvres en violation du droit d’auteur. Une brigade spécialisée de la police de Londres maintient à jour une liste contribuant massivement à la contrefaçon. La police envoie cette liste aux prestataires de la publicité. Derrière cet envoi se cache une menace voilée : la législation anglaise permet d’engager la responsabilité d’annonceurs et autres prestataires de publicité qui achètent de l’espace publicitaire d’un éditeur connu pour ses activités de contrefaçon.

Etendre le régime de responsabilité ?
Ainsi les lois anti-blanchiment d’argent viennent renforcer la lutte contre la contrefaçon en ligne. Les acteurs de la publicité au Royaume Uni sont ainsi motivés à couper leurs relations avec les sites litigieux. Les lois françaises sur le blanchiment d’argent n’ont pas un régime de responsabilité aussi étendu que celui des lois anglaises. Ainsi, cette menace de responsabilité pèsera moins dans le comportement des prestataires de la publicité en France. @

Affaire Google : cinq ans d’instruction, c’est trop !

En fait. Le 15 avril, soit plus de cinq ans après le début de l’instruction du dossier Google, la Commission européenne a enfin pris une décision : d’une part, elle l’accuse d’abus de position dominante avec son moteur de recherche et, d’autre part, engage une enquête sur son système d’exploitation Android.

En clair. A l’heure du Net, c’est une éternité. C’est le 23 février 2010 – il y a plus
de cinq ans – que Google faisait savoir pour la première fois que la Commission européenne examinait les plaintes de trois sociétés à son encontre. Il s’agissait de Foundem, site web britannique comparateur de prix, Ejustice, moteur de recherches juridiques français, et Ciao, site américain également de comparatifs de prix – ce dernier étant depuis 2008 propriété du groupe Microsoft, lequel opère le moteur de recherche alternatif Bing. Et c’est en novembre 2010 que l’enquête formelle est lancée : Google est alors soupçonné d’abus de position dominante sur le marché de la recherche en ligne (1). Il est reproché à la firme de Mountain View d’utiliser son algorithme de recherche pour rétrograder les sites web des plaignants dans les résultats du moteur et de favoriser ses propres services. Google, qui a ainsi le pouvoir d’évincer ses concurrents, a en effet lancé des sites verticaux dans le voyage, le shopping, la cartographie, la finance, ou encore le local.
Après avoir cofondé en 2008 l’organisation Icomp pour contester la suprématie du moteur Google, Microsoft a aussi rejoint fin 2010 une autre coalition anti-Google, FairSearch, constituée (2) par les sites web de voyage en ligne Expedia (Expedia.com, Hotwire, TripAdvisor), Farelogix, Kayak (SideStep) et Sabre (Travelocity). En septembre 2012, Oracle et Nokia ont rejoint FairSearch qui porte alors plainte contre Google pour, cette fois, concurrence déloyale avec son écosystème Android. Le système d’exploitation est proposé gratuitement aux opérateurs mobiles, ce qui constitue aux yeux des plaignants une pratique illégale de « prédation tarifaire » – avec en plus détournement de trafic.
Côté moteur de recherche, de nouvelles plaintes sont déposées en mai 2014 par 400 entreprises françaises et allemandes, lesquelles sont regroupées dans l’organisation Open Internet Project (OPI) créée à l’initiative de Lagardère (éditeur du comparateur
de prix LeGuide.com), CCM Benchmark ou encore Axel Springer. L’OIP demande le
« dégroupage » de Google (séparer son moteur de ses services), idée que reprendra
le Parlement européen en novembre 2014 dans une résolution non contraignante. Google, qui a moins de dix semaines maintenant pour répondre aux griefs de la Commission européenne, risque une amende pouvant dépasser 6 milliards d’euros. @

Radio France : le mal vient aussi du retard numérique

En fait. Le 16 avril fut le 29e et dernier jour de la grève historique de Radio France. Son PDG contesté Mathieu Gallet a présenté le 8 avril aux salariés son plan stratégique pour la Maison ronde. Le numérique peine à être au cœur de
ses ambitions, malgré les critiques de la Cour des comptes le 1er avril.

En clair. « Radio France n’a pas achevé sa mue numérique. Si une forte impulsion a été donnée dans ce domaine en 2011, de lourds investissements et l’intégration du numérique dans la définition des métiers restent à réaliser ». C’est en ces termes que
la Cour des comptes a notamment présenté le 1er avril dernier son rapport (1) très critique sur le « retard inquiétant » de la radio publique dans son développement digital. Le plan stratégique de Mathieu Gallet, qui préfigure le prochain contrat d’objectifs et de moyens sur cinq ans (COM 2015-2019), censé être signé par l’Etat, doit rectifier le tir. Entre 2011 et 2013, seulement 17,4 millions d’euros avaient été consacrés par la Maison ronde au numérique. L’ancien directeur des nouveaux médias et du Mouv’ à Radio France, Joël Ronez, avait expliqué à EM@ en octobre 2013 qu’environ 6,5 millions d’euros par an était consacrés à la direction des nouveaux médias, laquelle
fut créée en juillet 2011. Cela lui a permis de mettre à niveau les services en ligne de Radio France, de lancer les plateformes musicales novatrices RF8 et NouvOson, et
de se préparer à la radio filmée (2). Mais ce fut insuffisant. Des lacunes numériques
de la radio publiques demeurent.

La Cour des comptes relève que Radio France n’a pas de webradios ! Alors que
NRJ par exemple en compte environ 200 et le pure player Hotmixradio une quinzaine. L’OJD mesure en France 11.908 webradios… . Radio France n’a pas jugé bon non plus de s’inspirer de ses homologues étrangères qui en ont, telles que RTBF en Belgique ou la BBC au Royaume-Uni. «La transformation du Mouv’ en webradio,
en lien avec les développements de RF8 et peut-être ceux de FIP, est une issue possible. C’est la voie qui a par exemple été suivie par Radio Canada pour sa radio équivalente », avance la Cour des comptes (3). Mathieu Gallet en prévoit, notamment pour France Musique.
Radio France, qui fut présidé par Jean-Luc Hees de mai 2009 à février 2014, n’a pas donné au numérique toute la place qui lui revient. « Les efforts engagés n’ont pas créé une dynamique d’ensemble et laissent pendants de nombreux problèmes structurels », déplorent encore les sages de la rue Cambon. Et pour faire de la Maison de la Radio une « entreprise numérique », il lui reste encore à trouver avec ses salariés un accord d’entreprise « nouveaux médias », dont les négociations n’avaient pas abouties en 2013. @