Le lancement de Radio France en RNT (radio numérique terrestre) serait déterminant

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient, en janvier, de remettre au gouvernement et au parlement son rapport sur la radio numérique terrestre (RNT), laquelle est lancée à Paris, Marseille et Nice depuis l’été dernier. Son avenir serait conforté si Radio France rejoignait les pionniers.

« A défaut d’avoir l’adhésion des grands groupes privés radiophoniques [RTL, Europe1/Lagardère Active, NRJ, BFM/ NextradioTV], le rôle du service public dans le déploiement de la radio numérique apparaît en France, comme en Europe, être un enjeu important », affirme le CSA dans son rapport rendu public le 21 janvier dernier (1). Un projet circulait depuis mi-décembre accompagné de six questions auxquelles les professionnels concernés devaient répondre jusqu’au 9 janvier.

Au gouvernement de se décider
Mais les contributions des uns et des autres n’ont pas influé sur les constats du régulateur de l’audiovisuel quant à l’avenir de ce nouveau mode de diffusion numérique de la radio. « La présence de la radio publique sur la RNT peut avoir un rôle d’impulsion et devrait être un des éléments structurants de la RNT », considère encore le CSA. Autrement dit, bien que boudée par les grands réseaux privés, la radio numérique par voie hertzienne pourrait voir son avenir conforté en France si le gouvernement décidait d’y lancer les radios du groupe Radio France – présidé par Mathieu Gallet (photo) – ainsi que Radio France International (RFI) du groupe France Médias Monde. « Loin d’être symbolique, la présence du service public sur la radio numérique hertzienne apparaît, dans les pays où la radio numérique terrestre se déploie, comme un élément moteur et structurant », insiste le régulateur présidé par Olivier Schrameck. France Inter, France Info, France Musique ou encore RFI pourraient très bien rejoindre la centaine de radios qui se sont déjà lancées depuis l’an dernier sur Marseille, Nice et Paris où la RNT a été lancée le 20 juin dernier. D’autres pays européens : « montrent généralement une présence forte du service public, élément moteur de la construction de réseaux de diffusion grâce au financement tiré de la redevance (Royaume-Uni, Norvège, Suisse, …) et entraînant dans son sillage les éditeurs privés », constate encore le rapport du CSA. Mais alors, que fait Radio France ? Ou plus précisément : que fait le gouvernement ? Car les deux sont liés : c’est en effet le gouvernement qui, seul, peut décider préalablement de préempter une (ou des) fréquence(s) sur la RNT. Dans un premier temps, en 2009, le gouvernement avait bien réservé des fréquences en RNT pour Radio France et Radio France Internationale. Mais en 2012, le gouvernement change d’avis et ne fait aucune réservation sur Paris, Nice et Marseille. Le gouvernement précise juste qu’il «se réservait la possibilité d’un engagement futur de ces deux sociétés nationales de programme en fonction des résultats des travaux initiés sur le sujet » (2). Fermez le ban ! Le CSA, encouragé par plusieurs radios privées indépendantes (Oüi, FG, France Maghreb 2, Trace, Raje, …) et organisations favorables à la RNT en France (Sirti, SNRL, Alliance pour la RNT, WorldDMB, …), en appelle donc à une clarification du rôle du service public. « Il pourrait être utile que la tutelle des deux sociétés nationales de programmes concernées actualise sa position sur ce sujet. (…) Les valeurs véhiculées par la RNT (gratuité de l’écoute, anonymat, disponibilité) sont par ailleurs particulièrement adaptées au service public », écrit le CSA. La balle est dans le camp du gouvernement Valls… @

Lutte contre piratage et lutte contre le terrorisme : Internet se retrouve entre le marteau et l’enclume

Internet est doublement dans la ligne de mire du gouvernement. Deux projets le concernant se télescopent : la lutte contre le piratage en ligne, et la lutte contre
le cyberterrorisme. Des acteurs du Net s’inquiètent de l’impact de mesures répressives sur les libertés fondamentales.

Il s’agit pour le gouvernement de Manuel Valls (photo), d’une part,
de renforcer la responsabilité de tous les intermédiaires de l’Internet pour qu’ils déréférencent ou « assèchent » les sites présumés pirates d’œuvres protégées par le droit d’auteur, et, d’autre part, d’accroître la surveillance et le blocage de sites web afin de lutter contre le terrorisme et son apologie (1). Après l’attentat dramatique qui a touché de plein fouet le journal satirique Charlie Hebdo, ces deux projets qui n’ont a priori rien à voir entre eux se retrouvent aujourd’hui dans les priorités du gouvernement. Pour le meilleurs et… pour le pire ?

Charlie Hebdo et droit d’auteur
Le 12 janvier, soit cinq jours après l’attentat, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et
de la Communication, présentait les propositions du gouvernement dans le cadre de la réforme européenne du droit d’auteur. « Je me suis demandé s’il fallait maintenir notre réunion, si parler de droit d’auteur et d’Europe était à l’ordre du jour, alors que nous sommes endeuillés et bouleversés. (…) Oui, bien entendu (…) Le pays de Beaumarchais et de Charlie Hebdo doit donc être plus que jamais à la hauteur de sa mission historique de défense et de promotion du droit d’auteur », a-t-elle justifié. Dans la perspective de la réforme de la directive européenne « Droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI), qui date de 2001 (2), le gouvernement entend plaider auprès de la Commission européenne pour une plus grande responsabilité des plateformes numériques dans la lutte contre le piratage
« Le rôle prédominant joué par ces acteurs [du Net] dans l’accès aux oeuvres nous incite à réfléchir (…) au réexamen de leur statut juridique. C’est un sujet sur lequel je travaille avec mes collègues du gouvernement », a-t-elle expliqué en s’appuyant sur
les propositions qu’a faites le professeur Pierre Sirinelli dans son rapport remis en novembre au CSPLA (3). Autrement dit, la France veut que l’Europe remette en cause la responsabilité de l’hébergeur qui bénéficie d’une responsabilité limitée – laquelle a pourtant été confortée plusieurs fois par la Cour de cassation et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). L’Association des services Internet communautaires (Asic), qui représente en France YouTube/Google, Dailymotion/Orange, Facebook, Yahoo, Wikimedia ou encore AOL, est vent debout contre cette perspective : « Toute remise en cause n’aurait alors pour effet que d’imposer un contrôle a priori de tous les contenus diffusés sur Internet et ainsi une censure généralisée des contenus diffusées sur l’Internet », a-t-elle mis en garde le lendemain de l’intervention de Fleur Pellerin. Et l’Asic d’ajouter : « Cette proposition est d’autant plus choquante qu’elle intervient au lendemain d’une mobilisation forte de l’ensemble des Français au profit de la liberté d’expression ». Parallèlement, la ministre se fera la porte-parole à Bruxelles pour faire coopérer les professionnels de la publicité sur Internet à la lutte contre les violations de la propriété intellectuelle. « Il faut impliquer l’ensemble des acteurs de l’écosystème numérique, à l’instar de la mission que j’ai confiée tout récemment à (…) Julien Neutres (4) dans le domaine de la publicité en ligne. (…) Nous ne pourrons accepter que les directives (européennes) soient amendées sans que ce sujet ne soit traité », a-t-elle prévenu. Julien Neutres est missionné depuis début janvier pour « l’élaboration d’une charte, écrite en concertation avec les acteurs de la publicité, afin qu’ils s’engagent dans une démarche volontaire d’éviction des sites ne respectant pas le droit d’auteur et les droits voisins ». Cette fois, le gouvernement s’inspire du rapport de Mireille Imbert-Quaretta (5), remis à Fleur Pellerin en mai dernier (6). La charte sera signée par les régies, les annonceurs et les agences de la publicité numérique pour « assécher les ressources financières » des sites web illicites.

Décret « Blocage administratif »
Dans le domaine autrement plus grave, la lutte contre le terrorisme, le gouvernement veut renforcer la surveillance et le blocage d’Internet après les attentats des jihadistes
– alors même que le projet de décret « Blocage administratif » d’Internet (donc sans passer par le juge), découlant de la loi « militaire » (7), a déjà été notifié à Bruxelles.
Un projet de loi sur le renseignement prévoirait notamment le blocage (toujours sans contrôle judiciaire) de contenus racistes ou antisémites. Au risque d’engendrer censure et violation de droits fondamentaux. « Il ne s’agit pas d’adopter un Patriot Act à la française », a tenté de rassurer Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au Numérique. Le 21 janvier, Google a demandé au gouvernement français des « politiques claires » pour la suppression de contenus… @

Charles de Laubier

Etats-Unis : des fréquences à prix d’or pourraient déstabiliser la concurrence à quatre opérateurs mobile

Le résultat des enchères en cours aux Etats-Unis pour le spectre 1.700/2.100 Mhz, et surtout l’an prochain pour le spectre 600 Mhz, sera déterminant pour la structuration du marché mobile américain et confirmera (ou non) la viabilité
d’un marché à quatre opérateurs. Ce que surveille l’Europe…

Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells et Stéphane Piot, Partner, Analysys Mason

En novembre dernier, le gouvernement américain a mis aux enchères du spectre situé dans les bandes 1.700 MHz et 2.100 Mhz (1). Il a mis un prix de réserve sur ce spectre à hauteur de l’équivalent de 8 milliards d’euros. Actuellement, les enchères atteignent 38 milliards d’euros, dépassant toutes les prévisions. Ce résultat est d’autant plus surprenant que ce spectre n’est pas situé dans les fréquences basses, dites « fréquences en or ». Le prix par mégahertz par habitant pour ce spectre dépasse, et de loin, tous les records historiques.

AT&T, Verizon, T-Mobile et Sprint
Ce résultat est une bonne nouvelle pour le trésor américain : 6 milliard d’euros seront dépensés pour construire un réseau national destiné aux services de sécurité. Les 30 milliards restants rentreront dans le budget général des Etats-Unis.
Le niveau élevé des enchères est révélateur de l’état du marché américain des mobiles. La FCC (2) a publié un rapport en décembre dernier, qui analyse la concurrence mobile aux Etats-Unis (3) où le marché est structuré autour de quatre opérateurs nationaux : AT&T, Verizon, T-Mobile et Sprint (4). Le rapport de la FCC confirme qu’il existe une concurrence assez robuste en matière de qualité de service et d’offres commerciales innovantes. En revanche, la concurrence par les prix reste relativement faible.
Le prix moyen par mois et par utilisateur se situe autour de 40 euros outre-Atlantique, alors que la moyenne en France est maintenant autour de 17 euros (elle était de 27 euros en 2010 !). Par ailleurs, ce prix moyen par mois de 40 euros n’a pas évolué depuis dix ans aux Etats-Unis, même si le niveau de qualité a considérablement augmenté. A l’intérieur de cette moyenne, on constate une politique tarifaire plus agressive de T-Mobile, avec un prix moyen par abonné d’environ 30 euros, alors que les autres opérateurs – AT&T, Verizon Wireless et Sprint – sont supérieurs à 40 euros. Quant à la marge brute d’exploitation des opérateurs mobiles américains, elle est relativement élevée. La couverture 4G (LTE) atteint 98,5 % de la population américaine, et 93 % des habitants ont le choix entre au moins trois opérateurs mobiles. Ils sont même 39 % des adultes américains ont choisi de s’équiper uniquement d’un téléphone mobile, sans ligne fixe, confirmant une tendance de substitution entre les services mobile et le fixe.
En 2013, les opérateurs mobiles ont investi 33 milliards de dollars et le débit moyen de téléchargement de données est d’environ 10 Mbits/s pour trois des quatre opérateurs (5). L’utilisateur moyen télécharge plus de 1,2 Giga octets de données par mois. Derrière cette image d’une concurrence relativement dynamique et prospère, se cache une situation plus fragile. Les deux gros opérateurs, Verizon et AT&T, contrôlent environ 70 % du chiffre d’affaires du marché américain, Sprint 15 % et T-Mobile environ 11 %. Quelques opérateurs régionaux se partagent les quelques pourcents restants. Ces parts de marché sont stables. La marge brute d’exploitation de Verizon et de AT&T est élevée à respectivement 50 % et 42 %, alors que la marge de Sprint et T-Mobile se situe autour de 25 %. En matière de spectre, Verizon et AT&T possèdent la majorité des fréquences basses (700-800 Mhz). T-Mobile et Sprint possèdent une quantité raisonnable de fréquences hautes mais, pour se développer, pourraient chercher à obtenir davantage de fréquences basses.

Prochaines enchères : en 2016
En lançant les enchères pour le spectre 1.700/2.100 Mhz, la FCC n’a fixé aucune limite concurrentielle. En théorie, un seul opérateur pourrait acquérir l’ensemble du spectre. La FCC n’a pas fixé de limites parce que d’autres fréquences hautes de ce type sont susceptibles de se libérer à l’avenir. Il ne s’agit donc pas d’« enchères de la dernière chance ». D’autant que la FCC a l’intention de mettre aux enchères dès l’année prochaine des fréquences basses (600 Mhz), lesquelles proviendront des diffuseurs audiovisuels qui souhaiteraient volontairement abandonner leurs fréquences en échange d’une partie du produit des enchères. Il s’agit d’une procédure d’enchères incitative destinée à récupérer une partie des fréquences audiovisuelles qui seraient actuellement sous utilisées. La bande de 600 Mhz pourrait être importante pour les deux « petits » opérateurs du marché américain, car ces fréquences permettent de couvrir les zones rurales et de fournir une bonne qualité de service à l’intérieur des immeubles. En mai 2014, la FCC a décidé d’imposer des limites concurrentielles destinées à garantir qu’une partie du spectre 600 Mhz sera réservée aux opérateurs qui ne détiennent pas déjà des fréquences basses.

La concurrence à 4 appréciée aux USA
Les enchères incitatives de 2016 sont néanmoins entourées d’incertitudes : personne ne sait si les diffuseurs audiovisuels seront nombreux à jouer le jeu, ni si le spectre éventuellement mis à disposition par ces diffuseurs pourra être efficacement exploité par des opérateurs mobiles (6). Ces incertitudes sur les prochaines attributions de fréquences incitent certainement les opérateurs à surenchérir de manière importante dans le cadre des enchères actuelles.
Pour autant, le niveau record des enchères pour la bande 1.700/2.100 Mhz peut laisser à penser que la motivation sera forte pour les diffuseurs audiovisuels de vendre leur spectre. Le montant des sommes en jeu est potentiellement colossal si les incertitudes (7) étaient résolues d’ici là. Cet argent pourrait être utilisé par les diffuseurs pour améliorer la qualité de diffusion sur d’autres fréquences, et accroître la qualité de leurs programmes.
Pour les enchères de la bande 1.700/2.100 Mhz, Sprint n’a pas participé. Cette décision est logique parce que cet opérateur ne possède aucun spectre adjacent au spectre
« AWS-3 » mis aux enchères. Il n’a donc pas de réseau optimisé pour exploiter ce spectre. En revanche, Verizon, AT&T et T-Mobile possèdent tous les trois du spectre adjacent et leurs réseaux respectifs sont déjà équipés pour fonctionner dans la bande 1.700/2.100 Mhz. Ils n’auront donc pas de coûts important pour adapter leur réseau à ces nouvelles fréquences. Les fréquences 1.700/2.100 Mhz mises aux enchères sont actuellement occupées par le gouvernement américain et ne seront libérées que progressivement. Il y a en outre une grande inconnue dans la procédure d’enchères : l’opérateur Dish. Cet opérateur de satellites possède actuellement du spectre dans la bande 2.100 Mhz, lequel spectre est dédié aux services mobiles par satellite. Certains estiment que Dish pourrait donc avoir un intérêt stratégique à acquérir du spectre dans le cadre des enchères actuelles.
Aux Etats-Unis, l’existence d’au moins quatre opérateurs mobiles nationaux disposant de leur propre infrastructure est perçue comme propice à la concurrence et à l’innovation par les autorités réglementaires (8). En bloquant le rachat de T-Mobile par AT&T, le gouvernement américain a ainsi exprimé sa préférence pour maintenir un marché à quatre opérateurs mobiles. Le résultat des enchères pour le spectre 1.700/2.100 Mhz, et surtout pour le spectre 600 Mhz l’année prochaine, sera déterminant pour la structuration du marché et confirmera (ou non) la viabilité d’un marché à quatre aux Etats-Unis. Dans d’autres pays, et notamment en Europe, le nombre idéal d’opérateurs – trois, quatre ou même deux sur certains petits territoires avec de faible économie d’échelle – fait toujours débats. De nombreux régulateurs et autorités de la concurrence ont notamment publiquement exprimé qu’il n’existait pas de « chiffre magique » et que cela dépendait des circonstances locales.
Si un marché à quatre opérateurs n’est pas possible ou souhaitable sur certains territoires, différents types de mesures et gardes fous peuvent alors être utilisés (9) pour maintenir une dynamique concurrentielle satisfaisante, tout en préservant les marges des opérateurs. @

Taxe pour copie privée : 100 millions d’euros de retard dus par les industriels high-tech !

Le « manque à gagner » pour les ayants droits en France (musique, cinéma, presse, …), au titre de la rémunération pour copie privée, s’élève à 100 millions d’euros. En tête des « mauvais payeurs » : Apple, Sony et Nokia mais aussi Carrefour en tant qu’importateur de produits high-tech.

100 millions d’euros. Ce montant avancé par Pascal Nègre (photo), président d’Universal Music France et
de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), correspond au non reversement – par les industriels et importateurs d’appareils électroniques – de la taxe pour copie privée. Celle-ci est prélevée, à hauteur de 8 % en moyenne du prix TTC, sur les produits high-tech dotés de capacité d’enregistrement et de stockage numérique lors de l’achat : clés USB, smartphones, tablettes, disques durs externes, cartes mémoire, etc (1).

Apple commence enfin à payer
A ces 100 millions, il faut déjà retrancher 12 millions d’euros que vient de payer Apple – le premier « mauvais payeur » de la copie privée en France – à la suite d’une décision du Conseil d’Etat. A part le sud-coréen Samsung qui a toujours reversé sans broncher redevance pour copie privée, de nombreux industriels et importateurs d’électronique grand public refusent ou tardent à payer leur écot. C’est d’abord Apple qui a encore
une ardoise de 40 millions d’euros, sur lesquels la marque à la pomme va encore payer 18 millions d’euros d’ici le mois de mars prochain. En effet, Apple contestait les barèmes appliqués aux tablettes en ne payant pas mais a été attaqué par les ayants droits devant le TGI de Paris, lequel a mis sous séquestre ces 18 millions d’euros au titre des sommes dues pour 2012. Ensuite, il y a Sony Mobile qui serait redevable de près de 10 millions d’euros, suivi de Nokia pour quelques millions encore, et d’autres. S’ajoutent à la liste des récalcitrants Carrefour, en tant qu’importateur de produits high-tech lui aussi. « Nous avons un certain nombre de fabricants et importateurs qui, prétextant des décisions antérieures du Conseil d’Etat [annulant certains barèmes de taxes, ndlr], refusent de payer la redevance pour copie privée. Cela représente 100 millions d’euros environ de retards pour l’ensemble des ayants droits, dont 10 % devrait revenir à la SCPP », précise Pascal Nègre. Mais maintenant que le Conseil d’Etat a rejeté – le 19 novembre dernier (2) – deux requêtes en annulation dirigées contre les décisions n°14 (tablettes) et n°15 (décodeurs-enregistreurs) de la commission pour la rémunération de la copie privée, le monde de la culture compte sur le recouvrement entre 2015 et 2017 des quelque 88 millions d’euros restants encore à régler. « On peut espérer que les juges accéléreront et que cet argent va rentrer », ajoute Pascal Nègre. Et de déplorer : « Les consommateurs, eux, ont payé. Ces 100 millions d’euros pris dans la poche des consommateurs sont maintenant dans celle des fabricants. C’est honteux ! ». En 2013 déjà, SFR et Free avaient réglé ensemble un total de 60 millions d’euros au titre de la copie privée. Cette régularisation exceptionnelle avait permis à la SCPP d’afficher, pour sa part, une recette « copie privée » en forte en hausse l’an dernier. En conséquences, faute du même effet sur 2014, la rémunération pour copie privée accuse à la SCPP une baisse de 13,7 % sur un an. Cela n’empêche pas les recette globales de la taxe « copie privée » de progresser de 4 % sur 2014, à plus de 215 millions d’euros – somme que collecte la société Copie France (3) auprès des fabricants ou importateurs avant de la répartir entre les différents ayants droits : auteurs, artistes-interprètes, créateurs, éditeurs ou encore producteurs. La France,
où la taxe pour copie privée fête ses 30 ans (4), représente même 60 % de l’ensemble des sommes récoltées dans l’Union européenne, selon l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. « Il y a un lobby et des procès contre la copie privée partout en Europe. Il y a une volonté des fabricants de détruire le concept de (taxe pour) copie privée », souligne Pascal Nègre. En France, la Commission pour la rémunération de la copie privée (5) n’en finit pas d’être contestée par les industriels de l’électronique grand public. Depuis sa création en 1985, elle est le théâtre de crises internes récurrentes et ses décisions ont été longtemps annulées par le Conseil d’Etat (6). Et depuis décembre 2012, où cinq membres industriels ont démissionné collectivement, elle ne s’est pas réunie.

Mais que fait donc Bercy ?
« Il appartient au gouvernement de procéder sans délais aux nominations
nécessaires », exige la SCPP. Or depuis un décret de 2009, cette Commission « copie privée » est placée non seulement sous tutelle du ministère de la Culture et de la Communication, mais aussi depuis sous celle du ministère chargé de l’Industrie.
« La difficulté qu’a la ministre de la Culture et de la Communication au niveau de la copie se trouve à Bercy qui freinerait », soupçonne Marc Guez, directeur général de la SCPP. Bercy serait ainsi plus à l’écoute des industriels que ne l’est la rue de Valois… @

Charles de Laubier

Comment Patrick Drahi vole la vedette à Xavier Niel

En fait. Le 14 janvier dernier, Patrick Drahi – patron de Numericable SFR (Altice) et coactionnaire de Libération – et Marc Laufer ont annoncé la création, avec Bruno Ledoux, du groupe « Mag & News Co » regroupant le quotidien Libération, l’hebdo L’Express, le mensuel L’Expansion et la chaîne i24News.

En clair. Les marchés français des télécoms et des médias ont déjà dû apprendre à composer avec Xavier Niel, dirigeant fondateur de Free et de sa maison mère Iliad (dont la filiale Free Mobile a été lancée début 2012), ainsi que copropriétaire depuis novembre 2010 du quotidien Le Monde (avec Pierre Bergé et Matthieu Pigasse) et de l’hebdomadaire L’Obs (ex- Le Nouvel Observateur). Désormais, il faut compter avec Patrick Drahi qui a racheté l’an dernier SFR et Virgin Mobile (à respectivement Vivendi et Omea Telecom) pour créer le numéro deux des télécoms en France, et qui est devenu coactionnaire du journal Libération en le sauvant de la faillite (1), et maintenant coactionnaire du groupe « Mag & News Co » créé en pleine négociations du rachat du groupe Express-Expansion au belge Roularta.

Tous les deux, autodidactes, sont devenus milliardaires à force de jouer les challengers en France sur des marchés hyperconcurrentiels. Aujourd’hui, ils ambitionnent d’être chacun à la tête d’un empire télécoms et médiatique. A ceci près que l’entrepreneur franco-israélien Patrick Drahi (51 ans) a développé ses affaires à partir du Luxembourg, alors que l’entrepreneur franco-français Xavier Niel (47 ans) l’a fait en étant basé en France. « Patrick Drahi devrait redevenir résident fiscal français. Je trouverais cela très sympathique, mais en at- il l’intention ? », avait ironisé en mars 2014 le patron du groupe Iliad-Free. Quelques jours plus tard, Patrick Drahi répliquait : « J’ai ma famille en Suisse. Je n’ai pas prévu de la faire rentrer en France » (2).

Cette nouvelle holding Mag & News Co est présentée comme un groupe plurimédia, dont l’ambition d’être présent dans « la télévision, la radio, la presse écrite, le numérique et le mobile ». A l’instar d’Altice, maison mère de Numericable SFR, et de Newslux, qui édite la chaîne d’information internationale I24 News (toutes deux appartenant à Patrick Drahi), la nouvelle holding média pourrait être basée elle aussi
au Luxembourg. Cette dernière chapeaute désormais I24 News, le journal Libération, les sept titres spécialisés déjà détenus par le groupe NewsCo de Marc Laufer, associé de Patrick Drahi, et, si les négociations aboutissent avec Roularta, les journaux L’Express, L’Expansion, Mieux vivre votre argent, Lire, Classica, Studio Ciné Live
et L’Entreprise. @