Timeline

18 juillet
• Le « G29 » va rencontrer les moteurs de recherche (dont Google) le 24 juillet sur le droit à l’oubli.

17 juillet
• Microsoft annonce la suppression record de 18.000 emplois dans le monde (14 % des effectifs), dont 12.500 dans l’activité mobile de Nokia.
• Manuel Valls donne son « accord de principe » à 7 projets de réseaux d’initiative publique (RIP) (lire p. 4).
• L’Avicca « regrette que l’Arcep n’ait pas réussi à articuler (…) l’utilisation du VDSL2 avec les projets FTTH, qui viendront se percuter localement ».
• Facebook commence à tester un bouton « acheter » sur ses epub aux Etats-Unis.
• Joël Ronez, directeur des nouveaux médias de Radio France (EM@89), annonce son départ pour le 1er août.

16 juillet
• Apple accepte de payer 400 M$ aux consommateurs pour sa condamnation pour entente sur les prix des livres numériques.
• Le CNNum : « Le dispositif de blocage [de sites Internet faisant l’apologie du terrorisme] proposé est techniquement inefficace ; il est inadapté ».
• L’Hadopi : « Nous continuons à exercer les missions que nous a confiées le législateur ».
• Mireille Imbert-Quaretta : « 116 dossiers ont été transmis au parquet », suivis d’amendes de 250 à 600/700 € (le maxi de la loi étant 1.500 €).
• Médiamétrie : toutes les radios généralistes baissent en audience, pas la musicale NRJ.
• Sirti : L’audience des Indés Radios (128 stations) progresse et celle des radios associatives (555 stations) est stable.
• 21st Century Fox (Rupert Murdoch) confirme vouloir racheter Time Warner, lequel refuse. • Forrester Research : les dépenses technologiques en Europe atteindront 568 Mds d’€ en 2014 (+ 2,3 %).
• Digital TV Research : L’IPTV (télé sur ADSL sous IP) vont croître de 90 millions d’abonnés en 2013 (15,9 Mds de $) à 191 millions en 2020 (26,1 Mds de $).
• WIN, dont l’UPFI fait partie, publie une déclaration signée par 739 labels indépendants du monde entier pour « un partage équitable des revenus issus des exploitations numériques ».
• Bubblews, nouveau réseau social, sort de sa phase bêta.
Twitter lance une offre de comptes sponsorisés pour PME et TPE.
• Apple s’allie à IBM qui vendra des iPhone et iPad aux entreprises.

15 juillet
• Yahoo lance une chaîne live sur Yahoo Screen de diffusion de concerts en streaming, avec Live Nation.
• Alibaba s’associe à Lionsgate pour lancer un service de VOD.
• La Fed : « La valeur (boursière) dans certains secteurs semble être très exagérée, notamment (…) dans les réseaux sociaux (…) ».
• Aurélie Filippetti est présente pour la signature du « code de bonnes pratiques professionnelles entre éditeurs de presse, agences de presse et photographes ».
• Le Cnac, l’Inpi et l’Unifab lancent une campagne numérique de lutte contre la contrefaçon en ligne.

11 juillet
• La Cnil annonce pour octobre des contrôles sur le respect de sa recommandation sur les cookies (lire EM@100, p. 8).
• Michel Sapin présente le rapport « L’encadrement des monnaies virtuelles », dont le Bitcoin.
• Google demande l’avis d’« experts extérieurs » sur l’obligation formulée par la CJUE (droit à l’oubli) de supprimer de son moteur de recherche les données des internautes qui le souhaitent.
• SoundCloud est sur le point de signer avec Universal Music, Sony Music et Warner Music.

10 juillet
• L’Arcep annonce la généralisation périmètre d’utilisation du VDSL2 (100 Mbits/s sur ligne cuivre) à l’ensemble du réseau.
• Arnaud Montebourg demande « aux opérateurs audiovisuels et numériques français de s’unir pour offrir des plateformes alternatives aux offensives anglo-saxonnes » (lire en Une).
• La Commission européenne : procédure contre la France pour qu’elle cesse d’appliquer un taux de TVA réduit à la presse en ligne.
• Bruno Lasserre (Autorité de la concurrence) demande « que l’Arcep mette en demeure Free, sans attendre » pour mettre fin au contrat d’itinérance entre Orange et Free
• Amazon riposte à la loi « anti-Amazon » par des frais de livraison fixés à seulement 1 centime par commande contenant des livres !
• Amazon lance Zocalo, service de télétravail dans le cloud.
• Google Ventures lance un fonds de 100 M$ en Europe pour des start-up.
• SFR lance le téléchargement VOD et OCS Go.
• Le CEDC (Coalitions européennes pour la diversité culturelle) appelle le Parlement européen à « soutenir les politiques en faveur de la diversité culturelle » face au numérique.
• Legos signe un accord « Full MVNO » avec Orange.

9 juillet
• Le Sénat présente le rapport « L’Europe au secours de l’Internet », de Catherine Morin-Desailly.
• Le gouvernement présente en conseil des ministres le projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme, dont le blocage administratif des sites Internet en faisant l’apologie. • L’Idate : La France se situe au 7e rang mondial en nombre d’abonnés au très haut débit (plus de 2 millions).
• Amazon propose que les auteurs du groupe Hachette (Lagardère) conservent 100 % de la vente des ebooks effectuée sur Amazon.com, rapporte le WSJ.
• Canal+ lance A+, première chaîne panafricaine francophone.
• America Movil (Carlos Slim) dit vouloir se lancer dans la TV.

8 juillet
• Le SRI publie sa 12e édition de l’Observatoire de l’e-pub (lire p. 4).

7 juillet
• YouTube aurait généré seulement 1,5 Md de $ de chiffre d’affaires mais serait rentable, selon TheInformation.com
• Youboox lance la 3e édition du Prix du Livre Numérique.

Cloud TV everywhere

Les nuages, c’est bien connu, ne se préoccupent que rarement des frontières. Les nuages informatiques,
comme les nuages radioactifs en leur temps, ont une fâcheuse tendance à se jouer des contrôles et des barrières dérisoires que tentent de dresser des administrations dépassées par ces phénomènes atmosphériques. Pas plus que l’invasion des magnétoscopes japonais n’avait pu être arrêtée – lorsqu’en 1982 Laurent Fabius, alors Premier ministre, promulgua un arrêté pour contraindre les importateurs à ne plus dédouaner leurs magnétoscopes dans les ports mais au centre de la France, à Poitiers –, l’évolution des nouvelles formes de diffusion de la télévision ne put être stoppée. Edifier des lignes Maginot mobilise inutilement une énergie précieuse, lorsqu’on en a tant besoin pour la nécessaire modernisation des activités audiovisuelles françaises et européennes.
On connaissait pourtant le point de départ, notre télé traditionnelle, et le point d’arrivée, une consommation de vidéo aujourd’hui banalisée sur tous nos terminaux en tout lieu
et à tout moment. Entre les deux, plus de dix ans de mutation que certains ont vécue comme un véritable chaos. Avant que le Cloud TV ne s’impose, de multiples solutions ont été proposées. Les boîtiers de type media gateways ont d’abord permis aux opérateurs, comme Free ou Sky TV, de proposer des terminaux qui, bien qu’onéreux, permettaient de répondre aux nouveaux usages : interface enrichie, VOD, PVR, hybridation IP, distribution multi-terminaux, … D’autres, comme le pionnier américain des magnétoscopes numériques Tivo ou l’opérateur satellite SES, proposaient des boîtiers avec des fonctionnalités de déport de lieu de consommation TV ou de multiécrans. Ils furent ensuite intégrés aux media gateways.

« Les usages ‘TV everywhere’ bénéficient maintenant
de la puissance du Big Data pour personnaliser
la télé et la publicité. »

D’autres pistes furent explorées, à l’articulation entre les « box » et l’Internet. Les solutions hybrides de services audiovisuels ont été envisagées telles qu’un outil permettant de distribuer de la télévision linéaires et à la demande, avec le recours
au réseau Internet (IP) et à un boîtier ou un téléviseur connecté. Ces offres se sont particulièrement développées sous l’impulsion des opérateurs broadcast, soutenues notamment par la norme HbbTV en Europe, trouvant là un moyen de pallier leur défaut d’interactivité. Ce fut également le cas de l’alliance RVU, dont la solution TV multiposte, sans décodeur additionnel, permit à DirecTV de présenter début 2014 une interface utilisateur basée sur le cloud. Autant d’initiatives qui démontraient que les frontières entre TV et Internet ne cessaient de s’estomper.

Le Cloud TV s’est donc imposé, par paliers, grâce à la relative simplicité d’une solution proposant ces services à partir d’une plateforme centrale connectée à Internet et touchant l’ensemble des terminaux des utilisateurs. Les usages « TV everywhere » bénéficient maintenant de la puissance du Big Data pour personnaliser la télé et la publicité, avec un gain appréciable en termes de coûts et de gestion des applications. Et finies les contraintes de câblages, de réseaux et de terminaux : les acteurs de la télévision ont désormais moins besoin d’investir (en Capex) dans des infrastructures
et équipements, dont les décodeurs coûteux ; ils se basent sur un modèle (en Opex)
de facturation à la demande. Nous sommes donc bien entrés dans le monde de la
« TV as a service », voire d’« Operator as a service » pour les distributeurs en quête
de souplesse opérationnelle. Si la généralisation du Cloud TV a pris du temps, c’est essentiellement en raison de la nécessité de faire face à l’encombrement des réseaux confrontés à l’inéluctable montée en qualité des flux vidéo : 4K, 3D, HD et maintenant ultra-HD. L’abaissement des barrières à l’entrée pour la distribution vidéo a permis en outre à tous les acteurs en amont de la chaîne TV « broadcast » de se distribuer à grande échelle via des plateformes, les libérant ainsi des contraintes historiques de couvertures réseau, de terminaux ou de géographie. Mais le Cloud TV a surtout ouvert la porte aux géants de l’Internet et aux nouveaux modes d’auto-distribution, désormais en concurrence directe avec les assembleurs et les distributeurs de programmes de télévision. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Monnaie du futur
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 » (http://lc.cx/b2025).
Sur le même thème, l’institut a publié sur le rapport
« Cloud TV : Game changer de la distribution TV »,
par Jacques Bajon.

Projet de règlement « Continent connecté » : étape difficile vers le marché unique des télécoms

Le projet de règlement « Continent connecté », étape ultime vers le marché unique des télécoms, vise de nombreux objectifs pour le moins ambitieux constituant autant de sujets sensibles qui peinent à trouver le consensus nécessaire entre opérateurs, OTT, Etats membres et institutions européennes.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Le Parlement européen a adopté, lors de la première lecture en avril 2014, d’importants amendements au projet de règlement présenté par la Commission (1). Après cette révision, ce projet de texte reste perçu plus que jamais comme une épée de Damoclès par les opérateurs télécoms qui dénoncent ses conséquences négatives sur les innovations et investissements. C’est donc maintenant au tour du Conseil de l’Union européenne (UE) de se prononcer sur le projet et d’arbitrer entre les différents groupes d’intérêt.

Itinérance : « utilisation raisonnable » ?
Pour mémoire, les règlements sur les frais d’itinérance (2) ont permis d’ores et déjà une baisse significative des tarifs au public par l’instauration progressive de plafonds (dits
« eurotarifs ») pour les appels vocaux et les SMS. Jugeant ces mesures insuffisantes, la Commission européenne a proposé que les opérateurs mobiles aménagent leur accords d’itinérance internationale afin d’internaliser les coûts de gros liés au roaming et de ramener progressivement les tarifs des communications en itinérance au niveau des prix nationaux. Et ce, d’ici juillet 2016 (3).
Largement favorable à la suppression de frais d’itinérance, le Parlement européen en
a cependant durci les modalités d’application. Tout d’abord, les eurodéputés ont opté pour un délai plus court – la suppression progressive devrait ainsi intervenir le 15 décembre 2015 au plus tard. En plus des communications voix et SMS, les services
de donnée mobiles (Internet) seraient également concernés par cette obligation.
A cette occasion, le Parlement européen a précisé le dispositif, jusque-là brièvement évoqué par la proposition de la Commission qui permettrait aux opérateurs de restreindre l’application de la mesure. En effet, les opérateurs seraient autorisés à imposer aux consommateurs des « clauses d’utilisation raisonnable » des services d’itinérance facturés au tarif national à condition de les en informer clairement. Soumises au contrôle des autorités réglementaires nationales, ces restrictions seraient fixées en référence à des critères à définir par l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE). La notion d’« utilisation raisonnable » reste assez vague mais l’idée serait de permettre aux utilisateurs de conserver, en itinérance dans l’UE, leurs habitudes de consommation nationale. Toujours est-il que cette bonne nouvelle pour les consommateurs n’enchante pas les opérateurs mobiles qui craignent une baisse significative des recettes destinées potentiellement à financer le déploiement du très haut débit.

Concernant cette fois la mise en oeuvre d’une autorisation unique européenne pour
les opérateurs, préconisée par la Commission, le Parlement qui juge cette solution irréaliste a préféré s’en tenir au régime d’autorisation générale actuellement en vigueur, mais en prévoyant des mesures supplémentaires d’harmonisation et de simplification, et en impliquant dans certains cas l’ORECE.
Pour les opérateurs paneuropéens, le régime d’autorisation unique proposé par la Commission européenne consistait à ne notifier l’exercice d’activités de communications électroniques que dans un seul Etat membre dit l’Etat d’origine
où se trouve l’établissement principal de l’entreprise.

Difficulté de l’autorisation unique
Or, la mise en oeuvre de ce dispositif mécanisme aurait pu rencontrer des difficultés dans la mesure où la déclaration préalable de l’activité d’opérateur n’est pas obligatoire dans tous les Etats membres – à la différence de la France qui a opté pour la déclaration préalable (4).
Pour contourner cette difficulté et dans un souci de pragmatisme, les députés européens ont proposé plutôt d’uniformiser le régime de l’autorisation générale dans tous les pays de l’UE en limitant strictement l’exigence d’une déclaration préalable. Concrètement, lorsqu’un Etat membres estime justifié d’imposer une obligation de déclaration préalable, il ne peut qu’exiger des entreprises de se déclarer auprès de l’ORECE (5). Par ailleurs, la Commission et le Parlement européens ont considéré que l’utilisation du spectre dans le cadre d’une autorisation générale ne devait pas emporter des conditions supplémentaires portant atteinte au régime d’autorisation harmonisé.
La mise en oeuvre de cette dernière disposition et son articulation avec les dispositions des directives en vigueur pourraient se révéler difficiles.

Coordination de gestion des fréquences
L’objectif de la Commission européenne était de mettre en place une coordination accrue en termes de calendrier, de durée et d’autres conditions concernant l’assignation des radiofréquences pour que les opérateurs de réseau mobile puissent élaborer des plans d’investissement transfrontaliers plus efficients. Le Parlement européen a accueilli favorablement le projet de la Commission tout en renforçant les dispositions visant une utilisation coordonnée du spectre au niveau européen.
Ainsi, la durée minimale de l’utilisation des bandes harmonisées qui restent à définir précisément (6) ne devrait pas être inférieure à 25 ans et suffisamment longue, voire indéterminée, pour encourager l’investissement, l’innovation et la concurrence. Les députés européens ont également introduit un amendement permettant aux Etats membres d’octroyer des autorisations d’utilisation des fréquences selon des procédures conjointes préalablement élaborées en coopération avec la Commission : calendrier commun, conditions et d’utilisation similaires. La procédure commune serait à tout moment ouverte aux autres Etats membres. On peut toutefois s’interroger sur le fait de savoir si la création de ces nouvelles procédures portera les fruits espérés alors que des instruments déjà disponibles en matière de planification coordonnée de l’utilisation restent largement lettre morte.

Les dispositions concernant la mise en oeuvre de la neutralité du Net sont probablement celles pour lesquelles le consensus sera le plus difficile à trouver.
La tentative de la Commission européenne de concilier au mieux les intérêts des différentes parties prenantes avait déjà essuyé de vives critiques de la part des défenseurs de la neutralité « absolue ». Tout en reconnaissant le principe de la neutralité de l’Internet à travers l’obligation imposée aux fournisseurs d’accès de garantir aux utilisateurs une connexion sans restriction à tous les contenus, la Commission admettait certaines mesures de gestion du trafic et la commercialisation
de « services spécialisés » autrement dit des services « premium ». A ce titre, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) étaient autorisés à conclure des contrats accordant des conditions de trafic privilégiés vers les services en ligne. Il était néanmoins entendu que la mise en oeuvre de ces offres « premium » ne devait pas avoir pour objet ou pour effet de dégrader la qualité de service des offres « standards ».

Partageant largement la position équilibrée de la Commission européenne, le Parlement y a cependant apporté quelques retouches. La neutralité du Net a enfin été définie comme « le principe selon lequel l’ensemble du trafic Internet est traité de façon égale, sans discrimination, limitation ni interférence, indépendamment de l’expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l’appareil, du service ou de l’application ». Dans le même sens, les députés européens ont substitué à la « liberté d’accéder aux contenus » posée comme principe par la Commission européenne le principe plus fort du « droit des utilisateurs d’accéder aux contenus ».
La liberté d’offrir des services « premium » a été également d’avantage encadrée dans la mesure où ils ne peuvent être proposés que si la capacité du réseau est suffisante pour les fournir en plus des services standards.

Neutralité du Net, le talon d’Achille
Les opérateurs télécoms se désolent toutefois que ces dispositions ne concernent toujours pas les plateformes de contenus, principaux défenseurs de la neutralité
« absolue » et qui peuvent gérer leurs services sans contrainte, alors que – selon le leitmotiv maintenant parfaitement connu des opérateurs – lesdits acteurs génèrent des bénéfices sans contribuer aux investissements nécessaires sur les réseaux, à l’emploi, l’innovation et la compétitivité européenne. Le Conseil de l’UE entendra- il leur voix ?

A ce stade, il souligne l’importance de clarifier plus encore les textes (notamment
la nécessité de définir ou redéfinir « l’accès au service Internet » et « le service spécialisé ») et de faire en sorte qu’ils résistent à l’épreuve du temps, autrement dit
aux évolutions du secteur. De leur côté, les Etats membres sont d’accord sur le fait
de parvenir à un équilibre entre neutralité et gestion raisonnable du trafic. Malheureusement, les opinions divergent quant aux moyens pour y parvenir. @

Alain Rocca, producteur de films et président d’Universciné : « La VOD à 3 mois n’a aucun intérêt »

Fondateur de la société de production de films Lazennec & Associés, et cofondateur président d’Universciné, édité par Le Meilleur du Cinéma et regroupant une quarantaine de producteurs indépendants, Alain Rocca
répond sans détours aux questions de Edition Multimédi@.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Alain RoccaEdition Multimédi@ : Arnaud Montebourg (1) demande aux opérateurs audiovisuels et numériques français de « s’unir pour offrir des plateformes alternatives aux offensives anglosaxonnes », dont Netflix : qu’en pensez-vous ?
Alain Rocca :
C’est déjà plus positif que les députés PS qui pensent que le piratage n’est pas grave ou que Bercy qui rackette le CNC (2)…
Si son intervention servait déjà à convaincre Orange d’accepter dans un premier temps de proposer à ses abonnés les offres des éditeurs VOD français et pas seulement la sienne, ce qu’Orange refuse depuis des années malgré les recommandations des rapports Hubac et Lescure, cela serait déjà un bon début.

EM@ : Une réflexion est en cours pour que les producteurs puissent proposer leurs films sur leur propre plateforme de VOD, directement aux internautes, comme Hulu ou Epix…
A. R. :
Nous avons été les premiers à croire que les producteurs et les distributeurs devaient se regrouper pour disposer d’un volume suffisant de films afin de maîtriser
leur commercialisation sur Internet.
Nous nous sommes sentis longtemps un peu seuls à défendre ce point de vue…
Si de nouveaux regroupements se constituent ce serait une très bonne nouvelle.

EM@ : Le CNC cherche à rapprocher des offres de VOD/SVOD, où Allociné (5) serait le fédérateur. Est-ce possible ?
A. R. :
Une offre VOD c’est une marque Internet. Je ne vois pas ce que signifierait un rapprochement entre des marques qui doivent au contraire affirmer toujours plus leur identité sous peine de disparaître. Par contre, le CNC a effectivement mandaté une agence [La Netscouade, ndlr (6)] pour réfléchir à la mise en place d’une plateforme
de référencement qui serait dédiée aux seuls éditeurs VOD « cinéma » légaux et contributifs.
Nous participons activement à cette réflexion. Mais le problème essentiel de ce type de plateforme reste de savoir qui va la payer, sans ponctionner une chaîne de valeur VOD déjà très tendue…

EM@ : Quid des partenariats Videofutur-FilmoTV et Orange-Jook ?
A. R. :
Il s’agit d’opérations de ventes groupées (bundle), qui ne concernent que les offres SVOD, et comportent pour l’éditeur l’inconvénient majeur de ne pas maîtriser
le fichier d’abonnés correspondant, lequel reste dans le périmètre de l’opérateur de
la box.

EM@ : Universciné pilote Streams D&D d’EuroVOD, partie prenante du projet Spide coordonné par l’ARP et financé par la CE pour de nouvelles expérimentations de sorties simultanée salles-VOD : souhaitez- vous des expérimentations day-and-date en France ?
A. R. :
Streams est le premier festival de cinéma en ligne d’Europe. Il est organisé par la fédération EuroVOD, dont Universciné est le pilote. Ce festival présente sur toutes les plateformes une sélection de films qui ne sont sortis en salle que dans leur seul pays de production. Ce n’est pas du tout du day-and-date.
Concernant les expérimentations de sorties simultanées salles/ vidéo/VOD dans les pays d’Europe où la situation des salles est très dégradée, nous sommes très intéressés par les résultats des expérimentations en cours impulsées par MEDIA (7). Dans le cas français, Universciné voudrait proposer que certains films à combinaison de sortie en salles réduite puissent accéder très rapidement à une exploitation vidéo
et VOD, dans un dispositif de marketing et de partage de recette qui permettrait de soutenir la fréquentation des salles.

EM@ : Partagez-vous la remarque d’Igor Wojtowicz, producteur de « Cinéma français se porte bien », sorti sur Universciné, affirmant : « Il est plus facile d’accéder à un film piraté, en streaming gratuit, que de l’avoir en VOD » ?
A. R. :
C’est toujours plus long de passer à la caisse du supermarché régler vos achats que de sortir directement sans payer ! Un site légal doit disposer d’un dispositif solide de validation du paiement, permettant entre autres d’effectuer les répartitions aux ayants droits. Ce qui est nécessairement plus long qu’un site pirate…
Et en plus, une telle remarque est fausse pour toute la consommation VOD qui s’effectue en IPTV, c’est-à-dire deux tiers du marché.

EM@ : Faut-il la VOD à 3 mois et la SVOD à 18 mois ?
A. R. :
La VOD à 3 mois par rapport à 4 n’a aucun intérêt pour tous les acteurs du marché, et est illisible pour les spectateurs. A preuve : le très petit nombre de films qui ont demandé à profiter de la possibilité actuellement offerte de cette avancée à 3 mois de la sortie VOD. Quant à la VOD à 18 mois, elle ne rajoute pas un film de plus à l’offre légale, et renforce la capacité de pénétration sur le marché français des offres SVOD anglo-saxonnes auxquelles Arnaud Montebourg nous demande de résister… Et cela risque probablement de pousser les chaînes en clair à revendiquer des droits de catch up TV gratuites. Si on veut tuer le marché de la VOD transactionnelle, c’est une bonne idée ! @

La TV connectée, qui n’en finit pas d’émerger en Europe, a-t-elle vraiment un avenir ?

Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA), l’offre de Smart TV laisse à désirer. Non seulement les consommateurs des Vingt-huit ne mettent pas la connexion à Internet en tête de leurs critères de choix lors de l’achat, mais en plus ils préfèrent utiliser les autres terminaux pour cela.

Susanne Nikoltchev

Susanne Nikoltchev, directrice de l’OEA.

« Les Smart TV sont-elles réellement smart ? C’est une question qui reste jusqu’à maintenant sans réponse, dans la mesure où les consommateurs ne recherchent pas en premier lieu la connectivité Internet, lorsqu’il décident d’acheter un nouveau téléviseur, les trois principaux critères de choix étant plutôt la taille de l’écran, le prix et la qualité de l’image », constate l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA) dans son étude sur les marchés audiovisuels à la demande dans les Vingt-huit.
Et l’organisme de service public européen, composé de 40 Etats membres et de l’Union européenne, représentée par
la Commission européenne, d’ajouter : « Les consommateurs n’accèdent même pas aux contenus sur leur Smart TV, leur préférant leurs tablettes, leurs box Internet ou leurs ordinateurs comme principaux moyens de consulter en ligne ces contenus ».

2014 : point de basculement des ventes
La télévision connectée est-elle mort-née ? L’OEA, basé à Strasbourg au sein du Conseil de l’Europe, se le demande, tant les usages de la Smart TV sont très en deçà de l’offre de téléviseurs connectés. Selon Screen Digest (IHS), c’est justement au cours de cette année que devrait être atteint le point de basculement où les ventes mondiales de Smart TV dépasseront les autres téléviseurs (plus de 50 % des téléviseurs écoulés en 2014 sont connectables, contre 35 % en 2013, en attendant un taux de 65 % en 2016). Si la croissance de 15 % par an en moyenne est au rendez-vous, ce n’est pas
le cas pour les téléspectateurs connectés !
« Même si les clients consomment beaucoup de contenus à la demande, ces derniers sont surtout payés aux fournisseurs d’accès à Internet via leurs box, ou aux entreprises de matériels tels qu’Apple, Roku et Tivo (et bientôt Amazon, voire peut-être Intel) », souligne le rapport. Et si les cycles de remplacement sont maintenant de sept ans, au lieu de plus de huit ans auparavant, ce n’est pas grâce aux téléviseurs connectés mais plutôt au fait que les consommateurs changent leur vieux téléviseurs cathodiques pour des écrans plats ! La taille et la haute définition (HD) arrivent en tête des critères de choix, suivies du prix qui reste déterminant. Autant dire que les fabricants (Sony, Samsung, LG, Philips, Sharp, …) ne sont pas sur la même longueur d’ondes que les consommateurs : les premiers pensent que la connexion à Internet est un service premium sur lequel ils comptent pour accélérer le renouvellement des téléviseurs,
alors que les consommateurs ne voient pas ce plus comme aussi important. Ce peut d’engouement expliquerait qu’Apple hésite encore à fabriquer ses iTV, se contentant d’offrir le boîtier « Apple TV », et que Google ou Amazon s’en tiennent à des « dongle » (clé à brancher sur l’écran de télévision pour se connecter à Internet de son smartphone ou sa tablette), avec respectivement Chromecast et Fire TV. Orange prépare un tel « dongle » (1). Ce qui ne va pas sans créer une certaine confusion auprès des consommateurs sur les notions de téléviseurs connectés. S’agit-il d’une
« Connected TV » via une box, une console de jeux ou un « dongle » ? Ou est-ce
une Smart TV, c’est-à-dire intégrant dans sa conception la connexion Internet ?
Quoi qu’il en soit, ce que veulent les télénautes, c’est de pouvoir naviguer librement
sur le Web à partir de leur TV connectée pour trouver les contenus – principalement vidéo – correspondant à leurs goûts. Cela tombe bien car la tendance va dans le sens des Smart TV « contrôlées par les consommateurs », contrairement aux Smarts TV
« controlées par le fabricant ».

Mais l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA), qui recense plus de 3.000 services audiovisuels à la demande (SMAd) établis dans l’ensemble des Vingt-huit
(voir encadré ci-dessous), n’a pas trouvé de données récentes sur l’état du marché
de la Smart TV en Europe. « Les chiffres sont soit contradictoires, soit ne sont pas actualisés. (…) Trouver des chiffres sur la vidéo à la demande pour Smart TV fut impossible », pointe le rapport. Bref, entre les consommateurs qui restent quasi indifférents aux fonctionnalités Smart TV, la confusion sur ce qu’est le téléviseur connecté et l’absence de chiffres récents ou cohérents, ce marché émergent est mal parti. A cela se rajoute la fragmentation des plateformes de Smart TV qui, selon l’étude de l’OEA, constitue « un des obstacles majeurs encore à lever » malgré les initiatives des industriels de s’allier (2) pour promouvoir un standard de développement d’applications TV commun. @

FOCUS

La catch up TV domine les SMAd
Sur les 3.088 services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) dans l’Union européenne, les services de télévision de rattrapage arrivent en tête (au nombre de
1 104), les chaînes diffusées Internet (711 répertoriées) et les services les services de VOD (409). Toutes catégories de SMAd confondues, le Royaume-Uni en compte 682, la France 434 et l’Allemagne 330. En outre, 223 services établis aux Etats-Unis ciblent un ou plusieurs pays européens. @