Newsroom

15 novembre
• Sony lance sa nouvelle console PS4.

14 novembre
• La Commission européenne publie sa nouvelle communication
sur les aides d’Etat au cinéma : le projet d’« encourager les titulaires
de droits à céder à des tiers les droits en ligne » n’y figure plus.
• Google obtient gain de cause aux Etats-Unis contre la Authors
Guild qui l’accuse de numériser des livres sans autorisation.
• Amazon et son format fermé de ebook ne bénéficiera pas de la
TVA réduite, réservée au formats ouverts, votent les députés.
• La Cepic porte plainte contre Google pour piratage de photos.
• Le Snep : 93,8 millions € de ventes de musique en ligne en
9 mois, soit + 4,9 sur un an (lire p. 3).
• Images&Réseaux étudie la commercialisation de Zewall
(Orange/Le Télégramme), diffusion vidéo en direct produites par
des smartphones.
• La Correspondance de la Presse montre une chute de la diffusion
des quotidiens en France, de – 7,1 % sur 9 mois, malgré les
éditions numériques.

13 novembre
• L’ENPA, OPA Europe et 25 autres organisations de la presse
européenne demandent à Bruxelles de rejeter les propositions de
Google sur son moteur de recherche : http://lc.cx/GooPress
• La Commission européenne dresse le bilan « Des licences pour
l’Europe » (droits d’auteurs et service en ligne) et va lancer une
consultation publique.
• Motorola (Google) lance le smartphone low cost Moto G.
• Apple est soupçonné de fraude fiscale en Italie sur plus de 1 Md
d’€, révèle L’Espresso.
• Snapchat, réseau social aux contenus éphémères, a rejeté une
offre d’achat de Facebook à 3 Mds de $, affirme le WSJ.
• Le Monde est disponible sur Newsstand, le kiosque d’Apple.
• Fun Radio (RTL Group) s’associe avec meltyBuzz.fr (MeltyGroup).
• L’UPFI considère comme « dérisoire » les 280.000 € d’aide aux
TPE producteurs de musique pour la transition numérique.
• Challenges lance une appli payante à 200 euros/an.

12 novembre
• Google va rajouter des fonctions musicales à ses Google Glass.
• Le ministère de la Culture annonce un « plan de soutien à la production
et à la diffusion de la musique [dans] la transition numérique » : 280.000 €aux TPE et 300.000 €aux services en ligne.
• Canal+ va lancer en décembre d’une vingtaine de chaînes gratuites
sur YouTube déclinées par programmes de Canal+, D8, D17
et i-Télé (catch up TV).
• Fimalac dit avoir racheté Newsring et Youmag, confirmant une
info de Satellinet.
• Forumddl était le site de téléchargements illégaux, dont le
jeune fondateur (21 ans) écope de 10 mois de prison avec sursis
et de 1 million d’€ de dommages et intérêts.
• La Matrice lance le site Limportant.fr, réalisé exclusivement à
partir de tweets.

7 novembre
• Mireille Imbert Quaretta, dont le rapport « Lutte contre le piratage » est attendu le 15-01-14, a envoyé aux professionnels
6 pages de questions, révèle PC INpact : http://lc.cx/MIQ-2
• Aurélie Filippetti, au 1er Automne numérique : « Un partenariat
entre les établissements publics culturels et Creative Commons
France sera signé dès décembre ».
• Twitter entre en Bourse : + 92 % à la première séance !
• Disney publie des résultats annuels records (clos le 30-09) :
bénéfice net de 6,1 Mds de $ (+ 8 %) et CA de 45 Mds de $ (+ 7 %).

6 novembre
• L’Hadopi indique avoir envoyé en octobre 138.000 e-mails
d’avertissement : un record mensuel historique.
• μTorrent, Azureus et BitTorrent totalisent 73,85 % des avertissements
Hadopi entre juin 2012 et juin 2013, révèle Numerama.
• Amazon dit vouloir collaborer avec les libraires indépendantes
pour vendre Kindle (USA).
Deezer, qui affiche 5 millions d’abonnés, veut être le « Dropbox
de la musique ».
• Blockbuster abandonne le DVD, ferme magasins et se recentre
sur la SVOD.
GfK France : les appareils photo connectés représenteront
20 % des ventes
• Telefonica détient 100 % du réseau social Tuenti.

5 novembre
• Google lance Helpouts, service pour tout expert de conseils en
vidéo live payants.
• Mediapart réalisera 7 millions d’¤ de CA en 2013 et un bénéfice
net de 1 million, avec bientôt 81.000 abonnés payants.
• Ouest-France lance « L’Edition du soir », un quotidien payant
pour tablettes.
• UFC-Que Choisir saisit le TGI de Paris contre les offres 4G
« trompeuses » d’Orange et SFR.

4 novembre
• Buzzfeed, site de partage d’infos, s’installe en France.
• M6lance 6play, plate-forme pour M6, W9 et 6ter (antenne + replay).
• Orange et la SACD organisent un master class sur le transmédia
et le crossmédia.

3 novembre
• GfK : la part estimée des ventes numérique des 555 romans de la
rentrée littéraire est de 4,5 % en moyenne, contre 1,5 % l’an dernier.

31 octobre
• TuneIn dépasse le cap des 100.000 stations de radio et les
40 millions d’auditeurs.

30 octobre
• L’Hadopi publie une étude sur les usages des jeux vidéo : la
dépense moyenne est de 39,40 euros/mois : http://lc.cx/JV
• TDF Media Services enrichit les Google Glass d’un outil de
publication de vidéo en ligne.
• Orange a racheté début 2013 les 14,6 % du fonds FSI dans
Skyrock.com, révèle BFMTV.

Euro Telco Blues

Aujourd’hui nous ne faisons quasiment plus attention à nos fournisseurs de connectivité. Non qu’ils aient disparu, bien au contraire, mais nos terminaux sont désormais suffisamment autonomes pour nous épargner la corvée de savoir sur quel réseau ils ont préféré se connecter pour nous permettre de poursuivre notre « visio-conversation », notre émission vidéo ou notre partie de jeux en ligne. Que je sois chez moi en train de changer de pièce, en déplacement d’un lieu à un autre, ou en voyage au-delà les frontières, je n’ai plus besoin de bidouiller mes équipements ou de surveiller mes factures, comme nous
le faisions tous il y a encore dix ans à peine. Ce n’est pas la fin de l’histoire des télécommunications pour autant. Mais il faut reconnaître qu’avec la maturité, ce secteur
a gagné en simplicité d’usage. J’ai désormais un seul abonnement qui couvre l’ensemble de mes terminaux connectés. Cet abonnement m’offre un accès illimité en connexion fixe, y compris à partir de mes terminaux mobiles chez moi – avec un basculement automatique en mode WiFi. Ce forfait d’abondance est partagé entre mes différents usages en mobilité, indépendamment de l’heure, du terminal ou du lieu, en incluant de nombreux pays étrangers. Sur chaque terminal, ma page d’accueil personnalisée s’adapte à mes activités en se mettant à jour régulièrement en fonction de la fréquence de mes dernières consultations. La plupart des programmes ou des communications sont gratuits ou inclus dans mon forfait avec l’accès, de sorte que je maîtrise ma facture. Et pour éviter tout problème technique, j’ai souscrit auprès d’un second opérateur un abonnement mobile complémentaire, low-cost pour des fonctions basiques immédiatement activées sans que je le sache. La simplicité s’est imposée face à l’explosion des usages en termes de temps passé, de diversités d’applications disponibles et d’interactivité généralisée.

« La plupart des opérateurs ont abandonné
l’intégration de services de type IPTV et restent
en marge du Cloud et du Big Data. »

Cette situation pourrait paraître idéale s’il n’y avait, pour l’Europe, une ombre au tableau : la situation critique de son industrie et de ses groupes qui fournissent aux Européens les indispensables communications électroniques devenues « utilities » comme l’eau, le gaz et l’électricité. Car le contexte économique fut difficile durant cette dernière période : ce n’est que cette année que les services télécoms ont retrouvé leur niveau de chiffre d’affaires de 2009 ! Entre temps, que de péripéties. La dernière décennie fut inaugurée
par l’onde de choc de la chute de champions comme Nokia ou Vodafone, passant sous pavillon US, suivie par la reprise des «maillons faibles » affaiblis par la crise, qui avaient cédé sous la pression des restructurations et des ajustements économiques. Un nouveau paysage industriel est ainsi apparu, écartelé entre deux calendriers antagonistes. Le premier, de long terme, présidait à la réorganisation d’un secteur des services télécoms dépendant de l’adaptation de la régulation et de la structure industrielle. Le second, dans l’urgence, nécessitait la sauvegarde d’une industrie stratégique affrontant, affaiblie et dans le désordre, une nouvelle phase de restructuration.
Personne n’était alors d’accord sur ce que voulait dire « construire une Europe des communications » mieux intégrée : quelle méthode pour mettre fin au coût d’itinérance (roaming) en Europe ? Comment harmoniser le puzzle inextricable de la gestion du spectre par pays ? Jusqu’où simplifier et unifier les règles pour les opérateurs ?
Autant de dossiers qui n’ont commencé à être vraiment traités qu’à partir de fin 2014 avec la mise en place d’un nouveau Paquet télécom. A coup de stratégies offensives passant par les fusions, ou défensives en partageant les infrastructures, les opérateurs ont peu à peu repris l’initiative en se différenciant grâce à la commercialisation des accès dits
« premium » en 4G et FTTx. Mais ils n’ont pas été en mesure de capter une valeur additionnelle dans les services. A part quelques géants, la plupart ont abandonné l’espoir d’une intégration de services, de type IPTV, et sont restés en marge de l’essor de nouveaux territoires comme le Cloud et le Big Data. Finalement, il fallut redécouvrir que la valeur était dans le meilleur réseau possible au service des nouveaux usages, pour que l’Europe se re-concentre sur la culture de ses nouveaux champions. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Le mash-up
* Directeur général adjoint de l’IDATE, auteur du livre
« Vous êtes déjà en 2025 » (www.lc.cx/2025).
Sur le même thème, l’institut vient de publierson rapport
« Future Telecom 2025 », par Didier Pouillot.

Rémunération des artistes-interprètes sur le Net : après la cassation, l’intervention législative ?

Certes, la « débâcle judiciaire pour la Spedidam » – dixit le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) – contre iTunes, E-compil et autres Fnacmusic devant la Cour de cassation fut cuisante le 11 septembre 2013. Mais les artistes-interprètes s’en remettent maintenant au législateur.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée (photo) et Laurent Teyssandier, avocat, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

A l’occasion de litiges opposant la Société de perception
et de distribution des droits des artistesinterprètes de la musique et de la danse (Spedidam) à plusieurs plates-formes de téléchargement de fichiers musicaux (iTunes/ Apple, On demand Distribution/ Nokia, E-compil/Universal Music on Line, Sony, Virgin Mega, Fnac Direct/Fnacmusic), la Cour de cassation a jugé – dans six arrêts du 11 septembre 2013 – que l’autorisation donnée par des artistes-interprètes pour l’exploitation de l’enregistrement de leurs interprétations inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant.

Six litiges contre six plates-formes
Ces litiges soumis à l’appréciation de la haute juridiction illustrent l’opposition forte qui existe entre les artistes-interprètes, les producteurs et les exploitants de plates-formes
de téléchargement d’oeuvres musicales sur la question de la rémunération des artistesinterprètes en cas de commercialisation de leurs interprétations en ligne.
La Spedidam, qui représente les artistes-interprètes, estime que la mise en ligne des
« phonogrammes » doit être soumise à une autorisation préalable des artistes-interprètes dont la prestation a été fixée sur ces enregistrements numériques. Pour cette société de gestion, toute exploitation immatérielle qui n’aurait pas été autorisée expressément dans l’accord initial porte préjudice aux intérêts de l’artiste-interprète qui se trouverait privé de rémunération pour cette nouvelle forme d’exploitation.
En revanche, les producteurs et les exploitations de plateformes de téléchargement considèrent que l’autorisation donnée par un artiste-interprète à la commercialisation de son interprétation sur support physique inclut également l’autorisation de mettre cette même interprétation à la disposition du public sur les plateformes de téléchargement payant.
Dans le but d’obtenir réparation du préjudice personnel subi par les artistes-interprètes
et du préjudice collectif subi par l’ensemble de la profession la Spedidam a assigné en justice, dans six procédures distinctes, les sociétés iTunes, Universal Music on Line, Sony UK, On Demand Distribution, Virgin Mega et Fnac Direct (1).
Les termes du débat sont identiques dans chacun des six litiges portés devant la Cour
de cassation : l’autorisation donnée par un artiste-interprète pour l’exploitation de l’enregistrement d’une interprétation « sous la forme de phonogrammes publiés à des fins de commerce » inclut-elle la mise à disposition du public de l’enregistrement par voie de téléchargement payant ?
Pour répondre à cette question, la Cour de cassation apporte des précisions sur les contours de la notion de « phonogramme ». La question est de savoir si cette notion vise uniquement le support physique réceptacle de l’enregistrement ou si elle peut également désigner un simple fichier informatique.
Naturellement, la Spedidam considère que la notion de phonogramme ne doit s’entendre que du support physique – Vinyle 16, 45, 33 ou 78 tours, cassettes audio, Minidisc et disque compact – fixant l’enregistrement. Pour cette société de gestion, la notion de « publication » visée dans les autorisations données par certains artistes-interprètes suppose nécessairement la mise en circulation d’un support matériel de la prestation et exclut toute mise à disposition sur une plate-forme de téléchargement.
Cette approche ne sera pas celle retenue par la Cour d’appel de Paris dans ses arrêts
du 7 mars 2012, ni celle retenue par la Cour de cassation dans les six arrêts du 11 septembre 2013.

Le « phonogramme » est digital compatible
Rappelant la notion de « phonogramme » définie par, d’une part, l’articles 3-b de la Convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes
ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion
– appelée « Convention de Rome » (2) – et, d’autre part, l’article 2-e du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du 20 décembre 1996 sur
les interprétations et exécutions et les phonogrammes (3), la Cour de cassation approuve les décisions de la Cour d’appel de Paris et affirme que « la qualification juridique de phonogramme [est] indépendante de l’existence ou non d’un support tangible ».

Convention de Rome et Traité de l’OMPI
La haute cours de justice donne ainsi raison aux plates-formes de musique en ligne, dont le leader du secteur est iTunes, filiale d’Apple, qui soutiennent – comme il résulte d’ailleurs des travaux parlementaires de la loi du 3 juillet 1985 modifiée le 24 juillet 2009 (4) – « que la qualification juridique de phonogramme du commerce est indépendante d’un support et que la mise à la disposition du public, en quantité suffisante, de supports dématérialisés n’implique pas de changement de destination du phonogramme initialement fixé ; que dès lors, l’exploitation autorisée par les artistes-interprètes dont les prestations sont reproduites [sous forme de fichier numérique, ndlr] inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant ». Une telle décision apparaît conforme non seulement à l’esprit de la Convention de Rome et du Traité de l’OMPI, lesquels définissent le phonogramme comme une fixation de sons provenant d’une interprétation sans distinction de la matérialité ou l’immatérialité du support, mais également à la lettre de l’article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) qui ne distingue pas l’exploitation physique de l’exploitation numérique. « Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de
sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour
le son et l’image », stipule en effet cet article du CPI. Si cet article pose un principe de spécialité, de sorte que l’autorisation de fixer ne vaut pas autorisation de reproduire
ou de communiquer au public, il n’opère aucune distinction selon que ces actions soient exécutées pour des phonogrammes sur support physique ou en version numérique.

En l’espèce, les artistes-interprètes concernés avaient, selon les mentions figurant
sur les feuilles de présence qu’ils avaient émargées, autorisé l’exploitation de l’enregistrement de leurs prestations « sous la forme de phonogrammes publiés à
des fins de commerce » à une époque où la commercialisation commercialisation des œuvres musicales en ligne n’existait pas encore. Pour la Spedidam, l’autorisation donnée par les artistes-interprètes à la « publication » de leur interprétation sous forme de phonogramme ne permettait pas au producteur ou à l’exploitant d’une plate-forme de téléchargement de commercialiser ce phonogramme sous forme immatérielle.
Cette décision apparaît respecter également la Convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008 (5), qui n’opèrent aucune dichotomie entre
la communication au public sur support physique ou sur support numérique.
Les parties signataires de l’annexe « artiste interprète » à cette convention collective affirment qu’« elles partagent la conviction que l’essor de nouveaux marchés d’exploitation de la production phonographique constitue une opportunité tant pour
les producteurs de phonogrammes que pour les artistes interprètes », mais aussi
« elles constatent que l’absence d’accord écrit avant l’entrée en vigueur de la loi de 1985, le développement de nouvelles formes d’exploitation de la production phonographique et l’absence d’accord collectif définissant les modes d’exploitation entraînent des incertitudes quant à la portée de l’autorisation consentie ».
Cependant, tirant les conséquences de ce que la qualification juridique de phonogramme est indépendante de l’existence ou non d’un support tangible, la Cour
de cassation approuve la décision de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que « les autorisations litigieuses données par les artistes-interprètes incluaient la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant ».

Vers une intervention législative ?
En réaction à cette décision, la Spedidam a appelé le législateur à intervenir pour distinguer l’exploitation sur support physique de l’exploitation sous forme numérique (6). Cette question sera très certainement abordée et traitée dans le cadre de la mission confiée par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, à Christian Phéline, magistrat de la Cour des comptes, et portant sur la question du partage de la valeur générée par la musique numérique avec les créateurs. Ce dernier doit rendre ses conclusions d’ici fin novembre. Restera ensuite à savoir si la future « grande loi sur la création » (7) que promet la ministre d’ici mars 2014 répondra aux attentes des artistes-interprètes. @

* Christiane Féral-Schuhl est Bâtonnier du barreau de Paris.

Apple pourrait-il devenir le Blackberry de demain ?

En fait. Le 4 novembre, le groupe canadien Blackberry a annoncé qu’il renonçait
à se vendre à son premier actionnaire, le fonds Fairfax, préférant lever 1 milliard
de dollars. Son DG Thorsten Heins est remplacé par John Chen. Le pionnier des smartphones paie très cher ses échecs commerciaux face à Apple.

En clair. L’ironie de l’histoire serait qu’Apple, après avoir laminé le pionnier des smartphones Blackberry (ex-Research In Motion), puisse être à son tour victime du syndrome Blackberry. Car les deux fabricants nord-américains ont quelques points communs : outre le fait de fabriquer des smartphones qui ont marqué l’histoire d’à peine vingt ans de la téléphonie mobile dite intelligente, Blackberry et Apple ont tous les deux misé sur des environnements fermés et verrouillés auteur de leur propre système d’exploitation propriétaire (BOS pour le premier, iOS pour le second).
L’interopérabilité de leurs terminaux respectifs avec le monde extérieur ne fait pas partie de leur culture. Cette stratégie de walled garden était aussi celle de Nokia avec Symbian, avant que l’ex-numéro un mondial des téléphones mobile ne l’abandonne – trop tardivement en 2011 – au profit de Windows Phone. Pendant ce temps, Google lance
le système d’exploitation open source Android et en fait l’OS mobile le plus répandu aujourd’hui dans le monde. Il est utilisé sur les smartphones d’une bonne trentaine de fabricants, dont Motorola racheté en 2011 par Google et Samsung passé depuis deux ans numéro un mondial des smartphones devant Apple et numéro un tous mobiles confondus devant Nokia. Après avoir taillé des croupières aux pionniers Blackberry (1) et Nokia jusqu’à les acculer à se vendre, la marque à la pomme est à son tour croquée par Bugdroid, le fameux robot et mascotte d’Android.

Pour la première fois depuis onze ans, le bénéfice net annuel d’Apple (de l’année fiscale 2012/2013 close le 30 septembre) a baissé, et pas qu’un peu : – 11 % sur un an à 37 milliards de dollars. La firme de feu Steve Jobs enregistre néanmoins un chiffre d’affaires en hausse de 9 % à 170,9 milliards. Mais les ventes d’iPad stagnent. Selon le cabinet d’étude IDC (2), la part de marché du numéro un des tablettes n’a jamais été aussi basse : 29,6 % contre 40,2 % il y a un an, Apple étant talonné par Samsung et ses 20,4 %. De même, la part de la pomme recule dans les smartphones à 13,1 % contre 14,4 % il y a un an. Pendant que le numéro un Samsung progresse à 31,4 % contre 31 %. La croissance d’Android dans les tablettes se fait au détriment de l’iPad, tandis que la domination d’Android dans les smartphones (80,6 % de parts de marché, selon ABI Research) a relégué l’iPhone au second plan. @

L’enquête de Bruxelles plane sur Numericable coté

En fait. Le 8 novembre, l’action Numericable à 24,80 euros (au prix fort) a réussi son départ à la Bourse de Paris en gagnant près de 15 % au cours de cette première journée. Ce qui valorise le câblo-opérateur 3,5 milliards d’euros, lui permettant de lever plus de 650 millions d’euros pour se désendetter.

En clair. On est loin du bond de 92 % enregistré la veille à New York par l’action de Twitter le premier jour de cotation, mais quand même ! Si Numericable fait bonne figure malgré ses 2,75 milliards d’euros d’endettement (1) et la tendance baissière après la dégradation le jour même de la note souveraine de la France (2), c’est que les actionnaires du câblo-opérateur espèrent une fusion avec le groupe SFR l’an prochain lors de l’introduction en Bourse de ce dernier à la fin du premier semestre 2014. A moins que Bouygues Telecom ne se décide à lancer une offre sur Numericable… Quoi qu’il en soit, cet état de grâce, auquel contribuent Vodafone et Liberty Global qui s’emparent de deux autres câblo-opérateurs européens (respectivement Kabel Deutschland pour 7,7 milliards d’euros et Virgin Media pour 17 milliards), pourrait ne pas faire long feu. Une épée de Damoclès est en effet au-dessus de la holding Ypso du câblo-opérateur que détiennent les fonds Altice du fondateur Patrick Drahi (30 % contre 24 % avant l’introduction), Carlyle (26 % contre 37,5 %) et Cinven (18 % contre 37,5 %), le flottant étant à ce stade de 24 %.

Cette épée s’appelle la Commission européenne, laquelle a lancé le 17 juillet une enquête approfondie sur la possible aide d’Etat dont a bénéficié Numericable lors de la « cession à titre gracieux [au câblo-opérateur français entre 2003 et 2006] de réseaux câblés et de fourreaux opérée par 33 municipalités françaises » (3). C’est France Télécom, bien qu’il ne soit pas nommé, qui a porté plainte à Bruxelles par courrier du 26 janvier 2009 contre cet « avantage économique » donné à Numericable. Il s’agirait bien d’une aide d’Etat dans la mesure où la France n’a confié aucune obligation de service public au « câblo ». Bruxelles, qui a recueilli jusqu’au 17 octobre les observations des parties intéressées, doit encore rendre son verdict. « Le groupe conteste fermement l’existence d’une quelconque aide d’Etat », se défend Numericable dans son prospectus publié par l’AMF le 18 septembre. Et de prévenir plus loin : « Si le groupe perd une partie de son statut d’opérateur sur une partie de son réseau, (…) ou s’il doit donner accès à son réseau à ses concurrents à des conditions économiquement non satisfaisantes, cela pourrait avoir une incidence défavorable significative sur son activité, ses résultats d’exploitation et sa situation financière ». @