Timeline

13 décembre
• Fleur Pellerin lance « la stratégie numérique à l’école » et un groupe de travail au sein du nouveau Conseil national du numérique.
• La Commission européenne clôt son enquête antitrust sur Apple et 4 maisons d’éditions, dont Hachette Livre (mais poursuit avec Penguin) à propos des prix des ebooks.
• Vivendi annonce l’arrivée dans son conseil de surveillance de Vincent Bolloré (membre) et de l’ex-Apple Pascal Cagni (censeur).
• Amaury Médias propose L’Equipe en réalité augmentée (vidéos, publicités, …) via smartphones, grâce à PaperPlay de Redshift.
• miLibris, le « iTunes de l’écrit » (500 publications et 30.000 ebooks), va porter de 25 à 42 le nombre de ses salariés d’ici juin 2013.
• Le CFC lance Distre-Presse avec 19 titres (sur 2.400), accessibles par l’Argus de la Presse et Kantar Media-PressIndex, prestataires de panoramas de presse et articles à la demande (clipping).
• Dailymotion va lancer « Kids Plus » sa première offre SVOD (4,49 euros/mois), selon « Les Echos ».
• Google AdSense, la régie pub, indique être utilisée par plus de 2 millions d’éditeurs dans le monde en 2012.
• Google Maps revient sur iPhone/iPod Touch après l’échec de Maps d’Apple.
• eBay et sa filiale Paypal voient leurs locaux parisiens perquisitionnés par le fisc, rapporte « L’Expansion ».

12 décembre
• Fleur Pellerin présente en conseil des ministres le décret de création du nouveau Conseil national du numérique.
• Le CSA lance les 6 nouvelles chaînes HD gratuite de la TNT : Chérie 25 (NRJ), RMC Découverte (NextRadioTV), 6Ter (M6), HD1 (TF1), L’Equipe 21 (Amaury) et Numéro 23 (Diversité TV).
• Wikipedia dit vouloir atteindre 1 milliard d’utilisateurs d’ici 2015, soit deux fois plus qu’aujourd’hui.
• UltraViolet, le « iTunes des studios américains », atteint 7 millions de comptes enregistrés, affirme Sony Pictures Home Entertainment à « Home Media Magazine ».
• Vente-privee.com annonce le lancement début 2013 d’un service de musique en ligne.
• Copiepresse (presse belge francophone) annonce un accord avec Google après sept ans de litiges : pas d’indemnités ni de redevances, mais un partenariat commercial.
• Orange et ePresse lancent Presse.lemoteur.fr : articles de 5 quotidiens et de 3 hebdos (et du sport début 2013).
• ePresse lance deux bouquets thématiques, sports (6 euros/ semaine) et business (25 euros/mois).
• Numelyo, bibliothèque numérique, est lancée par la ville de Lyon en partenariat avec Google.
• L’Arcep publie sa décision datée du 22-11-12 d’enquête sur les ralentissements de YouTube sur Free, UFC-Que Choisir lui ayant demandé le 10-09-12 de se saisir du dossier.
• Reed Midem rachète LeWeb, la conférence Internet de Loïc Le Meur.
• Le Parlement adopte un projet de loi de lutte contre le terrorisme, qui prolonge jusqu’en 2016 la surveillance téléphonique et Internet.
• IHS iSuppli prévoit une chute de 36 % des ventes mondiales de e-readers pour 2012 à 14,9 millions d’unités.

11 décembre
• Apple voit son action boursière en hausse à la suite d’une note prometteuse de Morgan Stanley sur le potentiel de l’iTV.
• Twitter lance ses propres fonctionnalités photos pour remplacer Instagram de Facebook.
• Médiamétrie et GfK estiment à près de 3 millions le nombre de foyers français équipés d’une tablette.
• Fleur Pellerin, lors de son audition au Sénat : « Nous sommes favorables à un rapprochement CSA-Arcep, mais pas à une fusion ».
• Adionomy montre dans une étude que le spot audio publicitaire en mid-roll (inséré dans le flux radio) limite le plus les pertes d’audience.
• NRJ Group confirme son offre d’acquisition de 20 % du capital de Virgin Radio, laquelle négocie avec Goom.

10 décembre
• Le Berec publie ses travaux sur la neutralité du Net.
• L’Arcep et le CGEIET publient la 10e enquête du Credoc sur les TIC en France : 36 heures en moyenne passées devant des écrans (hors mobiles), dont 20 devant la télé.
• Linternaute.com arrive et prend la tête du classement Médiamétrie des sites web d’actualité, devançant Lefigaro.fr et Lemonde.fr.

7 décembre
• Canal+ lance sa plateforme « Music », en partenariat avec Spotify (Canalplus.fr/music).

6 décembre
• La mission Lescure livre ses premières pistes de réflexion : revoir la responsabilité des hébergeurs, déréférencer les sites illégaux et couper leur ressources financières.
• Google rend disponible Snapseed, une appli photo pour concurrencer Instagram de Facebook.

5 décembre
• Le CMST invente la lentille de contact intégrant un écran LCD.
• Flurry montre que le temps passé sur les applis mobiles dépasse celui sur le Web, et est en passe de détrôner la télévision.

4 décembre
• Fleur Pellerin et Jean-Pierre Jouyet, DG de la CDC, lancent la mission de préfiguration de « Paris capitale numérique » (cartographie confiée à Tariq Krim).
• Sanspapier.com lance sa plateforme de livres numériques.

3 décembre
• SFR se désengage de la TV sur ADSL et de la VOD pour les confier à Canal+, selon « Bfmtv.com ».
• Deezer et YaSound mutualisent leurs flux musicaux sur Internet.

L’ère du worktertainment

Hier soir, en partant du bureau, je suis rentré m’assoir à
ma table de travail. Et ce matin, en poussant la porte de
mon bureau, je me suis retrouvé dans ma chambre… Comme pour désormais la majorité d’entre nous, la frontière entre vie professionnelle et vie privée s’estompe un peu plus chaque jour. Le phénomène est bien connu et a été anticipé maintes fois depuis fort longtemps. Les années 1970 furent celles d’un télétravail annoncé et étudié sous toutes les coutures, mais qui tarda à venir. Dans les années 1990, c’est au tour du desk sharing de faire une apparition timide. La mutualisation des postes de travail fut tout d’abord introduite par de grandes sociétés de conseil américaines,
dont les collaborateurs travaillaient principalement chez leurs clients. Mais en 2010,
on estimait déjà à un tiers les entreprises ayant appliqué ce système pour une partie
de leurs salariés, le plus souvent en adoptant un ratio de sept postes de travail pour
dix salariés. L’ensemble des technologies contribuant à faciliter la mobilité des postes
de travail a finalement accéléré le phénomène. En 2012, dans de grands pays européens, une personne équipée d’un smartphone sur deux était concernée par le phénomène du BYOD (Bring Your Own Device). Cette pratique consiste, pour les salariés d’une entreprise, à venir au travail avec leur propre équipement. Les conséquences de ce phénomène sont bien connues : l’employé utilise des services et des terminaux à domicile souvent bien plus puissants et faciles d’utilisation que ceux fournis par l’employeur. Ce qui a longtemps mis les directions informatiques sous pression. Aujourd’hui, l’équipement de base est constitué d’une tablette connectée, d’un smartphone, d’un accès permanent aux applications disponibles dans le cloud et d’une série d’applications collaboratives dérivées des « applis » les plus populaires.

« Ses collègues font partie d’un réseau étendu
et son supérieur hiérarchique adopte le titre
pompeux de Chief Chaos Officer ! »

Sous les coups de boutoir répétés de l’innovation, l’entreprise a donc rendu les armes en utilisant même le phénomène à son profit. Elle a ainsi suivi les pionniers qui, il y plus de dix ans, firent de l’abolition des frontières entre sphères privée et professionnelle une alliée dans la recherche de toujours plus d’efficacité et de productivité de leurs cols blancs : des toboggans à la place d’escaliers, des salles de réunions aménagées comme des salles à manger, des salles d’isolement meublées comme une chambre d’enfant, sans parler des baby-foot, billards et autres flippers, comme autant de signes finissant de brouiller les repères. Les limites des open spaces d’antan sont tellement dépassées que les bureaux d’aujourd’hui, privés de murs, sont grand-ouverts sur l’extérieur.
Le travailleur, salarié ou indépendant, est désormais un contributeur dont le bureau est
un espace provisoire : dans les transports, chez lui, dans un espace de travail partagé (coworking), et parfois dans les locaux de son employeur. Ses collègues font partie d’un réseau étendu et son supérieur hiérarchique adopte le titre pompeux de Chief Chaos Officer ! Ce dernier fait figure de grand organisateur de ce nouveau monde du travail dématérialisé. Bref, nous sommes définitivement entrés dans une nouvelle ère de l’histoire du travail, celle du work entertainment, où s’interpénètrent les temps de travail et de loisirs. Même la formation est permanente et ludique grâce à l’usage généralisé des serious games. Et nous venons de franchir une nouvelle étape dans cette direction :
de plus en plus d’entreprises proposent à leurs employés des packs numériques complets intégrant, outre les équipements de bases, les abonnements permettant un accès universel à tous les médias et tous les contenus. Une manière radicale d’assumer cette évolution et de régler en même temps les questions inextricables de droit de propriété intellectuelle et de diffusion lorsque les œuvres culturelles sont écoutées (musiques), regardées (films), lues (livres) ou utilisés (jeux vidéo ou logiciels) dans l’enceinte professionnelle. Il est loin le temps où l’arrivée des premiers Minitel introduisait les jeux en ligne au bureau pour la plus grande crainte des dirigeants et celle d’un Scott Adams, qui pouvait faire dire à son fameux Dilbert que « le patron constitue le plus gros obstacle à l’oisiveté au bureau ». @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Les tarifs des telcos
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut a publié son enquête
« Smartphone en entreprise
(Allemagne, France, Royaume-Uni) »,
par Anne Causse, consultante.

La rémunération pour copie privée appliquée au « cloud » n’est pas pour demain

Le 23 octobre dernier, le très contesté Conseil supérieur de la propriété littéraire
et artistique (CSPLA), a publié un avis selon lequel la redevance pour copie privée devrait s’appliquer aux services en nuage (cloud). Les sociétés d’auteurs sont satisfaites, les acteurs du numérique ulcérés.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Selon CSPLA, la redevance pour copie privée doit s’étendre aux services de stockage en ligne qu’il s’agisse de services de stockage personnel de type Dropbox, Hubic ou Skydrive, ou bien ceux liés à une plateforme de téléchargement légal,
ou encore ceux proposant des fichiers de substitution comme iTunes Match. A contrario, la Commission européenne semble aujourd’hui privilégier une analyse de la question sous l’angle du droit exclusif et non sur la base de l’exception pour copie privée.

Vingt-sept ans d’exception
En l’absence de texte tranchant expressément cette question, il convient de rester vigilant quant à l’évolution des règlementations en projet, afin de surveiller la direction qui sera prise par le législateur sur l’éventuel assujettissement du cloud computing aux contraintes liées aux droits d’auteurs et aux droits voisins.
Le principe de rémunération pour copie privée, introduit en 1985 dans notre droit d’auteur national, est la contrepartie de l’exception au monopole de l’auteur sur le droit de reproduction de son oeuvre – dès lors que cette exception est limitée à l’usage privé du
« copiste ». Repris dans 25 des 27 pays l’Union européenne (1), il a été consacré par la directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Cette exception
au droit exclusif de l’auteur sur la reproduction de son oeuvre a pour conséquence le paiement d’une somme forfaitaire, laquelle permet d’assurer aux ayants droits une rémunération sans limiter la diffusion de leurs oeuvres via des copies destinées à un usage privé. Or la rémunération pour copie privée est aujourd’hui bousculée sous l’effet d’un triple mouvement technique, juridique et juridictionnel, comme l’a indiqué un rapport de la commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale (2).
Ainsi, du point de vue juridique, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé en 2010 la portée de l’exception pour copie privée dans la célèbre affaire Padawan (3), en indiquant qu’il doit exister un « lien nécessaire » entre l’application de
la redevance et « l’usage présumé [des supports] à des fins de reproduction privée » et que, par voie de conséquence « l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard [de supports] non mis à la disposition d’utilisateurs privés
et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation des copies à usage privé » n’est pas conforme à la directive 2001/29 précitée. La prise en compte de cette décision au sein du système français a alors partagé les experts entre les partisans
d’une interprétation restrictive selon laquelle la formule « non mis à disposition d’utilisateurs privés » devait être entendue comme l’équivalent de « non offerts à l’achat d’utilisateurs privés », et les tenants d’une interprétation plus extensive selon laquelle la rédaction communautaire devait être comprise comme « non vendus à des utilisateurs privés ». Dans ce cas, le droit communautaire exigerait que tous les supports soient exclus de l’assiette de la rémunération dès lors qu’ils sont vendus à des professionnels.
Sollicité par Canal + Distribution pour annuler la décision n°11 du CSPLA (4), le Conseil d’Etat (5) a retenu la seconde interprétation en considérant que la décision attaquée était illégale au regard de l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle (CPI) et de la directive communautaire 2001/29/CE « en décidant que l’ensemble des supports (…) seraient soumis à la rémunération, sans prévoir la possibilité d’exonérer ceux des supports acquis, notamment à des fins professionnelles, (…) la commission (CSPLA) avait méconnu les principes ainsi énoncés ».

L’avis contestable du CSPLA
A la suite de ces deux affaires, l’article L 311-8 du CPI a été modifié par la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 sur la rémunération pour copie privée afin d’étendre l’exonération de cette rémunération aux supports d’enregistrement « acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée ». Victime de la diminution des recettes de la copie privée causée par le délitement de la notion même de reproduction sur un support physique au profit du stockage temporaire des données sur des serveurs distants, le CSPLA a donc rendu un avis pour le moins contestable. De surcroît, ce Conseil ne ferait pas l’unanimité en son propre sein.
Ainsi, selon le CSPLA, deux constats justifient l’application de l’exception de copie privée aux reproductions multiples de contenus faites à l’initiative de l’utilisateur sur ses terminaux personnels, grâce à certaines fonctionnalités de l’informatique en nuage :
1 • Le fait que l’exercice du droit d’auteur exclusif et sa contrepartie en matière de rémunération au cas par cas est rendu impossible par le statut « d’hébergeur » des fournisseurs de mémoire distante ;
2 • Le fait que certains services de cloud offrent des fonctionnalités « dont les effets
sont identiques à des méthodes de synchronisation préexistantes dans un environnement matériel personnel ».

L’Europe aura le dernier mot
Or, si les prestataires de services de cloud computing ont le statut d’hébergeur, ils bénéficient d’un régime de responsabilité allégé (article 6.I.2 de la LCEN et 13 de la Directive ecommerce 2000/31/CE) qui leur permet d’échapper, dans une certaine limite,
à toute responsabilité sur les contenus en termes de droit d’auteur. Ils ne sont donc soumis ni au régime de l’autorisation expresse préalable, ni au régime dérogatoire de
la copie privée qui relève lui aussi du droit d’auteur.
Dans l’hypothèse contraire, il n’est pas exclu que certains prestataires de services de stockage et d’accès à distance de contenus culturels, également éditeurs, agissent en application d’accords préalables pleinement négociés avec les titulaires de droits. Or,
le cumul des prélèvements est illégal et en tout état ne peut être répercuté sur le consommateur final.
Par ailleurs, si la Commission européenne persistait à inviter les acteurs à négocier sur le terrain du droit exclusif plutôt que celui de l’exception « copie privée » et à s’assurer que les services de cloud computing sont basés sur la rémunération directe des ayants droits au lieu des prélèvements indirects, alors l’avis du CSPLA serait en contrariété avec le cadre communautaire et toute décision prise sur cette base serait illégale.
Enfin, comment le CSPLA pourrait-il prétendre par avance que toutes les copies faites
par un utilisateur sur un terminal personnel de contenus stockées à distance auraient un usage strictement privé ? En résumé, la taxation pour copie privée du cloud computing
est loin d’être acquise. @

FOCUS

Le Conseil Constitutionnel va-t-il revoir « la copie » ?
A la suite de SFR, le Syndicat de l’industrie des technologies de l’information (SFIB) a déposé le 5 novembre 2012 une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant la loi du 20 décembre 2011 – à propos de la nonexonération effective des usages professionnels en matière de copie privée.
Le 18 octobre dernier, la Cour de cassation avait déjà transmis au Conseil Constitutionnel une QPC à l’initiative de SFR, qui remet en cause deux articles de cette loi. En effet, alors que les entreprises ne doivent pas payer la taxe copie privée pour un usage professionnel, elles s’en acquittent pourtant aujourd’hui et ne peuvent être remboursées qu’au prix de démarches administratives complexes pour obtenir in fine le remboursement de quelques euros seulement. « Payez d’abord … voyons après ! Un an plus tard c’est mission impossible pour les entreprises », déplore Xavier Autexier, Délégué général du SFIB, qui parle aussi de « sentiment d’impuissance » face à ce « mur administratif ». L’exaspération grandissante du secteur gagne ainsi les plus hautes sphères de l’Etat. @

Le « père » du Net oppose Google au traité de l’UIT

En fait. Le 3 décembre, l’Américain Vinton Cerf – qui s’est inspiré en 1973 des travaux datagramme du Français Louis Pouzin pour co-créer Internet – a milité pour un Internet libre et ouvert et contre les velléités de l’Union internationale
des télécoms (UIT) de le censurer et de le réguler.

En clair. « Des gouvernements ont utilisé la réunion de l’UIT [qui s’est tenue du 3
au 14 décembre à Dubai, ndlr] pour tenter d’accroître la censure et la régulation d’Internet », s’est inquiété Vinton Cerf, le cofondateur avec Robert Kahn et Louis Pouzin (lire ci-dessous) du réseau des réseaux. En tant que viceprésident de Google, où il officie depuis octobre 2005 comme Chief Internet Evangelist, Vinton Cerf s’est adressé ainsi dans un e-mail de remerciement envoyé le 3 décembre à chacun des millions supporters de la campagne pour un Internet libre et ouvert. La firme de Mountain View a lancé un appel aux soutiens à travers Google.com/takeaction, qui a dépassé les 3 millions de signatures. « Ensemble, nous pouvons protéger un Internet libre et ouvert. Faites entendre votre voix », a-t-il lancé pour peser contre, selon lui,
la tentative de mainmise sur le Net des Etats via l’UIT. Des gouvernements et des opérateurs télécoms historiques ont tenté de réviser en leur faveur le Règlement des télécommunications internationales (RTI) quirégit depuis 1990 les interconnexions des télécoms entre pays (1).
Dans une tribune publiée sur cnn.com datée du 30 novembre dernier, Vinton Cerf estime que « Internet est menacé », en se référant à l’étude d’Open Net Initiative où sont recensés 42 pays (sur les 72 étudiés) pratiquant le filtrage et la censure des contenus en ligne. Quant à l’organisation Freedom House, elle repère sur les deux années passées 19 nouvelles lois menaçant la liberté d’expression. « Habitués à contrôler les médias, ces Etats s’inquiètent de perdre le contrôle d’Internet et de voir les idées non autorisées se propager. Ils ont peur que les gens utilisent Internet pour les critiquer », explique l’évangéliste du Net. Des amendements au RTI ont tenté de justifier la censure, voire la coupure de l’accès Internet, d’interdire les communications anonymes sur le Web.
Il a même été proposé d’imposer aux fournisseurs de contenus un péage pour pouvoir atteindre les internautes au-delà des frontières ! « Nous ne plaidons pas pour la fin de l’UIT (…) mais cette agence intergouvernementale est le mauvais endroit (2) pour prendre des décisions sur le futur d’Internet », estime Vinton Cerf.
Rappelons qu’il fut par le passé président de l’Icann (3), l’organisation américaine contestée qui gère les noms de domaine de l’Internet. Le 13 décembre, les Etats-Unis
ont fait savoir qu’ils ne signeront pas le nouveau RTI… @

La réforme IPRED remise aux calendes grecques ?

En fait. Le 5 décembre, la Commission européenne a dévoilé un nouveau calendrier « pour moderniser [adapter] le droit d’auteur dans l’économie du numérique » et relancé pour 2013 un dialogue sous la houlette de trois commissaires : Michel Barnier, Neelie Kroes et Androulla Vassiliou. Décisions en… 2014.

En clair. La directive Respect des droits de propriété intellectuelle, dite IPRED (Intellectual Property Rights Enforcement Directive) et datant de 2004 (1), ne sera
pas révisée avant 2014, voire 2015. Surtout que le mandat de l’actuelle Commission européenne de José Manuel Barroso se termine en… octobre 2014. Bruxelles a en
effet prévu de « décider en 2014 de l’opportunité de présenter ou non des propositions
de réforme législative ». Autrement dit : un pas en avant, deux pas en arrière ! Malgré l’explosion de la musique en ligne depuis dix ans et les bouleversements que le numérique engendre dans cette industrie culturelle, suivie aujourd’hui par le cinéma notamment, la Commission européenne a décidé de se hâter lentement. Alors qu’initialement des propositions législatives devaient être présentées au printemps 2011 (2) (*) (**), elles ont été repoussées ensuite au printemps 2012 comme le commissaire européen Michel Barnier nous l’avait indiqué (cf. son interview en juin 2011 dans EM@37 p. 1 et 2). Puis, mi-2012, on apprenait que la Commission européenne ne fera pas d’emblée des propositions législatives au Conseil et au Parlement européens mais lancera une consultation publique auprès des parties prenantes (auteurs, artistes, producteurs, éditeurs, sociétés de droits d’auteur, plateformes numériques, etc) et une étude de marché et analyse d’impact. Rapidement, le calendrier glissait à fin 2012, les lobbies étant à l’oeuvre.
Nous y sommes ! Or la réforme est renvoyées aux calendes grecques : le président
de la Commission européenne, José Manuel Barroso, vient de demander à trois de ses commissaires – Michel Barnier (Marché intérieur), Neelie Kroes (Agenda numérique) et Androulla Vassiliou (Education et culture) – de poursuivre la réflexion baptisée Licencing Europe. Certes, la Commission a transmis le 12 juillet au Parlement européen et au Conseil de l’Union son projet de directive sur la gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins, ainsi que sur les licences multi-territoriales pour les plates-formes de musique en ligne (3). Mais le plus dur reste à venir avec la révision de la directive IPRED, notamment des notions d’exceptions au droit d’auteur et de copie privée. C’est sur ce sujet sensible que le médiateur António Vitorino doit remettre dans les toutes prochaines semaines ses recommandations. @